Nos droits : le Droit de grève |
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reconnu par la Constitution mais aussi par des textes communautaires.
Ce droit de nuire reste souvent l’ultime recours pour obliger l’employeur à s’asseoir à la table des négociations et à ouvrir des discussions! Ce droit essentiel constitue l’un des principaux contre-pouvoirs à la disposition des salariés, c’est pourquoi il est l’objet de remise en cause incessante par le patronat qui cherche sans cesse à le restreindre voire à l’éteindre !La lutte autour de ce droit se poursuit aujourd’hui par notre action contre les réquisitions de grévistes, par les actions judiciaires visant l’obtention de décisions de justice positives, et surtout par l’utilisation de ce droit « qui ne s’use que si l’on ne s’en sert pas ».
La grève est une cessation collective et concertée de travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles. C'est un droit de porter atteinte aux intérêts de l'employeur (perte de production, de clients etc.), pour faire pression afin d'obtenir des droits ou les faire respecter.
Tous les travailleurs du secteur public, qu'ils soient fonctionnaires titulaires ou stagiaires, et les salariés de droit privé, en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée, sont soumis à l'article 7 du préambule de la Constitution française qui reconnaît à tous le droit fondamental de faire grève.
Dès lors qu'un préavis de grève a été déposé, tout salarié peut se mettre en grève, qu'il soit ou non syndiqué ou qu'il soit syndiqué dans une autre organisation que celle qui a déposé le préavis. le 17-01-2023 |
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Nos droits : Comment calculer des congés payés! |
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La méthode de calcul des congés payés est souvent fausse. Par facilité, par méconnaissance ou parfois délibérément, les employeurs n’utilisent pas la bonne assiette pour calculer l’indemnisation des congés payés.
Les congés payés, comment ça marche ?
Tout salarié a droit à 2,5 jours ouvrables de congés payés (CP) par mois de travail effectif, chez le même employeur. Soit 30 jours ouvrables par an (du 1er juin de l’année N-1 au 31 mai de l’année en cours).
Le droit du travail prévoit deux possibilités pour rémunérer les CP : soit l’employeur maintient le salaire habituellement perçu, soit il applique la règle dite du 1/10e, c’est-à-dire un dixième de la rémunération brute annuelle.
Certaines primes sont intégrables dans le calcul des congés payés
Calculer le congé payés avec la règle du 1/10e est plus avantageux pour le salarié (sauf s’il a bénéficié récemment d’une augmentation de salaire significative) car l’employeur doit inclure le salaire de base et y ajouter certaines primes et indemnités. Elles viennent grossir l’assiette servant à calculer ce fameux dixième.
Quelles primes ? « Elles doivent répondre à trois critères cumulatifs: présenter un caractère obligatoire pour l’employeur, constituer la contrepartie du travail effectué par le salarié et enfin, rémunérer une période effectivement travaillée ». Une prime trimestrielle, par exemple, ne rentre pas dans les critères ».
Parmi les primes intégrables dans le calcul des congés payés, citons les majorations de salaire pour heures supplémentaires ou travail de nuit, la prime d’astreinte, le congé maternité et paternité, les indemnités de congés payés de l’année précédente, la prime d’ancienneté (si elle n’est pas versée pour l’année), la prime d’assiduité versée mensuellement, les commissions pour les commerciaux, ou la prime d’expatriation.
En revanche, la prime de fin d’année, d’intéressement ou les frais professionnels n’entrent pas dans le calcul.
le 28-11-2022 |
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CDD et CTT: le délai de carence ne peut pas être supprimé ! (Chronique Ouvriere) |
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L’arrêt du Conseil d’Etat, Fédération Force Ouvrière des employés et cadres, rendu le 27 avril 2022, a été remarqué en ce qu’il énonce clairement qu’il ne saurait y avoir une suppression générale du « délai de carence » applicable aux contrats de travail à durée déterminée par une convention collective (voir AJDA 2022, 902).
Le Conseil d’Etat a considéré qu’un avenant à la convention collective de Pôle emploi ne pouvait pas prévoir d’exclure de façon générale l’application du « délai de carence » dans tous les cas de succession de contrats de travail à durée déterminée. Il a en effet relevé que les dispositions de l’article L. 1244-4 du Code du travail ne permettent pas à une convention ou un accord de branche étendu de déroger au principe, prévu par l’article L. 1244-3 du même code, de l’application d’un « délai de carence » que dans certains cas seulement, qu’il lui appartient alors de définir et qu’elles font par suite obstacle à ce qu’une telle convention ou accord de branche puisse légalement prévoir que le « délai de carence » ne s’appliquera pas de façon générale dans tous les cas de succession de contrats à durée déterminée.
Le Conseil d’Etat a en conséquence annulé l’arrêté de la Ministre du travail qui avait procédé à l’extension de la disposition conventionnelle litigieuse.
Bref, comme l’a souligné le commentateur de l’AJDA, « déroger au principe n’est pas le supprimer » (AJDA 2022, 902).
Le « délai de carence », ou « délai d’attente », qui concerne aussi bien les contrats de travail à durée déterminée que les contrats de travail temporaire, est un élément central de la réglementation des contrats précaires qui a été mis en place pour renforcer l’interdiction de recourir à ces contrats pour pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
La loi en date du 15 septembre 2017 habilitant à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social et les articles L. 1244-4 (concernant les contrats à durée déterminée) et L. 1251-37 (relatif aux contrats de travail temporaire) du Code du travail n’autorisaient donc pas les signataires d’un accord de branche à transgresser la règle fondamentale de subsidiarité des contrats précaires en procédant à la suppression du « délai de carence ».
Le lecteur régulier de Chronique Ouvrière ne pourra que constater que l’arrêt du Conseil d’Etat rappelant l’interdiction de procéder à la suppression du « délai de carence » s’inscrit dans le droit fil des développements consacrés par notre revue à l’impossibilité pour les partenaires à un accord collectif de branche d’en finir avec ce « délai d’attente » pour pouvoir précariser sans entraves (voir F. GÂCHE et P. MOUSSY, « La devise des signataires de l’accord de la métallurgie du 29 juin 2018 : des contrats précaires à la chaîne ! », Chronique Ouvrière du 2 décembre 2018, http://www.chronique-ouvriere.fr/spip.php?article971).
Mais il relèvera également que l’article mis en ligne sur Chronique Ouvrière a été écrit après la signature d’un accord dans la métallurgie qui ajoutait à la liste du Code de travail prévoyant la possibilité de ne pas prévoir de délai de carence en cas de recours à un contrat de mission conclu dans le cadre de l’intérim l’hypothèse de la survenance de deux contrats successifs conclus dans le cadre de l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise. Ce qui avait pour effet de faire disparaître purement et simplement le délai de carence pour tous les intérimaires amenés à travailler dans la métallurgie.
Par son arrêt du 19 mai 2021 (n° 426825), le Conseil d’Etat a validé l’arrêté d’extension de l’accord intervenu dans la métallurgie après avoir considéré que le moyen tiré de ce que l’arrêté litigieux ne pouvait légalement étendre les dispositions conventionnelles permettant de ne pas appliquer le « délai de carence » lorsque les deux contrats successifs sont conclus en raison de l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ne « présentait pas à juger une question sérieuse » et ne pouvait qu’être écarté.
Il a donc suffi aux rédacteurs de l’accord de la métallurgie de dresser une liste de cas d’exemption du « délai de carence » ayant pour effet d’exclure toute obligation d’observer ce « délai d’attente » pour échapper au constat que les signataires de l’accord avaient entendu supprimer le délai de carence.
Il reste à organiser à l’intention des membres du Conseil d’Etat des stages de lecture intelligente.
09-2022 |
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Nos droits: Un préjudice d’anxiété |
|  | Dans l'arrêt n° 20-11.046, la cour d'appel, ayant constaté que le salarié produisait des attestations de proches faisant état de crises d'angoisse régulières, de peur de se soumettre aux examens médicaux, d'insomnies et d'un état anxio-dépressif, a pu en déduire que l'existence d'un préjudice personnellement subi était avérée.
le 20-06-2022 |
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Nos droits: Un suppléant au CSE avec des heures de délégation, peut être DS dans les entreprises de moins de 50 salariés |
|  | Seul un membre suppléant du CSE, disposant d’un crédit d’heures de délégation en vertu d’un accord de répartition signé entre titulaires et suppléants, d’un protocole préélectoral, d’un accord collectif dérogatoire ou du fait qu’il remplace un titulaire absent, peut être désigné en qualité de délégué syndical dans les entreprises de moins de 50 salariés, juge la Cour de cassation dans un arrêt du 23/03/2022.
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Nos droits:Salaires et blocages : que dit la loi |
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Qu’en est-il de la rémunération du salarié qui n’a pu se rendre sur son lieu de travail ?
Le salaire étant la contrepartie de la prestation de travail, d'un point de vue juridique, l'employeur n'est pas tenu de payer, le salarié qui ne peut se rendre sur son lieu de travail du fait des blocages. Cependant, compte tenu des circonstances exceptionnelles, l’employeur peut accepter de prendre en charge le paiement du salaire.
Qu’en est-il pour le salarié qui a pu se rendre sur son lieu de travail, mais a trouvé son entreprise fermée ?
Dès lors que le salarié est présent sur son lieu de travail aux heures auxquelles il doit l'être, l'employeur doit lui verser son salaire et ce même si l'entreprise est fermée. L’engagement contractuel veut juste que le salarié se tienne à la disposition de l'employeur.
Quel autre recours, tant pour les salariés que pour les employeurs ?
Le recours à l'activité partielle est une solution avec laquelle les entreprises se sont familiarisées durant la crise sanitaire. Elle peut trouver à s'appliquer dans la situation actuelle. Elle permettra aux employeurs de bénéficier d'une aide financière afin de maintenir les salaires à hauteur de 60 % du salaire brut du salarié.
le 03-12-2021 |
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Nos droits: Harcèlement sexuel: nouvelle définition dans le Code du travail |
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La notion de harcèlement sexuel dans le Code du travail a été complétée par la loi santé pour être rapprochée de celle existante au Code pénal.
Ainsi, les propos ou comportements à connotation sexiste sont désormais intégrés à la définition du harcèlement sexuel au travail. Le harcèlement sexuel d’un salarié peut désormais aussi être constitué :
lorsqu'un même salarié subit des propos ou comportements (à connotation sexuelle ou sexiste) venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée ; lorsqu'un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.
Une différence majeure entre les deux définitions a en revanche été conservée : la notion d’élément intentionnel. Contrairement au Code pénal qui utilise le terme « imposer » concernant les propos et comportements, le Code du travail parle en effet de propos ou comportements « subis ». L’infraction peut donc être reconnue en droit du travail même s’il n’y a pas d’élément intentionnel. Ce point a été débattu pendant l’examen de la loi santé mais n’a au final pas été modifié.
Notez-le
Les employeurs doivent afficher ou informer par tout moyen les salariés du texte de l'article 222-33 du Code pénal qui définit le harcèlement sexuel et expose les sanctions encourues par l’auteur. La définition du harcèlement sexuel au Code pénal n’ayant pas été modifiée, l’obligation d’affichage ou d’information de l’employeur ne connait pas non plus de modification.
A défaut de précision contraire, ces nouveautés entrent en vigueur au 31 mars 2022. le 22-09-2021 |
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Nos droits: L’obligation de reclassement imposé aux employeurs |
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Lorsque le salarié est déclaré par le médecin du travail, inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social (CSE), les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.
Le périmètre de la recherche de reclassement.
La recherche des possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait s’apprécie au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
La notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
L’emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
le 19-07-2021 |
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Nos droits: C’est quoi le droit de retrait ? |
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Face à l’épidémie de covid-19, de nombreux salariés, se posent la question de savoir s’ils peuvent faire valoir leur « droit de retrait ».
Le droit de retrait répond à des règles juridiques bien précises. Il permet à un salarié, lorsque la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, de quitter son poste de travail ou de refuser de l’occuper sans l’accord de son employeur.
Le droit de retrait est encadré par le Code du travail (C. trav., art. L4131-1) : « Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation. L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection. »
Cette notion de « danger grave et imminent » n’est pas définie par la loi. Il est donc de l’appréciation personnelle de chacun. En cas de litige avec l’employeur, c’est la loi qui apprécie « si le salarié justifiait d’un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé ».
Comment exercer son droit de retrait ?
Le salarié doit seulement informer, même oralement, l’employeur du danger constaté et peut immédiatement opérer son retrait.
Quelles conséquences ?
« Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux » (C. trav., art. L4131-3).
C’est donc une mesure qu’il faut mettre en application, en jugeant correctement la situation de danger grave et éminent, qui peut, sinon, être l’objet d’un litige avec l’employeur.
le 20-12-2020 |
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C’est le dialogue direct de vive voix qui permet "d’individualiser au mieux" les propositions de reclassement (Chronique Ouvrière) |
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. « Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi équivalent relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure ».
S’agissant des salariés exerçant une activité syndicale et représentative, il a été souligné que la recherche d’un reclassement doit s’effectuer « aux meilleures conditions possibles » (voir la circulaire DGT 07/2012 relative « aux décisions administratives en matière de rupture ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés », fiche 7b, « Le licenciement pour motif économique. Le contrôle de l’effort de reclassement »).
Dans ses conclusions sous l’arrêt du Conseil d’Etat du 18 février 1977, Sieur Abellan, le commissaire du Gouvernement Philippe DONDOUX a souligné que l’offre de reclassement doit s’effectuer dans un emploi « correspondant au niveau de qualification du salarié protégé » (Dr. Soc. 1977, 170).
Il ressort de la jurisprudence du Conseil d’Etat que l’employeur doit rechercher les possibilités de reclasser le salarié investi de mandats représentatifs aux meilleures conditions possibles compte tenu des postes disponibles, tant au regard de la situation professionnelle de l’intéressé que des conditions d’exercice de ses fonctions représentatives.
Il s’agit de rechercher un emploi équivalent à celui qui se trouve supprimé et qui permette à l’intéressé de continuer à assumer ses responsabilités syndicales (CE 10 février 1978, n° 95006).
Dans la présente espèce, il avait été conçu entre un entre l’association PREFACE et les syndicats représentatifs FO, CGT, UNSA et SUD un plan conventionnel de sauvegarde de l’emploi instituant, au-delà des dispositions légales, une garantie substantielle pour les salariés bénéficiaires de l’obligation d’une recherche sérieuse de reclassement.
Il résultait en effet des dispositions que « préalablement à la remise d’une proposition de reclassement aux salariés concernés par la procédure de licenciement, un entretien sera organisé afin d’établir précisément leur profil professionnel et d’individualiser au mieux les propositions de reclassement qui leur seront adressées »
Il n’a pas été proposé à William PERENNES, représentant syndical CGT au comité d’entreprise et membre du CHSCT, qui était concerné par la procédure de licenciement collectif pour motif économique mise en œuvre par l’association PREFACE de participer à cet entretien voulu par l’accord collectif valant plan de sauvegarde de l’emploi.
Il n’a donc pas été permis à l’intéressé, au cours d’une entrevue permettant un dialogue direct de vive voix, d’exprimer son souhait sur le reclassement le concernant et de le confronter avec l’appréciation portée par l’employeur ou son représentant sur la compatibilité de ses vœux avec les possibilités existant au niveau de l’entreprise ou éventuellement du groupe.
Ce qui aurait dû conduire l’Inspectrice du travail saisie de la demande d’autorisation de licenciement du salarié « protégé » à opposer une décision de refus à l’employeur peu soucieux d’observer les dispositions conventionnelles destinées à « individualiser au mieux les propositions de reclassement ». [Il a été rappelé par la circulaire DGT 07/2012 relative « aux décisions administratives en matière de rupture ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés » que « depuis la décision du Conseil d’Etat du 21 mai 2008 (CE, 21 mai 2008, n° 304, Rahir, Rec. p. 183) il incombe à l’autorité administrative, saisie d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé, d’apprécier, sous le contrôle du juge administratif, si les règles de procédure conventionnelle préalable à sa saisine ont été observées » (Fiche 5 : « Les procédures légales ou conventionnelles internes à l’entreprise »)].
Mais l’Inspectrice du travail et, à sa suite, la Ministre du travail qui, sur recours hiérarchique, a pris une décision confirmative, ont délivré une décision d’autorisation de licenciement ayant pour effet de ne pas sanctionner l’inobservation par l’employeur des règles de procédure découlant de l’accord collectif.
L’association PREFACE s’est prévalue devant le Tribunal administratif d’échanges par courriers ou par mails qui auraient permis de s’assurer de l’adéquation des offres de reclassement faites par l’employeur avec le profil professionnel du salarié.
Mais ce n’étaient pas ces échanges écrits qui étaient de nature à permettre le dialogue direct de vive voix susceptible de permettre une recherche approfondie, effectuée de manière conjointe, des possibilités d’un reclassement aux meilleures conditions possibles.
Le juge administratif a relevé que l’entretien voulu par l’accord collectif « ne pouvait se tenir utilement qu’en présence du salarié concerné » et n’avait pas été organisé préalablement à la transmission des propositions de reclassement n’ayant pas reçu l’agrément de William PERENNES.
Il a ensuite souligné qu’« en n’organisant pas l’entretien prévu par l’accord collectif du 24 novembre 2017, qui aurait permis à l’intéressé de faire état des éléments relatifs à sa situation personnelle, ses qualifications, sa rémunération et ses responsabilités, l’employeur a méconnu les règles de procédure applicables à son contrat de travail et a ainsi privé M. Pérennes d’une garantie ».
La décision ministérielle confirmant la délivrance d’une autorisation de licenciement à l’employeur s’affranchissement joyeusement des obligations procédurales de reclassement voulues par l’accord collectif ne pouvait dès lors qu’être censurée pour erreur de droit.
20-12-2020 |
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Les sanctions disciplinaires des salariés : la notion de faute |
|  | Le régime du droit disciplinaire est lié à la notion de faute, au terme de l'article L.1331-1 du Code du travail. Si le fait invoqué par l'employeur n'a pas de caractère fautif, la sanction n'est pas justifiée.
Il est constant que la violation des règles de discipline et d'organisation collective du travail énoncées dans le règlement intérieur, l'absence de respect des obligations qui découlent du lien de subordination, ou encore un manquement à l'obligation générale de loyauté qui interdit au salarié de se livrer à des agissements moralement ou pénalement répréhensibles, sont autant de faits fautifs de nature à être sanctionnés
Cependant, la notion de faute s'apprécie également au regard de l’ancienneté d'un salarié. Ainsi, l'absence totale de sanction où de reproche antérieur doit être prise en compte pour apprécier la gravité de la faute qui serait commise. |
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La surcharge de travail nuit gravement à la santé (à propos des vertus curatives du principe d’adaptation du travail à l’homme) (Chronique Ouvrière) |
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Interrogé au début du mois de mars sur la crise du coronavirus dans le monde et en France au début du mois de mars, le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux a appelé à respecter la santé des salariés avant toute chose. Ne retenant que la première phrase de la chanson « Le travail c’est la santé »,le Gouvernement a répondu à l’invitation du patron en chef en prescrivant l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant « mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos ». Ce texte édicté dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ne s’est pas contenté d’organiser la confusion entre l’obligation de confinement et le droit à l’évasion.Il s’est également attaché à délivrer des dérogations à la durée maximale du travail, permettant notamment que la limite hebdomadaire de 48 heures puisse être portée à 60 heures. Cette extension de la durée maximale hebdomadaire a suscité des observations mitigées de la part d’une spécialiste de l’ergonomie. « Elle ne me semble pas être la meilleure réponse ; en tout cas je ne pense pas que ses conséquences sur la santé aient été bien mesurées. Cette ordonnance cherche à soutenir une plus grande flexibilité du travail en utilisant le temps de travail des salariés comme variable d’ajustement. Au-delà des questions des horaires, les secteurs et métiers concernés cumulent déjà d’autres formes de pénibilité. Les livreurs, les salariés du secteur de la logistique ou les aides-soignantes sont aussi exposées à des risques d’accidents, à des contraintes temporelles serrées, au port des charges et, aujourd’hui, à des risques biologiques, avec la peur de contaminer ses proches. A cela viennent s’ajouter les risques psychosociaux, des questions de conflits de valeur, sans parler des incertitudes sur l’emploi. Or, ce sont ces salariés, dont l’espérance de vie et l’espérance de vie en bonne santé sont déjà altérées, à qui on va demander de travailler 60 heures par semaine. Les enquêtes européennes ont montré que cette amplitude horaire hebdomadaire entraîne des effets délétères sur la santé ». Cette alerte sur les répercussions négatives pour la santé de l’allongement de la durée du travail ne s’inscrit pas dans une totale osmose avec les récents propos de « décideurs » faisant la promotion d’un travail soutenu. Geoffroy Roux de Bézieux a fortement incité à « travailler un peu plus » pour permettre d’endiguer les conséquences de l’épidémie de coronavirus et de créer de la croissance supplémentaire.Bruno Le Maire, le Ministre de l’économie et des finances, nous a rappelé que nous avions le travail dans la peau : « Nous sommes un peuple français qui est dur au travail, qui aime le travail (…). On va tous se retrousser les manches ». Au risque de se faire poursuivre pour désertion, il convient de militer, au nom de la préservation de la santé, pour ne pas se laisser consumer par la passion pour le travail et d’appeler à l’insoumission à n’importe quelle condition de travail. L’amour pour le travail ne doit pas être aveugle et faire disparaître la vigilance envers les « conditions de travail ». « Parler de « conditions de travail » implique de détacher du travail certains de ses aspects, de convenir que, d’un certain point de vue, ils ne font pas partie du travail, qu’ils en constituent des éléments contingents. Tant qu’un aspect du travail n’en est pas détaché, il fait « évidemment » partie du travail, ce n’est pas une condition de travail. Ce n’est même pas la peine d’en parler. Quand le même aspect est constitué en mauvaise condition de travail, il devient « évident » qu’il est dissociable du travail qu’on peut, voire qu’on doit, le faire disparaître sans que pour autant le métier doive disparaître. Autrefois, c’était le destin des couvreurs de tomber du haut des toits. Aujourd’hui, nous ressentons un tel accident comme inadmissible ».Etant précisé que « les bonnes conditions de travail sont celles qui donnent au travailleur la liberté de construire une activité de travail favorable à sa santé ». Il a été relevé que la santé au travail est devenue l’un des enjeux majeurs du droit social.Il s’est construit un « droit de la santé au travail » possédant « des caractéristiques originales, sous-tendues par son propre système de pensée »,ayant fait émerger un « nouveau modèle de prévention ». Le droit de la santé au travail est irrigué par neuf principes généraux de prévention affirmés par l’article L. 4121-2 du Code du travail. Nous retiendrons particulièrement deux de ces principes. « Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ». « Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu’il est défini à l’article L. 1152-1 ». Il doit de surcroît être souligné que la santé dont sont garants ces principes de prévention « est entendue ici largement ». « Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé correspond ainsi à un « état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » ». « Il serait très réducteur de se limiter à la santé physique, ou même d’opérer un découpage entre santé physique d’une part et santé mentale d’autre part, car ces composantes sont intimement liées dans l’existence de chacun. De plus la santé ne se limite à la « non-maladie ». Être malade constitue certes une atteinte à la santé. Mais la peur, la gêne, l’inconfort, l’irritation, les douleurs, la fatigue, l’ennui, la détérioration de l’aspect physique, l’apparition de déficiences même légères méritent qu’on s’en préoccupe, qu’il y ait ou non un diagnostic médical, qu’il s’agisse ou non de « signes » pathologiques. C’est souvent à ces « petits » troubles que les chercheurs et praticiens en santé au travail se trouvent confrontés ». Le principe fondamental de prévention consistant à « adapter le travail à l’homme » doit conduire l’employeur à être attentif à mettre en place des éléments d’une organisation du travail ne remettant pas en cause directement ou indirectement le bien-être et la santé des travailleurs.La vigilance est nécessaire en ce qui concerne les effets sur la santé de l’intensité du travail ou de la charge de travail. Le droit à la protection de la santé revêt sans nul doute le caractère d’une liberté fondamentale.C’est dès lors à l’employeur, en cas de contentieux, de justifier avoir pris toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des travailleurs.Et l’effectivité du principe de prévention qui irrigue le droit de la santé au travail implique une intervention du travailleur et du juge en temps utile, préalablement à la survenance du dommage, sans attendre le stade de la réparation. I. « Adapter le travail à l’homme », un principe essentiel du droit de la santé au travail. La directive communautaire du 12 juin 1989 « concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail » est un texte fondateur du droit à la protection à la santé du travailleur. Elle prévoit dans son article 5 que « l’employeur est obligé d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail ». Elle souligne dans son article 6.2.d qu’il s’agit d’« adapter le travail à l’homme » et, dans son article 6.2.g, elle indique qu’il faut « planifier la prévention en visant un ensemble cohérent ». Ces obligations à la charge de l’employeur ont été reprises par les principes généraux de prévention énoncés par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail. Elles ont notamment été rappelées lorsque sont survenues des condamnations pour des agissements de harcèlement moral. Selon les termes de l’article L. 1152-1 du Code du travail, « aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Il a été relevé qu’avec ces dispositions, « le législateur a mis fin à un oubli séculaire en mettant au centre de sa définition la dégradation des conditions de travail, opérant ainsi un impressionnant retour aux origines du droit du travail ». Le jugement rendu le 20 décembre 2019 par le Tribunal correctionnel de Paris dans l’affaire France Télécom, qui a retenu le délit de « harcèlement moral institutionnel », a été l’occasion de mettre le projecteur sur des pratiques managériales de dégradation des conditions de travail générant de la souffrance. Un commentateur averti de ce jugement nous a alerté sur le fait qu’« il semble inopportun de considérer que toute dégradation des conditions de travail générant de la souffrance parmi ceux qui la vivent et la subissent puisse être qualifiée de harcèlement moral (institutionnel) ». « Distinction claire devrait être établie entre organisations pathogènes harcelantes et organisations pathogènes stressantes ». Il peut en effet être constaté une méconnaissance manifeste du principe de prévention lorsque la charge de travail subie par le salarié est source de stress. Il avait déjà été affirmé par l’accord-cadre du 17 mars 1975 sur l’amélioration des conditions de travail que « les normes de travail ne doivent pas conduire à un rythme de travail, à une intensité d’effort musculaire ou intellectuel, à une tension nerveuse imposant une fatigue excessive » et que la charge de travail supportée par les salariés doit « être compatible avec les exigences de leur santé physique et mentale ». L’accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 relatif « au stress au travail », conclu un peu plus récemment, a été particulièrement explicite. Son article 3 nous donne la description du « stress » et du « stress au travail ». « Un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. L’individu est capable de gérer la pression à court terme mais il éprouve de grandes difficultés face à une exposition prolongée ou répétée à des pressions intenses. […] Le stress lié au travail peut être provoqué par différents facteurs tels que le contenu et l’organisation du travail ». L’article 4 consacré à l’« identification des problèmes de stress au travail » mentionne une charge de travail excessive comme facteur de stress. « L’indentification d’un problème de stress au travail doit passer par une analyse de facteurs tels que l’organisation et les processus de travail (aménagement du temps de travail, dépassements excessifs et systématiques d’horaires, degré d’autonomie, mauvaise adéquation du travail à la capacité ou aux moyens mis à la disposition des travailleurs, charge de travail réelle manifestement excessive, des objectifs disproportionnés ou mal définis, une mise sous pression systématique qui ne doit pas constituer un mode de management, etc.) ». L’article 5 relève que, « dans la mesure où ils présentent un risque pour la santé et la sécurité », les « problèmes de stress au travail », qui peuvent notamment résulter d’une charge excessive de travail, rentrent dans le champ de l’obligation de prévention mis à la charge de l’employeur par la directive communautaire du 12 juin 1989 et les articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du Code du travail. A. La condamnation des méthodes de management harcelantes porteuses d’une dégradation des conditions de travail nuisant à la santé. Par un arrêt remarqué du 10 novembre 2009, la Cour de cassation a considéré que « peuvent caractériser un harcèlement moral des méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Le principe était ainsi posé que des pratiques managériales de dégradation des conditions de travail portant atteinte aux droits et à la dignité du salarié et altérant sa santé pouvaient être constitutives d’un « harcèlement moral organisationnel ». Il a été observé, à ce sujet, que « l’atteinte à la santé n’est en réalité - et une plongée dans le contentieux permet rapidement de s’en convaincre -, dans la plupart des cas, qu’une conséquence - un effet délétère - de l’offense à la dignité du travailleur ». Des juges du fond, postérieurement à l’arrêt du 10 novembre 2009, se sont inscrits dans la dynamique d’une condamnation du harcèlement moral organisation du harcèlement moral organisationnel. « Le harcèlement moral ne résulte pas forcément d’agissements intentionnels de la part des dirigeants mais découle d’agissements répétés, dans lesquels est incluse l’organisation du travail ayant pour effet de dégrader les conditions de travail et d’altérer l’état de santé du travailleur. L’appelante ne justifie pas qu’elle ait prise en compte dans sa réorganisation l’état de santé de son personnel ». Le point d’orgue a été la condamnation pénale le 20 décembre 2019 des dirigeants de France Télécom à la suite d’un procès mettant au grand jour un « harcèlement moral institutionnel ». « Il ressort des éléments exposés dans les quatre premiers chapitres que le plan NExT, dont la stratégie était d’assurer une « croissance rentable », reposait, notamment, sur une politique de déflation des effectifs concernant tous les employés de FR SA, fonctionnaires comme salariés de droit privé, au mépris de leurs statuts d’emplois. Cette politique a eu pour objet, à partir d’octobre 2006, une dégradation des conditions de travail, les départs n’étant plus volontaires mais forcés, au travers de l’instrumentalisation de dispositifs managériaux subie et mise en œuvre par la hiérarchie intermédiaire ». Le jugement du Tribunal correctionnel parisien a été remarqué en ce qu’il fait ressortir d’une manière détaillée en quoi la « rationalité managériale » peut être source d’une intolérable souffrance. « Les juges analysent les liens entre les différents aspects de l’exercice du pouvoir de direction à tous les niveaux de l’entreprise. Ils ne se limitent pas ici à un contrôle de pratiques, actes ou décisions ponctuelles ou individuelles. En visant une « politique d’entreprise » appliquée sur plusieurs années, les juges mettent en discussion non pas la seule défaillance ponctuelle de l’organisation du travail, notamment au niveau des managers de proximité, mais bien la mise en place, pour ne pas dire l’institutionnalisation, de la défaillance organisationnelle par la direction de l’entreprise pour parvenir, par tous les moyens, aux objectifs de réduction d’emplois. C’est le harcèlement moral en mode de management qui est ici visé. S’en suit la condamnation pénale pour « harcèlement moral institutionnel » des dirigeants de l’entreprise ayant volontairement instauré une politique de ressources humaines qui a pour objet de dégrader les conditions de travail de milliers de travailleurs ». Le manquement au devoir de préservation de la santé ne se réduit pas à la tolérance ou à l’instauration de méthodes de management harcelantes. Il peut également résulter de la mise en place d’une organisation du travail porteuse de stress. B. L’obligation de mettre en place une organisation du travail prévenant le risque d’une charge de travail excessive. Le principe général de prévention qui veut « l’adaptation du travail à l’homme » appelle à la vigilance sur « les méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ». Il ressort de l’accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 que le stress au travail peut résulter d’une « charge de travail réelle manifestement excessive ». Il a été relevé que la « charge de travail » n’a pas de définition en droit et « n’est même pas une notion juridique ». « Elle apparaît pour la première fois dans le Code du travail, avec la loi Aubry II, au sujet des conventions de forfait : l’accord collectif doit déterminer les conditions de suivi de l’organisation et de la charge de travail. La notion subsiste aujourd’hui toujours au sujet des conventions de forfait, s’agissant de l’entretien annuel du salarié qui doit porter sur la charge de travail ». La délimitation de la charge de travail n’est donc plus ici la « prérogative absolue de l’employeur » qui avait été rappelée dans les termes suivants. « La détermination de charge de travail a été une prérogative absolue de l’employeur au centre du pouvoir patronal encadrée seulement par l’obligation de respecter la qualification contractuelle du salarié. Les exigences d’organisation de l’entreprise et le pouvoir de direction de l’employeur ont également toujours justifié que l’organigramme de l’entreprise soit établi par l’employeur et, en conséquence, que les charges de travail, qui découlent des fonctions des salariés et de leur place dans l’entreprise, soient le fruit d’une décision de l’employeur ». Un arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2011 a fortement affirmé qu’une convention de forfait jours est privée d’effet lorsque l’employeur n’observe pas les stipulations de l’accord collectif dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours.Il en résulte que l’employeur doit prendre au sérieux les dispositions conventionnelles portant sur l’évaluation et le suivi de la charge de travail. De la même manière, la convention de forfait en jours devrait être privée d’effet si la charge de travail évoquée au cours de l’entretien annuel entre l’employeur et le salarié n’était pas « raisonnable ». Certains rythmes de travail peuvent constituer un facteur de « pénibilité » susceptible d’altérer la santé du salarié. Il a été relevé que la « pénibilité » est un concept ancien, reconnu au XIIIe siècle, qui a mis un certain temps à être introduit dans la législation du travail… à l’occasion de de la réforme des retraites de 2010.La « pénibilité » du travail est aujourd’hui définie par l’article L. 4121-3-1 du Code du travail comme résultant de l’exposition du travailleur à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et notamment liés à « certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur la santé ». Dans les entreprises occupant au moins cinquante salariés, le principe de prévention a conduit à exiger de l’employeur qu’il négocie un accord collectif sur la pénibilitéou, en l’absence de conclusion d’un accord, un plan d’action.L’accord ou le plan doit notamment prévoir des mesures visant à l’amélioration des conditions de travail, notamment au plan organisationnel,telles que l’aménagement des horaires et la répartition de la charge de travail au sein des équipes. Charge de travail et intensification du travail vont de pair. Lors de rencontres consacrées à la réflexion sur la préservation de la santé au travail, organisées au début des années 2000, il a été observé que certaines dispositions du code du travail pouvaient « servir de frein à l’intensification du travail », notamment celles consacrées aux moyens d’intervention de « deux acteurs institutionnels particulièrement compétents », le médecin du travail et ce qu’on appelait alors le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
Le médecin du travail est sans nul doute un acteur de premier plan dans le domaine de la protection de la santé des salariés et dans l’action visant à « adapter le travail à l’homme ». Il assure le suivi individuel de l’état de santé du salarié.Il mène des actions dans le milieu de travail, parmi lesquelles figurent l’étude des postes en vue de l’amélioration des conditions de travail et de leur adaptation dans certaines circonstances ainsi que l’identification et l’analyse des risques professionnels.Après un congé maternité, après une absence pour cause de maladie professionnelle ou une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel, il procède à un examen de reprise du travail qui a pour objet de vérifier si le poste de travail que doit reprendre le travailleur ou le poste de reclassement auquel il doit être affecté est compatible avec son état de santé. Le comité social et économique (le CHSCT n’étant plus une institution représentative du personnel à part entière depuis l’intervention de l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017) a également un rôle à jouer dans le champ de la santé, de la sécurité et des conditions de travail. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, il procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs ainsi que des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels tels que des contraintes physiques marquées, des postures pénibles définies comme positions forcées des articulations ou certains rythmes de travail.Il doit être consulté sur les conditions de travail. Il est précisé que dans le cadre de cette consultation, l’employeur doit lui présenter un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail.Un droit d’alerte est reconnu au membre de la délégation du personnel au comité social et économique qui constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, l’existence d’une atteinte à la santé physique et mentale dans l’entreprise, qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché. Mais il existe un nombre considérable d’entreprises ne comportant aucune institution représentative du personnel ou employant moins de cinquante salariés. Même si l’employeur affiche souvent dans les « petites boîtes » la « dimension humaine » de son entreprise, il est loin d’être certain qu’il témoigne toujours d’une grande préoccupation de voir ses salariés ne pas se tuer à la tâche. Le recours au juge pour que soit pris en compte le droit à la protection de la santé peut se révéler alors particulièrement nécessaire. II. Le droit à la protection de la santé, une liberté fondamentale devant être préservée de la surcharge de travail. Il a été clairement affirmé que le droit à la santé est une exigence constitutionnelle.Une récente ordonnance du Conseil d’Etat en date du 18 avril 2020 a reconnu au droit à la protection de la santé le caractère d’une liberté fondamentale. Cette liberté essentielle est garantie par l’observation de principes généraux de prévention, qui comprend la préoccupation d’« adapter le travail à l’homme ». Imposer une charge de travail excessive révèle sans nul doute un manquement caractérisé de la part de l’employeur au devoir de préserver la santé du salarié. Le contentieux de la « surcharge de travail » témoigne d’une volonté de ne pas rester sans réagir face aux atteintes au droit à la santé. Il a été relevé que la démarche consistant à contester judiciairement la « surcharge de travail » n’est pas « totalement étrangère au juge, lequel intervient déjà par exemple pour apprécier le caractère réaliste ou atteignable d’objectifs – où il aussi question de la détermination d’une charge de travail ». Un arrêt de la Cour d’appel de Douai du 30 novembre 2018 a attiré l’attention en ce qu’il a on ne peut plus explicitement considéré qu’une surcharge de travail résultant de l’accomplissement d’heures supplémentaires ou de l’obligation de travailler en dehors des heures de travail était incompatible avec les mesure de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et notamment celles voulant l’adaptation du travail à l’homme. Au-delà des faits de l’espèce, le commentateur qui a donné de la publicité à cet arrêt est revenu sur le sens du « principe d’adaptation en matière de santé au travail ». « Le mot adaptation et utilisé ici dans le sens d’approprier. […] Adapter le travail à l’homme consiste donc, dans cette acception, à penser son travail et l’ajuster à ses besoins pour en faciliter la réalisation, voire en améliorer le résultat ». L’arrêt de la Cour d’appel de Douai a également été remarqué comme participant à « l’émergence d’un nouveau principe particulièrement structurant pour le droit des conditions de travail ». « C’est du côté de la dynamique de reconnaissance d’une violation de l’obligation de sécurité du chef d’entreprise qu’il faut rechercher l’action du juge pour établir le lien entre une dégradation de l’état de santé et la surcharge de travail ». La droit à la protection de la santé étant une liberté fondamentale, c’est à l’employeur de justifier d’avoir pris toutes les mesures préventives prévues par le Code du travail. Le contentieux de la « surcharge de travail » n’échappe pas à cette règle probatoire. L’employeur encourt la condamnation s’il n’a pas tout mis en œuvre éviter qu’une charge de travail excessive n’altère la santé du salarié. Il a été observé que le « danger » n’est pas synonyme du « risque », ce dernier constituant « la probabilité de subir un dommage résultant d’un danger ». « Le danger précéderait plutôt le risque ».Dans certains cas, le droit de retrait du travailleur paraît être l’initiative la plus apte à devancer le danger décelé pour la santé. Il a été déploré que le juge intervienne après la réalisation du dommage. « Quand le juge intervient, c’est par définition dans une autre temporalité que celle du préventeur, postérieure à celle de ce dernier. La posture n’est pas la même. Que disait le texte ? Que disait la science ? Qui a fait quoi ? Le dommage étant survenu, la recherche de responsabilité appelle une autre démarche que celle qui prime en prévention ».Mais rôle préventif n’est pas interdit au juge, s’il est saisi en temps utile par le salarié qui engage une action en référé. A. L’employeur est tenu à un devoir de prévention qui ne supporte aucun manquement. La jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation est constante. C’est seulement s’il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail que l’employeur ne méconnaît pas l’obligation légale de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. La charge de la preuve du manquement à l’obligation de prévention ne pèse pas sur le salarié. « En matière de santé et sécurité au travail, un devoir légal pèse sur l’employeur qu’on peut ainsi décrire. L’employeur doit prendre les mesures tant de prévention des risques que de traitement des situations dommageables. La responsabilité encourue est de plein droit, qui ne suppose pas la démonstration par la victime d’une faute de l’employeur ». L’obligation de l’employeur en matière de santé est définie aujourd’hui comme une « obligation de moyens renforcée ». L’employeur dispose d’une possibilité d’exonération seulement s’il fait la démonstration qu’il n’a pas commis de faute.Celle-ci est caractérisée lorsque l’employeur n’a pas mis en œuvre tous les moyens qu’il a à sa disposition pour préserver la santé du salarié. Or, l’organisation du travail est « le maillon faible de la prévention ». C’est très souvent l’inorganisation du travail et de la prévention qui contredit et rend inopérantes toutes les mesures techniques mises par ailleurs en œuvre.Le manquement à l’obligation de protéger la santé du travailleur est manifeste si l’employeur pallie à une mauvaise organisation par la surcharge de travail. La caractérisation de la protection à la santé comme une liberté fondamentale entraîne une conséquence qui n’est pas mineure en ce qui concerne le droit à la réparation du salarié. Le barème mis en place par une des ordonnances Macron du 22 septembre 2017 en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse est neutralisé.Si, par exemple un salarié est licencié pour avoir refusé une charge de travail excessive, il doit être procédé à la réparation intégrale du préjudice (qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois) causé par la rupture entachée de nullité. Mais, en conformité avec la logique qui irrigue le droit de la santé au travail, il est préférable de ne pas attendre le stade de la réparation et d’agir pour prévenir l’atteinte à la santé. B. La nécessité d’agir en temps utile pour éviter la contamination par la surcharge de travail nocive. « L’obligation pour le salarié d’exécuter les tâches qui lui sont confiées est susceptible de constituer une importante restriction de fait à la mise en œuvre des mesures de prévention lorsque ce dernier, par peur d’une sanction disciplinaire, consent à exercer ses fonctions dans des conditions dangereuses pour son intégrité physique ou son équilibre psychologique ». Le droit de retrait a été alors présenté comme « de nature à lever l’hésitation de certains à agir, et par là-même, à favoriser une meilleure prévention des risques ». Il est affirmé par l’article L. 4131- du Code du travail dans les termes suivants. « Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation. L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection ». L’article L. 4131-3 du Code du travail garantit la protection du salarié qui exerce son droit de retrait. « Aucune sanction, aucune retenue sur salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie et la santé de chacun d’eux ». Un licenciement qui se révélerait comme une mesure de rétorsion contre le salarié n’ayant pas voulu se mettre en danger est entaché de nullité. Il a été précisé, à l’occasion du contentieux, qu’un simple risque d’altération de la santé suffit à justifier l’exercice du droit de retrait.Il a aussi été souligné que l’exercice du droit de retrait repose sur une « appréciation subjective » du danger par le travailleur.Il suffit que l’appréciation du danger grave et imminent soit raisonnable pour que le salarié puisse bénéficier de l’immunité. Le contexte de la pandémie de Covid-19 a donné l’occasion de rappeler le régime probatoire qui accompagne l’exercice du droit de retrait. « Le salarié qui exerce son droit de retrait doit démontrer au juge qu’il avait un motif raisonnable de penser que la situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé. Il expliquera pourquoi il a considéré que le danger était grave et imminent en tirant argument de la dangerosité du virus, des caractéristiques de son exposition au risque de contamination et, le cas échéant, de sa situation personnelle. Il fera valoir que les mesures de protection mises en œuvre par l’employeur étaient insuffisantes pour le protéger ou qu’elles sont restées inappliquées. Mais, s’agissant des mesures de protection que l’employeur doit mettre en place pour protéger ses salariés, elles relèvent de l’obligation de sécurité de l’employeur. Ce sera donc à ce dernier de démontrer au juge que les mesures de protection des travailleurs contre toute contamination par le virus sur le lieu de travail étaient suffisantes et correctement mises en œuvre ». Il en est de même lorsque le salarié a un motif raisonnable de penser qu’une charge de travail excessive présente un danger grave et imminent pour sa santé. Il lui a appartient d’indiquer les raisons pour lesquelles il estime que la surcharge de travail à laquelle il se trouve confronté est de nature à altérer gravement son état de santé. Ce sera alors à l’employeur, s’il entend contester la légitimité du retrait, de démontrer qu’il a mis en place une organisation du travail attentive à ce que l’intensité du travail ou la charge de travail soit sans incidence notable sur la santé des salariés. Les conditions d’exercice du droit de retrait ne sont pas toujours réunies. Aussi, la prévention du danger peut-elle résulter de l’intervention judiciaire. La violation par l’employeur du principe général de prévention devant le conduire à « adapter le travail à l’homme » est sans nul doute constitutive d’un trouble manifestement illicite. Le trouble « illicite » est « celui causé par un comportement contraire à la loi entendue au sens large, c’est-à-dire à l’ordre public, à un principe général du droit, à la loi ou au règlement même non assorti de sanctions pénales, au contrat de travail, à la convention collective, à un usage établi ». En vertu des dispositions de l’article R. 1455-6 du Code du travail, la formation de référé du Conseil de prud’hommes est dès lors habilitée à neutraliser la remise en cause du principe voulant l’adaptation du travail à l’homme, en ordonnant une mesure de remise en état lorsque l’employeur a licencié ou sanctionné un salarié ayant entendu refusé de se soumettre à une charge de travail excessive nuisible pour sa santé. Mais la fonction naturelle du juge des référés, c’est l’intervention « en temps utile », c’est « la prévention du dommage imminent ».L’article R. 1455-6 du Code du travail permet à la formation de référé de prescrire les mesures conservatoires qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent. A l’annonce d’une réorganisation porteuse d’une dégradation des conditions de travail et se traduisant notamment par un accroissement de la charge de travail préjudiciable pour sa santé, le salarié a tout intérêt à prévenir tout contact avec la situation de travail périlleuse. Il peut saisir la formation de référé du Conseil de prud’hommes pour qu’elle enjoigne à l’employeur, à titre provisoire, de suspendre son projet de réorganisation tant qu’il n’a pas revu sa copie et conçu un process soucieux d’adapter le travail à l’homme. « Adapter le travail à l’homme ne suppose pas de renoncer à la prise en compte des facteurs individuels (âge, formation, expositions passées, tailles, sexe, état de santé, etc.) mais de faire en sorte que ce soit le poste de travail qui soit adaptable à toutes les configurations […]. Autrement dit, les facteurs individuels doivent être pris en compte non pas comme discriminants pour la personne mais comme de variabilité des paramètres du poste ». C’est donc la personne qui absorbe le poste de travail, et non l’inverse. Le principe de prévention qui guide le droit de la santé au travail nous enseigne une belle philosophie. Nous sommes conscients qu’il ne suffira pas de soutenir dans l’enceinte judiciaire les arguments qui mettent en évidence la nécessité de faire prévaloir sur la logique managériale la préoccupation d’« adapter le travail à l’homme » pour obtenir forcément gain de cause. Le pouvoir de direction n’est pas aboli. Il a encore ses adeptes chez les magistrats qui composent les « chambres sociales ». Qu’importe. Chronique Ouvrière s’adresse à des militants. Le combat mérite d’être mené. Notre santé vaut plus que leurs profits !
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Prise d'acte : ou comment rompre son contrat sans démissionner ? |
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Votre employeur ne respecte pas ses obligations et ne rémunère pas vos heures supplémentaires. Il commet des faits de harcèlement, ne respecte pas les règles relative au repos quotidien et hebdomadaire, etc. ? La situation est devenue insupportable.
Et malgré vos tentatives de discussion, votre employeur ne veut rien entendre. Il ne fait rien pour améliorer vos conditions de travail.
Vous avez la possibilité de quitter votre emploi, sans avoir à démissionner et ainsi percevoir les allocations chômage. Que vous soyez en contrat à durée déterminée (CDD) ou en contrat à durée indéterminée (CDI), vous avez la faculté de prendre acte de la rupture de votre contrat de travail.
L’un des avantages de la prise d'acte est de quitter l'entreprise sans préavis. Néanmoins, elle doit être maniée avec précaution. Tout doit être bien établi, i, les manquements de l’employeur doivent être suffisamment graves, ceci, pour que devant le Conseil de prud'hommes, ne puisse la requalifier en démission.
le 26-07-2020 |
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Analyse d’une ordonnance scélérate et attentatoire à la santé |
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C’est dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire que l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, a fixé des dérogations à la durée maximale du travail, permettant notamment que la limite hebdomadaire de 48 heures puisse être portée à 60 heures. Cette ordonnance cherche à soutenir une plus grande flexibilité du travail en utilisant le temps de travail des salariés comme variable d’ajustement. Il faut savoir, qu’au-delà des questions des horaires, les secteurs et métiers concernés cumulent déjà d’autres formes de pénibilité.
Les ouvriers agricoles, les salariés du commerce ou les aides-soignantes sont aussi exposées à des risques d’accidents, à des contraintes temporelles serrées, au port des charges et, aujourd’hui, à des risques biologiques, avec la peur de contaminer ses proches. A cela viennent s’ajouter les risques psychosociaux.
Or, ce sont ces salariés, dont l’espérance de vie et l’espérance de vie en bonne santé sont déjà altérées, à qui on va demander de travailler 60 heures par semaine. Toutes les enquêtes traitant des conditions de travail ont montré que cette amplitude horaire hebdomadaire entraîne des effets délétères sur la santé.
Malgré de nombreuses alertes contre le « travailler plus » du Medef donc sur les répercussions négatives pour la santé, de l’allongement de la durée du travail, il ne faut pas compter sur le gouvernement pour changer de cap. Ce dernier n’a pas cessé de raconter, par la bouche de son ministre de l’économie, que: « les français aiment se retrousser les manches…. »
Alors oui, il convient de militer, au nom de la préservation de la santé, pour ne pas se laisser consumer par la passion pour le travail. L’amour pour le travail ne doit pas être aveugle et faire disparaître la vigilance envers lesconditions de travail.
En tout lieu, les bonnes conditions de travail doivent être la règle, car ce sont celles qui donnent au travailleur la liberté de construire une activité de travail favorable à sa santé.
le 22/06/2020 |
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Mes droits : Rémunération d'un salarié en chômage partiel (activité partielle) |
|  | L'employeur doit verser au salarié une indemnité correspondant à 70 %de son salaire brut par heure chômée, soit environ à 84 % du salaire net horaire. Cette indemnité ne peut pas être inférieure à 8,03 € par heure chômée.
L'indemnité est versée par l'employeur à la date habituelle de versement du salaire. L'employeur doit faire figurer sur le bulletin de paie du salarié (ou dans un document annexé) le nombre des heures indemnisées, les taux appliqués et les sommes versées.
En cas de difficultés financières de l'employeur (procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire), le préfet du département peut faire procéder au paiement direct de l'allocation aux salariés.
La Convention Collective, un accord collectif d’entreprise ainsi qu’une décision unilatérale de l'employeur peuvent prévoir une indemnisation complémentaire à cette indemnité.
le 22 mai 2020 |
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Qui osera signer l’accord collectif remettant en cause le droit au repos et à l’évasion du travailleur ? |
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Contrairement à une idée répandue, le monde patronal n’est ni idiot ni irrationnel. Il a seulement la rationalité de ses intérêts. Il sait se saisir de toute occasion pour les servir.
Dans un contexte de peur et de culpabilisation entretenue par les medias, qui désignent les citoyens dits « irresponsables » comme étant la cause de l’expansion de la pandémie et de ses conséquences, le pouvoir saisit l’occasion de rogner les droits des salariés. Ainsi, l’accent étant porté uniquement sur les conséquences et non sur les causes de la situation, il règne une atmosphère de catastrophe, qui, les mots guerriers aidant, permet des appels à l’unité nationale. On sait qu’un tel climat pourrait en effet éteindre toute velléité de contestation. Le coronavirus illustre sans appel que les causes se situent dans l’organisation sociale fruit de la doctrine politique portée par nos gouvernants. Alors que la pandémie démontre le coût humain des politiques de restrictions budgétaires, le gouvernement ne craint pas de l’utiliser pour préparer l’opinion à la mise en place d’une nouvelle période d’austérité à la sortie de la crise sanitaire. Les « armes » proposées par le gouvernement - à la suite du patronat - pour combattre les conséquences économiques de cette crise en sont une illustration.
L’une des armes en question serait juridique. Elle prend la forme des vingt-cinq ordonnances présentées comme une loi « d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid -19 ».
Cette situation n’est pas sans rappeler l‘instauration de l’état d’urgence, à la suite des attentats de 2015, lequel fut d’abord renouvelé par la loi de 2016, puis allait prendre un caractère permanent grâce à la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
Outre le recours à la procédure accélérée et la prétendue impossibilité de sortir indemnes de l’état d’urgence sans adoption de ce texte, on retrouve dans les deux cas le phénomène décrit par Patrick Boucheron, Corey Robin et Renaud Peyre, dans « L’exercice de la peur. Usages politiques d’une émotion ». Les auteurs y relèvent comment la peur peut être mise au service de l’ordre néo-libéral nécessaire à l’oligarchie en place. [1]
C’est pourquoi, il est heureux que certains se saisissent d’une question essentielle, à l’instar de l’éditorial du Monde du 31 mars, il nous faut nous « interroger sur le monde d’après et le risque d’une banalisation de dispositifs d’exception qui ne sont acceptables que s’ils sont provisoires. Or l’expérience du passé nourrit l’inquiétude. Une fois la contrainte mise en œuvre, il est rare que le législateur revienne à des textes plus libéraux. » [2]
Par ailleurs le spectacle d’un transfert massif d’argent public vers le secteur privé auquel on assiste fait remonter un autre souvenir. Il rappelle le sauvetage des banques par l’État en 2008. Il fallait sauver l’économie en renflouant les banques. Mais l’addition avait pris la forme de l’austérité imposée aux salariés et aux services publics.
Or, c’est dans un contexte de crise d’une nature et d’une dimension plus grave encore qu’intervient l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020, qui permet au gouvernement de prendre des dispositions dites « provisoires » constituant une remise en cause de plusieurs droits sociaux, pour certains très anciennement conquis par les travailleurs.
Les entreprises relevant de « secteurs d’activité particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation et à la continuité de la vie économique et sociale » – seront autorisées à augmenter les durées maximales du travail (jusqu’à 12 heures par jour contre 10 heures [3] , 60 heures par semaine contre 48 heures [4], la durée quotidienne maximale de travail pour un travailleur de nuit peut être portée jusqu’à 12 heures, contre 8 heures [5], la durée hebdomadaire de travail moyenne, calculée sur une période quelconque de 12 semaines consécutives peut être portée jusqu’à 48 heures contre 44 heures [6]. Ces entreprises dont la liste n’est pas encore connue pourront réduire la durée du repos quotidien jusqu’à 9 heures consécutives, alors que la durée minimale est de 11 heures [7]. Les mêmes pourront déroger à la règle du repos dominical, sans autorisation administrative.
Par ailleurs et dans un cadre plus large, puisqu’il s’agit de tous les cas où « l’intérêt de l’entreprise eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du Covid-1933 », l’ordonnance permet à l’employeur de modifier de manière unilatérale (donc sans accord ni consultation des représentants du personnel) les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait annuel et des jours de repos affectés sur le compte épargne-temps du salarié. L’ordonnance satisfait ainsi une revendication du MEDEF aussi ancienne que les lois sur la réduction du temps de travail : une flexibilisation encore accrue et un allongement des durées maximales. [8]
Il sera donc possible, dans un cadre de flexibilité maximale de faire tourner, au détriment de la santé et la sécurité au travail, certaines productions vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Indépendamment des causes réelles tenant à la difficulté de voir le travail s’arrêter durant la période de confinement dans un très grand nombre de secteurs, il n’est néanmoins pas indifférent que le gouvernement s’attaque en premier lieu à la question du temps de travail et de son corollaire, celle des temps de repos. La répartition de ces temps différents structure la vie sociale et reste donc centrale dans les débats sur la place du travail dans la société.
Or, parmi les temps de repos, il en est un qui a pris la dimension d’une institution au caractère emblématique en droit du travail. Les congés payés sont un symbole. En premier lieu, ils ont été acquis de haute lutte. Ils n’ont en effet pas été accordés par le bon vouloir patronal, mais arrachés, à l’époque du Front Populaire, par la grève générale de mai et juin 36.
Les congés payés symbolisent également la part de liberté individuelle qui ne peut être enlevée aux travailleurs : il s’agit de leur temps libre au sens plein du terme.
Le droit communautaire a consacré la nature particulière des congés payés. Dès 1993, puis en 2003 par référence à la Charte des droits fondamentaux de l’union européenne adoptée le 7 décembre 2000 par l’Union européenne où il est expressément affirmé un droit attaché à la personne, pour tous les travailleurs, à quatre semaines de congés payés.
C’est pourquoi cette première mise en cause des congés payés ne constitue pas seulement une dérégulation de plus. Elle apparaît comme un signe fort donné aux travailleurs que la « reconstruction » de l’économie libérale se fera « quoi qu’il [leur] en coute[ra] ». Nous allons voir comment, partant d’un havre de relative stabilité encadré par des principes généraux qui sont demeurés constants depuis leur origine en 1936 (I) s’opère un mouvement inquiétant de mise en cause grâce à une confusion entretenue avec un droit de nature différente : le congé pour cause de maladie (II) I. Les congés payés, c’est d’abord et avant tout le droit à l’évasion.
La place symbolique donnée aux congés payés tient en partie à leur histoire. Il aura fallu les grandes grèves de 36 pour arracher la généralisation de cette révolution culturelle que fut la création des congés annuels payés. Ces jours de liberté conquis par les salariés, qui sont tout de même payés par l’employeur, consacrés par la loi du 20 juin 1936 étaient initialement de quinze jours. Il est remarquable que les textes législatifs aient ensuite toujours été remaniés dans un sens favorable aux salariés. L’état d’urgence sanitaire sera l’occasion du premier recul de l’institution depuis quatre-vingt-quatre ans.
Ainsi, à la suite d’un accord conquis chez Renault en 1962, de nombreux accords collectifs étendaient à bon nombre de travailleurs du secteur privé la quatrième semaine de congés payés. Les gouvernements de Gaulle et Pompidou résistaient à la présentation d’un projet de loi généralisant cette quatrième semaine, lequel était pourtant voté à l’unanimité par l’assemblée 2 mai 1968, mais n’était promulgué que le 17 mai 1969.
Sous la pression syndicale, de nombreux accords collectifs instituaient une cinquième semaine de congés payés. Malgré la résistance du CNPF (aujourd’hui le MEDEF) à toute initiative favorable aux congés payés, l’Accord interprofessionnel du 17 juillet 1981 était néanmoins signé par l’organisation patronale et quatre syndicats. La CGT ne signait pas cet accord, bien qu’évidemment favorable à l’attribution d’une cinquième semaine de congés payés. Cependant, elle refusait l’exigence du patronat consistant dans le principe d’un échange entre le passage aux trente-neuf heures et la cinquième semaine de congés payés contre l’introduction d’une flexibilisation du temps de travail. L’ordonnance du 16 janvier 1982 reprenait la substance de l’accord. Ainsi, depuis près de quatre-vingt-quatre ans et malgré les attaques considérables portées au droit du travail, il semblait impossible de toucher à ce droit acquis de si longue date, au point qu’il pouvait être enseigné dans les manuels que « L’institution échappe aujourd’hui à la discussion, tant sont considérables et positives, sur le plan social, mais aussi économique et culturel, les répercussion des congés payés (« industrie des loisirs » dont on sait l’importance dans l’économie française, réanimation des régions rurales, brassage des populations, etc …) ». [9]
Un corps de règles d’une stabilité assez remarquable en droit du travail garantissait une forme d’équilibre entre le pouvoir de l’employeur sur la prise de congés payés, en fonction des nécessités de l’entreprise et le droit impératif du travailleur à disposer d’une période de repos, de détente et de loisir Il en résulte au demeurant que l’employeur ne peut décider de substituer à la prise des congés le versement d’une indemnité et qu’un salarié ne peut renoncer à ses congés payés et demander, en contrepartie, le versement d’une indemnité.
A défaut d’accord d’entreprise, d’établissement ou de convention ou accord de branche, la période de prise des congés et l’ordre des départs sont définis par l’employeur, après avis, le cas échéant, du comité social et économique. [10]
Jusqu’à nouvel ordre, le Code du travail prévoyait que la période de prise des congés payés peut s’étendre ou non sur toute l’année, mais devait obligatoirement comprendre la période légale du 1er mai au 31 octobre. [11]
Pour assurer toute son effectivité à la liberté des salariés d’user de leurs congés conformément à leur souhait et préserver leur vie personnelle, il leur était garanti une certaine prévisibilité. Ainsi, l’employeur devait faire connaître les dates fixant cette période aux salariés au moins 2 mois avant son ouverture et ne pouvait ensuite, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue. [12] Enfin, s’agissant des possibilités de fractionnement, l’employeur ne pouvait faire ce qu’il voulait sans l’accord du salarié. Pour les congés ne dépassant pas 12 jours ouvrables, ils devaient être continus, au-delà ils pouvaient être fractionnés à la condition d’obtenir l’accord du salarié, sauf si le congé avait lieu pendant la période de fermeture de l’établissement. Enfin, l’article L. 3141-14 prévoyait que, les conjoints ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant dans la même entreprise avaient droit à un congé simultané. [13]
En outre, le droit aux congés payés est consacré par la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne comme un droit fondamental attaché à la personne. La directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail impose un socle minimal de quatre semaines de congés payés, en son article 7 et interdit que la période minimale de congé annuel payé ne puisse être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.
La Cour de Justice de l’Union Européenne a par ailleurs rappelé lors d’une décision que « le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé […] ». [14]
Ce droit à congés payés est la trace historique d’une véritable révolution existentielle. Après les élections d’avril, des hommes et des femmes se mettaient en grève début mai et gagnaient le droit d’être payés en août pour disposer de leur temps, pour la première fois de leur vie et dans l’histoire du droit du travail en France. Les photographies de l’époque traduisent un sentiment de liberté et de dignité retrouvée de façon extrêmement forte.
Il était difficile de penser que nos dirigeants oseraient toucher à un droit aussi emblématique, symbole aussi d’une époque dont certains ont pu penser qu’elle avait irréversiblement modifié le monde du travail. Un grand professeur écrivait que « Le droit du travail est une technique réversible » [15]. L’histoire présente lui aura donné une fois de plus raison.
II. Une confusion qui permet à l’employeur de retirer un bénéfice du confinement.
L’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 modifie radicalement – au sens de pris à la racine- le droit aux congés payés. Non seulement elle vient rompre l’équilibre trouvé entre les nécessités de la poursuite de l’activité de l’entreprise et le droit au repos des travailleurs, mais elle dénature ce droit.
Ce texte pris en urgence, sans la moindre discussion, prévoit qu’un accord d’entreprise ou, à défaut, un accord de branche, pourra déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur se verra autorisé à décider de la prise de jours de congés acquis par un salarié , y compris avant l’ouverture de la période à laquelle ils ont normalement vocation à être pris, ou à modifier unilatéralement ses dates de prise de congés payés, dans la limite de 6 jours de congés et sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d’un jour franc.
Cet accord d’entreprise (ou, à défaut, de branche) peut également autoriser l’employeur à fractionner les congés sans être tenu de recueillir l’accord du salarié et à fixer les dates des congés sans être tenu d’accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires liés par un Pacs travaillant dans son entreprise.
Le ministère met en avant le verrou qui serait constitué par l’accord. Il est bien illusoire. On sait que dans les grands groupes les directions n’ont aucun mal à trouver, parmi les syndicats dits réformistes, ceux qui seront sensibles aux milliers de morts du Coronavirus, dont ils se serviront complaisamment pour masquer la question politique derrière un dilemme éthique. Dans les petites entreprises, la question se pose encore plus simplement : une consultation du personnel sous pression du patron qui menace de fermer la boutique suffit pour faire avaliser n’importe quel recul.
Enfin, il est indiqué dans l’ordonnance que la période de congés imposée ou modifiée en application de ces dispositions exceptionnelles ne pourra s’étendre au-delà du 31 décembre 2020. Cependant, la question peut être sérieusement posée de savoir s’il s’agit d’une mise entre parenthèses des droits en cause. Qu’adviendra-t-il en effet des parenthèses si les circonstances exceptionnelles constituées par cette inconnue que sont les « conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du COVID-19 » perdurent, voire s’aggravent ? Quelles « solidarités » seront encore demandées à ceux qui sont à l’origine des profits des entreprises et les seuls à ne pas en tirer bénéfice ? Le gouvernement ouvre donc aux employeurs toute possibilité de modifier unilatéralement l’ordre des départs en congé, sans tenir compte de la période à laquelle ils ont normalement vocation à être pris et ce, sans délai de prévenance.
Outre le fait qu’il déséquilibre totalement le dispositif au profit exclusif de l’employeur, le gouvernement, comme il l’a au demeurant expliqué se donne une première possibilité, celle de faire passer pour des congés payés des jours pris pour des raisons liées à l’état de santé, soit du salarié lui-même, soit d’un membre de sa famille, les congés déplacés ayant pour but :
« - soit de couvrir la période de vigilance de 14 jours suivant l’exposition d’un salarié à un risque sérieux de contamination ; Soit de couvrir la période pendant laquelle le salarié doit garder un enfant de moins de seize ans (…) ; Soit de couvrir la période pendant laquelle le salarié doit garder son enfant qui fait l’objet d’une mesure d’isolement (…) » [16] Le texte ouvre également une seconde possibilité aux employeurs : celle de faire travailler les salariés cet été durant six jours de plus en raccourcissant leurs congés payés d’autant. L’employeur qui aura trouvé des syndicats complaisants lui permettant de décider unilatéralement que six jours des quatorze où le salarié aura été interdit de travailler pour une raison liée à sa santé et ce, indépendamment de la période où survient le confinement, aura gagné six jours de travail gratuit sur le dos du salarié. En couplant les deux possibilités, le même employeur pourra amputer les vacances d’été du salarié pour rattraper le temps perdu pendant la période de confinement. Contrairement aux déclarations de Monsieur Edouard Philippe en ouverture des débats à l’assemblée nationale ces nouvelles règles dépassent « un certain nombre de bornes qui sont imposées (…) dans le cadre communautaire ». [17] A la suite de la directive du Conseil de l’Union Européenne 93/104/CE du 23 novembre 1993, la directive 2003/88/CE maintenait le principe affirmant que « tous les travailleurs doivent disposer de périodes de repos suffisantes ». Il y est précisé, dans le chapitre 2 consacré aux « périodes minimales de repos », à l’article 7 concernant le « congé annuel » que « les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines » et que « la période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de la relation de travail ». C’est sur ce fondement que la Cour de Justice des Communautés Européennes, par son arrêt du 20 janvier 2009, a affirmé que le droit qui garantit au travailleur la prise effective de son congé payé annuel doit être considéré comme un principe du droit social communautaire revêtant une importance particulière. Comme souligné par l’annotateur, il ressort du raisonnement tenu dans l’arrêt que « Le salarié doit disposer d’un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé. La finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs. Cette finalité diffère en cela du droit au congé de maladie. ». Il reprenait ainsi le point de vue de l’avocat général selon lequel « l’arrêt de travail serait la conséquence de l’incapacité du travailleur à travailler et aurait pour but non pas de lui permettre de se reposer, de prendre de la distance et de reprendre ses forces, mais de guérir et de recouvrer sa santé et sa capacité de travail » [18] Le procédé consistant à utiliser des jours de congés payés, dont l’objet consiste à prendre du repos et disposer d’un temps libre pour couvrir une période de suspension du contrat de travail liée à l’état de santé opèrent une confusion que le droit communautaire n’admet pas. La jurisprudence interne n’est pas en parfaite adéquation avec les principes posés par la Cour de justice de l’union européenne dans la mesure où elle n’est toujours pas revenue sur sa jurisprudence interdisant le report au salarié qui est tombé malade pendant ses congés. En effet, l’absence de droits à congés payés durant un congé maladie est contraire à la jurisprudence de la Cour de justice de l’union européenne, laquelle a jugé que « selon l’article 7 de la directive 2003/88, tout travailleur, qu’il soit en congé de maladie pendant ladite période de référence à la suite d’un accident survenu sur le lieu du travail ou ailleurs, ou à la suite d’une maladie de quelque nature ou origine qu’elle soit, ne saurait voir affecté son droit au congé annuel payé d’au moins quatre semaines ». [19] Dans son rapport annuel de 2014, la Cour de cassation proposait ainsi au législateur de consacrer, à l’article L. 3141-5 du Code du travail, le principe d’acquisition des droits à congés payés durant le congé maladie d’origine non professionnelle. La juridiction précisait que cette modification législative permettrait « d’éviter une action en manquement contre la France et des actions en responsabilité contre l’État du fait d’une mise en œuvre défectueuse de la directive de 2003 » [20] Or, l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 permet de couvrir la période de confinement d’un salarié en raison de son état de santé par une prise imposée de congés payés. Il s’agit là d’une dénaturation du droit à congé payé constitutive d’une mise en œuvre défectueuse de la directive de 2003. D’un point de vue concret, il sera difficile de faire admettre aux salariés que le fait de rester enfermé par contrainte, parfois dans un logement exigu, souvent à plusieurs, avec un choix d’occupations très restreint dans l’inquiétude de la maladie possible et l’angoisse matérielle pour l’avenir pourrait avoir de commun avec des vacances. Il s’agit au contraire d’un véritable détournement de la vocation des congés payés, qui sont en principe un temps de loisir, de culture, d’éducation, de repos. Il risque donc de manquer une semaine de congés à un grand nombre de salariés.
En outre, ce ne sont pas ces six jours de salaire à payer en moins sur une année qui sauveront les très petites et moyennes entreprises de la faillite si la situation s’aggrave. En revanche, cette nouvelle dérégulation dans un domaine jusqu’alors sanctuarisé est chargée d’une forte portée symbolique.
On aura compris que le jour d’après la pandémie est en préparation dans les allées du pouvoir.
Malgré les discours enflammés du Président de la République et quelques effets d’annonce, on ne peut déceler aucune rupture avec les politiques précédentes. C’est au contraire en pleine continuité que le gouvernement la suspend une partie importante du Code du travail, restreint les libertés publiques, finance les entreprises à guichets ouverts et les soustrait aux cotisations sociales. Cet accent mis sur l’Etat sécuritaire et ce transfert massif d’argent public vers le secteur privé rappellent d’autres crises. Les travailleurs se souviennent sûrement qu’ensuite, la rigueur retrouvée avait permis de reprendre le peu qui avait été lâché au moment du sauve-qui-peut.
Dans le cas présent, le gouvernement ne lâche pas grand-chose pour le monde du travail. Il semble même qu’il escompte pouvoir réaliser quelques « avancées ». D’ores et déjà les citoyens auront perdu l’habitude de certaines libertés, les salariés auront pris celle de travailler plus, plus longtemps, dans des conditions de flexibilité et de précarité accrues.
Le coup porté aux congés payés n’est que l’un des éléments préparatoires de l’après-pandémie. Les deuils personnels qui vont devoir être entrepris, les mises en cause des libertés publiques, graves et répétées au point de structurer nos rapports sociaux, encore et surtout les difficultés matérielles auxquelles une large partie de la population va se trouver confrontée pourraient le faire paraître anecdotique dans le paysage actuel.
Cependant, cette atteinte à un droit qui symbolise la part de liberté conquise par les travailleurs sur un temps de travail qui dévorait leur vie personnelle n’est pas anodine. Avec les vacances payées, ils avaient conquis le droit, presque autant que les bourgeois, de voir la mer ou la montagne. Et même s’ils n’ont pas tous vu la mer, cela a pu leur donner le sentiment qu’ils n’étaient plus du bétail. Dans les images de la fin victorieuse des grèves de 1936, il souffle un vent de bonheur, qui a trouvé son symbole dans les congés payés. C’était tout à la fois le triomphe des luttes, la liberté et la dignité retrouvée. Ces dispositions prises par voie d’ordonnance soufflent un vent contraire et de mauvais augures.
avril 2020 |
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Tableau des mesures des ordonnances Macron |
|  | A lire le tableau des ordonnances Macron de mars 2020... |
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Textes utiles sur la vie du contrat de travail dans cette période du Covid-19 |
|  | A lire, les documents suivants : |
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Mes droits : Exercice du droit de retrait du salarié |
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L’exercice du droit de retrait peut permettre de protéger la santé du salarié exposé au risque de contracter le coronavirus. De plus, la simple évocation d’un exercice collectif du droit de retrait lors de discussions avec l’employeur peut permettre de créer un rapport de force propre à contraindre celui-ci à prendre les précautions nécessaires pour protéger les salariés et limiter la propagation du virus (mesures barrières, diminution de l’activité, annulation de certains déplacements, etc.). À l’heure où tout un chacun se demande comment il peut contribuer à lutter contre la propagation du virus, l’exercice du droit de retrait, peut constituer une mesure forte et efficace. Encore faut-il qu’il soit mis en oeuvre de façon appropriée ! Danger grave et imminent pour la santé du salarié En cas de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, le salarié est en droit de suspendre son activité après avoir avisé l’employeur de ce danger (art. L. 4131-1 du Code du travail). Il suffit que le salarié ait un motif raisonnable de craindre pour sa vie ou sa santé pour qu’il déclenche la procédure de retrait (Cass. soc. 23 avril 2003, n° 01-44806, BC V n° 136). L’appréciation se fait au cas par cas. Le Questions/Réponses du gouvernement souligne que peut être considéré comme « grave » tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée et comme « imminent », tout danger susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché (Q/R 29 du « Questions/Réponses » pour les entreprises et les salariés Covid-19 version du 17/03/2020). L’employeur ne peut pas sanctionner le salarié qui exerce ce droit et ne peut pas cesser de lui verser sa rémunération (L. 4131-3 du Code du travail). En cas de suspicion d’abus dans l’exercice du droit de retrait, le litige pourra être tranché a posteriori par un conseil de prud’hommes (qui sera le plus souvent saisi d’une demande de l’employeur ou du salarié relative au versement des salaires).
le 22-03-2020 |
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Chômage partiel : la double peine dans les HCR ? (Lu dans Chronique Ouvrière) |
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Aux termes de la circulaire DGEFP n°2013-12 du 12 juillet 2013 et de l’article R5122-11 du code du travail les heures non travaillées au titre de l’activité partielle font l’objet du versement de l’allocation dans la limite de la durée légale ou, lorsqu’elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat sur la période considérée.
Au-delà de la durée légale ou, lorsqu’elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat sur la période considérée, les heures non travaillées au titre de l’activité partielle sont considérées comme chômées mais n’ouvrent pas droit au versement par l’Etat à l’employeur de l’allocation d’activité partielle et au versement par l’employeur au salarié de l’indemnité prévue à l’article L. 5122-1.
Or dans les HCR la durée du travail est très souvent conventionnellement fixée à 39h par semaine là où la durée légale du travail est fixée à 35h par semaine.
Conséquence directe, les salariés des HCR dont le salaire horaire est supérieur à 11,96 € brut de l’heure subiront une perte de revenus de 25% de leur salaire net, sans compter les indemnités nourriture soumises à cotisations d’un montant de 125.27 € nettes (44 IN x 3.65 € x 0.78), au cas où leur entreprise ne s’engage pas à maintenir 100% du salaire net comme cela à pu être obtenu dans certaines entreprises telles que LOUVRE HOTELS GROUP, et certains hôtels parisiens prestigieux tels que le CRILLON, le Prince de Galles, le Novotel Paris les halles, le Georges V etc…etc…
En effet le SMIC net qui constitue le plancher d’indemnisation est de 1200,77 € net par mois pour 35h par semaine et 151h67 par mois (10.15 x 151h67 x 0.78). Un salarié à 39h par semaine payé au taux horaire de 11.86 € brut perçoit 2042.13 € par mois (151h67 x 11.96 + 17h33x 11.96 x 110%) soit 1577.57 € nets (2042.13 x 0.78) sans parler des indemnités nourriture.
Résultat ce salarié perd 395,09 € nets par mois, soit près de 25 % de son salaire net !
Un salarié percevant 25 € brut de l’heure perd lui 1007,74 € soit 33% de son salaire net ! (151h67 x 25 € x 70% x 0.84 = 2229,55 € au lieu de 151h67 x 25 € + 17h33 x 25 € x 110% x 0.78 = 3327,29 € !
Le syndicat CGT des salariés des hôtels de Prestige et économiques lance une pétition nationale à signer et à relayer massivement pour que les pouvoirs publics et les employeurs des HCR indemnisent le chômage partiel sur la base de la durée conventionnelle du travail dans les HCR qui est dans l’immense majorité des entreprises de ce secteur de 39h par semaine et à 100% du salaire net.
le 21-03-2020 |
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Mes droits : Le mi-temps thérapeutique |
|  | Suite à un arrêt de travail, d’une ALD ou en raison d’une maladie professionnelle même sans avoir bénéficié d’un arrêt de travail au préalable, votre médecin traitant peut vous proposer un mi-temps thérapeutique appelé aussi “temps partiel thérapeutique” (TPT). Il doit pour cela estimer que travailler à 50% pourrait favoriser la guérison,
Concrètement, le salarié reprend une activité à temps partiel suite à un arrêt de travail. Il percevra une partie de son salaire (correspond aux heures effectuées) qui sera complété par les Indemnités Journalières de la Sécurité Sociale (jusqu’à concurrence du salaire de base du salarié).
L’employeur doit être averti de cette démarche par lettre recommandée avec accusé de réception afin de garder des traces de cet échange et les heures a effectuées sont déterminées d’un commun accord entre les 2 parties.
La durée du mi-temps thérapeutique est limitée à 12 mois maximum.
le 02-03-2020 |
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Le droit de grève dans l’hôtellerie plie mais ne se rompt pas ! (lu dans Chronique Ouvrière) |
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Après 9 ans de procédure la 2ème chambre de l’instruction de la Cour d’appel de PARIS vient de rendre un arrêt qui renvoie le juge d’instruction saisi de cette affaire à ses études, lui qui avait rendu une ordonnance de non-lieu qui ouvrait un boulevard au contournement du droit de grève au Concorde Montparnasse et ailleurs. Les faits étaient relativement simples. La direction de l’UES STARWOOD (ex UES CONCORDE TAITTINGER) avait imaginé de remplacer des grévistes de l’un de ses établissements, le CONCORDE MONTPARNASSE, qui était constitué en entreprise distincte, SNC CONCORDE Montparnasse devenue SAS Hôtel Montparnasse, par des salariés détachés de la SNC TOUR LA FAYETTE (Concorde La Fayette) et de la COMACO, autres établissements entreprises de l’UES. Ces « détachements » avaient été effectués dans la précipitation pour pallier dans l’urgence aux conséquences du mouvement de grève de juin 2011. Ils ne satisfaisaient nullement aux conditions de validité posées par l’article L 8241 – 2 du code du travail lequel dispose que le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif conclu entre entreprises, requiert notamment : « 1° L’accord du salarié concerné ; 2° Une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l’identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse ; 3° Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l’entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d’exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail. A l’issue de sa mise à disposition, le salarié retrouve son poste de travail dans l’entreprise prêteuse sans que l’évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt. Les salariés mis à disposition ont accès aux installations et moyens de transport collectifs dont bénéficient les salariés de l’entreprise utilisatrice. Un salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir refusé une proposition de mise à disposition. La mise à disposition ne peut affecter la protection dont jouit un salarié en vertu d’un mandat représentatif. Pendant la période de prêt de main-d’œuvre, le contrat de travail qui lie le salarié à l’entreprise prêteuse n’est ni rompu ni suspendu. Le salarié continue d’appartenir au personnel de l’entreprise prêteuse ; il conserve le bénéfice de l’ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s’il avait exécuté son travail dans l’entreprise prêteuse. Le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de l’entreprise prêteuse sont consultés préalablement à la mise en œuvre d’un prêt de main-d’œuvre et informés des différentes conventions signées. Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l’entreprise prêteuse est informé lorsque le poste occupé dans l’entreprise utilisatrice par le salarié mis à disposition figure sur la liste de ceux présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés mentionnée au second alinéa de l’article L. 4154-2. Le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, les délégués du personnel de l’entreprise utilisatrice sont informés et consultés préalablement à l’accueil de salariés mis à la disposition de celle-ci dans le cadre de prêts de main-d’œuvre. L’entreprise prêteuse et le salarié peuvent convenir que le prêt de main-d’œuvre est soumis à une période probatoire au cours de laquelle il peut y être mis fin à la demande de l’une des parties. Cette période probatoire est obligatoire lorsque le prêt de main-d’œuvre entraîne la modification d’un élément essentiel du contrat de travail. La cessation du prêt de main-d’œuvre à l’initiative de l’une des parties avant la fin de la période probatoire ne peut, sauf faute grave du salarié, constituer un motif de sanction ou de licenciement. » Force est de constater que ni les sociétés Tour La Fayette et Comaco ni la société HOTEL MONTPARNASSE n’ont satisfait à ces obligations Cette absence volontaire de ne pas consulter les institutions représentatives du personnel constituaient bien les délits d’entrave aux fonctions des délégués du personnel, des membres du comité d’entreprise et des membres du CHSCT. Enfin, il était à noter que Monsieur le Procureur de la République ne s’était pas prononcé concernant les trois salariés de la société COMACO (CONCORDE MANAGEMENT COMPANY) qui étaient venus travailler à l’hôtel Concorde Montparnasse le 24 juin 2011. La lettre du SYNDICAT CGT DES HOTELS DE PRESTIGE ET ECONOMIQUES du 27 juillet 2011 à la société DE LA TOUR LAFAYETTE sollicitant copie des conventions de détachement conclues ainsi que du libellé des clauses des contrats de travail des salariés détachés permettant une telle opération, s’était heurtée à un refus de la société LA TOUR LAFAYETTE selon courrier en date du 3 août 2011 qui considérait qu’elle n’avait pas à communiquer les conditions et donc les conventions dans lesquelles ladite société résolvait ses problèmes avec ses prestataires. La chambre de l’instruction ordonne un supplément d’information aux fins de mise en examen de la SAS Hôtel Montparnasse, de sa DRH, de la personne physique pénalement responsable de la société de la Tour La Fayette. Une piqure de rappel bien utile, même si elle intervient 9 ans après les faits, aux dérapages de nos « penseurs » de l’UMIH et du SYNORCATH. Les directions de groupe hôteliers ne manquent pas d’imagination et cette affaire rappelle celle des directeurs « bénévoles » de Louvre Hôtels group » venant remplacer les grévistes du Campanile Tour Eiffel pendant leur grève de 2016 qui a abouti à la fin de la sous-traitance du service de l’hébergement dans leur hôtel. A quand la prochaine « innovation » de nos hôteliers ? le 02-03-2020 |
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Mes droits : La négociation annuelle obligatoire ? |
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Quelles sont les entreprises concernées par la négociation obligatoire ?
L'obligation annuelle de négocier ne s'impose que dans les entreprises « où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisation représentatives » (C. trav., art. L. 2242-1).
En pratique, il s'agit des entreprises dotées :
– d'un ou plusieurs délégués syndicaux, qui composent la délégation de chacune des organisations syndicales parties à la négociation (C. trav., art. L. 2232-17) ;
Il peut parfaitement s'agir d'entreprises de moins de 50 salariés dans la mesure où, dans celles-ci, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique peut être désigné comme délégué syndical par les syndicats représentatifs (C. trav., art. L. 2143-6).
◗Quels sont les thèmes de la négociation obligatoire ?
Les négociations obligatoires sont regroupées en trois grands domaines :
– deux thèmes obligatoires (C. trav., art. L. 2242-1) :
• le premier porte sur la rémunération (notamment les salaires effectifs), le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise,
• le second porte sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (notamment les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération) et la qualité de vie au travail ;
– un troisième thème obligatoire uniquement dans les entreprises et groupes d'au moins 300 salariés, ainsi que dans les entreprises et groupes d'entreprises de dimension communautaire comportant au moins un établissement ou une entreprise d'au moins 150 salariés en France : la gestion des emplois et parcours professionnels (GPEC ; C. trav., art. L. 2242-2).
En outre, depuis le 1er janvier 2019, les entreprises d'au moins 50 salariés peuvent dans certains cas être soumises à l'obligation d'engager une négociation sur la prévention des effets de l'exposition aux facteurs de risques professionnels (C. trav., art. L. 4162-1).
Quelle est la périodicité de la négociation obligatoire en l'absence d'accord ?
Conformément aux dispositions supplétives applicables à défaut d'accord, l'employeur engage la négociation obligatoire :
– chaque année :
• sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise,
• sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail ;
– tous les trois ans sur la gestion des emplois et des parcours professionnels dans les entreprises d'au moins 300 salariés (C. trav., art. L. 2242-13).
Quelles sont les contenus précis des négociations en l'absence d'accord ?
Rémunération, temps de travail et partage de la valeur ajoutée. — Dans ce cadre, doivent être abordés les sujets suivants (C. trav., art. L. 2242-15) :
– les salaires effectifs (voir ci-après) ;
– la durée effective et l'organisation du temps de travail, notamment la mise en place du travail à temps partiel et la réduction du temps de travail ;
– l'intéressement, la participation et l'épargne salariale lorsque les salariés ne sont pas déjà couverts par un accord collectif d'entreprise ou de branche ;
– le suivi de la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes.
Remarque :la négociation sur les salaires et la durée du travail est l'occasion d'un examen par les parties de l'évolution de l'emploi dans l'entreprise et, notamment, du nombre de CDD, de missions de travail temporaire, du nombre de journées de travail effectuées par les intéressés ainsi que des prévisions annuelles ou pluriannuelles d'emploi établies dans l'entreprise.
Les anciennes dispositions invitaient également à se pencher sur les durées journalières, hebdomadaires, mensuelles voire annuelles, heures supplémentaires, temps de pause, astreintes, jours fériés, ponts, aménagement du temps de travail, délai de prise de la contrepartie obligatoire en repos, équipes de suppléance, période de référence pour le droit à congés payés, etc.
Cette négociation donne également lieu à une information par l'employeur sur les mises à disposition de salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d'employeurs (C. trav., art. L. 2242-16).
Égalité professionnelle femmes-hommes et qualité de vie au travail. — Entrent dans cette thématique les sujets suivants :
– l'articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle des salariés ;
– les objectifs et les mesures permettant d'atteindre l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment en matière de suppression des écarts de rémunération, d'accès à l'emploi, de formation professionnelle, de déroulement de carrière et de promotion professionnelle, de conditions de travail et d'emploi, en particulier pour les salariés à temps partiel, et de mixité des emplois ;
– le maintien de cotisations à l'assurance retraite sur une base de temps complet pour des salariés travaillant à temps partiel et les conditions dans lesquelles l'employeur peut prendre en charge tout ou partie du supplément de cotisations (CSS, art. L. 214-3-1) ;
– les mesures permettant de lutter contre toute discrimination en matière de recrutement, d'emploi et d'accès à la formation professionnelle, en favorisant notamment les conditions d'accès à des actions de formation, l'acquisition d'éléments de certification via la formation ou la validation des acquis de l'expérience et des progressions salariales ou professionnelles ;
– les mesures relatives à l'insertion professionnelle et au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés, notamment les conditions d'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, les conditions de travail et d'emploi et les actions de sensibilisation de l'ensemble du personnel au handicap ;
– les modalités de définition d'un régime de prévoyance, d'un régime de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, à défaut de couverture par un accord de branche ou un accord d'entreprise ;
– l'exercice du droit d'expression directe et collective des salariés, notamment au moyen des outils numériques disponibles dans l'entreprise ;
– les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l'entreprise de dispositifs de régulation de l'utilisation des outils numériques, en vue d'assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. À défaut d'accord, l'employeur élabore, après avis du comité social et économique, une charte définissant les modalités de l'exercice du droit à la déconnexion et prévoyant en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d'encadrement et de direction, d'actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques (C. trav., art. L. 2242-17 à C. trav., art. L. 2242-19).
Gestion des emplois et des parcours professionnels. — Cette négociation porte particulièrement sur les thèmes suivants (C. trav., art. L. 2242-20) :
– la mise en place d'un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et les mesures d'accompagnement susceptibles de lui être associées, en particulier en matière de formation, d'abondement du compte personnel de formation, de validation des acquis de l'expérience, de bilan de compétences ainsi que d'accompagnement de la mobilité professionnelle et géographique des salariés (voir no 170-20) ;
– le cas échéant, les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise prévue dans le cadre d'un accord dérogatoire (C. trav., art. L. 2254-2 ; voir no 205-15) qui doivent, en cas d'accord, faire l'objet d'un chapitre spécifique ;
– les grandes orientations à trois ans de la formation professionnelle dans l'entreprise et les objectifs du plan de développement des compétences ;
– les perspectives de recours par l'employeur aux différents contrats de travail, au travail à temps partiel et aux stages, ainsi que les moyens mis en œuvre pour diminuer le recours aux emplois précaires dans l'entreprise au profit des contrats à durée indéterminée ;
– les conditions dans lesquelles les entreprises sous-traitantes sont informées des orientations stratégiques de l'entreprise ayant un effet sur leurs métiers, l'emploi et les compétences ;
– le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et l'exercice de leurs fonctions (C. trav., art. L. 2242-20) ; Six thèmes facultatifs peuvent également être abordés (C. trav., art. L. 2242-21).
Que faut-il entendre par « salaires effectifs » ?
Il s'agit des salaires bruts, par catégorie professionnelle, incluant les primes et avantages en nature lorsque ceux-ci résultent de l'application d'un accord collectif ou d'une convention. La négociation concerne donc le montant global de la masse salariale et la structure des salaires (salaire de base, accessoires, etc.). Elle ne porte pas sur les décisions individuelles en matière de rémunération. Toutefois, l'incidence globale sur l'évolution de la masse salariale de la part correspondant à ces décisions individuelles doit être prise en considération dans les discussions (Circ. DRT no 8, 5 mai 1983).
Un accord d'entreprise peut prévoir des modalités particulières d'application des majorations de salaire décidées par les conventions de branche ou les accords professionnels ou interprofessionnels. Ces modalités particulières ne sont toutefois possibles qu'à deux conditions (C. trav., art. L. 2253-4) :
– l'augmentation de la masse salariale totale doit être au moins égale à l'augmentation qui résulterait de l'application des majorations accordées par les conventions ou accords susmentionnés ;
– les salaires minima hiérarchiques doivent être respectés. La négociation sur les salaires effectifs doit également être l'occasion de programmer des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre hommes et femmes (voir no 112-30).
Le thème de la prévention des effets de l'exposition aux facteurs de risques professionnels (ancienne pénibilité) peut également être inclus dans cette négociation. En cas de succès, l'accord collectif conclu vaut conclusion de l'accord requis en la matière (C. trav., art. L. 2242-19 ; C. trav., art. L. 4163-3).
le 20/01/2020 |
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Droit de retrait : attention, danger ! Le Directeur général du travail roule pour la SNCF à toute berzingue (Chronique Ouvrière)...
le 20-01-2020 |
|  | La loi du 23 décembre 1982 a reconnu à tout salarié la faculté de se retirer d’une « situation de travail périlleuse ».
à lire :
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Faute inexcusable de l'employeur. |
|  | Selon une notion de droit du Code de la sécurité sociale La faute inexcusable de l’employeur correspond au manquement de ce dernier à son obligation de sécurité de résultat, notamment révélé par un accident du travail ou une maladie professionnelle. L’employeur aurait dû avoir conscience d’un danger et n’a pas pris les mesures nécessaires pour le prévenir.
Sa reconnaissance résulte d’un accord amiable entre la victime et son employeur ou, à défaut, d’une décision judiciaire. L’intérêt pour la victime de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur est d’obtenir une majoration de sa rente et la réparation de ses préjudices.
le 04/01/2020 |
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L’ancienneté des "extra" doit être reprise |
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Par décision en date du 19 novembre 2019 la formation de départage du Conseil de Prud’hommes de PARIS a rendu une décision favorable à une ancienne « extra » du PULLMAN MONTPARNASSE sous un angle non abordé à ce jour à notre connaissance.
Pour ce faire le Conseil n’a pas répondu directement à l’argumentaire soulevé mais s’est basé sur une lecture littérale de l’accord d’entreprise et du code du travail.
Il est nous est apparu intéressant pour nos lecteurs de livrer l’argumentaire intégral soulevé.
L’argumentaire soulevé devant le Conseil de prudh’ommes Mme N. a été embauchée le 14 juillet 2008 par l’hôtel Méridien Montparnasse, hôtel de 1000 chambres et 2 restaurants dans le 14ème arrt de PARIS.
A l’origine elle a travaillé en CDD d’usage puis en CDI à compter du 20 octobre 2014 mais sans aucune reprise d’ancienneté. Elle a signé un plan de départ volontaire en 2017 et est sortie des effectifs le 31 août 2017.
Cette salariée demande à bénéficier de rappels de primes d’ancienneté, d’indemnité légale de licenciement et d’indemnité de départ volontaire (article 32.2 et 3 de l’accord PSE du 12 janvier 2017) par la prise en compte des périodes antérieures travaillées durant lesquelles elle était en contrat de travail à durée déterminée d’usage avant de se voir embauchée en CDI. Elle invoque pour ce faire la clause 4 de l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (ci-après l’accord-cadre), conclu le 18 mars 1999, mis en œuvre par la directive 1999/70 du Conseil du 28 juin 1999 prévoit que : « pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives ».
L’application de la clause soulève pour ce dossier une question préalable :
La notion de « conditions d’emploi » peut-elle servir de fondement à une prétention qui porte sur un élément de rémunération tel que l’attribution d’une prime d’ancienneté ? Si oui : les dispositions législatives ou conventionnelles nationales qui excluent le personnel temporaire (CDD) du bénéfice du complément lié à l’ancienneté accordé au personnel statutaire fixe (CDI) constituent-elles des raisons objectives propres à justifier la différence de traitement ?
La loi française dispose que les salariés sous contrat à durée déterminée ne peuvent recevoir une rémunération d’un montant inférieur à celle que percevrait un salarié sous contrat à durée indéterminée, à qualification et fonction équivalent.
Une prime d’ancienneté peut-elle relever du domaine de la règle de l’égalité de traitement posée à la clause 4 de l’accord-cadre ?
Les conditions d’adoption de la directive 1999/70 visant à mettre en œuvre l’accord-cadre conduisaient légitimement à s’interroger. La directive fut adoptée sur le fondement de l’article 139 § 2 du Traité, qui dispose que la mise en œuvre des accords conclus au niveau communautaire intervient dans les matières relevant de l’article 137 du Traité.
Ce même article habilite le Conseil à arrêter, par voie de directive, des prescriptions minimales en vue de réaliser les objectifs visés à l’article 136 du Traité, au nombre desquels figure notamment l’amélioration des conditions de vie et de travail. Toutefois, selon les termes de son paragraphe 5, les dispositions de l’article 137 du Traité ne s’appliquent pas, entre autres, aux rémunérations.
Fallait-il en déduire que le travailleur à durée déterminée ne pouvait solliciter, sur le fondement de la règle de l’égalité de traitement formulée à la clause 4 de la directive 1999/70, le bénéfice d’une prime d’ancienneté réservée aux seuls travailleurs à durée indéterminée, au motif que l’octroi de cette prime entraînait le paiement d’un différentiel de rémunération ?
Selon les juges de la CJCE, l’exception prévue à l’article 137 § 5 du Traité ne peut être comprise comme excluant un contrôle communautaire, sur le fondement de l’accord-cadre et de la directive 1999/70, sur toute question présentant un lien quelconque avec la rémunération.
En premier lieu, le principe communautaire qui sous-tend l’objectif de l’accord-cadre - faire application du principe de non-discrimination aux travailleurs à durée déterminée en vue d’empêcher qu’une relation d’emploi de cette nature ne soit utilisée par un employeur pour échapper aux dispositions du travail à durée indéterminée - ne saurait être interprété strictement. En second lieu, en tant que dérogatoires, les matières réservées par ledit paragraphe doivent faire l’objet d’une interprétation stricte.
L’objectif d’amélioration des conditions de vie et de travail posé à l’article 136 du Traité risquerait, dans l’hypothèse inverse, de se voir contrarié.
En dernier lieu, la Cour précise qu’en l’espèce, l’interprétation de la notion de condition d’emploi est dépourvue d’incidence sur le niveau de la rémunération ; elle porte sur la question de savoir si, en application du principe de non-discrimination, un élément de rémunération doit, en tant que condition d’emploi, être accordé au travailleur à durée déterminée au même titre qu’au travailleur à durée indéterminée.
En conséquence, la mise en œuvre du principe de discrimination ne heurte pas la compétence nationale - compétence préservée par l’article 137 § 5 du Traité - en matière de rémunération.
En conclusion, la notion de condition d’emploi doit être interprétée en ce sens qu’elle peut servir de fondement à une prétention qui vise à l’octroi d’une prime d’ancienneté à un travailleur à durée déterminée, alors que le bénéfice de celle-ci est réservé aux seuls travailleurs à durée indéterminée par le droit national.
C’est dans ce sens qu’a tranché à 2 reprises la CJCE : affaires 13 septembre 2007 n°307/05 ; 9 juillet 2015 n° 177/14
En droit français, c’est très directement le niveau même de la rémunération, qui apparaît comme le fondement de l’égalité de traitement.
La dernière question d’interprétation porte sur la notion de « raisons objectives ».
Selon la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, une différence de traitement entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée peut être justifiée par des raisons objectives.
La disposition nationale, qui réserve l’octroi de la prime d’ancienneté aux seuls salariés titulaires, peut-elle constituer une telle raison objective ?
Plus généralement, une disposition légale ou conventionnelle peut-elle constituer une raison objective susceptible de justifier une différence de traitement ?
La Cour a déjà eu l’occasion de se prononcer sur la notion de « raisons objectives » prévues à la clause 5, point 1, du même accord-cadre.
Elle procède ici par analogie et affirme à l’identique que la notion litigieuse
« requiert que l’inégalité de traitement en cause soit justifiée par l’existence d’éléments précis et concrets, caractérisant la condition d’emploi dont il s’agit, dans le contexte particulier dans lequel elle s’insère et sur le fondement de critères objectifs et transparents, afin de vérifier si cette inégalité répond à un besoin véritable, est apte à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet »
En conséquence, la disposition nationale ou l’accord collectif qui introduit la différence de traitement au moyen d’une norme générale et abstraite, ne saurait s’entendre d’une raison objective au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre.
— affaires 13/09/ 2007 n°307/05 ; 9/07 2015 n° 177/14 précitées
En droit français, la Cour de cassation n’est pas encline à admettre qu’une disposition conventionnelle puisse justifier à elle seule une différence de traitement et constitue en soi une « raison objective ».
L’auteur d’une différence de traitement doit être en mesure d’avancer des éléments précis et concrets… « afin de vérifier si cette inégalité répond à un besoin véritable, est apte à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet ».
En d’autres termes, ces éléments n’ont pas vocation à permettre au juge d’apprécier le caractère rationnel, non arbitraire, d’une mesure de gestion ou d’organisation, mais véritablement à permettre un contrôle du caractère justifié et proportionnel de l’atteinte à la règle de l’égalité de traitement.
Comment peut-on sérieusement soutenir en équité qu’un salarié présent depuis plusieurs années dans l’entreprise, fut ce par voie de CDD successifs, ne peut revendiquer une ancienneté dans l’entreprise dont il connait parfaitement le fonctionnement, où il côtoie depuis des années ses collègues ?
Y aurait-il sur un même poste la reconnaissance d’une ancienneté pour un CDI qui serait refusée pour un CDD ? Assurément NON, sauf à bafouer allègrement le principe constitutionnel supérieur d’égalité.
Il y a donc lieu de prendre en compte pour le calcul des primes d’ancienneté les périodes antérieures travaillées durant lesquelles Mme N. était en contrat de travail à durée déterminée d’usage.
La demanderesse peut donc prétendre à des rappels de primes d’ancienneté calculées selon une ancienneté remontant à son premier jour de travail en CDD dans cette entreprise, sans pour autant requalifier les CDD d’usage en CDI, ainsi que des rappels d’indemnité légale de licenciement et d’indemnité de départ volontaire en application des articles 32-2 et 32-3 de m’accord PSE du 12 janvier 2017.
Le syndicat CGT est intervenu dans cette affaire sur le fondement de l’article L 2132-3 du code du travail pour violation du principe constitutionnel d’égalité, ce qui porte un grave préjudice à l’intérêt collectif de la profession.
Il a obtenu logiquement des dommages et intérêts et un article 700 du CPC.
Le 04/01/2020 |
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Mes droits : Le travail isolé et les obligations générales de sécurité de l’employeur |
|  | Nombreux sont les salariés qui se retrouvent en isolement au cours de leurs activités professionnelles. Il faut savoir qu’avant tout, le code du travail impose à l’employeur la démarche de prévention des risques professionnels, c’est-à-dire l’obligation de chercher à éviter les risques ou à les limiter les dangers auxquels peut être confronté le salarié.
En raison notamment de la grande diversité de situations rencontrées, le code du travail confère à l’employeur le pouvoir et la responsabilité :
d’identifier les situations d’isolement physique,
d’apprécier l’opportunité de prendre en considération ces situations et d’y remédier,
de déterminer les mesures appropriées à leur prévention. Cette approche conduira à rechercher des mesures organisationnelles, des mesures de protection collective, des moyens de protection individuelle, mais aussi des mesures de formation et d’information des travailleurs appropriés aux problèmes spécifiques liés à l’isolement.
le 25-11-2019 |
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Accident du travail, l’indemnisation au titre du harcèlement moral |
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La législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles ne fait pas obstacle à l’attribution de dommages intérêts au salarié en réparation du préjudice que lui a causé le harcèlement moral dont il a été victime antérieurement à la reconnaissance de son accident du travail En principe, aucune action en réparation des accidents et maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit (Article L451-1 du Code de la Sécurité sociale) ; ce qui exclut toute possibilité de rechercher, dans les conditions de droit commun, la responsabilité de son employeur pour obtenir une réparation complémentaire, notamment dans la mesure où la victime bénéficie d’une réparation forfaitaire (Article L431-1 du Code de la Sécurité sociale, notamment couverture des frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, des frais liés à l’accident (sauf en cas d’accident dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire – article L452-1 du Code de la Sécurité sociale). En l’espèce, un salarié a fait une tentative de suicide qui a été prise en charge au titre d’un accident du travail. Par un arrêt du 9 novembre 2017, la juridiction de sécurité sociale a rejeté sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. Le salarié a également décidé de saisir la juridiction prud’homale de demandes tendant notamment à la résiliation judiciaire de son contrat de travail et au paiement de diverses sommes tant au titre d’un licenciement nul que d’un harcèlement moral. La chambre sociale a considéré que le préjudice subi du fait du harcèlement moral durant la période antérieure à la reconnaissance de l’accident du travail, relève bien du juge prud’homal ce qui permet le cumul avec la réparation attribuée au titre de l’accident du travail. Ainsi, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir une indemnisation au titre du harcèlement moral dont il a été victime pour autant que les faits se situent pendant la période antérieure à la reconnaissance de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle (confirmation d’un principe posé en 2006 (Cass. soc., 15 novembre 2006, nº 05-41.489) dans une espèce où le salarié avait été pris en charge au titre d’une maladie professionnelle. Cass. soc., 4 septembre 2019, nº 18-17.329 F-D 7 actifs sur 10 annoncent leurs maladies à leur hiérarchie
le 09-11-2019
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La démission légitime donne droit à l’assurance chômage |
|  | Dans certains cas, la démission volontaire du salarié de son emploi est considèré comme légitime, et donne droit au salarié à l'allocation de retour à l'emploi versée par Pôle emploi.
Une démission légitime est une démission dont les circonstances permettent au salarié démissionnaire de toucher les allocations chômage.
En principe, Pôle emploi ne verse pas d'indemnités après une démission puisque, pour toucher l'ARE, il faut avoir perdu involontairement son dernier emploi. Sauf dans certains cas de démissions légitimes.
Depuis la réforme du chômage de 2019, certains salariés peuvent bénéficier d'une indemnisation dans le cadre d'un projet de reconversion professionnelle.
le 27-10-2019 |
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Liste des motifs légitimes qui permet, après une démission de bénéficier de l’assurance chômage |
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La réforme de l’assurance chômage sert, indéniablement, à réaliser 3,4 milliards d’économies, ce qui nécessairement va porter une atteinte drastique aux droits des demandeurs d’emploi. Néanmoins, une mesure mérite l’attention des salariés, cette mesure concernera la situation du salarié démissionnaire, qui pourra, sous conditions, bénéficier de l’ARE.
Voici les conditions :
Déménagement
Le déménagement peut être considéré comme une raison de démission légitime. Vous avez droit à l'ARE en cas de changement de résidence motivé par les motifs suivants. · Pour suivre votre conjoint ou concubin qui change de résidence pour un motif professionnel : · mutation au sein d'une entreprise · changement d'employeur, · reprise d'emploi après une période de chômage, · création ou reprise d'une entreprise ou début d'une activité de travailleur indépendant. · Pour suivre vos parents ou la personne qui exerce la puissance parentale (quel que soit le motif du changement de résidence) si vous êtes âgé de moins de 18 ans. · En raison de votre mariage ou de la signature d'un Pacs, sous réserve que le délai entre la démission et le mariage ne soit pas supérieur à deux mois, quel que soit l'ordre de ces deux événements. Contrat aidé
Votre démission est légitime si vous quittez un emploi-solidarité, un contrat d'insertion ou un emploi-jeunes pour reprendre un nouvel emploi ou suivre une formation. Votre démission est également légitime si vous quittez un contrat initiative-emploi à durée déterminée, un contrat d'accompagnement, un contrat d'avenir ou un contrat d'insertion-RMA pour reprendre un nouvel emploi (CDI ou CDD d'au moins six mois) ou suivre une formation. Non-paiement du salaire
Vous avez cessé votre activité car votre employeur ne vous versait plus votre salaire. Il s'agit d'une démission légitime. Vous devez justifier de cette situation par une ordonnance de référé rendue par le conseil de prud'hommes condamnant votre employeur à vous verser les rémunérations non réglées. Actes délictueux
Victime, à l'occasion de l'exécution de votre contrat de travail, d'un acte susceptible d'être délictueux, notamment violences physiques, harcèlement sexuel, vous avez été amené à démissionner. Vous avez droit au chômage. Un récépissé de dépôt de plainte auprès du procureur de la République devra être joint à votre demande d'allocations. Nouvelle activité
Après un licenciement ou à la fin d'un CDD, vous ne vous inscrivez pas à Pôle Emploi et vous entreprenez une nouvelle activité. Vous avez droit aux allocations chômage, si vous mettez fin volontairement à cette nouvelle activité dans une période maximale de 65 jours travaillés. Reprise d'un CDI
Vous démissionnez de votre précédent emploi et êtes embauché dans le cadre d'un CDI. Si votre employeur met fin à ce CDI après moins de 65 jours travaillés, vous avez droit aux allocations chômage à condition de pouvoir justifier d'au moins trois ans d'affiliation continue à l'assurance chômage avant votre démission. Voir Rupture de période d'essai après démission. Contrat de couple ou indivisible
Votre conjoint a été licencié ou mis à la retraite ou encore a démissionné dans le cadre de l'ARPE (Préretraite / embauche), et le contrat de travail comportait une clause de résiliation automatique du contrat du conjoint. Journaliste faisant jouer la clause de conscience
Vous devez avoir perçu l'indemnité de congédiement. Mission humanitaire ou service civique
Vous démissionnez pour effectuer un contrat de service civique, ou une ou plusieurs missions de volontariat pour la solidarité internationale d'une durée minimale d'un an. Vous avez droit aux indemnités même si la mission est interrompue avant ce délai, si l'interruption n'est pas de votre fait. Création d'entreprise
Vous démissionnez et créez une entreprise en respectant toutes les formalités légales de publicité. Vous avez droit aux indemnités si l'activité cesse pour des raisons indépendantes de votre volonté dans un délai de 36 mois. Mais dans ce cas, vous avez intérêt à demander un congé pour création d'entreprise. Violences conjugales
Est légitime la démission consécutive à un déménagement suite à des violences conjugales. Vous devez avoir porté plainte auprès du Procureur. Reconversion professionnelle
La loi sur l'avenir professionnel d'août 2018 a mis en place un nouveau cas de démission donnant droit à une indemnité chômage : la démission pour reconversion professionnelle. Elle est soumise à des conditions d'ancienneté et de mise en oeuvre assez strictes qui seront précisées par décret. Période d'essai
Si vous rompez votre contrat de travail pendant votre période d'essai, les règles sont les mêmes : il ne s'agit pas d'une démission légitime dès lors que cette rupture est considérée comme volontaire. Pour toucher des indemnités, il faudra que votre décision soit justifiée par l'un des cas de démission légitime mentionnés ci-dessus. A l'inverse, la rupture de la période d'essai par l'employeur peut donner lieu au versement des allocations. Ré-examen de situation
Si vous avez adressé votre lettre de démission pour un motif qui ne donne pas droit à l'ARE, vous pouvez demander un réexamen de votre situation après un délai de 4 mois (121 jours, plus exactement). Selon vos efforts de reclassement, les allocations chômage peuvent alors vous être attribuées par Pôle Emploi. Le point de départ du versement est dans ce cas fixé au 122e jour de chômage. Reliquat de droits
Vous pouvez aussi toucher des indemnités chômage si vous avez démissionné peu après votre embauche et que vous étiez déjà au chômage avant celle-ci. Pôle emploi pourra vous verser votre allocation à partir de votre éventuel reliquat de droits si les deux conditions qui suivent sont remplies : · vous n'avez pas épuisé tous vos droits à l'ARE ; · vous avez travaillez pour une durée inférieure à 91 jours (ou 455 heures). Attestation Pôle emploi
En cas de démission légitime, le salarié doit faire valoir ses droits au chômage en présentant l'attestation Pôle emploi que son employeur doit lui remettre lors de la rupture de son contrat de travail. La remise de ce document constitue une obligation pour l'entreprise, y compris lorsque le salarié démissionnaire n'a pas droit aux allocations chômage. Démission et reconversion
A compter du 1er novembre 2019, les salariés qui justifient de cinq années d'activité continue et à temps plein peuvent demander l'ARE après une démission dans le cadre d'une reconversion professionnelle. Avant la démission, ils doivent soumettre leur projet d'évolution professionnelle à la commission paritaire interprofessionnelle régionale de leur domicile ou de leur lieu de travail. Si cette commission atteste le caractère réel et sérieux de leur projet, ils disposent alors de six mois pour demander l'ARE à Pôle Emploi Le 21-10-2019
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L’indemnité de départ à la retraite |
|  | Vous avez 62 ans cette année (âge légal de départ en retraite) et vous envisagez de prendre votre retraite dans les prochains mois. Ou, votre employeur souhaite vous mettre d'office à la retraite car vous avez plus de 70 ans.
C’est l’article L1237-9 du code du travail qui prévoit que : « « Tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse a droit à une indemnité de départ à la retraite ».
C’est l’article D1237-1 du même code qui envisage le taux de l'indemnité de départ en retraite prévue Ce taux varie en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise. Ses modalités de calcul sont fonction de la rémunération brute dont il bénéficiait antérieurement. Cependant, sachez également que certaines conventions collectives prévoient une indemnité de mise à la retraite plus élevée que l'indemnité légale le 12-10-2019 |
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|  | Les conditions d'attribution existent à partir du moment où, le conjoint décédé était salarié ou retraité du régime général, le conjoint survivant peut percevoir une partie de sa retraite, sous conditions, sous conditions de ressources. Pour cela, il doit impérativement faire la demande car son attribution n’est pas automatique. L'âge minimum requis pour prétendre au bénéfice de pension de réversion est fixé à 55 ans. Cependant, une personne pacsée ou vivant en concubinage ne peut prétendre à une pension de réversion au décès de son compagnon ou sa compagne. le 15-09-2019 |
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Préjudice d’anxiété : militons pour que l’arrêt du 5 avril ouvre d’autres possibilités ! |
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En 2010 le CHSCT de l’usine Sanofi de Vitry demandait l’inscription du centre de production sur la liste des établissements ouvrant droit à l’ACAATA. En effet le bilan du service médical faisait apparaitre alors un bilan de 43 pathologies dues à l’exposition à l’amiante dont 14 avaient entrainé le décès. Sollicitée par l’inspection du travail, la direction de Sanofi exprimait son désaccord et dans la foulée le ministère du travail refusait l’inscription Conscients de la solidité de notre dossier, nous faisions néanmoins appel de cette décision mais la cour administrative d’appel de Paris rejetait notre demande au motif que " la durée d’exposition à l’amiante n’était pas significative " ! Ce qui était totalement arbitraire car il n’y a pas de seuil d’exposition" significative" et cette notion n’a d’ailleurs jamais été explicitée depuis par les tribunaux. Entre temps et sur les conseils de l’ANDEVA, 10 ouvriers et techniciens retraités du site, représentatifs des secteurs les plus touchés par l’amiante, décidaient d’engager une action pour préjudice d’anxiété car l’inquiétude gagnait les salariés au fur et à mesure qu’ils découvraient les ravages causés par l’amiante sur le site. En janvier 2015, les prud’hommes rejetaient notre demande car, entretemps, le préjudice d’anxiété était réservé aux seuls salariés des établissements inscrits sur la liste ACAATA. Néanmoins nous faisions appel de cette décision, informés par notre avocate des remous existants dans la magistrature à ce sujet. Mais visiblement la situation n’était pas encore mûre car la cour d’appel de Paris rejetait notre demande en février 2017 bien que, notre avocate ait insisté cette fois-ci sur la notion de "violation de l’obligation de sécurité" de l’employeur. Nous apprenons désormais, avec l’intervention de l’arrêt de la cour de cassation du 5 avril 2019, que ce préjudice d’anxiété pourra désormais de nouveau être accordé aux salariés pouvant bien sûr prouver la véracité de leur exposition à l’amiante, même s’ils n’ont pas travaillé dans un établissement classé ACAATA. Certes, nous avons été à contretemps malheureusement de l’évolution des décisions de justice mais nous ne regrettons en aucun cas ces années de procédure car nous avons conscience que c’est l’action conjuguée des associations et organisations syndicales d’une part et, d’autre part ces actions judiciaires qui ont permis que le préjudice d’anxiété ne soit plus restreint comme auparavant. D’ores et déjà nous avons pour objectif de trouver 10 nouveaux salariés qui reprendront le flambeau. Le plus important, pour nous, dans l’arrêt rendu par la cour de cassation le 5 avril, c’est qu’il ouvre la possibilité, en tout cas nous l’espérons, qu’il soit étendu à l’exposition des salariés à tous les dangers entrainant un risque élevé de développement de pathologies graves. Dans ce cas, cet arrêt serait un véritable outil de prévention du fait qu’il est fondé sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Cela nous paraît d’autant plus essentiel que, du fait du passage de l’usine vers les biotechnologies, nous sommes désormais confrontés à des risques que nous ignorons. Le fait que l’employeur devra prouver qu’il a pris les mesures nécessaires pour assurer notre sécurité et protéger notre santé en cas de recours aux tribunaux est un élément qui pourra l’inciter à une meilleure prévention. Cela dit, nous avons deux cas à l’usine d’ouvriers atteints de leucémie du fait de l’exposition au benzène, reconnus tous les deux en maladie professionnelle, mais qui n’ont pas pu engager de procédure en faute inexcusable car l’employeur pouvait, sans difficultés, démontrer qu’il avait informé des dangers et fourni les moyens de protection. L’obligation de sécurité n’est pas, hélas, une obligation de résultat. Ils ont été empoisonnés légalement en somme ! Serge FRANCESCHINA, militant syndical CGT Sanofi Vitry. le 15-09-2019 |
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Harcèlement moral - Le Conseil d’Etat décide de l'indemnisation de l’agent public visé par ces pratiques.
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|  | Le Conseil d’Etat vient de décider que lorsqu’un agent est victime, dans l'exercice de ses fonctions, d'agissements répétés de harcèlement moral visés à l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, il peut demander à être indemnisé par l'administration de la totalité du préjudice subi, alors même que ces agissements ne résulteraient pas d'une faute qui serait imputable à celle-ci.
Dans ce cas, si ces agissements sont imputables en tout ou partie à une faute personnelle d'un autre ou d'autres agents publics, le juge administratif, saisi en ce sens par l'administration, détermine la contribution de cet agent ou de ces agents à la charge de la réparation. Conseil d'État N° 415863 - 2019-06-28
le 29-07-2019 |
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La réparation prud’homale ne saurait être limitée par un barème préétabli. |
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La réforme du Code du travail de 2017 a instauré un barème prud'homal obligatoire. Selon ce texte, le juge prud'homal doit désormais respecter des planchers et des plafonds lorsqu'il fixe le montant des indemnités prud'homales à verser à un salarié.
Et bien que ce barème a été écarté par plusieurs tribunaux des prud’hommes (Troyes, Amiens, Lyon), un avis de la Cour de cassation, rendu le 17 juillet dernier, est venu renforcer l’ordonnance Macron, en concluant que le barème de dédommagements fixés était conformes.
Il faut conclure que cette décision de la Cour de Cassation n’a pas pour autant impressionnée les juges du conseil de prud’hommes de Grenoble, qui s’en sont allègrement affranchis en versant à un salarié une indemnité se chiffrant à près du double du montant prévu par les ordonnances Macron.
Ces juges du Conseil des Prud’hommes de Grenoble ont estimé que pour eux, cet avis du gouvernement n’a pas de force contraignante, car l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), précise qu’« une indemnité adéquate » doit pouvoir être versée à un travailleur abusivement congédié pour préjudice subi.
Dont acte !
le 29-07-2019 |
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En Martinique comme en France, la canicule ouvre des droits aux salariés, et des obligations aux employeurs |
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Si ces temps-ci le thermomètre affiche bien au-delà de 30° C, à Paris ou à Marseille, en Martinique les salariés qui travaillent à l’extérieur : bananeraie, batiment, route, métallurgie etc…travaillent régulièrement dans ces limites de température, sans pour autant que leurs employeurs se conforment à des obligations qui sont bien inscrites dans le droit du travail. Pourtant, au travail, lorsque le salarié est posté à l'extérieur comme à l'intérieur, en cas de grosses chaleurs, des mesures doivent être prises pour protéger sa santé et assurer sa sécurité. Le code du travail, certes, ne prévoit pas de niveau de température au-delà de laquelle la protection du salarié doit être assurée. Cela étant dit, l’INRS considère qu’à partir de 28°C sur les chantiers extérieurs (pas de clim comme pour les bureaux), il y a risque et danger et à défaut d’une décision de l’employeur, le salarié doit pouvoir faire usage des textes. Que prévoit le Code du travail dans ses Articles R4221-1 et suivants:que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. En mettant à sa disposition des moyens de ventilation et d’aération, mise de l’eau fraîche et potable, notamment de bouteilles d’eau gratuites. A ces mesures obligatoires peuvent s’ajouter, le décalage ponctuel des horaires, la limitation des cadences. En dernier ressort, si rien ne se passe, le salarié peut faire usage de son droit de retrait tel que le prévoit l’article L4131-1du Code du travail.
le 29-07-2019 |
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Mes droits : Oui la santé au travail a toute sa place au sein des CSE |
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Le code du travail (art. L. 2315-18), impose un CSSCT (Comité Santé Sécurité et Conditions de Travail) qu’au-delà d’un seuil d’effectif de 300 salariés. Alors du fait de la disparition du CHSCT dans la nouvelle instance que faire ?, Seul l’inspecteur du travail peut imposer un CSSCT en deçà d’un seuil d’effectif de 300 salariés.
Ce sujet inquiète bon nombre de travailleurs ,surtout les salariés vivants quotidiennement des situations dangereuses, justement, à cause de ces problématiques qui devraient être traitées de manière prioritaire et ne le sont plus.
Malgré le raidissement des directions d’entreprises, il faut convenir que SSCT ou pas, uneformation est accessible à tous les membres du CSE sur la question santé, sécurité et conditions de travail. La réalité du terrain des mauvaises conditions de travail devra suffire.
Il faut simplement se dire qu’ailleurs ça c’est fait alors pourquoi pas des CSSCT partout où c’est possible sans nécessairement dépasser le seuil de 50 salariés. Selon les derniers chiffres du ministère du Travail, 23 700 CSE ont été créés au 31 mars 2019, dont 65 % dans des entreprises de moins de 50 salariés, cqfd ! |
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La Prime de risque et ses règles |
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S’il s’avère qu’une prime de risque n’est pas obligatoire si elle n’est pas négociée, néanmoins sa mise en place devient inéluctable, dès lors que le salarié exécute des travaux ou des missions à risques dans le cadre de son travail (agriculture, métallurgie, construction, sécurité, transport, produits dangereux...). Le versement d'une prime de risque n'est pas systématique. Cependant pour que son paiement soit obligatoire, il doit être prévu dans la convention collective ou dans un accord collectif. Les mauvaises pratiques dans l'entreprise peuvent déclencher son paiement dès lors que la mise en place d’un traitement de la pénibilité (ordonnance Macron n°2017-1389 du 22 septembre 2017). La loi exige que : « tout employeur a l'obligation de prévenir ou de limiter l'impact de la pénibilité au travail sur la santé de ses salariés » Dès lors que ces conditions ne sont pas assurées, le fait qu'aucune prime de risque ne soit prévue par un texte ou l'usage n'empêche pas un salarié d'en demander l'obtention auprès de son employeur, sans que celui-ci envisage de la refuser. Lorsqu'elle est payée, la prime est dans tous les cas soumise au paiement des cotisations de sécurité sociale. Elle est également prise en compte dans le calcul de l'impôt sur le revenu et doit figurer sur le bulletin de salaire.
le 03-06-2019 |
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La prime d’activité conditions et calcul |
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Le but de la prime d’activité est de compléter le revenu des salariés, des fonctionnaires et des travailleurs indépendants dont les ressources sont modestes. Pour la percevoir, certaines conditions doivent être respectées. Principe de la prime d’activité La prime d’activité permet de compléter les revenus des salariés, des fonctionnaires et des travailleurs indépendants qui ont peu de ressources. Il s‘agit d’une prestation sociale versée par la CAF (Caisse d’allocations familiales) . Cette prime remplace le “RSA activité” et la prime pour l’emploi depuis le 1er janvier 2016 (décret n°2015-1709 du 21 décembre 2015). Elle vise à inciter à la reprise d’une activité professionnelle ou à son exercice. La prime d’activité n’est pas imposable. Prime d’activité : conditions La prime d’activité est réservée aux travailleurs gagnant jusqu'à 1.806 euros depuis le 1er janvier 2019 (pour une personne seule sans enfant). En plus du critère des revenus, certaines conditions doivent être respectées : Être âgé d’au moins 18 ans. Avoir la nationalité française ou résider en France en étant : titulaire d’un carte de résident, titulaire d’un titre de séjour, ressortissant de l’Espace Economique Européen, réfugié, apatride. Résider en France de manière stable et effective (y résider de manière permanente ou ne pas résider hors de France plus de 3 mois par année civile ou de date à date). Toutes les personnes percevant le Smic ne sont pas éligibles à la prime d’activité. En effet, le salaire n’est pas la seule ressource prise en compte dans le calcul. Certaines personnes ne peuvent pas se prévaloir de cette prime. C’est le cas : d’un travailleur détaché qui exerce son activité en France de façon temporaire d’une personne en congé parental d’éducation, sans solde, en disponibilité, ou en congé sabbatique (sauf si vous percevez un revenu d’activité) ; d’un étudiant ou un apprenti qui perçoit mensuellement un revenu inférieur à 78 % du Smic net (939 euros par mois au 1er janvier 2019). Le calcul de la prime d’activité prend en compte les ressources du foyer, c’est-à-dire les ressources de votre conjoint notamment. Si vous répondez à toutes les conditions pour toucher cette prime mais que votre conjoint a des ressources trop élevées, vous ne pourrez pas y prétendre. Montant de la prime d’activité Pour calculer votre prime d’activité, les ressources de l’ensemble de votre foyer (conjoint, personnes à charge, enfants) doivent être recensées. Quelles sont les ressources prises en compte ? Pour déterminer le montant de la prime d’activité, plusieurs ressources du foyer sont prises en compte : les revenus professionnels (revenus tirées d’une activité salariée ou non, indemnités journalières, etc.) ; les revenus de remplacement (pensions alimentaires, allocation de cessation anticipée d’activité, etc.) ; l’avantage en nature procuré par un logement occupé soit par son propriétaire, soit, à titre gratuit, par les membres du foyer ; les aides personnelles au logement prévues aux articles L. 542-1 et L. 831-1 du Code de la Sécurité sociale et à l'article L. 351-1 du Code de la construction et de l'habitation. Pour les travailleurs indépendants, les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou non commerciaux (BNC) déclarés pour la dernière année fiscale sont pris en compte. Si ce n’est pas possible, est pris en compte le chiffre d’affaires du dernier trimestre. Calcul de la prime d’activité Le montant de la prime d’activité varie selon la composition du foyer et les revenus. Prime d’activité = (montant forfaitaire + une éventuelle bonification individuelle supplémentaire + 62 % du montant des revenus professionnels) - les ressources du foyer. Le montant forfaitaire pour une personne seule est de 551,51 euros par mois (depuis le 1er octobre 2018). Ce montant peut être majoré en fonction de la composition du foyer ou si vous êtes un parent isolé ou une femme enceinte. La bonification individuelle est due si votre salaire mensuel net est égal ou supérieur à 0,5 Smic. Le montant maximal de la bonification est de 160,49 euros. Ce plafond est atteint dès lors que vous touchez 0,8 Smic. Mais ce calcul est compliqué et il vaut mieux faire appel au simulateur en ligne de la Caf. Si le résultat de votre calcul est inférieur à 15 euros, la prime d’activité ne vous est pas versée. Demander la prime d’activité Procédure Pour obtenir la prime d’activité, vous devez faire votre demande auprès de la Caf . Cette demande peut se faire n’importe quand dans l’année. La prime est due à compter du premier jour du mois duquel vous avez fait la demande. Et vous la percevez mensuellement, à terme échu, c’est-à-dire que, par exemple, la prime du mois de janvier sera versée en février, etc. Pour percevoir la prime, vous devez déclarer tous les 3 mois vos revenus du trimestre précédent sur le site. La Caf vous enverra un mail pour vous prévenir de remplir votre déclaration. En cas de changement de situation (résidence, situation de famille, activités, etc.) vous devez le faire connaître à l’organisme en charge de la prime d’activité et, ainsi, donner toutes les informations nécessaires au calcul de vos droits. En cas de rejet de la demande Si votre demande de prime d’activité est rejetée, vous pouvez saisir la Commission de recours amiable (CRA) de votre CAF. Si le litige persiste, vous pouvez présenter un recours devant le tribunal administratif. Suspension et réduction de la prime d’activité Le versement de la prime d’activité peut être suspendu ou réduit dans plusieurs cas : Une personne incarcérée voit son droit à la prime d’activité suspendu. Cependant, c’est à elle de prévenir l’organisme de son incarcération. Si elle ne le fait pas, elle devra rembourser le trop perçu et se fera radier. Une personne hospitalisée et prise en charge par l’assurance maladie voit le montant de sa prime d’activité réduit de moitié. le 20-05-2019 |
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Lorsqu’à la fin d’un contrat de travail à durée déterminée (CDD) ou d’un contrat intérimaire les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée (CDI), le salarié bénéficie d’une indemnité de précarité, également appelée indemnité de fin de contrat, destinée à compenser la précarité de sa situation. Quel est le principe de la prime de précarité ? La prime de précarité est une indemnité versée à la fin d’un CDD ou d’un contrat intérimaire. En effet, le Code du travail impose à l'employeur d'un salarié en CDD (L1243-8 du Code du travail) ou en contrat intérimaire (L1251-32 du Code du travail) d’indemniser la précarité imposée par ce type de contrat en lui versant une prime spécifique. Il est intéressant de noter que c’est bien la précarité du type de contrat qui est indemnisé et non le montant du salaire. En effet, un salarié en CDD ou en contrat d’intérim touche une prime de précarité à la fin de son contrat quel que soit le montant du salaire qui lui été versé. La prime de précarité concerne donc tout autant le salarié payé au smic-2017-le-montant-mensuel-et-horaire-en-net-et-en-brut-1230723">SMIC que le salarié cadre. Si l'employeur refuse de verser la prime de précarité au salarié, ce dernier doit d’abord lui adresser une lettre en recommandé avec accusé de de réception. Dans cette lettre, le salarié doit demander à l’employeur d’exécuter son obligation. Si cette demande n’est pas suivie d’effet, le salarié doit alors intenter une action devant le conseil des prud’hommes Qui peut toucher l'indemnité de précarité ? La prime de précarité concerne tous les salariés dont le CDD ou le contrat d’intérim arrive à son terme. Cette prime de précarité doit être versée même lorsque le salarié refuse le renouvellement de son contrat, sauf si le contrat comporte une clause de renouvellement automatique. Au contraire, aucune prime ne doit être versée lorsque le salarié rompt son contrat avant son terme. Etudions ci-dessous quelques situations particulières : Embauche en CDI à la fin du CDD ou contrat d’intérim : si le salarié est embauché en CDI à la fin de son CDD ou contrat d’intérim, la prime de précarité n’est pas due puisque le salarié ne se trouve plus en situation précaire. Succession de plusieurs CDD ou contrat d’intérim : si le salarié est à nouveau embauché en CDD par la même entreprise, l'employeur doit lui verser une prime de précarité à la fin de chaque contrat. En revanche, en cas de renouvellement du CDD ou du contrat d’intérim, la prime de précarité est due à la fin du dernier CDD en prenant en compte les rémunérations de tous les CDD. Rupture amiable du contrat : la prime de précarité reste également due au salarié en cas de rupture amiable du CDD ou du contrat d’intérim. Il en est ainsi même si le salarié a renoncé à son versement dans l'accord de rupture. Il existe également des situations particulières à la suite desquelles l'indemnité de précarité n’est pas due. Il en est notamment ainsi pour les emplois saisonniers, pour les contrats aidés dans le cadre de la politique pour l'emploi ou encore, pour les emplois occupés par les jeunes durant les vacances scolaires ou universitaires. De même, la prime de précarité ne doit pas être versée dans les situations suivantes : •si la rupture du CDD ou du contrat d’intérim est due à une faute grave ou à une faute lourde du salarié ou encore, à un cas de force majeure ; •si le CDD ou le contrat d’intérim est rompu durant la période d’essai ; •si le salarié refuse un CDI pour occuper le même emploi dans des conditions de travail et de rémunération équivalentes. >> Notre service - Votre CV est-il vraiment rédigé comme il faut ? Capital vous offre son analyse complète pour l’améliorer Comment calculer la prime de précarité ? L'indemnité de précarité vient s'ajouter à la rémunération totale brute du salarié. La prime de précarité est égale à 10% de la rémunération brute versée au salarié pendant toute la durée du CDD ou du contrat d’intérim. Par durée du contrat, il faut entendre la période initiale mais aussi les différentes périodes de renouvellement. A noter : une convention (ou un accord collectif) applicable à l'entreprise ou au contrat de travail peut prévoir une prime de précarité plus favorable que celle légalement prévue. Il est donc nécessaire de consulter les accords applicables à l’entreprise. Pour calculer la prime de précarité, il faut prendre en compte le salaire de base mais aussi toute autre somme ayant la nature de salaire. Il en est notamment ainsi des majorations de salaire, des indemnités et des primes (prime de fin d’année, prime de 13ème mois, prime de vacances, etc.) perçues au cours du CDD ou du contrat d’intérim. En revanche, l'indemnité compensatrice de congés payés ne doit pas être intégrée dans la base de calcul. Exemple : pour un salarié embauché en CDD pendant 6 mois. Ce salarié a perçu une rémunération de 1.800 euros bruts par mois ainsi qu’une prime de Noël de 200 euros. Le calcul de la prime de précarité est le suivant : •1.800 x 6 + 200 = 11.000 euros •11.000 × 10 % = 1.100 euros. Le montant de la l'indemnité de précarité est de 1100 euros. Sachez toutefois que l’employeur peut limiter le montant de la prime de précarité à 6% de la rémunération brute totale si cette possibilité est prévue par une convention ou un accord collectif de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement. Pour être applicables, ces conventions ou accords collectifs doivent obligatoirement prévoir des contreparties en faveur du salarié, notamment sous la forme d'un accès privilégié à la formation professionnelle. La prime de précarité est versée avec le dernier salaire. Elle doit apparaître sur le dernier bulletin de paie. Elle fait partie du solde de tout compte. le 06-05-2019 |
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La reprise de travail à temps partiel thérapeutique |
|  | Dans certains cas, votre médecin traitant peut vous prescrire un arrêt de travail à temps partiel pour motif thérapeutique afin de vous permettre une reprise progressive de votre activité professionnelle. Depuis le 1er janvier 2018, les salariés peuvent bénéficier, sur prescription, d'une reprise de travail à temps partiel thérapeutique ou d'une reprise de travail léger permettant le versement d'indemnités journalières (IJ). La reprise de travail à temps partiel pour motif thérapeutique doit immédiatement suivre un arrêt de travail à temps complet indemnisé. La prescription du médecin s'établit sur le formulaire habituel d'arrêt de travail, dans la zone "reprise à temps partiel thérapeutique pour raisons médicales". Le formulaire doit être adressé au service du contrôle médical dans un délai de 48 heures. le 21-04-2019 |
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A propos de la mise à pied |
|  | La mise à pied qui n’est pas immédiatement suivie de l’engagement de la procédure de licenciement pour faute grave a un caractère disciplinaire, les arrêts de travail du salarié ne pouvant justifier le retard de l’employeur pour mettre en œuvre cette procédure. Il en résulte que la Cour d’appel a pu juger qu’en omettant de convoquer le salarié à un entretien préalable au prononcé de cette mise à pied, il en résultait une irrégularité de forme qui justifiait l’annulation de la sanction conformément à l’article L 122-43 du Code du travail. (CCASS Soc. 13 février 2008, pourvoi n°06-42969)
le 25-03-2019 |
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Cachez cette précarité que je ne saurais voir ! (Lu dans Chronique Ouvrière)
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Conseil de prud’hommes de Paris 22 novembre 2018 Un jugement de départage bien surprenant a été rendu sur les problèmes de prescriptions liées aux contrats de travail à durée déterminée. Il faut rappeler ici que sous le quinquennat de Mr SARKOZY on était passé de 30 années à 5 années pour les prescriptions concernant les dommages et intérêts et par voie de conséquence les indemités de requalification des CDD en CDI qui ont une telle nature (notamment cassation sociale 18 mai 2004 n°01-45622). Pour la CFDT la CFTC et la CGC c’était encore trop et l’ANI du 11 janvier 2013 transposé dans la loi du 17 juin 2013, a encore réduit les délais de prescription de 5 années à 3 années, sous réserves de saisir le Conseil de prud’hommes dans les 2 années suivant la rupture. Voir L’ANI du 11 janvier 2013 : un accord signé par les « chiens de garde » de la flexibilité lundi 18 mars 2013 par Pascal MOUSSY dans chronique Ouvrière. Mr MACRON a encore réduit ce délai de 2 années à une année, délai qui s’appliquera dès le 25 septembre 2019, passée la période transitoire. Mr BARHOUA, aujourd’hui retraité, avait agi dans le délai de 2 ans de la fin de son dernier contrat de travail d’ « extra » au Pullman Montparnasse. Selon lui il était parfaitement recevable à faire valoir ses droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au 1er contrat irrégulier qui correspondait à son 1er jour travaillé le 23 novembre 2001. "Mais attendu, d’abord, que selon l’article L. 1251-40 du code du travail, lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ; qu’il en résulte que le délai de prescription prévu par l’article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 ne court qu’à compter du terme du dernier contrat de mission ; Que l’arrêt, qui retient que la demande de M. X... à l’égard de l’entreprise utilisatrice tendant à la requalification de ses contrats de missions en un contrat à durée indéterminée prenant effet au 14 décembre 2001 n’est pas prescrite, se trouve dès lors légalement justifié ») (cassation sociale 13 juin 2012 n°10-26387) Cet arrêt lui semblait parfaitement transposable aux CDD. En effet la jurisprudence reprend le principe de l’article L1251-40 même après la loi de 2008. Son objectif est de maintenir la pleine effectivité de la règle fixée à l’article L1251-40 du code du travail pour le travail temporaire et par la jurisprudence constante de la Cour de cassation pour les CDD (19 septembre 2013 n°12-12271, 24 avril 2013 n°12-12273, 3 mai 2016 n°15-12256). C’est ce qu’a fait la Cour de cassation dans un arrêt en date du 8 novembre 2017 n°16-17499 : « Attendu, cependant, que les effets de la requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée remontent à la date de conclusion du premier contrat à durée déterminée irrégulier ; qu’il en résulte que le délai de prescription prévu par l’article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, ne court qu’à compter du terme du dernier contrat à durée déterminée ; » Un arrêt plus récent, rendu par une autre chambre de la Cour de cassation, du 3 mai 2018 n° 16-26437, indique cependant au visa de l’article L1471-1 du code du travail que : « le salarié fondait sa demande en requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu le 12 juillet 2004 sur le défaut d’indication, dans le contrat, du motif du recours à ce type de contrat ; que la cour d’appel en a déduit à bon droit que la prescription de cette demande courait à compter de la date de conclusion du contrat et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. Cette décision, hautement contestable, sous-entend que la question de la requalification d’un contrat précaire concerne son exécution ou sa rupture et qu’en l’absence de motif de recours porté sur le contrat de travail à durée déterminée le salarié est informé de la possibilité de contester la validité de son contrat précaire. Or tel n’était pas le cas de ce dossier où nous étions en présence d’une succession de contrats de travail à durée déterminée dits d’usage, et non pas d’un seul contrat, CDD non écrits. Au surplus il est critiquable que la demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée concerne son exécution ou sa rupture. La demande concerne en réalité les conditions de conclusion d’un tel contrat. L1471-1 : Toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture. Enfin il avait soutenu qu’il y avait à l’évidence abus de dépendance économique, au sens des articles 1142, 1143 et 1144 du code civil, empêchant Mr BARHOUA d’agir en justice car menacé de ne plus être appelé du jour au lendemain s’il venait à attaquer son employeur devant le Conseil de prud’hommes. L’article 1142 du Code civil prévoit expressément que « la violence est une cause de nullité qu’elle ait été exercée par une partie ou par un tiers. » Article 1143 « Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. » Article 1144 Le délai de l’action en nullité ne court, en cas d’erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts et, en cas de violence, que du jour où elle a cessé. Cet argument de l’abus de dépendance économique concernant les salariés en CDD est de bon sens. En effet, l’abus de dépendance économique est un concept qui permet de rendre compte d’un rapport de force entre deux contractants, dont l’un exerce sur l’autre un pouvoir lui permettant de tirer profit de la situation économique et sociale de ce dernier en connaissance de cause et de manière volontaire. Un employeur qui embauche un salarié en CDD ou en une succession de contrats d’ « extra » ou CDD notamment pour de longues périodes qui peuvent s’étaler sur plusieurs années, est parfaitement informé de l’existence d’un poste permanent dans son entreprise, que ce soit à temps plein ou à temps partiel. Cependant, le recours à ce type de contrats précaires lui permet de tirer un certain nombre d’avantages de la situation de précarité qu’il inflige volontairement à son salarié. Cette violence faite au salarié embauché par une succession de CDD sur une longue période n’est pas sans incidence sur sa capacité d’agir en justice. En effet, le risque de ne plus être appelé pour travailler, ou de rupture de la relation de travail après le CDD est imminement pesant sur le salarié. Il n’est évidemment pas éxagéré d’avancer que cette pratique particpe à une précarisation générale du travail, dans une France qui compte aujourd’hui plus de 5 millions de chomeurs-e-s et autant de travailleurs-ses pauvres ! Par ailleurs, cette conclusion d’une sucession de contrats CDD dans une logique de tirer profit, remet à l’ordre du jour l’obligation de bonne foi quant à l’exécution du contrat de travail consacrée par l’article L1222-1 du code du travail. En effet, dans le cas d’une multitude de CDD pour palier aux besoin d’une activité permanente de l’entreprise, il ne peut être soutenu que le contrat soit exécuté de bonne foi coté employeur. Concernant la prescription sur les demandes de rappels de salaires, celles-ci pouvaient remonter à trois annéss avant la rupture, soit au mois d’août 2013 par combinaison des articles L1471-1 et L3245-1 du code du travail. Les demandes de rappels de Mr BARHOUA étaient donc incontestablement recevables au regard des délais de prescription. On ne comprend donc pas que le Conseil de prud’hommes ait retenu comme date de prescrition des demandes le 29/12/2014, faisant fi des arguments soulevés par Mr BARHOUA. On soulignera cependant le montant convenable de dommages et intérêts alloués au syndicat CGT PULLMAN pour préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession, source de revenus « propre » pour les organisations syndicales. le 28-01-2019 |
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Le "barème impératif" à l’épreuve de la juste réparation du préjudice causé par un licenciement sans cause réelle et sérieuse. (Chronique Ouvrière) |
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L’alinéa 2 de l’article L. 1235-1 du Code du travail issu de l’ordonnance 2017-4387 du 22 septembre 2017 a mis en place un « barème impératif » (prévoyant des montants minimaux et maximaux) lorsque le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il a été relevé dans les colonnes de Chronique Ouvrière, au moment de la découverte du projet d’ordonnance relative à « la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail » qui a introduit le principe du « barème impératif » que l’objectif était de privilégier la « libération des énergies » des décideurs en affirmant le principe d’une condamnation « low cost » de l’employeur qui a pu détruire la vie d’un travailleur victime d’un licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse (P. MOUSSY, « Macron et la sécurisation : la banalisation du mal », Chronique Ouvrière du 14 septembre 2017, http://www.chronique-ouvriere.fr/spip.php?article946). D’autres ont constaté que « par l’instauration d’un plafond, c’est le principe de la réparation intégrale du préjudice qui perd du terrain ». « Il ne disparaît pas totalement puisqu’à l’intérieur de la fourchette proposée, il a vocation à guider la fixation du montant. Mais le plafond s’impose quand bien même le salarié pourrait faire la démonstration d’un préjudice plus conséquent ». Le juge se retrouve ainsi au milieu du gué, « entre gardien et de la règle et comptable des finances de l’entreprise » (voir A. GARDIN, « La sanction du licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cohérence juridique à l’épreuve d’objectifs comptables et financiers », RJS 1/18, 4). Le SAF (Syndicat des Avocats de France) a rédigé un « argumentaire à dispositions des salariés, des défenseurs syndicaux et des avocats contre le plafonnement prévu par le nouvel article L. 1235-3 » démontrant que le « barème impératif » est contraire à l’article de la convention n° 158 sur le licenciement, ratifiée par la France le 16 mars 1989 et à l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999 (http://lesaf.org/argumentaire-contre-le-plafonnement-prevu-par-le-nouvel-article-l-1235-3/). Il ressort de la lecture du jugement rendu le 13 décembre 2018 par le Conseil de prud’hommes de Troyes que ce travail d’explication n’a pas été inutile. I. Un jugement prud’homal de solide facture. Le salarié demandait que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de de l’employeur en vue d’obtenir l’octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le juge prud’homal a considéré que les manquements reprochés à l’employeur, en l’occurrence le non-paiement des salaires, l’appauvrissement des missions et responsabilités du salarié et la déloyauté contractuelle, étaient suffisamment graves pour justifier la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur qui lui était présentée. Le salarié concerné avait une ancienneté de moins de trois ans au moment où a été prononcée la résiliation judicaire de son contrat de travail. Si les juges prud’homaux s’en étaient tenus au « barème impératif » fixé par l’article L. 1235-3 du Code du travail, le dédommagement de la rupture aux torts de l’employeur n’aurait pas pu dépasser trois mois et demi de salaire. Mais le Conseil de prud’hommes de Troyes a octroyé neuf mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, après avoir relevé l’inconventionnalité des barèmes prévus par l’article L. 1235-3 du Code du travail. Les juges prud’homaux ont d’abord considéré que le « barème impératif » est contraire à l’article 10 de la convention n° 158 sur le licenciement, aux termes duquel si les tribunaux « arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible, dans les circonstances, d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ». [Il ne peut qu’être relevé qu’en vertu de l’habilitation qui lui est donnée par la convention internationale d’ordonner le versement d’une indemnité adéquate, le tribunal se voit reconnaître la capacité d’exercer en toute autonomie le pouvoir de déterminer le montant d’une juste réparation du préjudice causé par le licenciement injustifié]. Il est ensuite apparu au Conseil de prud’hommes que le « barème impératif » méconnaît les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996, qui affirme « le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ». [Jean MOULY a attiré notre attention sur la décision rendue le 8 septembre 2016 dans l’affaire « Finish Society of Social Rights c/ Finlande » (n° 106/2014) que les mécanismes d’indemnisation sont réputés « appropriés » lorsqu’ils prévoient « des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour compenser le préjudice subi par la victime » (voir J. MOULY, « Le plafonnement des indemnités injustifié devant le Comité européen des droits sociaux », Dr. Soc. 2017, 749). Il doit aussi être noté que, par un arrêt du 10 février 2014 (n° 358992), le Conseil d’Etat a précisé que les stipulations de l’article 24 de la Charte sociale européenne, « dont l’objet n’est pas de régir exclusivement les relations entre les Etats et qui ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers », peuvent être invoquées utilement par une personne privée pour contester une décision lui faisant grief]. Le Conseil de prud’hommes de Troyes a caractérisé la violation de l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT et de l’article 24 de la Charte sociale européenne de la manière suivante. « Le barème est fixé en fonction de l’ancienneté et de la taille de l’entreprise et peut aller jusqu’à maximum 20 mois. L’article L. 1235-3 du Code du travail, en introduisant un plafonnement limitatif des indemnités prud’homales, ne permet pas aux juges d’apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice qu’ils ont subi. De plus, ces barèmes ne permettent pas d’être dissuasifs pour les employeurs qui souhaiteraient licencier sans cause réelle et sérieuse un salarié. Ces barèmes sécurisent d’avantage les fautifs que les victimes et sont donc inéquitables ». II. L’arrogance du commentaire du Ministère du travail. Les services du Ministère du travail ont pris de haut le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Troyes. « Au ministère du travail, on fait valoir que les arguments soulevés par le conseil de Jean-Paul G. avaient déjà été examinées, fin 2017, par le Conseil d’Etat, dans un autre dossier, en référé, et qu’ils avaient été rejetés par la haute juridiction. La décision prononcée à Troyes fait fi de ces éléments et pose à nouveau « la question de la formation juridique des conseillers prud’homaux », affirme-t-on au ministère du travail » (B. BISSUEL, « Le plafonnement des indemnités prud’homales retoqué », Le Monde des 16 et 17 décembre 2018). Le commentaire ministériel appelle deux observations. Il sera d’abord relevé que les appréciations formulées dans l’ordonnance du 7 décembre 2017 (n° 415243) rendue par le juge des référés du Conseil d’Etat ne s’imposaient au bureau du jugement du Conseil de prud’hommes. Il ressort des termes de cette ordonnance que le principe même d’une limitation du montant de la réparation du licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse ne contreviendrait pas aux deux textes internationaux précités dans la mesure où « en fixant des montants minimaux et maximaux d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse en fonction des seuls critères de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et des effectifs de celle-ci, les auteurs de l’ordonnance n’ont pas entendu faire obstacle à ce que le juge détermine, à l’intérieur de ces limites, le montant de l’indemnisation versée à chaque salarié en prenant en compte d’autres critères liés à la situation particulière de celui-ci ». La question posée était celle de savoir si la mise en place d’un montant maximal interdisant au juge d’évaluer lui-même l’indemnité adéquate visant à une réparation intégrale du préjudice était contraire à l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT et à l’article 24 de la Charte sociale européenne. L’ordonnance du 7 décembre 2017 répond à côté de la plaque en faisant valoir qu’il n’est pas fait obstacle à ce que le juge détermine le montant de l’indemnisation versée à chaque salariée à l’intérieur des limites fixées par les montants minimaux et maximaux d’indemnisation. Les conséquences de ce hors-sujet ne sont pas finalement pas dramatiques, l’autorité de la chose jugée n’étant pas attachée à la décision rendue à titre provisoire par le juge des référés du Conseil d’Etat. Il sera ensuite souligné que le mépris affiché envers la qualité du raisonnement juridique suivi par les juges prud’homaux n’est pas ici très bien venu. Il a été mentionné par un conseiller référendaire à la Cour de cassation que l’encadrement de l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse a suscité de nombreuses réserves chez les « universitaires » (voir A. DAVID, « Les règles présidant à l’évaluation du préjudice », Dr. Soc. 2017, 921). C’est un « professeur émérite à l’université de Limoges » qui a tiré la sonnette d’alarme sur le caractère injustifié du plafonnement des indemnités de licenciement au regard de l’article 24 de la Charte sociale européenne (voir J. MOULY, art. préc.). Il sera surtout observé qu’à force de se pencher pour cirer les pompes des patrons, le Ministère du travail n’est plus en mesure de redresser la tête pour entrevoir, au-dessus de l’ordonnance de circonstance attachée à sécuriser les contentieux, les principes internationaux garantissant l’indépendance des juges dans leur office de réparation du préjudice causé par le licenciement prononcé sans motif valable. 17 décembre 2018 |
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Renault-Cléon : les juges retiennent que la dégradation des conditions de travail est à l’origine d’un suicide (Chronique Ouvrière) |
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Dimanche 29 mai 2011, un jeune mécanicien du Département des ateliers centraux de l’usine Renault de Cléon – père de 3 enfants – s’était suicidé à son domicile. Estimant que son suicide présentait un lien de causalité avec ses conditions de travail, la majorité des membres du CHSCT avait voté une demande d’expertise afin de déterminer, entre autres, « les causes internes au travail pouvant contribuer à des gestes contre soi-même », à « analyser les risques professionnels liés à la souffrance au travail et la santé psychologique des salariés » et « à analyser les modes de management, les relations de travail et leurs incidences sur la santé des travailleurs ». Renault avait alors saisi le Tribunal de Grande Instance d’un recours en annulation de cette expertise qu’il obtiendra le 5 janvier 2012, annulation confirmée par un arrêt de la Cour d’appel du 13 novembre 2012. Mais il doit être précisé que la Cour d’appel n’avait débouté le CHSCT qu’au motif que « la mission d’expertise n’identifie pas de risque précis constaté et charge plutôt l’expert d’un audit des conditions de travail et de leurs répercussions possibles sur la santé psychologique des salariés ». A cette occasion, contrairement à ce qui sera plaidé par la Société Renault, ni le Tribunal de Grande Instance, ni la Cour d’Appel ne s’étaient prononcés sur la réalité ou non des problèmes soulevés dans l’assignation du CHSCT. Suite à ces décisions, la veuve du salarié avait réclamé une déclaration d’accident à l’entreprise, qu’elle n’obtiendra qu’avec difficulté. Mais la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Eure refusera de le prendre en charge au titre de la législation professionnelle, estimant que « les éléments en [sa] possession ne [lui] permett[aient] pas de reconnaître le caractère professionnel de l’accident suivi du décès déclaré ». La Commission de recours amiable de la CPAM postulera quant à elle que « l’existence d’un accident dont aurait été victime l’assuré social, au temps du travail le 29 mai, n’est pas démontrée », « le fait accidentel allégué s’étant produit au domicile de l’assuré alors qu’il se trouvait en dehors du temps de travail et en dehors de tout lien de subordination avec son employeur ». Mais par un jugement en date du 17 novembre 2016, le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale de l’Eure (TASS) a infirmé ce refus de reconnaître le caractère professionnel du décès par suicide de ce salarié, jugeant qu’il relevait effectivement de la législation professionnelle sur les accidents de travail. Par son arrêt en date du 11 avril 2018 – soit près de sept ans après le suicide – la Cour d’Appel de Rouen a confirmé en toutes ses dispositions ce jugement rendu par le TASS de l’Eure. Dans son jugement, le TASS a rappelé que si « lorsque l’accident survient hors temps et lieu de travail, la présomption d’imputabilité est renversée et oblige le salarié, ou ses ayant-droits, à établir que c’est le travail qui est à l’origine de l’accident », […] « le suicide, commis à un moment où le salarié n’est plus placé sous la subordination de l’employeur, peut constituer un accident du travail s’il est établi qu’il est intervenu par le fait ou à l’occasion du travail » et qu’ « il appartient à [l’ayant-droit] de démontrer que le passage à l’acte [du salarié] était en lien avec son travail ». Dans son arrêt, la Cour d’Appel a confirmé « que l’accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de son employeur constitue un accident dès lors que le salarié établit qu’il est survenu par le fait du travail ». Pour établir le fait que « le suicide […] est survenu du fait du travail », la Cour d’Appel a non seulement retenu qu’« il existait au sein de l’usine Renault de Cléon un climat général manifestement tendu […] », que « ce climat général détérioré est aussi caractérisé par le comportement de M. X…, chef d’atelier, à l’égard de certains de ses subordonnés, lesquels lui reprochent une attitude méprisante et arrogante. » […], mais également « que si ce contexte ne concerne pas spécifiquement M. Guèdes […] la chronologie met en évidence : une évaluation dévalorisante […], la déception constatée par un collègue de ne plus pouvoir travailler de nuit […], et plus généralement des inquiétudes liées à une mobilité refusée et à des difficultés de maintenir son salaire ». La Cour d’Appel a en conséquence estimé que « ces doléances – lesquelles dépassent la notion de ressenti et qui reposent sur des évènements concrets et vérifiables – ont été exprimées par l’intéressé à ses collègues, à ses proches amis ou voisins et à son épouse […] permettant d‘établir sans équivoque un lien de causalité entre l’activité professionnelle et les lésions subies […] ». Pour la Cour d’Appel, « il s’en déduit que si un contexte général de restructuration des méthodes de gestion du personnel ne visait pas spécifiquement M. Guèdes, sa veuve, sans renverser la charge de la preuve, établit par les pièces versées aux débats que le suicide intervenu le 29 mai est survenu du fait du travail ». Par ces décisions, le TASS d’Évreux et la Cour d’Appel de Rouen ont confirmé qu’un suicide peut et doit être admis comme relevant de la législation professionnelle, même s’il se produit hors du lieu et du temps de travail, dès lors que le lien avec le travail peut être prouvé. C’est malheureusement le déni de cette réalité – faite de conditions de travail profondément dégradées – qui a conduit la direction de l’établissement Renault de Cléon à s’opposer à toute expertise des conditions de travail après ce premier suicide, avant de s’y résoudre, mais seulement après deux autres suicides survenus cette fois à l’intérieur de l’établissement, en avril 2013, puis en janvier 2014. Cette expertise établira que la dégradation des conditions de travail existait effectivement depuis 2010. 28-10-2018
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A propos de l’action en requalification du travailleur intérimaire en cas d’inobservation du délai de carence. (Chronique Ouvrière) |
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Il résulte des dispositions du Code du travail relatives au travail temporaire et plus précisément de l’article L. 1251-36 qu’ « à l’expiration d’un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée, ni à un contrat de mission, avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission, renouvellement inclus ». Il est précisé que le « délai de carence » est égal « au tiers de de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est de quatorze jours ou plus ». C’est ce qui a conduit à écrire que ce délai d’attente est soumis à la règle du « tiers temps ». [1] Lorsque l’entreprise utilisatrice transgresse les dispositions légales qui ont pour objet d’éviter qu’elle profite indûment des travailleurs précaires il est prévu que le juge puisse procéder à la requalification du contrat de mission en contrat de travail indéterminée avec cette entreprise utilisatrice. Le contentieux prud’homal suscité par la transgression de la règle du « tiers temps » voit les avocats des entreprises utilisatrices s’opposer à la demande de requalification s’adressant à l’entreprise utilisatrice en brandissant deux arrêts de la Cour de cassation du 23 février 2005. [2] La Chambre sociale, sous l’auspice des dispositions telles qu’elles étaient rédigées à la veille de la recodification de 2008, [3] avait procédé à l’affirmation suivante : « Les dispositions de l’article L. 124-7 alinéa 2 du Code du travail qui sanctionnent l’inobservation par l’entreprise utilisatrice des dispositions des article L.124-2 à L. 124-2-4 du même Code par la requalification du contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée ne sont pas applicables à la méconnaissance de l’article L. 124-7 alinéa 3 relatif au délai de carence ». Cette solution avait été à l’époque vivement désapprouvée dans les colonnes de Droit social par Claude ROY-LOUSTAUNAU : « La chambre sociale ne nous avait pas habitués à être aussi pusillanime à l’égard des entreprises utilisatrices d’intérimaires ! » [4] Le commentateur relevait que les arrêts de 2005 prenaient le « contre-pied » d’une décision plus ancienne qui avait décidé inversement que « l’inobservation par l’entreprise utilisatrice du délai de carence prévu par le 3ème alinéa de l’article L. 124-7 du Code du travail permet au salarié intérimaire de faire valoir auprès de cette entreprise utilisatrice les droits afférents à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ». [5] Et il ne pouvait faire part que d’une forte perplexité devant le revirement. La sanction de requalification en contrat de travail avec l’entreprise utilisatrice s’inscrivait en effet dans la pleine logique des dispositions encadrant le recours aux contrats précaires. « L’inobservation du délai de carence se présente à l’évidence comme une « violation caractérisée des dispositions légales sur le travail précaire. Cela d’autant que l’on peut considérer qu’un tel manquement constitue tout à la fois une violation de l’interdiction de pourvoir durablement un emploi permanent dans l’entreprise utilisatrice et une infraction à la durée et aux conditions de renouvellement de la mission. Ces deux fondements, l’un visé par l’article L. 124-2, l’autre par l’article L. 124-2-2 du Code du travail, auraient suffi à asseoir la condamnation de l’utilisateur. La chambre sociale ne s’embarrasse pas d’un détour ». [6] Claude ROY-LOUSTAUNAU s’est également interrogé sur la « différence de traitement entre les salariés précaires : salarié intérimaire et salarié sous CDD ne sont pas logés à la même enseigne ». « Depuis les ordonnances de 1986-87 et les textes subséquents, on sait que le législateur s’efforce d’harmoniser les réglementations des deux contrats précaires. Il est donc parfaitement illogique de sanctionner l’employeur d’un salarié sous CDD qui n’a pas respecté le délai de carence entre deux contrats et refuser par ailleurs d’appliquer la même sanction à l’entreprise utilisatrice dans des circonstances identiques ». [7] Le commentateur a estimé que la solution jurisprudentielle « inique » [8] par laquelle la Cour de cassation a en 2005 institué cette disparité de traitement a été facilitée par l’absence de dispositions dans le Code du travail prévoyant de faire valoir la requalification auprès de l’entreprise utilisatrice en cas d’inobservation du délai de carence. [9] Nous nous associons à l’indignation de Claude ROY-LOUSTAUNAU face à la discrimination opérée par les arrêts rendus le 23 février 2005 par la Chambre sociale mais nous ne partageons pas son point de vue selon lequel les textes légaux applicables au travail temporaire n’ont jamais explicitement envisagé la requalification auprès de l’entreprise utilisatrice à titre de sanction du non-respect du délai de carence. I. Le sort de la sanction du non-respect du délai de carence à travers la succession des textes. Le « délai de carence » ou « délai d’inter-mission » a été institué par l’ordonnance n° 82-131 du 5 février 1982 « modifiant les dispositions du Code du travail relatives au travail temporaire ». L’ordonnance précise, dans l’hypothèse, où le motif du recours au travailleur intérimaire est lié à un « surcroît exceptionnel et temporaire d’activité », que « des missions successives ne peuvent concerner un même poste de travail que si le délai qui s’écoule entre chacune de ses missions est au moins égal au tiers de la durée de la mission précédente » (article L. 124-2 du Code du travail issu de l’ordonnance du 5 février 1982). Il a été relevé, à l’époque, que « cette disposition permet d’éviter la succession de salariés temporaires sur un poste qui est en réalité permanent ». [10] L’ordonnance du 5 février 1982, qui affirme la préoccupation de « sanctionner le recours abusif à la main-d’œuvre temporaire », ouvre des actions civiles aux salariés temporaires : « l’utilisateur qui continue à faire travailler un salarié temporaire sans contrat écrit ou en violation caractérisée avec la réglementation est réputé l’avoir embauché sous contrat à durée indéterminée ». [11] L’efficacité de la sanction civile mise en place par le texte de 1982 a été remarquée en ces termes : « Les sanctions civiles de la violation des articles L. 124-2 et L. 124-2-1 ne sont pas moins redoutables que les sanctions pénales. En effet, en vertu de l’article L. 1247- al. 2, en cas de « violation caractérisée… le salarié peut faire valoir auprès de l’utilisateur les droits afférents à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de la mission ». L’origine de ce texte se trouve évidemment dans une jurisprudence très remarquée qui, peut-être par interposition de personne, permettait aux travailleurs temporaires victimes d’une violation concertée des règles sur le travail temporaire de se faire considérer comme faisant partie du personnel de l’utilisateur et de réclamer à ce dernier des avantages découlant du statut social de son entreprise ». [12] De l’ordonnance de 1982 jusqu’à la recodification de 2008, l’opération de requalification auprès de l’entreprise utilisatrice a été régie par les dispositions de l’article L. 124-7 du Code du travail. En 1982, le droit à la requalification auprès de l’entreprise utilisatrice, en cas de manquement à l’obligation du délai de carence par l’article L. 124-2 du Code du travail résultait d’un jeu de renvoi. Le second alinéa de l’article L. 124-7 prévoyait, d’une manière on ne peut plus explicite que la violation caractérisée des dispositions de l’article L. 124-2 permettait au salarié intérimaire de « faire valoir auprès de l’utilisateur les droits afférents à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de la mission ». La loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 procède à une réécriture de l’article L. 124-2. Celui-ci donne la liste limitative des cas de recours aux salariés des entreprises de travail temporaire, fixe les règles relatives au terme de la mission et détermine la durée maximale de celle-ci. Le délai de carence n’est plus mentionné dans l’article L. 124-2 et il se retrouve mentionné dans le troisième alinéa de l’article L. 124-7, qui est l’article de référence en ce qui concerne la requalification auprès de l’entreprise utilisatrice. Le premier alinéa envisage la requalification auprès de l’utilisateur s’il continue à faire travailler le salarié temporaire sans avoir conclu un nouveau de contrat de travail ou sans nouveau contrat de mise à disposition. Le deuxième alinéa prévoit la requalification en cas de violation caractérisée des dispositions des articles L. 124-2 à L. 124-2-4. La rédaction du troisième alinéa se présente ainsi : « A l’expiration du contrat de mission d’un salarié intérimaire, il ne peut être recouru pour pourvoir le poste à un salarié sous contrat de travail temporaire avant l’expiration d’une période égale au tiers de la durée du contrat de mission venu à expiration ». Les alinéas suivants précisent quels sont les cas dans lequel le délai de carence n’est pas applicable. Cette structure de l’article L. 124-7 perdurera, au fil des différents textes devant se succéder en matière de travail temporaire, jusqu’à l’avènement de la recodification de 2008 et du nouvel article L. 1251-40. La recodification de 2008, [13] présentée comme intervenant « à droit constant », n’a pas été saluée comme une œuvre de clarification. « Il fut cependant décidé de procéder à une recodification à droit constant, ce qui condamnait le législateur à reproduire un fouillis de principes, d’exceptions aux exceptions, de redondances, de renvois maladroits, etc ». [14] Ce constat d’une réécriture maladroite est illustrée par le changement de place du délai de carence qui a eu pour effet de le faire disparaître, « à droit constant », des dispositions consacrées à la requalification auprès de l’entreprise utilisatrice. Le premier alinéa de l’article L. 124-7 qui envisageait la requalification auprès de l’utilisateur s’il continue à faire travailler le salarié temporaire sans avoir conclu un nouveau de contrat de travail ou sans nouveau contrat de mise à disposition devient l’article L. 1251-39. Le deuxième alinéa de ce même article qui prévoyait la requalification en cas de violation caractérisée des dispositions des articles L. 124-2 à L. 124-2-4 est désormais l’article L. 1251-40. [15] Ces deux articles figurent dans la sous-section relative à la « requalification du contrat ». Le délai de carence, qui constitue l’objet du nouvel article L. 1251-36 du code du travail, n’est plus mentionné dans les dispositions portant sur la requalification mais dans celles de la sous-section consacrée à la « succession de contrats ». Désormais, si l’on perd de vue la substance de l’ordonnance du 5 février 1982 qui a institué la sanction de la requalification auprès de l’utilisateur et l’obligation de respecter un délai de carence pour éviter la succession de travailleurs temporaires sur un poste de l’entreprise utilisatrice en réalité permanent et si se réfère uniquement à la lettre de la nouvelle rédaction des dispositions concernant le contrat de travail temporaire, on en arrive à poser le postulat [totalement contraire à l’esprit et à la lettre du texte fondateur] d’une déconnexion entre l’inobservation du délai de carence et le droit à diriger la demande de requalification en direction de l’entreprise utilisatrice. C’est ce qu’a tranquillement fait la Chambre sociale avec un arrêt du 17 novembre 2010 : « Si la méconnaissance de l’article L. 1251-36 du code du travail par l’entreprise utilisatrice est pénalement sanctionnée, elle ne permet pas au salarié d’obtenir, sur le fondement de l’article L. 1251-40 du même code, la requalification du contrat de travail temporaire en un contrat à durée indéterminée le liant à l’entreprise utilisatrice ». [16] II. La requalification-sanction de la succession de missions sur un poste en réalité permanent. Il a été jugé que les dispositions de l’article L. 124-7, alinéa 2 (devenu l’article L. 1251-40) du Code du travail n’excluent pas la possibilité d’agir en requalification contre l’entreprise de travail temporaire, lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main d’œuvre est interdit n’ont pas été respectées. [17] Il a notamment été admis que le salarié intérimaire puisse demander que ses contrats de mission soient requalifiés en contrat de de travail à durée indéterminée avec l’entreprise de travail temporaire en cas de non-respect du délai de carence. [18] Mais il n’est pas question de lâcher la proie pour l’ombre. C’est incontestablement l’entreprise utilisatrice qui abuse du recours aux travailleurs intérimaires lorsque se succèdent sans respecter le délai de carence des missions successives sur un même poste de travail. Ce procédé lui permet d’éviter d’embaucher sur un poste en réalité permanent un salarié envers lequel elle devrait s’acquitter des obligations dévolues à un employeur dans le cadre d’un contrat de travail indéterminée. Nous sommes bien ici en présence d’un agissement frauduleux de la part de l’entreprise utilisatrice. Dans une hypothèse de fraude, « le sujet cherche à obtenir un avantage dont il aurait dû être normalement privé ou à échapper à une obligation à laquelle il était tenu » (J. GHESTIN, G. COURBEAUX, Traité de droit civil, Introduction générale, 4e éd., 801). L’existence de la fraude « a pour effet de rendre tous les actes juridiques qui en sont entachés inopposables aux personnes auxquelles ils pourraient porter préjudice : leurs effets sont neutralisés à l’endroit de ces personnes […]. Cette correction de la mise en œuvre de règles de droit est exprimée par la maxime « Fraus omnia corrumpit » : la fraude prive d’effet tout ce qu’elle couvre ». (J.L. AUBERT, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, 7e éd., 222 et s.). L’entreprise qui a profité de la succession des contrats de mission sur le même poste de travail ne saurait donc légitimement s’opposer à la requalification revendiquée par le travailleur lésé par la fraude à la règle du délai de carence. En tout état de cause, la sanction attachée à la violation du principe général affirmé par la règlementation du travail précaire et interdisant au contrat de mission de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice, est encourue en présence de l’inobservation du délai de carence. La mise en place de cette période d’attente a été voulue pour « éviter la succession de salariés temporaires sur un poste qui est réalité permanent ». [19] L’actuel article L. 1251-5 du Code du travail pose le principe que « le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice ». Pour ceux qui sont friands de la seule lecture de la lettre des textes, il est incontestable qu’il résulte des termes de l’article L. 1251-40 du Code du travail que lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance de l’article L. 1251-5, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondants à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission. La requalification du contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée avec l’entreprise utilisatrice permise par la méconnaissance de l’article L. 1251-5 se révèle en totale harmonie avec la philosophie du texte fondateur du 5 février 1982 qui affirmait la préoccupation de mettre en place une sanction civile efficace à l’encontre de l’entreprise ayant profité indûment du recours au travail temporaire en n’observant pas le délai de carence. par Pascal MOUSSY le 15mai 2018
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Marie-Laure Dufresne-Castets, avocate auprès des salariés. (Chronique Ouvrière) |
|  | Marie-Laure Dufresne-Castets, avocate auprès des salariés de PSA, Continental, Moulinex, McDonalds ... nous parle de la lutte des classes au tribunal Auteure du livre "Un monde à gagner. La lutte de classes au tribunal" « Pour relever des vies fragilisées, voire brisées par la violence d’un licenciement, d’une sanction pour activité militante, d’une fermeture d’entreprise à des fins de valorisation du capital. La fermeté et l’inventivité juridique de l’auteure, sa détermination sans faille et celle des militants qu’elle accompagne sont d’abord affaire de camaraderie et de refus de baisser les bras devant une telle violence ».
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L’interdiction de séjour sur le Technocentre Renault de Guyancourt du "lanceur d’alerte" sur les menaces pesant sur la liberté syndicale n’a pas été validée par le juge des référés |
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( Marie-Laure DUFRESNE-CASTETS et Pascal MOUSSY) Les mésaventures survenues à H. ne sont pas inconnues des visiteurs de Chronique Ouvrière, qui a dénoncé le 12 juin 2016 un licenciement portant atteinte au libre exercice de l’activité syndicale et au droit des salariés des entreprises prestataires intervenant au sein de la collectivité de travail de l’entreprise utilisatrice de communiquer avec les organisations syndicales présentes dans cette entreprise (http://www.chronique-ouvriere.fr/spip.php?article922). Par son arrêt du 27 février 2018, la Cour d’appel de Versailles, intervenant dans le cadre d’une procédure de référé, a constaté la nullité du licenciement de H. pour atteinte à la liberté d’expression et a condamné la société EURODECISION au versement de sommes provisionnelles au titre de l’indemnité de préavis, de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité pour licenciement nul. I. La chronologie des faits ayant conduit au licenciement du « lanceur d’alerte ». H. était engagé le 3 novembre 2011 par la société EURODECISION, spécialisée dans les logiciels et services liés à l’optimisation et à la recherche opérationnelle pour exercer les fonctions de Consultant Sénior consistant en missions de conseil ou d’assistance à la clientèle. Il signait ce même jour un " accord de non divulgation " concernant les informations confidentielles qui lui seraient transmises par la société EURODECISION. H. commençait son activité pour le compte de la société EURODECISION le 3 janvier 2012. Il lui était alors remis un " guide du système d’information " rappelant les règles de fonctionnement et d’utilisation du système d’information de l’entreprise. Le 1er avril 2015, H. débutait une mission au Technocentre Renault situé à Guyancourt. H. était par ailleurs un bénévole du journal Fakir. A ce titre, il prenait l’initiative de convier les organisations syndicales présentes sur le Technocentre Renault à la " Nuit Rouge " qui devait prolonger la manifestation du 31 mars 2016 contre le projet de loi El Khomri et de leur proposer d’organiser des projections du film " Merci Patron ", financé par le journal Fakir. A cette fin, il envoyait le 15 mars 2016 à 19 h 50, de son domicile, à partir de son ordinateur personnel, un mail aux syndicats SUD, CGT, CFE-CGC, CFDT et FO du Technocentre Renault. Le syndicat CFE-CGC Renault Guyancourt Aubevoye indiquait sur le site intranet Renault qu’il pouvait être contacté en donnant les adresses mail de quatre personnes. H. envoyait son invitation faite aux organisations syndicales sur les adresses mail de deux d’entre elles. Le tract d’appel du journal Fakir à la " Nuit Rouge " du 31 mars était joint au mail envoyé par H. Le lendemain de cet envoi, le 16 mars, H. était convoqué pour le même jour par téléphone par le Président Directeur Général de la société EURODECISION à un entretien au cours duquel il lui était reproché son envoi de la veille et il lui était dit que la société Renault surveillait les mails des syndicalistes et qu’il n’avait pas, en sa qualité d’intervenant chez Renault, à discuter avec les syndicats de Renault. Par courrier du 18 mars 2016, H. était convoqué pour le 25 mars à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave. Il lui était également notifié une mesure de mise à pied à titre conservatoire. Le 22 mars 2016, H., se présentant sous un pseudo, " Henri ", et ne donnant aucune indication sur l’identité de son entreprise et sur celle de son PDG, racontait ses mésaventures au journal Fakir. Au cours de l’entretien tenu avec le journaliste de Fakir, étaient diffusé les propos, qui avaient été enregistrés par H., portant sur les pratiques de surveillance des mails des syndicalistes et sur l’interdiction qui lui avait été faite de s’adresser aux syndicats de Renault. Par courrier en date du 24 mars 2016, la DRH de la société EURODECISION informait H. qu’il était envisagé à son encontre une nouvelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave et qu’il était convoqué pour le 5 avril à un entretien préalable. Il était également notifié à H. une mise à pied à titre conservatoire. Au cours de l’entretien du 25 mars 2016, il était indiqué à H. que l’envoi du mail du 15 mars aux organisations syndicales contrevenait au " guide du système d’information " de la société EURODECISION et à l’ordre de mission chez Renault. Par courrier du 31 mars 2016, il était notifié à H. un avertissement. Il lui était reproché d’avoir utilisé l’intranet et la liste des adresses électroniques des salariés de Renault pour envoyer un message électronique à caractère politique à des salariés de la société Renault. Par un autre courrier en date du même jour, la Directrice des Ressources Humaines de la société EURODECISION informait H. qu’il était donné suite à sa demande de report de l’entretien préalable prévu pour le 5 avril et le convoquait pour le 18 avril 2016. Lors de l’entretien du 18 avril 2016, il était reproché à H. l’enregistrement des propos que lui avait tenus le Président Directeur Général le 16 mars et les répercussions négatives de la diffusion de cet enregistrement pour la société EURODECISION. H. répondait que la vidéo au cours de laquelle avait été diffusé l’enregistrement ne permettait pas d’identifier la société EURODECISION et son dirigeant et que si le dirigeant de la société n’avait rien à se reprocher il n’avait pas à avoir peur de la presse. Par courrier du 21 avril 2016, le PDG de la société EURODECISION notifiait à H. son licenciement pour faute grave, lui indiquant que l’enregistrement à son insu des propos à caractère privé qu’il avait tenus à H. le 16 mars et la diffusion de cet enregistrement caractérisaient une absence totale de loyauté vis-à-vis de l’entreprise et un manquement à l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail. II. Un licenciement attentatoire à la liberté d’expression du lanceur de « l’alerte médiatique » sur l’atteinte portée au droit à la communication avec les syndicats. Il n’est pas question de paraphraser l’arrêt qui se suffit à lui-même. Nous nous contenterons de mentionner certains passages qui nous paraissent essentiels. La Cour d’appel de Versailles a constaté que H. s’était adressé au syndicat CFE CGC en tant que salarié travaillant sur le site et en tant que bénévole du journal FAKIR, ce bénévolat constituant une activité privée mais en lien direct avec les droits des salariés, vu le thème du film " Merci Patron " et l’objet de la manifestation du 31 mars (contre la loi travail dite El Khomri). Elle a également relevé que les deux courriels litigieux, au contenu politique et syndical, n’avaient pas été envoyé à tous les salariés du TCR mais seulement à deux salariés syndiqués représentant la section syndicale CFE CGC, " par hypothèse déjà sensibilisés au thème général de la défense des droits des salariés , objet des courriels ". La Cour d’appel a déduit de ces constatations qu’en application du droit à l’information syndicale et du principe de libre détermination du contenu des communications syndicales, sous réserve d’abus tels que des propos injurieux, il ne pouvait être reproché à H. d’avoir utilisé l’adresse électronique personnelle professionnelle de deux représentants d’un syndicat au sein du TCR, à des fins de partage d’informations et de participation à la " Nuit Rouge " et la diffusion du film " Merci Patron ". Les juges d’appel ont ensuite considéré que H. pouvait revendiquer le statut de " lanceur d’alerte " après avoir relevé que : " la révélation des faits d’atteinte à la liberté d’expression dans le cadre d’échanges avec un syndicat est intervenue par la voie de médias par internet, lors de la diffusion de l’enregistrement litigieux le 21 mars puis de l’entretien entre le salarié et le journaliste du journal Fakir le 22 mars 2016 immédiatement diffusé sur Youtube, alors que M… avait personnellement et préalablement constaté que son employeur remettait en cause plus généralement son droit à la libre communication avec les syndicats de la société Renault, au vu des propos tenus par le dirigeant de la société Eurodécision lors de l’entretien informel du 16 mars 2016 […] et de la procédure disciplinaire avec mise à pied conservatoire engagée dès le 18 mars et suivie d’un avertissement puis de son licenciement pour faute grave ". Ils ont estimé que H. avait manqué à son devoir de discrétion en laissant diffuser, même de manière anonymisée, l’enregistrement effectué à l’insu de l’employeur des propos que celui-ci avait tenus au cours d’un l’entretien qu’il avait souhaité confidentiel. Mais ils ont souligné que ces agissements étaient intervenus dans le contexte d’une angoisse liée à crainte d’être injustement licencié , que cette crainte s’était avérée fondée et qu’en conséquence le grief d’un manquement au devoir de discrétion ne pouvait en l’espèce être retenu comme suffisamment sérieux pour justifier un licenciement, mais tout au plus un avertissement. L’" alerte médiatique " a été ici jugée comme un " mécanisme de défense " contre l’atteinte portée au libre droit à la communication avec les syndicats. H. a donc bien été licencié pour avoir relaté des agissements portant atteinte au libre exercice de l’activité syndicale et au droit des salariés prestataires intervenant au sein de la collectivité de travail de l’entreprise utilisatrice de communiquer avec les syndicats présentes dans celle-ci. La Cour d’appel, infirmant l’ordonnance prud’homale qui avait considéré qu’il n’y avait pas lieu à référé, a constaté la nullité du licenciement intervenu en violation de la liberté d’expression et a prononcé la condamnation de l’employeur au versement des sommes provisionnelles dues au titre de l’indemnité de préavis, de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité pour licenciement nul. le 17-03-2018 |
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Les ravages de la sous-traitance hôtelière s’étendent aux escroqueries à la formation professionnelle ! (Chronique Ouvrière Tiziri KANDI )
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Par jugement en date du 9 octobre 2017 qui vient de nous être notifié le Tribunal correctionnel de PARIS a condamné les dirigeants de la société Française de Services Groupe dont les actifs ont été rachetés par La Sté STN GROUPE à 6 mois de prison fermes et à des peines d’amende pour escroquerie en bande organisée et tentative d’escroquerie en bande organisée. Ces escroqueries consistaient notamment à faire signer des feuilles de pointages à des dizaines de femmes de chambre pour des formations jamais ou partiellement dispensées. L’escroquerie portait sur près de 2 millions d’euros ! Elle avait pour conséquence de priver les intéressées de toute possibilité d’évolution de carrière et donc de rémunération. Une fois de plus preuve est faite que ce système de sous-traitance hôtelière est totalement pourri et sert essentiellement les intérêts des chaines hôtelières qui imposent des tarifs à leurs sous-traitants ne leur permettant pas de respecter le droit du travail et leur impose de chercher des subterfuges totalement illégaux. Notre syndicat dénonce notamment des conditions de travail et de rémunération indignes qui génèrent notamment du travail dissimulé avec le paiement à la chambre et non au temps passé à travailler, du marchandage avec des statuts au rabais par rapport à ceux des salariés de l’hôtelier, alors même que l’hébergement est le cœur de métier dans l‘hôtellerie, et des pratiques humiliantes comme à l’HOLIDAY INN CLICHY où la gouvernante générale donne des noms d’animaux aux salariés, où la direction ne laisse pas manger les salariés de la sous-traitance au réfectoire avant que le dernier salarié employé directement par l’hôtel n’ait pas fini son repas.
04-02-2018 |
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Pour évacuer les déchets, l’expulsion des travailleurs du nettoyage en grève n’est pas une "mesure utile" (Chronique Ouvrière) |
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La jurisprudence est constante. Il ne suffit pas à l’employeur d’invoquer l’occupation des lieux de travail pour obtenir l’expulsion des grévistes. Il doit rapporter la preuve de violences, de dégradations, d’actes de séquestration ou d’une atteinte à la liberté de travail de non-grévistes, s’il veut que sa demande soit accueillie par le juge des référés (voir, à ce sujet, G. AUZERO, D. BAUGARD, E. DOCKES, Précis Dalloz de Droit du travail, 31e éd., 1702 et s. et, par exemple, Cass. Soc. 9 mars 2011, n° 10-11588, Bull. V, n° 68, RJS 5/11, n° 454). Dans la présente espèce, SNCF mobilités entendait obtenir l’expulsion d’une partie du domaine public ferroviaire (en l’occurrence le parvis de la gare de Saint-Denis, les quais et le local du prestataire de la SNCF concerné par la grève situé au sein de cette gare) de travailleurs du nettoyage… qui n’occupaient plus les lieux le 4 décembre 2017, date à laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil a été saisi. L’ordonnance du 14 décembre, qui a rejeté la demande d’expulsion présentée par Sncf mobilités, rappelle qu’aux termes de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative c’est seulement en cas d’« urgence » que le juge des référés administratifs peut ordonner une « mesure utile ». En l’occurrence, il ne restait plus que six personnes, dont deux équipées de gilets « de couleur orange de type Cfdt », présentes dans un abri vitré, des banderoles de revendications et de nombreux déchets disséminés au sein de la gare. Le juge des référés n’a pu que relever que la situation insalubre résultant d’un nombre anormalement élevé de déchets était une conséquence du mouvement social mais qu’il n’y avait aucun risque pour la sécurité des usagers et des personnels de nature à caractériser l’urgence à ordonner une mesure d’expulsion. Pour évacuer les déchets, il est peu judicieux de faire expulser les travailleurs du nettoyage. Il est préférable de les convaincre de reprendre le travail en accédant à leurs revendications. Ce qui fut fait, après 45 jours de grève. [Sur le mouvement de grève observé par 84 salariés de la société H. Reinier Onet, prestataire de la SNCF, intervenant sur les gares franciliennes, voir « Onet. Victoire éclatante des grévistes du nettoyage des gares franciliennes », https://blogs.mediapart.fr/juan-chingo/blog/161217/onet-victoire-eclatante-des-grevistes-du-nettoyage-des-gares-franciliennes-0 ]. |
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Liberté d’entreprendre, certes, mais qui ne nuit pas à autrui !(Chronique Ouvrière)
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Les magistrats départiteurs du Conseil de prud’hommes de PARIS, leurs collègues du Tribunal de Grande Instance de PARIS, chambres correctionnelles, plusieurs inspecteurs du travail, sont entrés en résistance contre la jurisprudence des juges de différentes chambres sociales de la Cour d’appel de PARIS (4 pourvois en cours) qui reproduisent ce qui constitue, à notre sens, un dévoiement du code du travail, en exigeant pour allouer des dommages et intérêts pour marchandage à des femmes de chambre, équipiers, gouvernantes travaillant pour une entreprise sous-traitante qui a contracté avec une société hôtelière, que soit caractérisé une opération de prêt de main d’œuvre illicite. Pourtant, par le truchement de cette sous-traitance qui intervient dans le cœur de métier de l’hôtellerie, à savoir le service de l’hébergement, le donneur d’ordres hôtelier pratique un marchandage, défini par l’article L8231-1 du code du travail comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est interdit. Aucune spécificité technique ou technologique n’est apportée par les femmes de chambre, gouvernantes, équipiers de la sous-traitance à une société qui gère un hôtel. D’ailleurs, dans de nombreux hôtels, les femmes de chambre sont directement salariées de l’hôtel. Le préjudice est constitué notamment par la privation du bénéfice des dispositions des accords d’entreprise existant au sein de l’entreprise du donneur d’ordres ainsi que de certaines dispositions de la convention collective des hôtels cafés restaurants, plus favorable que celle de la propreté en ce qu’elle prévoit, notamment, le versement d’une indemnité nourriture égale à 2 minimum garanti par jour de travail de plus de 5h, soit 7,08 € par jour en dernier lieu, et la garantie de 6 jours fériés récupérables par an. Un hôtelier vend principalement des chambres nettoyées par des femmes de chambre, contrôlées par des gouvernantes, tout comme un restaurateur vend des repas, élaborés par un cuisinier dont on comprendrait mal qu’il soit salarié d’une société sous-traitante ! Il apparait donc que le seul but de l’opération de sous-traitance est de permettre de fournir une main d’œuvre bon marché, flexible, dont le statut collectif est bien inférieur à celui des salariés de la société qui gère l’hôtel avec, souvent, l’octroi de primes d’intéressement et de participation dont le niveau est tiré directement du dumping social subi par les salariés de l’hébergement de la société sous-traitante. Contrairement au prêt de main d’œuvre illicite qui doit répondre à des exigences jurisprudentielles plus importantes, le marchandage est caractérisé par les deux seuls éléments suivant : une opération à but lucratif de prêt de main d’œuvre (et non pas comme pour le prêt de main d’œuvre illicite, une opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d’œuvre - article L8241-1 Code du travail) un préjudice subi par le salarié de la sous-traitance en raison de la non application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail Source « dictionnaire permanent social Le marchandage est une pratique ancienne dont on trouve les origines au XVIIIe siècle. A l’époque, les paysans subsistent difficilement sur des propriétés émiettées. Pour pallier leur impécuniosité, ils se livrent, en plus de leur pratique agricole, à des travaux artisanaux à domicile qui leur sont confiés par les marchands ou les manufacturiers. C’est ainsi par exemple qu’au début du XIXe siècle, une part importante de la production textile est assurée par les paysans à leur domicile. Mais ce travail à domicile va favoriser l’apparition de marchandeurs, c’est-à-dire d’intermédiaires entre le marchand ou le manufacturier et le travailleur. Ces intermédiaires sont payés à la commission et ne tirent leurs revenus que de la différence entre le prix payé par le patron et la rémunération versée au travailleur. Pour augmenter ces revenus, certains marchandeurs s’emploient alors à diminuer le taux de rémunération à la pièce versé aux travailleurs, en prétextant des malfaçons ou des retards. Ces abus du marchandage prennent rapidement une ampleur considérable, à tel point qu’ils sont violemment dénoncés par le monde ouvrier dès les années 1840. Cela entraîne l’abolition du marchandage par un décret du 2 mars 1848. Ce texte vise l’exploitation des ouvriers par des sous-entrepreneurs ouvriers, dits marchandeurs. Il considère que cette exploitation est injuste, vexatoire et contraire au principe de fraternité et déclare en conséquence que l’exploitation des ouvriers par des sous-entrepreneurs est abolie. À travers cette brève histoire du marchandage, on constate qu’à l’origine ce dernier n’avait absolument rien à voir avec le prêt de main-d’œuvre. Il s’agissait plutôt d’une forme de sous-traitance, à ceci près que le sous-entrepreneur n’était pas une entreprise mais un ouvrier. Toutefois, le marchandage illicite a évolué au XXe siècle, avec la loi du 6 juillet 1973 relative à la répression des trafics de main-d’œuvre, à laquelle on doit l’actuelle définition du marchandage. Si le marchandage n’était qu’un prêt de main-d’œuvre, pourquoi le législateur, en 1973, aurait-il maintenu le délit de marchandage, alors qu’il créait par ailleurs le délit de prêt illicite de main-d’œuvre codifié aujourd’hui à l’article L8241-1 du CT ? Ce maintien ne peut se comprendre que si l’on considère que la fourniture de main-d’œuvre est une notion plus large que celle de prêt de main-d’œuvre, une notion qui recouvrirait aussi bien le prêt de main-d’œuvre que la véritable prestation de services effectuée au sein d’une entreprise cliente. Dans cette dernière situation, les salariés de l’entreprise prestataire demeurent sous l’autorité de leur employeur pour exécuter une tâche nettement définie. Cette interprétation de la notion de fourniture de main-d’œuvre est confortée par les autres dispositions du Code du travail relatives au marchandage. En effet, dans le titre consacré au marchandage, après un premier chapitre qui concerne l’interdiction du marchandage, un deuxième chapitre prévoit des obligations à la charge du donneur d’ordre. Il ressort clairement des dispositions de ce chapitre que la fourniture de main-d’œuvre recouvre toutes les situations dans lesquelles une entreprise prestataire « fournit » de la main- d’œuvre à une entreprise cliente, peu important que l’autorité sur les salariés soit ou non transférée. Par la loi n°73-608 du 6 juillet 1973 qui a créé le prêt de main d’œuvre illicite, le législateur a éliminé la nécessité de démontrer l’intention de nuire en fondant uniquement le délit de marchandage sur le préjudice causé au salarié par la non application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail. (Extraits de la thèse du professeur Olivier Fardoux « le droit social à l’épreuve de l’extériorisation de l’emploi) Le mot « exclusif » contenu dans l’article L8241-1 du CT sous-tend l’interdiction de se comporter comme une entreprise de travail temporaire qui ne fournit pas d’encadrement, d’outils de travail etc....etc...mais qui est tenue d’appliquer le statut collectif existant chez l’utilisateur. L’article L8231-1 du CT sur le marchandage ne reprend pas ce qualificatif « exclusif » raison pour laquelle il peut y avoir marchandage sans prêt de main-d’œuvre illicite dans une opération de sous-traitance. La « liberté d’entreprendre » avancée par les employeurs qui s’opposerait à une condamnation au titre du marchandage ne peut aboutir aux situations de dumping social et d’exploitation éhontée constatées avec de telles opérations de sous-traitance. En effet l’article 4 visé de la déclaration des droits de l’homme limite la liberté d’entreprendre à ce qui ne nuit pas à autrui. Or il est évident que le marchandage nuit aux salariés par le dumping social qu’il génère ! Dans une affaire SEPHORA le Conseil constitutionnel a indiqué que l’encadrement du recours au travail de nuit ne constituait pas une violation de la liberté d’entreprendre (décision 2014-373 à QPC 8/4/2014). De même sur le repos hebdomadaire donné le dimanche (cassation sociale 12/1/2011 n°10-40055). Ces décisions ont été prises pour respecter le droit constitutionnel à la santé. Encore plus récemment dans un arrêt du 14 décembre 2016 n° de pourvoi 16- 40242 publié au bulletin la Cour de cassation refuse de transmettre une QPC sur le forfait jours en faisant prévaloir le droit constitutionnel sur la santé par rapport à la liberté d’entreprendre. Il doit en être de même pour le droit supérieur constitutionnel d’égalité visé à l’article 1 de la constitution française du 4 octobre 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. » Il est donc proposé que soit dorénavant jugé suffisant pour caractériser le marchandage, le préjudice subi par une ou un salarié travaillant pour le compte d’un sous-traitant qui intervient dans le cœur de métier du donneur d’ordres, sans apporter aucune spécificité technique ou technologique particulière.
10-12-2017 |
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Retour sur une niche fiscale incompréhensible (Claude LEVY) |
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Cet article est constitué de la dernière mouture de l’argumentaire que nous développons avec succès devant les conseils de Prud’hommes sur cette niche fiscale incompréhensible qu’a tenté de valider le précédent gouvernement macron compatible. En toute illégalité, les entreprises de propreté, dont la société défenderesse, pratiquent un abattement sur l’assiette de calcul des cotisations sociales des salariés de la branche en assimilant les ouvriers de nettoyage de locaux aux ouvriers du bâtiment, prétextant de la doctrine fiscale en la matière. Cette déduction mis en place historiquement en référence à un décret du 17 novembre 1936, à une époque où les ouvriers nettoyeurs étaient souvent embauchés par des entreprises de bâtiment, ne se justifie plus aujourd’hui. En effet, seules les industries du bâtiment, des travaux publics et de fabrication des matériaux de construction sont visées par ce décret. Par ailleurs, dans 99% des cas, les entreprises de propreté n’ont plus aucune activité dans le bâtiment et les ouvriers du nettoyage ne supportent plus aucune charge de caractère spécial au titre de l’accomplissement de leurs missions, ce qui est une condition fixée par l’article 1 de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations sociales : « Les frais professionnels s’entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions. » Les sommes à déduire de l’assiette des cotisations de sécurité sociale au titre des frais professionnels, tels que prévus à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont celles qui sont versées aux travailleurs salariés ou assimilés, à l’exception des allocations forfaitaires prévues au 2° de l’article 2 ci-dessous perçues par les personnes visées aux 11°, 12° et 23° de l’article L. 311-3 dudit code pour l’exercice de leur fonction de dirigeant. Article L242-1 du CSS : « Il ne peut être opéré sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel. Il ne pourra également être procédé à des déductions au titre de frais d’atelier que dans les conditions et limites fixées par arrêté ministériel. » Les entreprises ne développent absolument rien sur les éventuelles charges de caractère spécial et pour cause, il n’y en a pas ! Il résulte en outre de l’article 9 de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles des cotisations de sécurité sociale, tel que modifié par l’article 6 de l’arrêté du 25 juillet 2005, que certaines professions peuvent bénéficier d’une déduction forfaitaire spécifique (pour autant qu’elles justifient d’éventuelles charges de caractère spécial). Ces professions sont celles qui sont listées par l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000. Parmi elles figurent les « ouvriers du bâtiment visés aux paragraphes 1 et 2 de l’article 1er du décret du 17 novembre 1936, à l’exclusion de ceux qui travaillent en usine ou en atelier ». Les salariés des entreprises de nettoyage, aujourd’hui généralement appelées entreprises de propreté, ne figurent nullement dans la liste établie par l’article précité. Pour autant, il a pu être prétendu, jusqu’au niveau ministériel, que les entreprises de propreté devaient être assimilées aux entreprises de bâtiment. Cette position se fonde sur le fait que l’article 1 du décret du 17 novembre 1936 vise, sous l’intitulé « entreprises de bâtiment », l’ensemble des entreprises figurant dans le sous-groupe 4 Q d du décret du 9 avril 1936, au nombre desquelles se trouveraient les entreprises de propreté sous la référence 4.945. Il est invoqué pour s’opposer à ces demandes une lettre interministérielle du 8 nov 2012. Or le raisonnement par analogie ressortant de la lettre ministérielle en date du 8 novembre 2012 susvisée, entre les salariés du secteur du nettoyage et les ouvriers du bâtiment, pour l’application de la déduction forfaitaire spécifique, est d’autant plus nul et non avenu, au regard, des dispositions conventionnelles applicables aux ouvriers du bâtiment et concernant, le régime des petits déplacements. En effet, il ressort de la convention collective régionale des ouvriers du bâtiment de la région parisienne du 28 juin 1993, étendue par arrêté du 9 décembre 1993, titre 3, chapitre 3, article 1er, de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment, non visées par le décret du 1er mars 1962 ( c’est à dire occupant plus de 10 salariés) du 8 octobre 1990 étendue par arrêté du 8 février 1991, titre 8, chapitre 1.1, article 8.11 et de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment , visés par le décret du 1er mars 1962 ( c’est à dire occupant jusqu’à 10 salariés) du 8 octobre 1990, titre 8, chapitre 1, article 8-11 que : Le régime des petits déplacements a pour objet d’indemniser forfaitairement les ouvriers travaillant dans les entreprises du bâtiment des frais supplémentaires qu’entraîne, pour eux, la fréquence des déplacements, inhérente à la mobilité de leur lieu de travail. Le présent régime d’indemnisation des petits déplacements comporte les trois indemnités professionnelles suivantes : indemnité de repas ; indemnité de frais de transport ; indemnité de trajet, qui sont versées aux ouvriers bénéficiaires. Ces indemnités de remboursement de frais sont journalières, forfaitaires et indépendantes de la qualification professionnelle des ouvriers. Dès lors, une évidence s’impose, à savoir que les entreprises du nettoyage qui envoient travailler leurs salariés sur plusieurs sites et qui entendent pouvoir bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique, doivent payer aux salariés concernés, à la fois l’indemnité de repas ; l’indemnité de frais de transport et l’indemnité de trajet. La société défenderesse ne paie aucune de ces primes, comme l’examen des bulletins de salaire ci-après qu’elle délivre le fait ressortir. Elle ne peut donc prétendre à un quelconque abattement car si on considère que les ouvriers nettoyeurs ou « agents de propreté » doivent être assimilés à ceux du bâtiment il faut que l’assimilation soit totale et non dans 1 seul sens ! Enfin, dans un arrêt en date du 20 janvier 2012 n° 10-26092, la Cour de Cassation a condamné la pratique de la déduction forfaitaire pour les salariés travaillant sur un seul site, rappelant d’une part que les ouvriers du nettoyage ne sont pas spécifiquement visés par l’article 5 de la section « traitements et salaires » du code général des impôts et d’autre part que les ouvriers du bâtiment visés par cet article ne sont pas ceux qui travaillent en usine ou en atelier, c’est-à-dire sur un seul site. Pour tenter de contrer cette jurisprudence, simple retranscription de la loi, les ministres des affaires sociales et des finances ont rédigé la circulaire ministérielle précitée le 8 novembre 2012, adressée à l’ACOSS, afin de bloquer les actions des agents de l’URSSAF. Aux termes de cette circulaire du 8 novembre 2012, feignant de se soucier des conditions de travail des ouvriers de la branche, les ministres concernés demandent aux agents de contrôle de ne plus retenir la condition de « multi sites » pour valider l’abattement pratiqué ! Il est annoncé comme étant une contrepartie la limitation de l’abattement à 9 puis 8% au 1er janvier 2014. Si, pour le moment, cette lettre ministérielle risque de bloquer les agents de contrôle concernés, rien n’empêche des salariés et/ou des syndicats de contester devant les conseils de prud’hommes et/ou les tribunaux de grande instance l’application de cet abattement. En effet une lettre ministérielle, assimilable à une instruction ou une circulaire ministérielle, n’a pas force de loi et ne s’impose pas au juge judiciaire (Cassation sociale 13 novembre 1990 n° de pourvoi : 89-12826 ; 23 mars 1982 n° de pourvoi : 80-16648). Il n’appartient pas aux Ministres de réécrire la loi à leur guise en dehors du parlement ! La Cour de Cassation dans un arrêt CARRARD (filiale de TFN) du 6/10/2016 vient de confirmer sa jurisprudence de 2012.(arrêt joint) On relèvera que la Cour de cassation retient par application de l’article L511-1, devenu sur ce point L1411-1 du code du travail, la compétence du Conseil de prud’hommes pour ce type de demandes car il s’agit d’une obligation résultant pour l’employeur du contrat de travail (12/02/2003 n°01-40676, 28/6/2006 n°04-43969, 31/10/2006 n°05-40302). Les sociétés défenderesses invoquent parfois un avis favorable à la pratique de l’abattement rendu par un comité d’entreprise, ou un accord d’entreprise instaurant la pratique de l’abattement. Or il y a lieu de juger qu’en matière de financement de la protection sociale, et c’est bien de cela dont il s’agit, on touche à l’ordre public social. Au nom de quoi un employeur pourrait décider d’appliquer illégalement un abattement sur l’assiette des cotisations sociales, ce qui prive également la collectivité de recettes, au motif qu’un CE ou une DUP, ou un accord d’entreprise, l’aurait validé tout aussi illégalement ? Les votes des comités d’entreprise ou des DUP, ou les accords d’entreprise, validant une pratique illégale ne peuvent avoir force de loi, comme n’aurait pas force de loi des décisions de CE ou de DUP ou des accords d’entreprises validant des salaires inférieurs au SMIC ou aux minimas des conventions collectives, ou encore des contrats de travail stipulant l’acceptation d’un abattement illégal ou d’un salaire inférieur au SMIC ou aux minimas des conventions collectives. Sur ces questions le législateur n’a prévu aucune dérogation au principe de faveur énoncé à l’article L2251-1 du code du travail : « Une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d’ordre public. » La pratique illégale de cette déduction forfaitaire est particulièrement injuste pour les salariés de la branche de la propreté, dont les salaires sont très bas, et qui subissent du fait de cette déduction une minoration de tous leurs droits sociaux, établis sur l’assiette de calcul des cotisations à savoir notamment : indemnités journalières en cas d’arrêt de travail minorées de 10,9 puis 8%, complément employeur et prévoyance d’arrêts de travail minorés 10,9 puis 8%, allocations chômage minorées de 10,9 puis 8%, allocations retraite minorées de 10,9 puis 8%. Cette injustice, parmi d’autres, n’est nullement compensée par la légère diminution des charges salariales, de l’ordre de 17 € par mois pour un SMIC à temps complet (1 450 € x 8% x 15% et non 23% car la CSG et la CRDS ne sont pas impactées par l’abattement). Au surplus, cette déduction forfaitaire participe à un véritable dumping social par l’externalisation de plus en plus importante, notamment, des services de l’hébergement dans le secteur de l’hôtellerie, la branche des hôtels café restaurant ne bénéficiant d’aucune déduction de ce type. Cet abattement a causé un grave préjudice au salarié au titre de ses droits sociaux, des dommages et intérêts devront lui être alloués à ce titre. La rémunération étant composée du salaire direct et du salaire indirect, ou socialisé, il est légitime d’attribuer des dommages et intérêts équivalents aux cotisations sociales non versées aux organismes sociaux du fait de cet abattement sur la base du salaire brut x 10% puis 9 puis 8% x 42% de cotisations sociales employeurs, ce qui représente pour un temps plein environ 65 € par mois travaillé. |
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L’ordre bourgeois règne au Conseil constitutionnel |
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mardi 17 octobre 2017 par Claude LEVY et Tiziri KANDI Travail et mobilisation des femmes de chambre et des gouvernantes des hôtels Campanile et Première Classe Suresnes de 2012, sous les prismes des rapports sociaux de genre, de classe et de race. Par une décision de ce jour le Conseil constitutionnel a décidé que L’article L. 2326-2 du code du travail, « La délégation unique du personnel est composée des représentants du personnel élus dans les conditions prévues à la section 2 du chapitre IV du présent titre. » (C’est-à-dire selon les règles fixées pour les élections des comités d’entreprise qui excluent l’éligibilité de salariés de la sous-traitance) dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, est conforme à la Constitution. Pourtant Concernant l’obligation de confidentialité, en quoi un délégué du personnel élu parmi les salariés mis à disposition ne pourrait-il pas être astreint aux mêmes règles de confidentialité qu’un salarié de l’entreprise du donneur d’ordres ? Comment peut-on à la fois être « intégré de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu’elle (l’entreprise) constitue, même s’il n’en est pas le salarié » sans pouvoir être astreint à une règle de confidentialité, comme le sont par exemple, en application de l’article L4614-9 du CT, les salariés mis à disposition élus au CHSCT de l’entreprise utilisatrice, ou encore les délégués du personnel (donc potentiellement des salariés mis à disposition du donneur d’ordres) en cas de carence constatée aux élections du Comité d’entreprise : Article L2313-13 du code du travail : « En l’absence de comité d’entreprise, par suite d’une carence constatée aux élections, les attributions économiques de celui-ci, mentionnées à la section 1 du chapitre III du titre II, sont exercées temporairement par les délégués du personnel. Les informations sont communiquées et les consultations ont lieu au cours de la réunion mensuelle des délégués du personnel. Un procès-verbal concernant les questions économiques examinées est établi. Il est adopté après modifications éventuelles lors de la réunion suivante et peut être affiché après accord entre les délégués du personnel et l’employeur. Dans ce cadre, les délégués du personnel sont tenus au respect des dispositions relatives au secret professionnel et à l’obligation de discrétion prévues à l’article L. 2325-5. Les délégués du personnel peuvent avoir recours aux experts rémunérés par l’employeur dans les conditions prévues aux articles L. 2325-35 et suivants. Le budget de fonctionnement dont le montant est déterminé à l’article L. 2325-43 est géré conjointement par l’employeur et les délégués du personnel. Les délégués du personnel bénéficient de la formation économique dans les conditions prévues à l’article L. 2325-44. », ou encore les délégués du personnel (donc potentiellement des salariés mis à disposition du donneur d’ordres) dans les établissements de moins de 50 salariés ou de plus de 50salariés n’ayant pas mis en place de CHSCT : Article L2313-16 du code du travail « Dans les établissements d’au moins cinquante salariés, s’il n’existe pas de comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les délégués du personnel exercent les missions attribuées à ce comité avec les mêmes moyens et obligations que celui-ci. Dans les établissements de moins de cinquante salariés, s’il n’existe pas de comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les délégués du personnel exercent les missions attribuées à ce comité avec les moyens attribués aux délégués du personnel. Ils sont soumis aux mêmes obligations que les membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. (Sous-entendu celles de l’article L4614-9 : Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail reçoit de l’employeur les informations qui lui sont nécessaires pour l’exercice de ses missions, ainsi que les moyens nécessaires à la préparation et à l’organisation des réunions et aux déplacements imposés parles enquêtes ou inspections. Les membres du comité sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par l’employeur. Ils sont tenus au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication » De plus cette nouvelle disposition prive tout salarié mis à disposition de la possibilité de pouvoir être élu au CHSCT de l’entreprise utilisatrice dans une délégation unique du personnel. En effet aux termes du nouvel article L2326-1 Code du travail : « Dans les entreprises de moins de trois cents salariés, l’employeur peut décider que les délégués du personnel constituent la délégation du personnel au comité d’entreprise et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Il prend cette décision après avoir consulté les délégués du personnel et, s’ils existent, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ». Cela créé une rupture totale d’égalité entre les salariés mis à disposition suivant la taille des entreprises où ils sont mis à disposition, alors que, jusqu’à cette nouvelle rédaction de l’article L2326-2, de jurisprudence constante depuis un arrêt de la Cour de cassation du 14 décembre 1999 n°98-60629, les salariés mis à disposition dans les entreprises créant une délégation unique du personnel pouvaient être élus par le collège désignatif pour faire partie de la délégation du personnel au CHSCT de l’entreprise utilisatrice. « Mais attendu qu’aux termes de l’article L. 236-2 (devenu L4612-1 ndlr) du Code du travail, le CHSCT a pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés de l’établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure, y compris les travailleurs temporaires, ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail ; qu’en raison de la nature de cette mission, tout salarié peut être désigné en tant que membre de la délégation du personnel prévue par l’article L. 236-5 dès lors qu’il travaille dans l’établissement où le CHSCT est constitué ; » Ces salariés mis à disposition élus au CHSCT de l’entreprise utilisatrice devaient à ce titre respecter une obligation de confidentialité et étaient tenus aux secrets de fabrication. L’article L 4614-9 du code du travail dispose en effet que : « Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail reçoit de l’employeur les informations qui lui sont nécessaires pour l’exercice de ses missions, ainsi que les moyens nécessaires à la préparation et à l’organisation des réunions et aux déplacements imposés par les enquêtes ou inspections. Les membres du comité sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par l’employeur. Ils sont tenus au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication. » Mais, comme chacun le sait, le Conseil constitutionnel le premier, les hôtels sont classés SEVESO (socialement) et enrichissent de l’URANIUM (pardon leurs actionnaires) et donc détiennent des informations confidentielles comparables au "secret défense". Cette décision est une honte et ne préfigure rien de bon pour nos camarades de la sous- traitance si les ordonnances sont ratifiées quand les IRP seront fusionnées avec le Comité économique et social. Elle démontre que l’humain est une donnée de seconde zone dans notre société pourrie par le fric ! Qu’on est dans une société de classe, ou l’’ordre bourgeois règne toujours au Conseil constitutionnel, et que ce ne sont pas les ministres et les hommes politiques qui ont mené les politiques néolibérales d’hier et qui siègent aujourd’hui au conseil constitutionnel qui vont changer les lois pour mieux protéger les travailleurs ou garantir leurs droits, même les plus basiques et élémentaires ! Une fois n’est pas coutume nous invitons les lecteurs de Chronique ouvrière à signer la pétition des femmes de chambre sous traités contre les ordonnances et à la diffuser largement : https://www.change.org/p/muriel-les-femmes-de-chambre-sous-trait%C3%A9es-refusent-les-ordonnances-macron Cet article est aussi l’occasion de publier une étude sociologique sur le travail et la mobilisation des femmes de chambre et des gouvernantes des hôtels Campanile et Première Classe Suresnes de 2012, sous les prismes des rapports sociaux de genre, de classe et de race. Cette étude porte sur une grève importante qui est celle des femmes de chambre et des gouvernantes des hôtels Campanile et Première Classe du Pont de Suresnes de 2012. En s’appuyant sur des entretiens mais aussi sur un corpus sociologique et juridique, le phénomène de la sous-traitance dans l’hôtellerie a été analysé en ce que celui-ci a comme effets à la fois sur les conditions de travail des femmes de chambre et des gouvernantes et sur la précarisation de leur statut social, mais aussi sur les relations de travail entre les différents travailleurs-ses dans l’hôtel et la construction de la mobilisation contre la sous-traitance et pour l’internalisation du service d’hébergement. Ce travail de recherche est une tentative de rendre compte de comment des femmes, émigrées, pauvres et surexploitées, avec un syndicat naissant ont pu remettre en cause la sous-traitance et obtenir leur internalisation par LOUVRE HOTELS GROUP, qui n’est autre que le deuxième groupe hôtelier européen dans un contexte d’expansion de la sous-traitance. Reconstituer la communauté de travail, est un objectif cher à la CGT HPE, et avec cette grève de 2012, démonstration a été faite que tout n’est pas perdu et qu’il est encore possible de se battre et surtout : de gagner !
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L’ubérisation du contrat de travail (Marie-Laurence NEBULONI ) |
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Nul à la CGT et même au-delà n’ignore les dérives de l’application UBER : précarisation due à une dépendance complète des chauffeurs à la plate-forme, laquelle déconnecte au moindre prétexte, et vient de réviser à la baisse leur rémunération [1] ; absence de protection sociale ; paupérisation en raison du coût de l’investissement comparé au taux des commissions prélevées…. Le “ il vaut mieux travailler 60 heures que rester au RSA ” d’un ancien ministre de l’économie a montré ses limites [2]. Une forme d’exploitation encore plus perverse se répand, notamment en Seine-Saint-Denis. Les chauffeurs accueillis dans les permanences syndicales CGT présentent la particularité de bénéficier du statut de salarié, réputé protecteur, tout du moins avant ordonnances. Mais ces travailleurs sont tombés entre les griffes de patrons à l’imagination débridée. La relation est triangulaire : le salarié est embauché par une société x, mais travaille avec l’application UBER. Celle-ci verse une rémunération hebdomadaire en fonction des courses effectuées par le salarié, directement à la société x. Là, débute l’illégalité : l’employeur déduit le coût de la location (environ 700 € par semaine) de la voiture qu’il fournit à son employé. De plus, ce dernier paye l’essence, les réparations et les éventuelles amendes. Le contrat de travail est souvent verbal. Il n’y a pas toujours délivrance de bulletins de paie ni déclaration aux organismes sociaux. Les chauffeurs travaillent 7 jours sur 7 environ 12 heures par jour. Au bout de peu de mois, ruinés et épuisés, ils cessent leur activité et franchissent la porte des unions locales. L’un deux a même été contraint de rédiger 2 chèques de caution de 750 € chacun [3]. La solution apportée est, pour l’instant, individuelle : lettres recommandées aux employeurs voyous, copies à l’Inspection du Travail et dénonciations aux URSSAF. Si le salarié dispose de suffisamment d’éléments de preuves : virements bancaires, SMS, factures … une action prud’homale a de bonnes chances de succès, en l’état actuel du droit. Cependant, à moins que le gouvernement ne se souvienne un jour que la loi est supposée protéger les plus faibles et non sécuriser la délinquance des plus forts, seule une démarche collective syndicale permettrait d’enrayer le phénomène. Or, sous le flot de réformes compliquées autant que nocives, les travailleurs, abreuvés de plus d’insultes culpabilisantes et attentatoires à leur dignité (sans dents, fainéants, cyniques, extrêmes…) [4] tentent, avant tout, de survivre. Ils sont, pour l’instant, les perdants de la guerre des classes. Mais la révolte finira par venir. Aux armes, camarades ! |
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La loi Macron ou les fausses vertus du renforcement des corporatismes dans le procès prud’homal dimanche 9 avril 2017 par Pascal MOUSSY |
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La loi Macron du 6 août 2015 « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » a décidé de s’intéresser à la « justice prud’homale », visant à « améliorer le fonctionnement de la justice prud’homale en la rendant plus rapide plus sûre et plus prévisible pour les employeurs comme pour les salariés ». [1] Derrière cette préoccupation affichée d’« une justice plus efficace et rapide » [2], a été décelée une entreprise de « normalisation et perte d’identité » [3]. Les lignes qui vont suivre n’ont pas pour objet d’entrer dans le détail de la dévitalisation du procès prud’homal mise en œuvre par la dynamique loi Macron. Il s’agira seulement de mettre l’accent sur certaines innovations porteuses de menaces réelles sur l’identité de la justice prud’homale. La procédure prud’homale est censée être guidée par le principe d’oralité [4]. Il a été relevé que la loi Macron opère un « glissement vers une procédure écrite » qui « constitue une rigidité qui contredit le principe d’oralité », même si celui-ci n’est pas formellement abrogé [5]. Le renforcement de l’écrit dans le procès prud’homal se traduit, au moment de l’introduction de l’instance, par l’obligation d’une formalisation écrite des motifs de la demande et de chacun des chefs de celle-ci. Mais la nouveauté majeure, si l’on considère que le procès prud’homal se poursuit en cause d’appel, c’est la mise en place de la représentation obligatoire devant la cour d’appel matière. La procédure d’appel en matière prud’homale risque fort de friser le classicisme, l’’écrit occupant alors la première place et la parole devenant résiduelle. C’est là que devient cruciale la question du mode de défense. La loi Macron, révélant une conception quelque peu élitiste de l’égalité, ne se contente de mettre à mal le droit à la parole du salarié en l’expulsant du droit de se défendre lui-même en appel et en réservant la faculté de défendre à des personnes spécialisées. Elle opère également un filtrage en mettant en place une sélection toute institutionnelle du « défenseur syndical ». Ceux qui souhaitent défendre fermement le principe d’oralité et voir les travailleurs intervenir pleinement dans le procès prud’homal vont être conduits à s’interroger sur les stratégies à mette en œuvre pour contourner les barrages édifiés par la normalisation voulue par la loi Macron. L’argument tiré de la « complexité » n’a pas seulement servi à la critique de l’oralité [6]. Il a été aussi mis en avant pour présenter l’innovation consistant à permettre au nouveau « bureau de conciliation et d’orientation », si les parties le demandent ou « si la nature de l’affaire le justifie » à renvoyer directement l’affaire devant le bureau de jugement présidé par le juge départiteur [7]. Efficacité semble ici rimer avec rapidité [8]. Mais ce recours accéléré à la formation de départage nous ramène toujours aux mêmes préoccupations. S’il s’agit de précipiter la venue du « sauveur suprême » qui viendrait présider la « formation échevinée » [9] pour dispenser son savoir à des conseillers du monde du travail aux connaissances juridiques jugées rudimentaires, la reconnaissance des droits des travailleurs n’a pas grand-chose à y gagner. C’est le caractère offensif dans le délibéré de la formation de départage du rôle joué par les conseillers du collège « salariés » qui garantira l’efficacité de la justice prud’homale. C’est la force de conviction d’arguments solidement structurés d’un point de vue juridique tenus par des juges combatifs refusant d’être considérés comme des simples témoins de la condition ouvrière qui donne sa légitimité à la présence des militants syndicaux dans les conseils de prud’hommes. I. L’oralité des débats mise sous pression par l’accroissement de la sélection du mode de défense. L’oralité est présentée, « dans un sens absolu », comme le « caractère de la procédure qui ne faisant aucune part aux écritures (n’exigeant, par ex. Aucun échange de conclusions écrites avant ou pendant l’audience), repose exclusivement sur de simples échanges verbaux, dont principalement les débats à l’audience ». Elle « désigne aussi l’importance relative que l’élément verbal revêt dans le procès, plus spécialement celle de l’audience par rapport aux échanges d’écritures ». [10] Il a été également relevé qu’« il paraît communément admis qu’une « procédure orale » se définit comme « une procédure dispensée du ministère d’avocat ou d’avoué » » [11]. Jusqu’à l’intervention des actuelles dispositions issues de la loi Macron le principe d’oralité était toujours (au moins théoriquement) reconnu comme ayant droit de cité devant les juges d’appel statuant en matière prud’homale [12]. Il n’en est plus de même aujourd’hui. L’article R. 1646-1 du Code du travail dispose qu’à défaut d’être représentées par un défenseur syndical, les parties concernées par l’appel de la décision prud’homale sont tenues de constituer avocat. Et l’article R. 1461-2 indique très explicitement que l’appel qui est porté devant la chambre sociale de la cour d’appel « est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire ». Il en résulte que les dispositions des articles 908 et 909 du Code procédure civile sont applicables à l’appel formé en matière prud’homale et que le dépôt de conclusions écrites n’est plus une faculté et devient une obligation. [13] Cette intrusion de la représentation obligatoire dans l’appel en matière prud’homale a suscité de fortes réserves. « La représentation obligatoire va exiger un niveau de formation tel que seuls des professionnels aguerris vont pouvoir s’y aventurer, va chasser la plupart des défenseurs syndicaux des cours d’appel et contraindre les salariés à confier en appel leurs intérêts aux avocats. C’est une très grande rupture avec la tradition et ce sont les salariés qui vont être les seules victimes de ce mur de l’argent et de la technicité devant la Cour. Le remède à l’encombrement des chambres sociales a ainsi été trouvé : peu honorable mais radical. Jusqu’à présent, les règles de la procédure en appel étaient les mêmes qu’aux prud’hommes. Désormais, les affaires prud’homales vont être traitées devant la cour d’appel comme s’il s’agissait d’affaires civiles. C’est un peu comme si la procédure pénale devenait en appel une procédure écrite avec représentation obligatoire sans que les magistrats puissent refaire l’instruction à la barre ». [14] Il y a près de trois ans, il a été souligné que « le principe d’oralité risque bientôt de courir de réels dangers si se confirma la tendance actuelle, observée notamment dans les chambres sociales des cours d’appel intervenant en matière prud’homale, qui consiste à privilégier la lecture des conclusions et à inviter les défenseurs de se contenter de simples observations ». Et les « défenseurs militants » étaient invités à « engager un combat résolu contre toute tentative de réduire une peau de chagrin le principe d’oralité ». [15] Maintenant que le dépôt des conclusions écrites est devenue la règle et que l’oralité risque de se retrouver à une portion de plus en plus congrue devant les chambres sociales des cours d’appel statuant en matière prud’homale, la question est de savoir si le nouveau « défenseur syndical » mis en place par les actuelles dispositions des articles L. 1453-4 et R. 1453-2 du Code du travail a le profil du « militant » qui saura défendre bec et ongles l’âme du procès prud’homal en s’insurgeant contre les présidents de chambres sociales qui ne laisseraient pas le temps nécessaire à la parole. Les conditions de désignation du nouveau « défenseur syndical » imposent une inscription sur la liste arrêtée par l’autorité administrative « sur proposition des organisations d’employeurs de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, national et multiprofessionnel ou dans au moins une branche dans des conditions définies par décret ». Elles ont été à juste titre attaquées comme portant atteinte au principe de la liberté syndicale. [16] Jusqu’alors, le salarié pouvait âtre assisté par un délégué « permanent ou non permanent » d’une organisation syndicale de salariés. On pouvait voir un militant syndical d’entreprise défendre un collègue de sa « boîte ». L’oralité était au beau fixe. C’était moins la lecture de papiers composant un volumineux dossier qu’une parole portée par une forte conviction faisant rentrer dans la salle d’audience la vie de l’entreprise qui était l’outil de travail du militant ayant à cœur de mettre à nu l’injustice patronale. Il est loin d’être acquis que des « défenseurs syndicaux » qui, du fait des actuelles conditions de désignation, sont devenus des « quasi-permanents » soient nécessairement aussi liés à la vie de l’entreprise du salarié concerné par le procès que le défenseur de la « boîte » et soient systématiquement soucieux d’une défense intransigeante de l’oralité, pris au jeu de la rédaction des écritures et principalement absorbés par la tâche de rendre la meilleure copie possible. En ce qui concerne la première étape du procès prud’homal, la diversité n’a pas été complètement éradiquée par les dispositions issues de la loi Macron. Le salarié peut continuer à se défendre en personne [17] ou être assisté par un salarié appartenant à la même branche d’activité. [18] Le « mode syndical » coexiste avec le « mode professionnel ». [19] Il est donc possible au militant syndical non inscrit sur la liste officielle de défendre un salarié de son entreprise en n’affichant pas son étiquette syndicale et en se présentant et en se faisant mandater comme « salarié appartenant à la même branche d’activité ». Il existe également une autre alternative. N’oublions pas que le mouvement ouvrier n’a jamais été en panne d’imagination pour mener ses combats face à des textes voulant restreindre les libertés. Certains militants syndicaux non inscrits sur la liste nous ont révélé qu’ils accueillent à l’union locale les salariés conduits à se lancer dans l’action prud’homale et qu’ils préparent avec eux, d’une manière très précise, les arguments de fait et de droit qu’ils vont exposer en personne à l’audience prud’homale. Bravo ! Le syndicalisme a ici tout son sens. Il s’agit de démythifier la fameuse « complexité » censée caractériser aujourd’hui les débats prud’homaux et de prendre tout le temps de préparation nécessaire pour que le salarié ait suffisamment confiance en lui pour devenir un acteur à part entière du procès et prenne la parole à l’audience en étant précis et convaincant. Après tout, il n’y a rien d’inconvenant à ce que le droit du travail soit défendu par les travailleurs eux-mêmes. Il a déjà été souligné que le « renforcement de la pluralité » de ceux qui prennent la parole pour défendre les droits du demandeur salarié est « une exigence pour la sauvegarde de l’authenticité du débat prud’homal ». [20] En étant les plus nombreux possible à défendre l’oralité, « qui permet de faire écouter la « note juste », celle qui va faire rentrer dans la salle d’audience un peu de la vie de l’entreprise », [21] nous créerons le rapport de forces permettant de neutraliser (au moins au moment de la première instance) la part croissante que la loi Macron donne à l’écrit dans le procès prud’homal. II. L’insistance à présenter l’intervention du « professionnel » comme condition nécessaire d’une justice prud’homale « plus efficace et rapide ». Les dispositions de l’article L. 1454-1-1, 2° du Code du travail permettent désormais au « bureau de conciliation et d’orientation » de renvoyer directement l’affaire devant le bureau de jugement présidé par le juge départiteur. Ce n’est pas le gain de temps permis par ce renvoi direct devant une formation permettant de dégager une majorité qui est mérite la critique. C’est le sens donné à la venue accélérée du juge professionnel dans le procès prud’homal qui suscite la réserve. Ce n’est pas parce que le juge du tribunal de grande instance viendra au plus vite faire prévaloir sa conception du droit du travail que sera donnée la garantie d’une bonne justice prud’homale. Lorsque la controverse porte sur une question de principe (par exemple, la réintégration dans l’entreprise du salarié qui se plaint que la lettre de licenciement énonce un motif apparemment légitime n’étant qu’un prétexte visant à masquer l’exclusion de celui qui a voulu exercer une liberté publique), il est à prévoir, dès l’introduction de l’instance prud’homale, que se manifestera une divergence des points de vue sur la manière de résoudre le litige qui se cristallisera en un partage de voix. L’affrontement idéologique portant sur la qualification ou la requalification des faits, qui n’est pas en soi un manquement aux obligations déontologiques d’indépendance, d’impartialité, de dignité et de probité rappelées haut et fort par la loi Macron [22], doit permettre de donner l’occasion d’un véritable débat entre des participants discutant en toute égalité qui permette de dégager la majorité dont le point de vue va permette la résolution du litige. Pour que la discussion puisse avoir lieu et que le juge « départiteur » ne cède pas à la tentation du solo, il semble nécessaire que les magistrats prud’homaux élus, les juges militants, manifestent l’assurance permise par une formation leur permettant de faire la démonstration qu’ils n’ont rien à envier au juge professionnel en matière de droit du travail. [23] C’est une formation syndicale, une formation engagée qui est de nature à permettre au juge militant de fourbir ses armes pour le délibéré qui suit l’audience de départage… et non la formation aseptisée dispensée par les docteurs de la faculté de droit. Dans une chronique publiée dans le numéro de mars 2016 de la Revue de jurisprudence sociale, Frédéric GEA, Professeur à la Faculté de droit de Nancy, exprime son vif souhait de voir confier la formation des conseillers prud’hommes des collèges salariés et employeurs à l’université. [24] Frédéric GEA part de l’idée de la « justice-coopération ». « Une telle conception revêt un sens particulier, s’agissant de la justice du travail, car, précisément, elle réfère à un esprit d’entente, à des expériences ou des pratiques partagées, à des représentations - et, donc, des significations – communes. Entre les conseillers salariés et les conseillers employeurs, il peut y avoir (et il y a souvent !) des visions différentes du monde, mais le monde dont il est question, lui, demeure théoriquement partagé : c’est du monde du travail qu’il s’agit, fût-il hétérogène ». [25] Le lieu d’extorsion de la plus-value est ainsi présenté comme étant a priori source de valeurs communes. Ce postulat d’un monde du travail qui saurait malgré tout se préserver de l’irréductibilité de la lutte des classes est quelque peu surprenant de la part d’un auteur qui multiplie les écrits érudits sur le droit du travail. Nous déclinerons cette invitation à prôner la recherche d’une « coopération » entre les conseillers prud’hommes des deux collèges, lorsque le litige porte sur les effets de l’exercice d’un pouvoir patronal qui a entendu restreindre ou réprimer une liberté individuelle ou collective du travailleur. Lorsque surgit une question de principe, l’observation attentive des pratiques prud’homales enseigne que le consensus qui clôt le délibéré consécutif à la première audience se traduit en général par un débouté ou par une substantielle révision à la baisse des demandes présentées par le contestataire de l’ordre patronal. La « philosophie » de la « coopération » qui doit présider à l’œuvre de formation est présentée par Frédéric GEA en des termes qui donnent une place de choix aux principes directeurs énoncés par la loi Macron et soulignent que la réunion dans une formation ouverte à tous doit donner l’occasion de « dépasser le clivage entre conseillers salariés et conseillers employeurs ». « Si, comme nous l’avons avancé, le paritarisme signifie la coopération, alors cette « philosophie » peut inspirer le dispositif de formation, de sa conception à ses modalités concrètes. Des sessions de formation de ce type, il y en a eu, et elles se sont, nous semble-t-il, révélées fécondes et enrichissantes. Alors pourquoi n’envisager cette formule que pour la formation initiale des conseillers ? Elle devrait pouvoir s’étendre également à la formation continue, du mois pour certaines sessions. Gageons, en tout cas, que nombre d’équipes d’enseignants-chercheurs en droit social auront à cœur d’organiser de telles formations, sous des formes diverses, tant au sein des Facultés de droit que des Instituts du travail, nationaux ou régionaux. Naturellement, il incombera à tous les intervenants de veiller à conserver leurs postures d’universitaires et s’affranchir des postures dogmatiques - ce qui signifie ni taire ses analyses et/ou ses convictions ni se renier en tant qu’auctor (« celui qui augmente »). D’une certaine manière, l’impératif consiste à exercer ses fonctions avec compétence, voire avec appétence, mais « en toute impartialité, dignité et probité », à l’instar des prescriptions déontologiques qu’énonce l’article L. 1421-2 du Code du travail pour les conseillers prud’hommes eux-mêmes. Avec rigueur et exigence, en fin de compte ». [26] Là encore, nous n’arrivons pas à suivre. Le meilleur pédagogue « impartial » du monde n’arrivera pas à nous vendre le conte qui voudrait que la sensibilité de classe, qui donne tout le sens de l’élection ou de la désignation des conseillers prud’hommes en deux collèges distincts, va s’effacer devant la démonstration de la réponse que le raisonnement logique doit donner au litige. Que cela plaise ou non, les juges salariés ou employeurs n’ont pas été élus pour avoir la même grille de lecture, lorsqu’il s’agit de procéder à une opération de qualification. On ne saurait, par exemple, exiger des conseillers des deux collèges qu’ils oublient de qui ils tiennent leur mandat et qu’ils soient guidés par une sensibilité commune lorsqu’il s’agit de mesurer quelle doit être l’intensité du contrôle prud’homal. Si chacun estime que renoncer à sa conception du traitement du litige serait trahir son collège, l’affrontement idéologique n’a rien de dramatique. Le recours à la formation de départage est là pour garantir l’impartialité de la juridiction prud’homale. Le débat pourra continuer et se conclure par la victoire de arguments les plus puissants en fait et en droit. Ce qui est alors utile au militant qui s’est investi dans le mandat prud’homal et qui entend poursuivre la bataille pour convaincre le juge départiteur de bien voter, c’est de se voir proposer des formations syndicales auxquels participent, non des professeurs « impartiaux » de la procédure civile et du droit du travail, mais des enseignants engagés qui fournissent des outils permettant de nourrir une réflexion juridique menée dans la continuité des combats menés dans l’entreprise. Comme l’a fort bien dit un fameux militant ouvrier, « l’entreprise est l’université des travailleurs ». [27] * * * En définitive, sous le couvert de donner des moyens nouveaux pour « une justice plus efficace et rapide », la loi Macron, qui se présente comme particulièrement attachée à l’ « égalité des chances », tente de renforcer les corporatismes dans le procès prud’homal. La part belle est donnée, en cause d’appel, à la prééminence de l’écrit, méthode de travail privilégiée du magistrat civil classique. Le juge du tribunal de grande instance est présenté comme le Messie dont l’autorité et la venue la plus proche possible seront de nature à permettre à la juridiction prud’homale d’avancer plus rapidement sur la voie d’une bonne justice prud’homale. Mais les militants syndicaux, pour permettre à la juridiction prud’homale d’intervenir avec rapidité et efficacité, se reconnaîtront dans une autre moyen, plus conforme à leurs valeurs, celui de la mobilisation… pour que vivent les textes (antérieurs à la loi Macron) prescrivant le moment de la tenue de l’audience de départage de la formation de référé. La présentation du référé prud’homal comme particulièrement incontournable pour une défense efficace des droits des travailleurs a déjà été faite. [28]Nous ne comptons pas y revenir ici. Il a également été souligné que la conversion en plusieurs mois du délai maximal de quinze jours prévu par le texte [29] pour que se tienne l’audience de départage du référé prud’homal a des conséquences désastreuses pour la préservation des droits fondamentaux des travailleurs. [30] L’heure est à l’action ! Prenons le cas d’une affaire qui donne lieu à l’intervention de la formation de référé du Conseil de prud’hommes qui se met en partage de voix. S’il se révèle, au regard de la programmation présentée par le greffe de la juridiction, qu’il n’est pas prévu que le délai maximal de quinze jours soit tenu, il convient d’organiser une manifestation devant les fenêtres ou jusqu’à la porte du bureau du Premier président de la Cour d’appel pour qu’il prenne les dispositions permettant le fonctionnement normal de la justice prud’homale de l’urgence en trouvant le juge du tribunal de grande instance qui va présider sans plus attendre la tenue de l’audience de départage et organiser le délibéré à trois voix.
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Un code de déontologie qui restreint la liberté des Inspecteurs du travail |
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Un code de déontologie qui restreint la liberté des Inspecteurs du travail Le 14 avril le Journal officiel a publiéun nouveau décret qui instaure un code de déontologie à l’intention des inspecteurs du travail. De l’avis de tous, cette nouvelle contrainte représente une offre aux entreprises contrôlées, car celles-ci trouveront certainement là, une opportunité pour mettre en cause l’indépendance des agents et un moyen pour leur compliquer la tâche. Pour ces raisons, ce décret inquiète les syndicats, les Inspecteurs et agents de contrôle qui plaident pour le respect de leur indépendance. Et malgré leur demande de retrait de ce texte par une intersyndicale et une pétition en ligne, le texte sera quand même mis en vigueur. Que dit ce nouveau code de déontologie ? Il contient des préconisations qui concernent le fonctionnement interne des services d’inspection, alors que des moyens existaient déjà. Mais il propose surtout de restreindre la liberté d’expression publique des agents, notamment sur leur métier. C’est là une contrainte insupportable, dès lors que le contexte d’aujourd’hui est marqué quotidiennement par des tentatives d’intimidation et de déstabilisation patronales. Il est donc à redouter que les employeurs chercheront, y compris sur Internet, tout élément qui remettrait en cause leur neutralité et leur intégrité, et ceci même s’il s’agirait de leur expression en tant que citoyens sur un sujet ou un autre, dans leur vie civile. Il n’est pas difficile de comprendre que la loi Travail de madame El Khomri livre ainsi pieds et poings liés les services de contrôle de l’inspection du travail à un patronat qui n’attendait que ça et en cela, cette décision se confond à peu de chose près du proverbe Africain qui dit : « On ne confie pas à une hyène le cadavre d'une antilope ». |
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La loi Macron ou les fausses vertus du renforcement des corporatismes dans le procès prud’homal (P. Moussy). |
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La loi Macron du 6 août 2015 « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » a décidé de s’intéresser à la « justice prud’homale », visant à « améliorer le fonctionnement de la justice prud’homale en la rendant plus rapide plus sûre et plus prévisible pour les employeurs comme pour les salariés ». [1] Derrière cette préoccupation affichée d’« une justice plus efficace et rapide » [2], a été décelée une entreprise de « normalisation et perte d’identité » [3]. Les lignes qui vont suivre n’ont pas pour objet d’entrer dans le détail de la dévitalisation du procès prud’homal mise en œuvre par la dynamique loi Macron. Il s’agira seulement de mettre l’accent sur certaines innovations porteuses de menaces réelles sur l’identité de la justice prud’homale. La procédure prud’homale est censée être guidée par le principe d’oralité [4]. Il a été relevé que la loi Macron opère un « glissement vers une procédure écrite » qui « constitue une rigidité qui contredit le principe d’oralité », même si celui-ci n’est pas formellement abrogé [5]. Le renforcement de l’écrit dans le procès prud’homal se traduit, au moment de l’introduction de l’instance, par l’obligation d’une formalisation écrite des motifs de la demande et de chacun des chefs de celle-ci. Mais la nouveauté majeure, si l’on considère que le procès prud’homal se poursuit en cause d’appel, c’est la mise en place de la représentation obligatoire devant la cour d’appel matière. La procédure d’appel en matière prud’homale risque fort de friser le classicisme, l’’écrit occupant alors la première place et la parole devenant résiduelle. C’est là que devient cruciale la question du mode de défense. La loi Macron, révélant une conception quelque peu élitiste de l’égalité, ne se contente de mettre à mal le droit à la parole du salarié en l’expulsant du droit de se défendre lui-même en appel et en réservant la faculté de défendre à des personnes spécialisées. Elle opère également un filtrage en mettant en place une sélection toute institutionnelle du « défenseur syndical ». Ceux qui souhaitent défendre fermement le principe d’oralité et voir les travailleurs intervenir pleinement dans le procès prud’homal vont être conduits à s’interroger sur les stratégies à mette en œuvre pour contourner les barrages édifiés par la normalisation voulue par la loi Macron. L’argument tiré de la « complexité » n’a pas seulement servi à la critique de l’oralité [6]. Il a été aussi mis en avant pour présenter l’innovation consistant à permettre au nouveau « bureau de conciliation et d’orientation », si les parties le demandent ou « si la nature de l’affaire le justifie » à renvoyer directement l’affaire devant le bureau de jugement présidé par le juge départiteur [7]. Efficacité semble ici rimer avec rapidité [8]. Mais ce recours accéléré à la formation de départage nous ramène toujours aux mêmes préoccupations. S’il s’agit de précipiter la venue du « sauveur suprême » qui viendrait présider la « formation échevinée » [9] pour dispenser son savoir à des conseillers du monde du travail aux connaissances juridiques jugées rudimentaires, la reconnaissance des droits des travailleurs n’a pas grand-chose à y gagner. C’est le caractère offensif dans le délibéré de la formation de départage du rôle joué par les conseillers du collège « salariés » qui garantira l’efficacité de la justice prud’homale. C’est la force de conviction d’arguments solidement structurés d’un point de vue juridique tenus par des juges combatifs refusant d’être considérés comme des simples témoins de la condition ouvrière qui donne sa légitimité à la présence des militants syndicaux dans les conseils de prud’hommes. I. L’oralité des débats mise sous pression par l’accroissement de la sélection du mode de défense. L’oralité est présentée, « dans un sens absolu », comme le « caractère de la procédure qui ne faisant aucune part aux écritures (n’exigeant, par ex. Aucun échange de conclusions écrites avant ou pendant l’audience), repose exclusivement sur de simples échanges verbaux, dont principalement les débats à l’audience ». Elle « désigne aussi l’importance relative que l’élément verbal revêt dans le procès, plus spécialement celle de l’audience par rapport aux échanges d’écritures ». [10] Il a été également relevé qu’« il paraît communément admis qu’une « procédure orale » se définit comme « une procédure dispensée du ministère d’avocat ou d’avoué » » [11]. Jusqu’à l’intervention des actuelles dispositions issues de la loi Macron le principe d’oralité était toujours (au moins théoriquement) reconnu comme ayant droit de cité devant les juges d’appel statuant en matière prud’homale [12]. Il n’en est plus de même aujourd’hui. L’article R. 1646-1 du Code du travail dispose qu’à défaut d’être représentées par un défenseur syndical, les parties concernées par l’appel de la décision prud’homale sont tenues de constituer avocat. Et l’article R. 1461-2 indique très explicitement que l’appel qui est porté devant la chambre sociale de la cour d’appel « est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire ». Il en résulte que les dispositions des articles 908 et 909 du Code procédure civile sont applicables à l’appel formé en matière prud’homale et que le dépôt de conclusions écrites n’est plus une faculté et devient une obligation. [13] Cette intrusion de la représentation obligatoire dans l’appel en matière prud’homale a suscité de fortes réserves. « La représentation obligatoire va exiger un niveau de formation tel que seuls des professionnels aguerris vont pouvoir s’y aventurer, va chasser la plupart des défenseurs syndicaux des cours d’appel et contraindre les salariés à confier en appel leurs intérêts aux avocats. C’est une très grande rupture avec la tradition et ce sont les salariés qui vont être les seules victimes de ce mur de l’argent et de la technicité devant la Cour. Le remède à l’encombrement des chambres sociales a ainsi été trouvé : peu honorable mais radical. Jusqu’à présent, les règles de la procédure en appel étaient les mêmes qu’aux prud’hommes. Désormais, les affaires prud’homales vont être traitées devant la cour d’appel comme s’il s’agissait d’affaires civiles. C’est un peu comme si la procédure pénale devenait en appel une procédure écrite avec représentation obligatoire sans que les magistrats puissent refaire l’instruction à la barre ». [14] Il y a près de trois ans, il a été souligné que « le principe d’oralité risque bientôt de courir de réels dangers si se confirma la tendance actuelle, observée notamment dans les chambres sociales des cours d’appel intervenant en matière prud’homale, qui consiste à privilégier la lecture des conclusions et à inviter les défenseurs de se contenter de simples observations ». Et les « défenseurs militants » étaient invités à « engager un combat résolu contre toute tentative de réduire une peau de chagrin le principe d’oralité ». [15] Maintenant que le dépôt des conclusions écrites est devenue la règle et que l’oralité risque de se retrouver à une portion de plus en plus congrue devant les chambres sociales des cours d’appel statuant en matière prud’homale, la question est de savoir si le nouveau « défenseur syndical » mis en place par les actuelles dispositions des articles L. 1453-4 et R. 1453-2 du Code du travail a le profil du « militant » qui saura défendre bec et ongles l’âme du procès prud’homal en s’insurgeant contre les présidents de chambres sociales qui ne laisseraient pas le temps nécessaire à la parole. Les conditions de désignation du nouveau « défenseur syndical » imposent une inscription sur la liste arrêtée par l’autorité administrative « sur proposition des organisations d’employeurs de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, national et multiprofessionnel ou dans au moins une branche dans des conditions définies par décret ». Elles ont été à juste titre attaquées comme portant atteinte au principe de la liberté syndicale. [16] Jusqu’alors, le salarié pouvait âtre assisté par un délégué « permanent ou non permanent » d’une organisation syndicale de salariés. On pouvait voir un militant syndical d’entreprise défendre un collègue de sa « boîte ». L’oralité était au beau fixe. C’était moins la lecture de papiers composant un volumineux dossier qu’une parole portée par une forte conviction faisant rentrer dans la salle d’audience la vie de l’entreprise qui était l’outil de travail du militant ayant à cœur de mettre à nu l’injustice patronale. Il est loin d’être acquis que des « défenseurs syndicaux » qui, du fait des actuelles conditions de désignation, sont devenus des « quasi-permanents » soient nécessairement aussi liés à la vie de l’entreprise du salarié concerné par le procès que le défenseur de la « boîte » et soient systématiquement soucieux d’une défense intransigeante de l’oralité, pris au jeu de la rédaction des écritures et principalement absorbés par la tâche de rendre la meilleure copie possible. En ce qui concerne la première étape du procès prud’homal, la diversité n’a pas été complètement éradiquée par les dispositions issues de la loi Macron. Le salarié peut continuer à se défendre en personne [17] ou être assisté par un salarié appartenant à la même branche d’activité. [18] Le « mode syndical » coexiste avec le « mode professionnel ». [19] Il est donc possible au militant syndical non inscrit sur la liste officielle de défendre un salarié de son entreprise en n’affichant pas son étiquette syndicale et en se présentant et en se faisant mandater comme « salarié appartenant à la même branche d’activité ». Il existe également une autre alternative. N’oublions pas que le mouvement ouvrier n’a jamais été en panne d’imagination pour mener ses combats face à des textes voulant restreindre les libertés. Certains militants syndicaux non inscrits sur la liste nous ont révélé qu’ils accueillent à l’union locale les salariés conduits à se lancer dans l’action prud’homale et qu’ils préparent avec eux, d’une manière très précise, les arguments de fait et de droit qu’ils vont exposer en personne à l’audience prud’homale. Bravo ! Le syndicalisme a ici tout son sens. Il s’agit de démythifier la fameuse « complexité » censée caractériser aujourd’hui les débats prud’homaux et de prendre tout le temps de préparation nécessaire pour que le salarié ait suffisamment confiance en lui pour devenir un acteur à part entière du procès et prenne la parole à l’audience en étant précis et convaincant. Après tout, il n’y a rien d’inconvenant à ce que le droit du travail soit défendu par les travailleurs eux-mêmes. Il a déjà été souligné que le « renforcement de la pluralité » de ceux qui prennent la parole pour défendre les droits du demandeur salarié est « une exigence pour la sauvegarde de l’authenticité du débat prud’homal ». [20] En étant les plus nombreux possible à défendre l’oralité, « qui permet de faire écouter la « note juste », celle qui va faire rentrer dans la salle d’audience un peu de la vie de l’entreprise », [21] nous créerons le rapport de forces permettant de neutraliser (au moins au moment de la première instance) la part croissante que la loi Macron donne à l’écrit dans le procès prud’homal. II. L’insistance à présenter l’intervention du « professionnel » comme condition nécessaire d’une justice prud’homale « plus efficace et rapide ». Les dispositions de l’article L. 1454-1-1, 2° du Code du travail permettent désormais au « bureau de conciliation et d’orientation » de renvoyer directement l’affaire devant le bureau de jugement présidé par le juge départiteur. Ce n’est pas le gain de temps permis par ce renvoi direct devant une formation permettant de dégager une majorité qui est mérite la critique. C’est le sens donné à la venue accélérée du juge professionnel dans le procès prud’homal qui suscite la réserve. Ce n’est pas parce que le juge du tribunal de grande instance viendra au plus vite faire prévaloir sa conception du droit du travail que sera donnée la garantie d’une bonne justice prud’homale. Lorsque la controverse porte sur une question de principe (par exemple, la réintégration dans l’entreprise du salarié qui se plaint que la lettre de licenciement énonce un motif apparemment légitime n’étant qu’un prétexte visant à masquer l’exclusion de celui qui a voulu exercer une liberté publique), il est à prévoir, dès l’introduction de l’instance prud’homale, que se manifestera une divergence des points de vue sur la manière de résoudre le litige qui se cristallisera en un partage de voix. L’affrontement idéologique portant sur la qualification ou la requalification des faits, qui n’est pas en soi un manquement aux obligations déontologiques d’indépendance, d’impartialité, de dignité et de probité rappelées haut et fort par la loi Macron [22], doit permettre de donner l’occasion d’un véritable débat entre des participants discutant en toute égalité qui permette de dégager la majorité dont le point de vue va permette la résolution du litige. Pour que la discussion puisse avoir lieu et que le juge « départiteur » ne cède pas à la tentation du solo, il semble nécessaire que les magistrats prud’homaux élus, les juges militants, manifestent l’assurance permise par une formation leur permettant de faire la démonstration qu’ils n’ont rien à envier au juge professionnel en matière de droit du travail. [23] C’est une formation syndicale, une formation engagée qui est de nature à permettre au juge militant de fourbir ses armes pour le délibéré qui suit l’audience de départage… et non la formation aseptisée dispensée par les docteurs de la faculté de droit. Dans une chronique publiée dans le numéro de mars 2016 de la Revue de jurisprudence sociale, Frédéric GEA, Professeur à la Faculté de droit de Nancy, exprime son vif souhait de voir confier la formation des conseillers prud’hommes des collèges salariés et employeurs à l’université. [24] Frédéric GEA part de l’idée de la « justice-coopération ». « Une telle conception revêt un sens particulier, s’agissant de la justice du travail, car, précisément, elle réfère à un esprit d’entente, à des expériences ou des pratiques partagées, à des représentations - et, donc, des significations – communes. Entre les conseillers salariés et les conseillers employeurs, il peut y avoir (et il y a souvent !) des visions différentes du monde, mais le monde dont il est question, lui, demeure théoriquement partagé : c’est du monde du travail qu’il s’agit, fût-il hétérogène ». [25] Le lieu d’extorsion de la plus-value est ainsi présenté comme étant a priori source de valeurs communes. Ce postulat d’un monde du travail qui saurait malgré tout se préserver de l’irréductibilité de la lutte des classes est quelque peu surprenant de la part d’un auteur qui multiplie les écrits érudits sur le droit du travail. Nous déclinerons cette invitation à prôner la recherche d’une « coopération » entre les conseillers prud’hommes des deux collèges, lorsque le litige porte sur les effets de l’exercice d’un pouvoir patronal qui a entendu restreindre ou réprimer une liberté individuelle ou collective du travailleur. Lorsque surgit une question de principe, l’observation attentive des pratiques prud’homales enseigne que le consensus qui clôt le délibéré consécutif à la première audience se traduit en général par un débouté ou par une substantielle révision à la baisse des demandes présentées par le contestataire de l’ordre patronal. La « philosophie » de la « coopération » qui doit présider à l’œuvre de formation est présentée par Frédéric GEA en des termes qui donnent une place de choix aux principes directeurs énoncés par la loi Macron et soulignent que la réunion dans une formation ouverte à tous doit donner l’occasion de « dépasser le clivage entre conseillers salariés et conseillers employeurs ». « Si, comme nous l’avons avancé, le paritarisme signifie la coopération, alors cette « philosophie » peut inspirer le dispositif de formation, de sa conception à ses modalités concrètes. Des sessions de formation de ce type, il y en a eu, et elles se sont, nous semble-t-il, révélées fécondes et enrichissantes. Alors pourquoi n’envisager cette formule que pour la formation initiale des conseillers ? Elle devrait pouvoir s’étendre également à la formation continue, du mois pour certaines sessions. Gageons, en tout cas, que nombre d’équipes d’enseignants-chercheurs en droit social auront à cœur d’organiser de telles formations, sous des formes diverses, tant au sein des Facultés de droit que des Instituts du travail, nationaux ou régionaux. Naturellement, il incombera à tous les intervenants de veiller à conserver leurs postures d’universitaires et s’affranchir des postures dogmatiques - ce qui signifie ni taire ses analyses et/ou ses convictions ni se renier en tant qu’auctor (« celui qui augmente »). D’une certaine manière, l’impératif consiste à exercer ses fonctions avec compétence, voire avec appétence, mais « en toute impartialité, dignité et probité », à l’instar des prescriptions déontologiques qu’énonce l’article L. 1421-2 du Code du travail pour les conseillers prud’hommes eux-mêmes. Avec rigueur et exigence, en fin de compte ». [26] Là encore, nous n’arrivons pas à suivre. Le meilleur pédagogue « impartial » du monde n’arrivera pas à nous vendre le conte qui voudrait que la sensibilité de classe, qui donne tout le sens de l’élection ou de la désignation des conseillers prud’hommes en deux collèges distincts, va s’effacer devant la démonstration de la réponse que le raisonnement logique doit donner au litige. Que cela plaise ou non, les juges salariés ou employeurs n’ont pas été élus pour avoir la même grille de lecture, lorsqu’il s’agit de procéder à une opération de qualification. On ne saurait, par exemple, exiger des conseillers des deux collèges qu’ils oublient de qui ils tiennent leur mandat et qu’ils soient guidés par une sensibilité commune lorsqu’il s’agit de mesurer quelle doit être l’intensité du contrôle prud’homal. Si chacun estime que renoncer à sa conception du traitement du litige serait trahir son collège, l’affrontement idéologique n’a rien de dramatique. Le recours à la formation de départage est là pour garantir l’impartialité de la juridiction prud’homale. Le débat pourra continuer et se conclure par la victoire de arguments les plus puissants en fait et en droit. Ce qui est alors utile au militant qui s’est investi dans le mandat prud’homal et qui entend poursuivre la bataille pour convaincre le juge départiteur de bien voter, c’est de se voir proposer des formations syndicales auxquels participent, non des professeurs « impartiaux » de la procédure civile et du droit du travail, mais des enseignants engagés qui fournissent des outils permettant de nourrir une réflexion juridique menée dans la continuité des combats menés dans l’entreprise. Comme l’a fort bien dit un fameux militant ouvrier, « l’entreprise est l’université des travailleurs ». [27] * * * En définitive, sous le couvert de donner des moyens nouveaux pour « une justice plus efficace et rapide », la loi Macron, qui se présente comme particulièrement attachée à l’ « égalité des chances », tente de renforcer les corporatismes dans le procès prud’homal. La part belle est donnée, en cause d’appel, à la prééminence de l’écrit, méthode de travail privilégiée du magistrat civil classique. Le juge du tribunal de grande instance est présenté comme le Messie dont l’autorité et la venue la plus proche possible seront de nature à permettre à la juridiction prud’homale d’avancer plus rapidement sur la voie d’une bonne justice prud’homale. Mais les militants syndicaux, pour permettre à la juridiction prud’homale d’intervenir avec rapidité et efficacité, se reconnaîtront dans une autre moyen, plus conforme à leurs valeurs, celui de la mobilisation… pour que vivent les textes (antérieurs à la loi Macron) prescrivant le moment de la tenue de l’audience de départage de la formation de référé. La présentation du référé prud’homal comme particulièrement incontournable pour une défense efficace des droits des travailleurs a déjà été faite. [28]Nous ne comptons pas y revenir ici. Il a également été souligné que la conversion en plusieurs mois du délai maximal de quinze jours prévu par le texte [29] pour que se tienne l’audience de départage du référé prud’homal a des conséquences désastreuses pour la préservation des droits fondamentaux des travailleurs. [30] L’heure est à l’action ! Prenons le cas d’une affaire qui donne lieu à l’intervention de la formation de référé du Conseil de prud’hommes qui se met en partage de voix. S’il se révèle, au regard de la programmation présentée par le greffe de la juridiction, qu’il n’est pas prévu que le délai maximal de quinze jours soit tenu, il convient d’organiser une manifestation devant les fenêtres ou jusqu’à la porte du bureau du Premier président de la Cour d’appel pour qu’il prenne les dispositions permettant le fonctionnement normal de la justice prud’homale de l’urgence en trouvant le juge du tribunal de grande instance qui va présider sans plus attendre la tenue de l’audience de départage et organiser le délibéré à trois voix. |
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Dans de nombreuses entreprises, les patrons bloquent les NAO. |
|  | Aujourd’hui, alors que la loi propose de nouvelles ouvertures pour conduire la NAO en entreprise, en Martinique, les patrons se font un point d’honneur à les bloquer dans le but, sans doute, de freiner toute évolution du statut du salarié. C’est le code du travail dans son article L2242-1 qui prévoit, que dans les entreprises où sont constituées une section syndicale représentative, l'employeur doit engager chaque année, une négociation sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise. Et par ailleurs, tous les trois ans une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (seuil de 300 salariés). A ces points, la loi Rebsamen vient ajouter deux autres sujets de négociation : l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail. Aussi, malgré ce nouveau régime de la négociation obligatoire des accords d’entreprise (Loi 2015-994 du 17-8-2015), dans les entreprises les discussions n’évoluent pas pour autant. Les délégations syndicales se heurtent au comportement des employeurs qui n’entendent ne rien lâcher ni en salaire, ni en mesures sociales. Pourtant c’est justement à cette unique occasion annuelle que les salariés peuvent négocier la vente de leur force de travail. Le constat est que les employeurs évoquent le mauvais climat des affaires ou l’environnement économique de crise, sans oublier l’effondrement des chiffres du tourisme à cause du Zika ou encore de la chute des exportations de banane à cause de la tempête Matthew, des mauvaises conditions climatiques ou de la cercosporiose noire. Mais nulle part n’est évoquée la facilité offerte aux entreprises pour leur soi-disant compétitivité. Cela se traduit par des subventions en cascade avec une prime de CICE versée depuis 2013, ou encore par la baisse de 1,8 point de la cotisation patronale, la baisse de la contribution sociale de solidarité des sociétés, ou encore du dispositif d’exonération des cotisations sociales patronales sur les bas salaires etc… C’est dire que les moyens de la négociation sont là, les entreprises sont largement renflouée par les deniers publics sauf que le patronat entend ne rien lâcher aux salariés, et les travailleurs se heurtent à un véritable rfeus de négocier. Dans nombre d’entreprise il est observé que lors de la négociation salariale les patrons au lieu de communiquer les informations la valeur ajoutée et sur l’assiette des salaires versés par l’entreprise aux cadres, non cadres et dirigeants ils se limitent à communiquer une note de synthèse de l’Insee très abstraite, donc incompréhensible, sur l’évolution des prix. Les patrons, sans doute emporté par l’idée de réduire le coût du travail et autres scélératesse se montrent intransigeants. Il appartient aux travailleurs d’inverser les choses et de faire des NAO une véritable obligation de négocier et si pour cela la concertation ne suffit pas, alors passer à autre chose pour faire aboutir leurs intérêts.
01-04-2017 |
Bouygues TP condamné pour travail dissimulé (Communiqué de la CGT) |
|  | Ce 20 mars, les entreprises Bouygues Travaux Publics, Welbond, Elco Construct et Atlanto, intervenant toutes pour le site EPR de Flamanville (Manche), ont été reconnues coupables, en appel, de délit de travail dissimulé, prêt illicite de main d’œuvre et emploi de salariés étrangers sans titres, pour la période de 2008 à 2014. La cour d’appel de Caen a en effet confirmé la condamnation de première instance, prononcée par le tribunal correctionnel de Cherbourg, en juillet 2015, à l’encontre de Bouygues, aggravant la sanction de 25 000 à 29 950 euros. Elco Construct devra verser 60 000 euros, Welbond Armatures 15 000 euros. Grâce à la ténacité dont ont fait preuve les militants CGT et les syndicats de la Manche, avec l’appui de l’Inspection du travail, de l’Urssaf, de l’Autorité de Sureté nucléaire et de l’Office central de lutte contre le travail clandestin, la justice a enfin été rendue en faveur des salariés, après une longue bataille juridique
30-03-2017 |
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Le Conseil d’Etat a reviré en restituant tout son sens au contrôle (Chronique Ouvrière) |
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jeudi 8 décembre 2016 par Pascal MOUSSY Par sa décision Julien du 28 février 1997 (n° 153547), le Conseil d’Etat a affirmé que l’Inspecteur du travail est incompétent pour statuer sur la demande d’autorisation de licenciement d’un salarié qui n’est plus protégé à la date à laquelle il rend sa décision. L’arrêt Julien a été présenté comme faisant application de la règle générale qui veut que la légalité d’une décision administrative s’apprécie en fonction des circonstances de fait et de droit qui prévalent à la date à laquelle est prise. Par conséquent, il ne suffit pas que le salarié soit bénéficiaire de la protection spéciale en matière de licenciement au moment où l’employeur dépose une demande d’autorisation de licenciement pour que l’Inspecteur du travail retienne sa compétence. Si, au cours du traitement de la demande, l’autorité administrative constate que la protection a cessé, du fait du temps qui passe, elle doit arrêter l’instruction et se déclarer incompétente. Lors de l’audience tenue par le Conseil d’Etat, le rapporteur public Maud VIALETTES a exprimé le point de vue selon lequel « cette jurisprudence, tout aussi imparable qu’elle apparaît sur le plan technique, n’est pas concrètement sans faille » (conclusions de Maud VIALETTES, rapporteur public, sous CE 23 novembre 2016, non encore publiées, p. 2). Le rapporteur public a proposé au Conseil d’Etat de faire évoluer sa jurisprudence sur les salariés protégés en fin de période de protection contre le licenciement en faisant plusieurs arguments lui paraissant essentiels. Maud VIALETTES a tout d’abord relevé le caractère « platonique » de la protection résultant du décalage entre la jurisprudence du juge administratif issue de l’arrêt Julien et la jurisprudence du juge judicaire. « En effet, pour le juge judiciaire, c’est au moment de l’engagement de la procédure de licenciement, c’est-à-dire au moment de l’envoi de la convocation préalable, qu’il appartient à l’employeur de s’interroger sur la qualité, ou non, de salarié protégé dont il entend se séparer. En présence d’une telle protection, et quand bien même celle-ci viendrait prochainement à expirer, l’employeur est tenu de saisir l’inspection du travail, sans quoi le licenciement qu’il prononcerait serait frappé de nullité de plein droit et l’exposerait à l’obligation de réintégrer le salarié et à lui verser des indemnités en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement irrégulier (Cass. Soc. 26 mars 2013, n° 11-27964, Bull. 2013, V, n° 83, RJS 6/13, n° 468 ; Cass. Soc. 18 décembre 2013, n° 12-23745, diffusé, RJS 2014, n° 243 ; Cass. Soc. 13 mai 2014, V, n° 7/14, n° 578) » (conclusions précitées, p. 3). Le rapporteur public a constaté que cette « garantie de procédure » se révèle vaine lorsque la protection est en voie de prendre fin et qu’il s’avère qu’elle arrive effectivement à son terme en cours de procédure administrative. Maud VIALETTES a ensuite mis en évidence que, « dans une telle configuration, la protection effective d’un salarié protégé dépendra d’éléments contingents ». « Par exemple, dans le cas d’un salarié protégé dont la protection viendrait à expiration quelques jours après la saisine de l’administration, si l’inspection du travail statue avant cette expiration, le salarié bénéficiera de son contrôle, alors que dans le cas inverse, l’inspection du travail devra se déclarer incompétente : c’est ainsi de la diligence de l’inspecteur du travail, pour lequel le code du travail ne pose qu’un délai indicatif pour procéder au contrôle qui est le sien, que dépendra ainsi l’effectivité de la garantie posée par la loi. Et si par ailleurs, l’inspecteur du travail refuse, même en temps utile, l’autorisation sollicitée, le sort du salarié protégé dépendra du comportement de l’employeur et de la façon dont l’inspecteur du travail a rendu sa décision : si l’employeur ne forme pas de recours hiérarchique, le salarié sera ainsi protégé contre le licenciement projeté ; si l’employeur forme, en revanche, un recours hiérarchique et que la décision de l’inspecteur du travail vient à être annulée, pour un motif de forme ou de procédure, ou parce qu’elle comporte plusieurs motifs dont l’un se trouverait erroné, le ministre du travail ne pourra alors que constater qu’il n’est plus compétent pour statuer sur la demande d’autorisation de licenciement, ce qui équivaut à autoriser le licenciement. Que de tels aléas dictent l’effectivité de la protection accordée au salarié représentant le personnel par la loi n’est pas rationnel »(conclusions précitées, p. 4). Maud VIALETTES a enfin souligné que « si le salarié doit pouvoir agir en toute liberté dans l’exercice de son mandat, cela veut dire qu’il ne faut pas que les agissements qui sont les siens avant l’expiration de celui-ci ne soient pas protégés de la même manière que les précédents ». Le rapporteur public en a déduit que l’effectivité de la protection spéciale voulue par la loi au bénéfice du salarié engagé dans l’action syndicale passait par « un déplacement du curseur ». Maud VIALETTES a invité le Conseil d’Etat à « cristalliser » les effets de la protection « au moment de l’engagement de la procédure de licenciement » (conclusions précitées, pp. 4 et 5). Le Conseil d’Etat a suivi son rapporteur public et a abandonné la jurisprudence Julien. L’arrêt rendu le 23 novembre 2016 considère que l’autorisation de l’Inspecteur du travail « est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l’envoi par l’employeur de sa convocation à l’entretien préalable au licenciement ». Il sera noté que ce revirement est loin de constituer une rupture avec les principes posés par les arrêts fondateurs SAFER d’AUVERGNE et ABELLAN. L’arrêt SAFER d’AUVERGNE du Conseil d’Etat en date du 5 mai 1976 (Dr. Soc. 1976, 346) souligne, à propos des salariés légalement investis de fonctions représentatives, que « lorsque le licenciement d’un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l’appartenance syndicale de l’intéressé ». La même formule est reprise par l’arrêt ABELLAN du 18 février 1977 (Dr. Soc. 1977, 173). Dans les conclusions rendues sous cet arrêt, le Commissaire du Gouvernement Philippe DONDOUX précisait : « à notre avis, il suffira que le dossier montre que l’appartenance syndicale ou l’exercice du mandat n’étaient pas dénués de tout lien avec la demande de l’employeur pour que l’inspecteur soit tenu de refuser le licenciement : car l’expression « en rapport » ne signifie pas que le licenciement doive avoir été motivé, de façon principale, par le mandat : il suffit, à notre sens, que cette motivation a existé, même de façon accessoire, et qu’elle a joué un rôle dans la demande de licenciement » (Dr. Soc. 1977, 169). Le contrôle exercé par l’Inspecteur du travail invité à se prononcer sur la demande d’autorisation d’un salarié protégé a essentiellement pour objet de s’intéresser aux mobiles de l’employeur. Il s’agit de savoir si, en déposant sa demande, l’employeur n’a pas entendu se débarrasser d’un salarié dont l’activité syndicale ou représentative l’incommodait. La circonstance que, quelque temps, voire peu de temps, après la saisine de l’Inspecteur du travail, le calendrier coïncide avec l’expiration de la période de la protection ne fait pas disparaître l’illicéité du comportement de l’employeur qui entendait mettre fin à l’activité syndicale ou représentative en décidant d’engager une procédure de licenciement qui va se révéler, au terme de l’enquête menée par l’Inspecteur du travail, comme ne reposant pas sur des raisons légitimes. L’arrêt du 23 novembre 2016 ne fait en définitive que rappeler que la première étape de la procédure de licenciement du salarié protégé n’est pas le dépôt de la demande auprès de l’autorité administrative mais la convocation à l’entretien préalable. La raison d’être de la protection spéciale dont bénéficient les salariés investis d’un mandat syndical ou représentatif réside dans la vérification d’une absence de lien entre le déclenchement de la procédure de licenciement et l’activité syndicale ou représentative. Les aléas du calendrier sont des éléments accessoires qui sont sans incidence sur les raisons ayant conduit l’employeur à engager le processus de rupture. Le sens du contrôle se situe en amont, non en aval. |
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La Cour de cassation attaque la mensualisation. Un arrêt à jeter au panier ! (Chronique Ouvrière) |
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I.La prise en compte du « phénomène de la mensualisation » dans la construction de la jurisprudence sur la rémunération des sujétions particulières de l’emploi. Depuis le début des années 1970, le droit du salaire a été marqué par l’émergence du principe de la mensualisation du salaire. La rémunération perçue par le salarié au titre de la mensualisation ne correspond pas exactement à la contrepartie d’un travail effectif. La mensualisation reprend l’idée de « socialisation du salaire », qui admet que celui-ci est versé sans contrepartie d’un travail effectif, lancée par Paul DURAND en 1942 (voir P. DURAND, « Rémunération du travail et socialisation du droit », Dr. Soc. 1942, 86). Gérard LYON-CAEN présentait le « phénomène de la mensualisation » de la manière suivante. Au point de vue de la théorie du salaire, le phénomène important est celui du décrochage du salaire par rapport au travail exactement fourni ; la théorie contractuelle de la causalité est en défaut : le salaire devient le traitement attaché à un emploi » (G. LYON-CAEN, Le salaire, Deuxième édition, Dalloz, 1981, 214). Cette nouvelle perception de la notion de salaire a suscité une large adhésion. La mensualisation, qui prend en compte « la revendication de stabilité des salaires » (voir J. LE GOFF, Droit du travail et société, tome I, Presses Universitaires de Rennes, 2001, 606), consacre l’évolution « du salaire, contrepartie du travail fait, à la rémunération versée en raison de la présence du travailleur dans l’entreprise » (G. PIGNARRE : « Salaire et accessoires. Notion », Jurisclasseur Travail, Fasc. 25-10, 4). « Le droit du travail tend à considérer comme salaire toute somme ou tout avantage accordé à l’occasion du travail dans le cadre de l’entreprise ayant pris le travailleur en charge » (J. PELISSIER, A. SUPIOT, A. JEAMMAUD, Droit du travail, Dalloz, 22e éd., n° 464). Ce phénomène de la mensualisation ne saurait bien évidemment concerner des sommes qui sont à exclure de la catégorie de salaire, tels les « frais professionnels », « c’est-à-dire les sommes dues au salarié en remboursement de dépenses professionnelles » (voir J. PELISSIER, A. SUPIOT, A. JEAMMAUD, Droit du travail, Dalloz, 24e éd., n° 733). Cette exclusion du remboursement de frais professionnels s’applique par conséquent lorsqu’il s’agit de déterminer le montant du salaire à maintenir en cas d’absence pour maladie. (voir « Maladie (contrat de travail-indemnisation) », Liaisons Sociales n° 15372 du 29/5/ 2009, 51). Cependant il ne suffisait pas à l’employeur de présenter des sommes comme des « remboursements de frais » pour que la qualification de salaire ne soit pas retenue par les juges. « Les sommes versés à titre de remboursement de frais sont considérées comme des compléments de salaire, malgré l’appellation retenue par l’entreprise, lorsqu’elles ne correspondent pas un remboursement de dépenses exposées par le salarié mais visent à couvrir une sujétion particulière liée à l’emploi occupé » (Le salaire, Liaisons Sociales n°14735, 27/10/ 2006, 16). La Cour de Cassation, lorsqu’elle était amenée à intervenir dans le contentieux suscité par la détermination des sommes devant être incluses dans l’assiette de calcul du complément de salaire versé par l’employeur au salarié absent pour maladie, était particulièrement attentive à ce que soit qualifiée de salaire toute somme « constituant un élément de rémunération lié à l’organisation du travail par l’entreprise et qui aurait été perçu par l’intéressé s’il avait continué à travailler » (Cass. Soc. 29 mai 1986, Bull., V, n° 266). Il a été souligné, à l’occasion d’un litige consécutif au refus de prendre en compte une prime de panier au titre du complément conventionnel versé en cas de maladie, qu’il appartient aux juges de vérifier si cette prime correspond réellement à des frais exposés par chacun des salariés concernés ou si elle vise à indemniser des sujétions liées à l’organisation du travail (Cass. Soc. 19 décembre 2007, n° 06-45590). Il en était de même concernant l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés. L’article L. 3141-22 du Code du travail affirme le principe que l’indemnité de congés payés « ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler ». « L’indemnité » de congé payé, qui est « en réalité un substitut de salaire » (voir J. PELISSIER, A. SUPIOT, A. JEAMMAUD, Droit du travail, Dalloz, 24e éd., n° 720), voit son montant calculé en tenant compte du salaire principal et de tous les accessoires de rémunération versés à l’occasion du travail. Eraient par contre exclues de l’assiette de calcul les primes, gratifications ou indemnités de caractère bénévole, précaires et révocables ne constituant pas « un élément de rémunération sur lequel le travailleur pouvait compter ». (J. PELISSIER, A. SUPIOT, A. JEAMMAUD, op. cit., n° 721) Etaient également concernées par l’exclusion de l’assiette de l’indemnité de congés payés les primes et indemnités correspondant à un remboursement de frais réellement exposés (voir Les congés payés, Liaisons Sociales n° 15087 du 28 mars 2008, 45). La jurisprudence de la Cour de Cassation soulignant la distinction entre l’élément de rémunération habituel, sur lequel le travailleur peut compter, et l’indemnité correspondant à un remboursement de frais s’est construite sur plus de trente ans. Par un arrêt du 27 octobre 1977 (Bull. V, n° 578), la Cour de Cassation invite les juges amenés à se prononcer sur l’inclusion d’une prime dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés à rechercher si ladite prime correspond à des dépenses réelles ou constitue un complément de rémunération. Un arrêt du 4 juillet 1983 (Bull, V, n° 379) donne l’occasion à la Cour de Cassation d’affirmer qu’une indemnité qui n’est pas liée à des conditions exceptionnelles de travail mais à une servitude de l’emploi doit entrer dans l’assiette de calcul de l’indemnité des congés payés. Dans un arrêt du 1er avril 1992 (Bull., V, n° 237), la Cour de Cassation approuve les juges du fond d’avoir décidé que des primes de panier et des remboursements de transport ne correspondant pas à des frais réellement exposés constituent un complément de rémunération « versé à l’occasion du travail ». Par un arrêt du 21 juin 2005 (n° 03-42437), la Cour de Cassation considère que doit être incluse dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés une prime de panier de nuit ne correspondant pas à des frais réellement exposés et constituant un complément de rémunération « versé à l’occasion du travail ». La Cour de cassation prononce une cassation sans renvoi après avoir considéré qu’« il n’y a pas lieu à renvoi sur la nature des primes de panier de nuit et leur inclusion dans l’assiette de calcul des congés payés ». Par un arrêt du 28 juin 2006 (n° 05-40027), la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre un jugement prud’homal ayant considéré que constituaient des compléments de salaire devant être versée en cas d’absence pour congés payés des primes de repas et de transport, qui ne correspondaient pas à des frais réellement exposés par les salariés et qui avaient été mises en place « pour tenir compte de la nature et des conditions particulières de travail dans l’entreprise ». Par son arrêt du 19 décembre 2007 (n° 06-45590), la Cour de Cassation censure des juges du fond qui avaient refusé l’inclusion de primes dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés sans avoir préalablement vérifié si ces primes correspondaient réellement à des remboursements de frais exposés par chacun des salariés ou si « elles visaient seulement à indemniser des sujétions liées à l’organisation du travail ». Par un arrêt du 9 avril 2008 (n° 06-42768 ; RJS 7/08, n° 798), la Cour de Cassation rappelle que les juges ne sont pas liés par l’appellation « remboursement de frais » s’il apparaît que la prime en cause ne vise pas à compenser un risque exceptionnel. Un arrêt du 12 novembre 2008 (n° 07-41348) de la Cour de Cassation approuve les juges du fond d’avoir décidé qu’une indemnité de casse-croûte devait être incluse dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés, après avoir relevé que cette indemnité ne correspondait pas à des frais exposés par les salariés et avait été mise en place « pour tenir compte de la nature et des conditions particulières de travail dans l’entreprise ». Dans un arrêt du 26 novembre 2008 (n° 07-53552), la Cour de Cassation souligne qu’une indemnité de panier ne correspond pas à un remboursement de frais mais constitue un complément de salaire, dans la mesure où elle est présentée par les dispositions conventionnelles l’instituant comme ayant un caractère forfaitaire et comme compensant « une sujétion particulière de l’emploi ». La cassation de la décision des juges du fond qui avaient dit que cette indemnité de panier avait la nature d’un remboursement de frais est prononcée sans renvoi. Par son arrêt du 4 mai 2011 (n° 10-10654), la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir considéré que des indemnités de repas et de transport avaient la nature d’un complément de rémunération ayant pour objet d’indemniser les salariés des sujétions liées à l’organisation du travail et devant être inclus dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés, après avoir constaté que les salariés ne percevaient ces indemnités qu’autant qu’ils travaillaient et n’avaient pas à justifier à leur employeur de la réalité des frais qu’ils exposaient. Un arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2012 (n° 10-16804) rappelle que les juges du fond doivent vérifier si les primes de panier et de transport correspondent réellement à des remboursements de frais exposés par le salarié ou si elles visent à indemniser des sujétions liées à l’organisation du travail. Il résulte de ce qui précède que depuis l’intervention de la mensualisation, le salaire n’est pas uniquement la contrepartie du travail mais qu’il est versé à l’occasion du travail, en sa qualité de traitement attaché à un emploi. II. L’arrêt du 11 janvier 2007 : un coup de Trafalgar qui entend promouvoir le principe du « remboursement de frais » L’arrêt rendu par la Chambre sociale le 11 janvier 2017 (n° 15-23341) opère un spectaculaire revirement. L’attendu est catégorique. « Une prime de panier et une indemnité de transport ayant pour objet, pour la première, de compenser le surcoût du repas consécutif à un travail posté, de nuit ou selon des horaires atypiques, pour la seconde d’indemniser les frais de déplacement du salarié de son domicile à son lieu de travail, constituent, nonobstant leur caractère forfaitaire et le fait que leur versement ne soit soumis à la production d’aucun justificatif, un remboursement de frais et non un complément de salaire ». La notion d’indemnisation de sujétions liées à l’organisation du travail a été totalement gommée. Seul subsiste l’affirmation qu’une prime de panier et une indemnité de transport ont la nature d’un remboursement de frais. Cette « nouvelle philosophie » du droit du salaire a été présentée comme prévisible parce qu’annoncée par un arrêt du 17 décembre 2014 (n° 13-14855 ; Bull. V, n° 303), qui avait considéré que l’indemnité de repas prévue par l’article 3 du protocole du 30 avril 1974 annexé à la convention collective nationale des transports routiers, ayant pour objet de compenser le surcoût du repas consécutif au déplacement, « constitue, nonobstant son caractère forfaitaire, un remboursement de frais qui n’entre pas dans l’assiette de l’indemnité de congés payés » (voir, à ce sujet, Liaisons sociales n° 17243 du 13 janvier 2017, « Même forfaitaire, une prime de manier n’a pas la nature d’un complément de salaire »). Avant de se précipiter pour proclamer l’arrêt du 11 janvier 2017 comme étant la suite inévitable de l’arrêt du 17 décembre 2014, il aurait été plus judicieux de se livrer à une lecture un tant soit peu sérieuse du protocole du 30 avril 1974 instituant l’indemnité de repas dont la nature était discutée. Le protocole du 30 avril 1974 a pour objet de fixer « les conditions de remboursement des frais de déplacement des ouvriers des entreprises de transport routier et activités auxiliaires du transport visés par ladite convention dans la mesure où ces frais ne sont pas remboursés intégralement par l’employeur sur justification » (article 1 du protocole du 30 avril 1974). Les dispositions conventionnelles affirment sans aucune ambiguïté que les indemnités qu’elles prévoient sont des remboursements de frais de déplacement. La Cour de cassation ne pouvait que censurer les juges du fond qui avaient dénaturé les dispositions particulièrement claires du protocole du 30 avril 1974 en qualifiant de complément de rémunération visant à indemniser des sujétions liées à l’organisation du travail l’indemnité de repas instituée par les articles 2 et 3 du protocole. L’indemnité de repas, qui a pour objet de compenser le surcoût du repas consécutif au déplacement, est ici prévue par un texte conventionnel qui indique très clairement qu’il s’agit d’un remboursement de frais et qu’il n’entend donc pas intégrer cette indemnité dans la structure de la rémunération des ouvriers des entreprises de transport routier et activités auxiliaires du transport. Il ne pouvait dès lors être déduit de la lecture de l’arrêt du 17 décembre 2014 que la Chambre sociale avait entendu revenir sur sa jurisprudence constante qui voulait que les juges du fond, pour déterminer la nature des primes de panier, examinent les conditions réelles d’attribution de ces primes. Dans l’affaire Aubert & Duval, qui a donné lieu à l’arrêt du 11 janvier 2017, il a d’ailleurs été relevé par l’avocat général, qui a émis un avis de rejet de pourvoi, que l’objet de l’indemnité de repas prévue par l’article 3 du protocole du 30 avril 1974, « qui est de compenser les frais de repas occasionnés aux salariés par les conditions d’exécution de leur travail - en l’occurrence le fait de devoir effectuer des déplacements hors du lieu de travail rendant impossible la prise du repas à domicile ou dans un éventuel restaurant d’entreprise - est distinct d’une prime de panier, allouée aux salariés contraints de prendre une collation supplémentaire en raison d’un horaire continu de travail (travail posté) ou d’un horaire de nuit, laquelle constitue la compensation d’une sujétion particulière de leur emploi ». La brutalité du revirement qui vient de s’opérer ne peut donc être atténuée par le précédent issu de l’arrêt rendu sur le fondement du protocole d’accord du 30 avril 1974 concernant le remboursement des frais de déplacement des ouvriers des entreprises de transport. Le 11 janvier 2017, la Cour de cassation a pris sans ambiguïté la décision de rompre avec une jurisprudence de plus de trente ans qui s’attachait à vérifier si les primes de panier et de transport correspondaient réellement à des remboursements de frais exposés par le salarié ou elles visaient à indemniser des sujétions liées à l’organisation du travail. La Chambre sociale était jusqu’alors nourrie du principe que, depuis l’intervention de la mensualisation, le salaire n’est pas uniquement la contrepartie du travail mais qu’il est versé à l’occasion du travail, en sa qualité de traitement attaché à un emploi. Elle semble maintenant vouloir raccrocher la qualification de salaire à une somme versée en contrepartie à un travail exactement fourni en faisant disparaître la notion de compensation d’une sujétion particulière de l’emploi. Il est de bon ton aujourd’hui de lancer l’idée d’attacher des droits et protections aux personnes plutôt qu’à leur emploi (compte personnel d’activité) ou de ne plus faire du travail le centre de l’existence (revenu universel). Ce qui ne fait pas perdre sa légitimité à l’exigence du travailleur de voir la rémunération de son emploi acquérir une stabilité lui donnant « les moyens de vivre » (voir, à ce sujet, J. LE GOFF, Droit du travail et société. Tome I. Les relations individuelles de travail, PUR, 2001, 603 et s.). La logique de la mensualisation a conduit la Chambre sociale de la Cour de cassation, pendant de nombreuses années, à qualifier de salaire toute somme constituant un élément de rémunération lié à l’organisation de travail par l’entreprise et qui aurait été perçu par l’intéressé s’il avait continué à travailler. En affirmant désormais péremptoirement qu’il devient sans objet de rechercher si une prime de panier servie à un salarié pour compenser le surcoût du repas consécutif à un travail posté vis à indemniser une sujétion liée à l’organisation du travail, cette prime de panier étant par nature un remboursement de frais, la Cour de cassation ne prend plus en considération l’indemnisation de la sujétion particulière d’un emploi comme un élément de la rémunération sur lequel le travailleur peut compter. Pour ne prendre pas le risque de la résistance de la part de juges du fond, l’arrêt du 11 janvier 2017 a cassé sans renvoi. Il est à souhaiter que des conseils de prud’hommes, des tribunaux de grande instance et des cours d’appels, invités dans d’autres affaires à se prononcer sur la qualification à donner à des primes de panier de nuit ou de jour ne se laissent pas intimider et rappellent fermement qu’au vingt et unième siècle le droit du salaire ne saurait être ramené à son ancien régime qui voulait que seul le temps consacré à la fourniture effective de la prestation de travail donne droit à rémunération. |
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Le Conseil d’Etat a reviré en restituant tout son sens au contrôle (Chronique Ouvrière) |
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jeudi 8 décembre 2016 par Pascal MOUSSY Par sa décision Julien du 28 février 1997 (n° 153547), le Conseil d’Etat a affirmé que l’Inspecteur du travail est incompétent pour statuer sur la demande d’autorisation de licenciement d’un salarié qui n’est plus protégé à la date à laquelle il rend sa décision. L’arrêt Julien a été présenté comme faisant application de la règle générale qui veut que la légalité d’une décision administrative s’apprécie en fonction des circonstances de fait et de droit qui prévalent à la date à laquelle est prise. Par conséquent, il ne suffit pas que le salarié soit bénéficiaire de la protection spéciale en matière de licenciement au moment où l’employeur dépose une demande d’autorisation de licenciement pour que l’Inspecteur du travail retienne sa compétence. Si, au cours du traitement de la demande, l’autorité administrative constate que la protection a cessé, du fait du temps qui passe, elle doit arrêter l’instruction et se déclarer incompétente. Lors de l’audience tenue par le Conseil d’Etat, le rapporteur public Maud VIALETTES a exprimé le point de vue selon lequel « cette jurisprudence, tout aussi imparable qu’elle apparaît sur le plan technique, n’est pas concrètement sans faille » (conclusions de Maud VIALETTES, rapporteur public, sous CE 23 novembre 2016, non encore publiées, p. 2). Le rapporteur public a proposé au Conseil d’Etat de faire évoluer sa jurisprudence sur les salariés protégés en fin de période de protection contre le licenciement en faisant plusieurs arguments lui paraissant essentiels. Maud VIALETTES a tout d’abord relevé le caractère « platonique » de la protection résultant du décalage entre la jurisprudence du juge administratif issue de l’arrêt Julien et la jurisprudence du juge judicaire. « En effet, pour le juge judiciaire, c’est au moment de l’engagement de la procédure de licenciement, c’est-à-dire au moment de l’envoi de la convocation préalable, qu’il appartient à l’employeur de s’interroger sur la qualité, ou non, de salarié protégé dont il entend se séparer. En présence d’une telle protection, et quand bien même celle-ci viendrait prochainement à expirer, l’employeur est tenu de saisir l’inspection du travail, sans quoi le licenciement qu’il prononcerait serait frappé de nullité de plein droit et l’exposerait à l’obligation de réintégrer le salarié et à lui verser des indemnités en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement irrégulier (Cass. Soc. 26 mars 2013, n° 11-27964, Bull. 2013, V, n° 83, RJS 6/13, n° 468 ; Cass. Soc. 18 décembre 2013, n° 12-23745, diffusé, RJS 2014, n° 243 ; Cass. Soc. 13 mai 2014, V, n° 7/14, n° 578) » (conclusions précitées, p. 3). Le rapporteur public a constaté que cette « garantie de procédure » se révèle vaine lorsque la protection est en voie de prendre fin et qu’il s’avère qu’elle arrive effectivement à son terme en cours de procédure administrative. Maud VIALETTES a ensuite mis en évidence que, « dans une telle configuration, la protection effective d’un salarié protégé dépendra d’éléments contingents ». « Par exemple, dans le cas d’un salarié protégé dont la protection viendrait à expiration quelques jours après la saisine de l’administration, si l’inspection du travail statue avant cette expiration, le salarié bénéficiera de son contrôle, alors que dans le cas inverse, l’inspection du travail devra se déclarer incompétente : c’est ainsi de la diligence de l’inspecteur du travail, pour lequel le code du travail ne pose qu’un délai indicatif pour procéder au contrôle qui est le sien, que dépendra ainsi l’effectivité de la garantie posée par la loi. Et si par ailleurs, l’inspecteur du travail refuse, même en temps utile, l’autorisation sollicitée, le sort du salarié protégé dépendra du comportement de l’employeur et de la façon dont l’inspecteur du travail a rendu sa décision : si l’employeur ne forme pas de recours hiérarchique, le salarié sera ainsi protégé contre le licenciement projeté ; si l’employeur forme, en revanche, un recours hiérarchique et que la décision de l’inspecteur du travail vient à être annulée, pour un motif de forme ou de procédure, ou parce qu’elle comporte plusieurs motifs dont l’un se trouverait erroné, le ministre du travail ne pourra alors que constater qu’il n’est plus compétent pour statuer sur la demande d’autorisation de licenciement, ce qui équivaut à autoriser le licenciement. Que de tels aléas dictent l’effectivité de la protection accordée au salarié représentant le personnel par la loi n’est pas rationnel »(conclusions précitées, p. 4). Maud VIALETTES a enfin souligné que « si le salarié doit pouvoir agir en toute liberté dans l’exercice de son mandat, cela veut dire qu’il ne faut pas que les agissements qui sont les siens avant l’expiration de celui-ci ne soient pas protégés de la même manière que les précédents ». Le rapporteur public en a déduit que l’effectivité de la protection spéciale voulue par la loi au bénéfice du salarié engagé dans l’action syndicale passait par « un déplacement du curseur ». Maud VIALETTES a invité le Conseil d’Etat à « cristalliser » les effets de la protection « au moment de l’engagement de la procédure de licenciement » (conclusions précitées, pp. 4 et 5). Le Conseil d’Etat a suivi son rapporteur public et a abandonné la jurisprudence Julien. L’arrêt rendu le 23 novembre 2016 considère que l’autorisation de l’Inspecteur du travail « est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l’envoi par l’employeur de sa convocation à l’entretien préalable au licenciement ». Il sera noté que ce revirement est loin de constituer une rupture avec les principes posés par les arrêts fondateurs SAFER d’AUVERGNE et ABELLAN. L’arrêt SAFER d’AUVERGNE du Conseil d’Etat en date du 5 mai 1976 (Dr. Soc. 1976, 346) souligne, à propos des salariés légalement investis de fonctions représentatives, que « lorsque le licenciement d’un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l’appartenance syndicale de l’intéressé ». La même formule est reprise par l’arrêt ABELLAN du 18 février 1977 (Dr. Soc. 1977, 173). Dans les conclusions rendues sous cet arrêt, le Commissaire du Gouvernement Philippe DONDOUX précisait : « à notre avis, il suffira que le dossier montre que l’appartenance syndicale ou l’exercice du mandat n’étaient pas dénués de tout lien avec la demande de l’employeur pour que l’inspecteur soit tenu de refuser le licenciement : car l’expression « en rapport » ne signifie pas que le licenciement doive avoir été motivé, de façon principale, par le mandat : il suffit, à notre sens, que cette motivation a existé, même de façon accessoire, et qu’elle a joué un rôle dans la demande de licenciement » (Dr. Soc. 1977, 169). Le contrôle exercé par l’Inspecteur du travail invité à se prononcer sur la demande d’autorisation d’un salarié protégé a essentiellement pour objet de s’intéresser aux mobiles de l’employeur. Il s’agit de savoir si, en déposant sa demande, l’employeur n’a pas entendu se débarrasser d’un salarié dont l’activité syndicale ou représentative l’incommodait. La circonstance que, quelque temps, voire peu de temps, après la saisine de l’Inspecteur du travail, le calendrier coïncide avec l’expiration de la période de la protection ne fait pas disparaître l’illicéité du comportement de l’employeur qui entendait mettre fin à l’activité syndicale ou représentative en décidant d’engager une procédure de licenciement qui va se révéler, au terme de l’enquête menée par l’Inspecteur du travail, comme ne reposant pas sur des raisons légitimes. L’arrêt du 23 novembre 2016 ne fait en définitive que rappeler que la première étape de la procédure de licenciement du salarié protégé n’est pas le dépôt de la demande auprès de l’autorité administrative mais la convocation à l’entretien préalable. La raison d’être de la protection spéciale dont bénéficient les salariés investis d’un mandat syndical ou représentatif réside dans la vérification d’une absence de lien entre le déclenchement de la procédure de licenciement et l’activité syndicale ou représentative. Les aléas du calendrier sont des éléments accessoires qui sont sans incidence sur les raisons ayant conduit l’employeur à engager le processus de rupture. Le sens du contrôle se situe en amont, non en aval |
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Le juge des référés intervient pour que le n° 1 mondial du voyage arrête de balader l’expert du C.E |
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( Marie Laure DUFRESNE-CASTETS, Sandrina FOIS) Il résulte de l’article L. 2323-34 du Code du travail qu’au cours de la réunion qui voit l’employeur l’informer que l’entreprise est partie à une opération de concentration, le comité d’entreprise se prononce sur le recours à un expert dans les conditions prévues aux articles L. 2325-35 et suivants. « Dans ce cas, le comité d’entreprise ou la commission économique tient une deuxième réunion afin d’entendre les résultats des travaux de l’expert ». Il est précisé par les dispositions de l’article R. 2325-6-2 du Code du travail qu’« en cas d’application du 3° du I de l’article L. 2325-35, à défaut d’accord, l’expert remet son accord dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision de l’Autorité de la concurrence ou de la Commission européenne saisie du dossier. Ce rapport est présenté au cours de la deuxième réunion du comité prévue au deuxième alinéa de l’article L. 2323-20. Il demande à l’employeur, au plus tard dans les trois jours de sa désignation, toutes les informations qu’il juge nécessaires à la réalisation de sa mission. L’employeur répond à cette demande dans les cinq jours ». Le deuxième alinéa de l’article L. 2325-37 du Code du travail souligne que « l’expert a accès aux documents de toutes les sociétés intéressées »par l’opération de concentration et non pas seulement de celle dans laquelle il a été nommé. Dans cette conception, le législateur a entendu donner à l’expert un champ de mission particulièrement étendu. C’est en ce sens que s’est prononcé Pierre Bailly, conseiller à la Cour de cassation, qui relève que « c’est cet effet potentiel de la concentration […] sur l’évolution de la situation de l’emploi des salariés qui justifie que l’employeur, bien qu’il ne soit pas personnellement impliqué dans l’opération, soit tenu de fournir aux représentants du personnel les informations nécessaires à la compréhension des conséquences de la concentration, notamment en matière d’emploi ». (« Précisions sur l’obligation d’information et de consultation en cas de concentration », Liaisons Sociales Europe n° 264, 4). L’expert désigné en cas d’information-consultation sur un projet de cession de l’entreprise n’est pas rémunéré par l’entreprise mais par le comité d’entreprise (Cass. Soc. 14 mars 2006, n° 05-13670 ; Bull. V, n° 101). En revanche, l’expert-comptable désigné dans le cadre de l’information du comité d’entreprise sur une opération de concentration est rémunéré par l’entreprise. Ce qui met en évidence l’importance que le législateur attache à la mission d’explication des implications économiques ou sociales de l’opération de concentration qui est dévolue à l’expert mandaté par le comité d’entreprise. La mission du comité d’entreprise étant d’exprimer le point du vue des salariés, après les avoir précisément informés, sur les conséquences de la concentration opérée en termes d’emploi et de conditions de travail. Cette mission ne saurait s’exercer si le comité ne disposait de l’information appropriée, permise par le rapport de l’expert. C’est ce qui ressort nettement de la jurisprudence rendue en matière de concentration au sujet de l’étendue du droit à l’information du comité à travers la nomination d’un expert. En effet, la Cour de cassation déduit la légitimité de la nomination d’un expert de l’existence « de conséquences actuelles ou futures, mais certaines ou prévisibles, de cette opération sur l’emploi » et par là, « sur la situation des salariés » (Cass. Soc. 2 juillet 2014, n° 13-17357 ; Cass. Soc. 26 octobre 2010, n° 65-565) Le juge des référés du Tribunal de grande instance de Créteil vient d’avoir l’occasion d’intervenir pour faire cesser le trouble manifestement illicite constitué par le refus de remettre à l’expert mandaté par le comité d’entreprise de la société TRANSAT France les documents qu’il demandait pour éclairer le comité sur l’opération de concentration résultant du projet de la société TUI d’acquérir le contrôle de l’ensemble de la société TRANSAT France par achat d’actions. Le juge des référés a souligné qu’il n’était pas acceptable, de la part de la société TUI France de déclarer de sa propre autorité que la mission de l’expert déborderait l’objet défini par les textes pour refuser de fournir à l’expert des documents que celui-ci considérait nécessaires. Il a déclaré que le refus de fournir les documents et informations demandés dans le cadre de la mission relative à l’opération de concentration constituait une entrave au fonctionnement du comité d’entreprise et que cette entrave constituait un trouble manifestement illicite. Le juge des référés a ensuite ordonné les mesures propres à faire cesser ce trouble. Il a fait injonction à la société TUI France de transmettre à l’expert les documents qu’il sollicitait et il a également fait injonction à la société TRANSAT France de suspendre la procédure d’information du comité d’entreprise et de ne pas tenir la seconde réunion relative à l’opération de concentration tant que l’expert n’a pas été en mesure de rédiger son rapport à partir de tous les éléments d’information réclamés à cet effet.
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En violant l’accord collectif, France télévisions a semé le trouble : le journal télévisé était sans images ! (lu dans Chronique Ouvrière) |
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Le droit de la durée du travail s’est récemment fait remarquer, avec le fameux article 2 de la loi El Khomri, par une consécration de la négociation collective comme le vecteur d’une « refondation » accueillant la revendication patronale d’une plus grande flexibilité (voir, notamment, sur notre site, l’article « A l’article 2 du projet de loi El Khomri, les travailleurs opposent leur article 1er : sur les principes, « on lâche rien » ! », http://www.chronique-ouvriere.fr/spip.php?article923). Mais ce n’est pas la seule approche de la négociation collective. La CGT, notamment, qui « fait du droit à la négociation collective un droit essentiel pour tous les salariés », considère que l’accord collectif, entérinant « un compromis qui concrétise un rapport de forces entre des positions contradictoires » a pour objectif d’obtenir des avancées sociales ou de maintenir des garanties pour les salariés (voir la « Contribution de la CGT sur les enjeux de la démocratie sociale et, notamment, sur la place de l’accord collectif dans le droit du travail », Dr. Ouv. 2016, 697 et s.). C’est cette conception de la négociation collective qui animait Jacques RIVIERE, opérateur de prise de vue et délégué syndical du SNRT-CGT à France télévisions, lorsqu’il a agi pour défendre les dispositions de l’article 2.1.2.8. de l’accord collectif d’entreprise France Télévisions du 28 mai 2013 consacrées à l’ « organisation du travail sur un cadre hebdomadaire » En ce qui concerne les « activités dont l’organisation est variable », ces dispositions précisent : « Jusqu’ à l’avant-veille à 17 heures d’un jour considéré, les tableaux de service peuvent être modifiés par création, allongement, réduction ou suppression de vacation. Après l’avant-veille à 17 heures d’un jour considéré, après concertation avec le salarié, seules peuvent intervenir des prolongations, ou des créations, de vacations dans le cas des travaux liés à la sécurité du personnel et des installations, et pour certains secteurs d’activité relevant de la production, de l’actualité, de la continuité des programmes, de l’exploitation ou de la maintenance ». Au cours de l’année 2015, la direction de France télévisions décidait de partir à l’attaque contre ces dispositions conventionnelles garantissant un droit à la « concertation » en cas de dépassement des horaires de travail et d’entrer en voie de répression contre ceux qui entendraient ne pas se plier à une définition à la hussarde de la notion de « concertation ». La direction de France télévisions a en effet clairement indiqué, à maintes reprises, que la « concertation » doit se comprendre comme « c’est la Direction qui a le dernier mot »… Le 25 juin 2015, Jacques RIVIERE était affecté à une vacation dite « DSNG », consistant en la réalisation de duplex, en extérieur et à l’aide d’un camion satellite, pour le journal télévisé de France 3 Ile de France. Cette intervention devait se réaliser au ministère de l’Intérieur, place Beauvau. Au moment de son départ de la station de Vanves, Jacques RIVIERE apprenait qu’il aurait à effectuer également un duplex pour l’édition nationale du journal de France 3 à 19h30, cette édition s’achevant à 19h55. Jacques RIVIERE effectuait cette prestation supplémentaire, tout en faisant part de son mécontentement au cadre technique et en prévenant qu’il n’accepterait plus un tel dépassement d’horaires de travail intervenant hors des délais de prévenance prévus par l’accord collectif du 28 mai 2013. Quatre jours plus tard, le 29 juin 2015, Jacques RIVIERE se voyait confronté à la même situation de remise en cause par l’employeur des dispositions de l’accord collectif d’entreprise de France télévisions. Au moment de son départ pour une intervention rue du Château des Rentiers à Paris, Jacques RIVIERE apprenait qu’il aurait à effectuer un duplex pour le JT régional ainsi que pour le JT national. Jacques RIVIERE annonçait dès ce moment qu’il refuserait d’effectuer le duplex pour le Journal National, la participation à ce second duplex conduisant au dépassement d’horaires de travail déjà dénoncé par Jacques RIVIERE le 25 juin. Jacques RIVIERE faisait normalement le duplex pour le Journal Régional mais arrêtait sa caméra à 19h08, refusant d’assurer dans la foulée le Journal National, ce qui aurait entraîné pour lui une fin de tournage à 19h45/19h55, lui faisant terminer sa journée de travail après 20h (son horaire normal de fin de travail), rangement du matériel à la station de Vanves inclus. Le 3 juillet 2015, France télévisions initiait une procédure disciplinaire qui devait se conclure par une mise à pied de 15 jours. En frappant Jacques RIVIERE d’une mesure disciplinaire ayant pour effet de le priver d’un demi mois de salaire, la Direction de France télévisions manifestait clairement son intention de faire plier le délégué syndical qui affirmait sa détermination à défendre l’accord collectif. La Cour d’appel de Versailles, statuant en référé, ne s’y est pas trompée. Après avoir relevé que France télévisions avait été avisée des motifs du refus de Jacques RIVIERE d’assurer le tournage du Journal National, qui étaient liés au non respect de l’accord d’entreprise du 28 mai 2013, la Cour d’appel a considéré que la sanction disciplinaire infligée à Jacques RIVIERE devait être considérée comme illicite, en ce qu’elle portait atteinte à un accord d’entreprise. Elle a en conséquence ordonné, pour faire cesser ce trouble manifestement illicite, le retrait à titre provisoire de la mise à pied, sous astreinte de 100 € par jour de retard suivant la notification de l’arrêt et le paiement d’une provision de 1970 € au titre des 15 jours de mise à pied. Le SNRT-CGT France Télévisions était partie intervenante devant le juge des référés aux côtés de son délégué syndical. La Cour d’appel a jugé recevable son intervention volontaire, dans la mesure où ce syndicat défendait la bonne application de l’accord d’entreprise du 28 mai 2013, dont il était signataire, et notamment les dispositions relatives à l’organisation du temps de travail des salariés travaillant dans les activités de tournage (production et actualité) ayant une activité variable. Le juge des référés a alloué au SNRT-CGT la somme provisionnelle de 2000 € à valoir sur les dommages et intérêts dus en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession par la sanction constitutive d’une atteinte à l’accord d’entreprise 12-11-2016 |
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Les nouvelles prérogatives de l'inspection du travail |
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L’inspection du travail depuis le 1er juillet 2016, dispose de nouvelles prérogatives pour mener à bien sa mission, qui est de faire respecter l'application du droit du travail. Aujourd’hui, des sanctions administratives peuvent être prononcées pour traquer les employeurs qui manquent à leurs responsabilités. Ces nouveaux pouvoirs de l'inspecteur du travail devront renforcer la protection des salariés sur leur lieu de travail et faire payer chère les patrons récalcitrants. Lorsque l'inspecteur du travail va constater qu'un salarié est exposé à une situation de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, sur un chantier du bâtiment et des travaux publics (BTP).il pourra désormais décider de l'arrêt temporaire des travaux ou de l'activité de l’entreprise. Mais cette possibilité n'est plus seulement réservée qu’au secteur du BTP, elle concerne également l'exposition à un agent chimique cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction exemple: le plomb que l’on trouve de façon majoritaire depuis une trentaine d’années dans les stations-service ou le benzène dans les pesticides quotidiennement utilisé dans les exploitations agricoles. Désormais, chaque fois qu’un salarié se trouvera dans une situation dangereuse avérée, il pourra exiger des contrôleurs ou des inspecteurs du travail de prononcer une mise en demeure et l'arrêt temporaire de l'activité dès lors que la situation dangereuse compromet leur santé. Par ailleurs, en cas d'arrêt de l’entreprise, l’employeur ne pourra ni rompre, ni suspendre le contrat de travail du salarié et de surcroit il devra lui maintenir sa rémunération. D’ailleurs celui qui prendra à la légère les décisions de l'agent de contrôle de l'inspection du travail en refusant de se conformer à la décision d'arrêt temporaire de l'activité ou des travaux, sera passible d'une lourde amende administrative de 10.000 euros, qui lui sera applicable pour chaque jeune travailleur concerné. Aux salariés désormais d’être plus vigilant pour se faire respecter, maintenant, aller au-delà du doit de retrait est possible. |
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Une inspection du travail bicéphale (Chronique Ouvrière)
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Mercredi 14 septembre 2016 par Simon ROLLAND Dans un arrêt du 2 mars 2016, la Cour d’Appel de Paris déclare irrecevable l’appel interjeté par un inspecteur du travail sur une ordonnance rendue en référé le 29 janvier 2016 annulant sa décision d’arrêt de chantier. En effet, l’article 901 du code de procédure civile prévoit dans les cas de procédure avec représentation obligatoire qu’outre les mentions prescrites à l’article 57 du code de procédure civile, la déclaration d’appel contient notamment, à peine d’irrecevabilité, la constitution de l’avocat de l’appelant. Elle doit être également signée par l’avocat constitué. En l’espèce, seul l’inspecteur du travail avait signé la déclaration d’appel et celle-ci ne faisait pas mention de la constitution d’un avocat. C’est donc logiquement que le juge d’appel déclare irrecevable l’appel de l’inspecteur du travail. Mais est-ce simplement une erreur de procédure de l’inspecteur du travail ? Il faut relever que la hiérarchie de l’inspecteur du travail fait partie des intimés. En effet, la DIRECCTE, service déconcentrée du ministre du travail, représentée par le responsable de l’unité territoriale de Paris conclut dans ses écritures que seule l’autorité hiérarchique a qualité pour faire appel et que par conséquent, en l’absence de pouvoir spécial, l’appel de l’inspecteur du travail est irrecevable. Le juge d’appel déboute la DIRECCTE car l’arrêt ne remet pas en cause la qualité à agir en appel de l’inspecteur du travail. Ce n’est pas d’un pouvoir spécial dont a besoin l’inspecteur du travail mais d’un avocat ! Evidemment, sa prise en charge financière ne peut être assumée que par l’administration de tutelle de l’inspecteur du travail. C’est un véritable levier de blocage pour une hiérarchie en désaccord avec son agent quitte à ne pas respecter l’article 11 de la convention 81 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) qui prévoit que l’autorité compétente prendra les mesures nécessaires en vue du remboursement aux inspecteurs du travail de toutes dépenses accessoires nécessaires à l’exercice de leurs fonctions. En l’absence d’avocat, le juge n’a pas pu trancher sur la différence d’interprétation du droit, entre l’inspecteur du travail et l’autorité centrale, qui fondait le litige contre l’arrêt d’un chantier du tramway de Paris exposant des salariés au risque d’exposition à l’amiante, l’entreprise en cause se prévalant d’une position de la Direction Générale du Travail (DGT). Dans cette affaire, c’est en fait les fondamentaux de l’action de l’inspection du travail qui sont en jeu. Il faut rappeler que l’article 6 de la convention n° 81 de l’OIT prévoit que le statut et les conditions de service du personnel de l’inspection du travail doit le rendre indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue. L’ordonnance n° 2016-413 du 7 avril 2016 relative au contrôle de l’application du droit du travail a modifié récemment l’article L. 8112-1 du code du travail en intégrant la garantie d’indépendance dans le code du travail : « Ils [les inspecteurs du travail] disposent d’une garantie d’indépendance dans l’exercice de leurs missions au sens des conventions internationales concernant l’inspection du travail ». L’article 4 de la convention n° 81 de l’OIT prévoit que l’inspection du travail est placée sous la surveillance et le contrôle d’une autorité centrale. En France, c’est la DGT qui fait office d’autorité centrale. Son directeur est nommé par le Président de la République par décret en conseil des ministres. La DGT reçoit en permanence des réclamations de syndicats patronaux multiples ou d’employeurs influents pour demander ses avis sur la réglementation du travail. La DGT considère que ses avis rendus dans ce cadre s’imposent aux agents de contrôle de l’inspection du travail. Elle invoque la notion de doctrine administrative pour légitimer ce processus. Elle met en avant son rôle de coordonnateur pour harmoniser les pratiques. La doctrine administrative peut prendre ainsi des formes multiples : circulaire, note technique, schéma, organigramme, courrier de réponse, fiche … Ni le code du travail dans son article R. 8121-14 relatif aux compétences de la DGT, ni l’arrêté du 22 juillet 2015 relatif à l’organisation de la DGT ne prévoient cette mission d’interprétation des textes du code du travail. En fait, aucune règle ne vient encadrer ce rôle et les positions sont élaborées dans l’opacité des sous-directions de la DGT. Il n’y a pas non plus de contrôle interne avant l’émission de ces avis : procédure de concertation avec les agents de contrôle, consultation des syndicats de salarié, transparence sur l’origine et la nature des saisines, avis d’experts indépendants ... Or, bien souvent, les positions prises par la DGT entrent en contradiction avec la pratique du personnel de l’inspection du travail et son interprétation des dispositions du code du travail plus protectrice pour les salariés. Dans le cas d’espèce, l’arrêt de chantier de l’inspecteur du travail était en contradiction avec la position juridique d’un courrier de la DGT adressé à la Mairie de Paris sur la réalité du risque amiante présent sur le chantier d’un tramway de Paris. Malheureusement, l’article 61 de la loi travail amplifie cette logique en instaurant un véritable rescrit social aux mains de la hiérarchie de l’inspection du travail pour l’application du code du travail. Le nouvel article L. 5143-1 du code du travail prévoit ainsi : « Tout employeur d’une entreprise de moins de trois cents salariés a le droit d’obtenir une information précise et délivrée dans un délai raisonnable lorsqu’il sollicite l’administration sur une question relative à l’application d’une disposition du droit du travail ou des stipulations des accords et conventions collectives qui lui sont applicables. Ce droit à l’information peut porter sur les démarches et les procédures légales à suivre face à une situation de fait. Si la demande est suffisamment précise et complète, le document formalisant la prise de position de l’administration peut être produit par l’entreprise en cas de contentieux pour attester de sa bonne foi. » Les directions régionales du ministère du travail devront d’ailleurs mettre en place ce service en collaboration avec les chambres consulaires ! Il est certain que les interprétations du droit du travail seront pour le moins compréhensives avec les employeurs avec l’assurance de tenir le juge à distance puisque les positions de l’administration pourront être opposable y compris en justice. La DGT et sa hiérarchie intermédiaire est donc un relai redoutable des influences extérieures indues au sens de l’article 6 de la convention n° 81 de l’OIT tant est grande sa porosité avec le monde économique et ses intérêts. Par la voie hiérarchique, les influences extérieures indues deviennent des ordres s’imposant aux agents de contrôle de l’inspection du travail. En définitive, il convient de s’interroger sur les garanties d’indépendance qu’offrent réellement le système français d’inspection du travail si celles-ci peuvent être allègrement contournées notamment par l’intermédiaire de son échelon central et désormais par la mise en place d’un rescrit social complaisant. |
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La Cour de cassation a rejeté le pourvoi. Les Conti ont bien été licenciés sans motif économique légitime. Ils ont perdu leur emploi. Il leur reste leur indemnité. Chronique Ouvrière) |
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La Cour de cassation a rendu le 6 juillet 2016 son arrêt dans l’affaire Continental. Il ne s’agit pas de revenir ici sur les circonstances du licenciement des Conti et sur la motivation des précédentes décisions judiciaires qui ont condamné ces licenciements pour défaut de cause réelle et sérieuse. Chronique Ouvrière y a déjà consacré des développements conséquents (Pascal MOUSSY, « L’usine de Clairoix a été fermée pour accroître les profits ! 680 Conti obtiennent du juge prud’homal une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse », http://www.chronique-ouvriere.fr/spip.php?article762 ; Pascal MOUSSY, « L’absence de cause réelle et sérieuse des licenciements des Conti confirmée en appel », http://www.chronique-ouvriere.fr/spip.php?article846). Il sera juste présenté l’essentiel des attendus de l’arrêt tout récemment prononcé. La Cour de cassation a rejeté les pourvois contre les arrêts de la Cour d’appel d’Amiens confirmant les jugements du Conseil de prud’hommes de Compiègne qui avaient écarté l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, « faute de motifs économiques légitimes ». « La Cour d’appel a relevé, par motifs propres et adoptés, sans se contredire, suivant une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis à son examen et sans être tenue de s’expliquer sur ceux qu’elle décidait d’écarter, que la société Continental France ne justifiait ni de difficultés économiques, ni d’une menace pesant sur la compétitivité du secteur d’activité de la division « Passenger and Light Truck Tire » du groupe Continental auquel elle appartenait et que la mesure de Clairoix et la suppression de l’ensemble des emplois ne répondait qu’à un souci de rentabilité du secteur pneumatique du groupe ». L’arrêt du 6 juillet 2016 s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence qui avait considéré que la « menace » pesant sur la compétitivité du secteur d’activité du groupe dont relève l’entreprise n’est pas établie, lorsque la réorganisation vise à privilégier le niveau de rentabilité au détriment de la stabilité de l’emploi (Cass. Soc. 1er décembre 1999, n° 98-42746, Bull. V, n° 466 ; Cass. Soc. 6 mars 2007, n° 05-42271). L’arrêt de rejet rendu par la Cour de cassation est de nature à ne pas entraîner un bouleversement supplémentaire dans la vie des salariés injustement privés de leur gagne pain par la société Continental France. Comme l’a souligné le journaliste de Liaisons sociales, « les indemnités obtenues en appel sont donc sauvegardées » (Liaisons sociales n° 17119 du 8 juillet 2016). Il a été aussi remarqué que l’arrêt de la Cour de cassation a censuré les juges du fond qui avaient retenu la qualification de co-emploi permettant de mettre en cause, au même titre que la société Continental France, la société mère de droit allemand Contitental Aktiengesellchaft (AG). « Le fait que la politique du groupe déterminée par la société mère ait une incidence sur l’activité économique et sociale de sa filiale, et que la société mère ait pris dans le cadre de cette politique des décisions affectant le devenir de sa filiale et à garantir l’exécution des obligations de sa filiale liées à la fermeture du site et à la suppression des emplois ne pouvaient suffire à caractérise une situation de coemploi ». Il est ainsi reproché aux juges du fond de ne pas avoir suffisamment caractérisé, de la part de la société mère, une « ingérence anormale dans la gestion économique et sociale » de sa filiale (voir Liaisons sociales n° 17119 du 8 juillet 2016). Il avait pourtant semblé à un commentateur qui avait procédé à une lecture attentive de l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens que celle-ci s’était appliquée à justifier l’existence d’une situation de co-emploi en mettant les faits en correspondance avec les exigences posés par l’arrêt Molex, aux termes desquelles « hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l’égard du personnel employé par une autre que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ». « De l’état de domination économique à l’abus de domination économique, les juges ont caractérisé l’abus : la société mère a exercé « un contrôle opérationnel étroit et constant sur la SNC Continental elle-même filiale détenue à 100% œuvrant dans le même secteur d’activité de production de pneumatiques, à laquelle elle dicte et impose ses choix stratégiques et prend à sa place les décisions les plus importantes en matière de gestion économique et sociale, au point de la ravaler au rang de simple rouage dans le développement de son activité et la réalisation de ses propres objectifs économiques et de ceux du groupe qu’elle contrôle ». On ne peut être plus réaliste dans la description de l’abus se concrétisant par la captation, par la société mère, des prérogatives de sa filiale attachées à sa condition d’employeur juridiquement indépendant » (G. LOISEAU, « Que reste-t-il du co-emploi ? », Les cahiers sociaux n° 270, janvier 2015, 8). Pour considérer qu’il n’y avait pas d’« ingérence anormale », la Cour de cassation n’a peut-être pas lu tous les attendus de l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens, notamment ceux qui développaient les constatations faisant ressortir que : « les pièces et documents concordants et dossiers caractérisent à la date de référence une absence d’autonomie réelle de la société SNC Continental France dans l’exercice des prérogatives normalement attachées à sa qualité d’employeur-personne morale indépendante, qu’elles aient trait à l’exercice du pouvoir décisionnel, à la définition des choix et orientations économiques, à la maîtrise de son activité du point de vue industriel, commercial et financier ou qu’elles interviennent dans le domaine de la gestion de son personnel ». Le relâchement de la Cour de cassation dans sa lecture des attendus des juges du fond est ici sans effet. Il a été relevé que la demande de reconnaissance du co-emploi a pour objet de faire juger l’existence d’un « lien contractuel unique » permettant au salarié de former indifféremment sa demande contre l’une ou l’autre des sociétés mises en cause (voir Y. PAGNERRE, « Regard historique sur le co-emploi », Dr. Soc. 2016, 553). Dans la présente espèce, c’est la société Continental France qui a signé le chèque réglant les indemnités pour rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse. Le rejet du pourvoi contre l’appréciation des juges du fond écartant la légitimité du motif économique invoqué à l’appui des licenciements permettait au Conti de conserver les sommes leur ayant été versées par Continental France. La discussion sur la mise en cause de Continental AG en qualité de co-employeur pouvait dès lors apparaître superfétatoire. Au moment du prononcé de l’arrêt du 6 juillet, Antoine Lyon-Caen a indiqué que « que l’affaire revient à l’état où elle était devant le conseil des prud’hommes, qui avait reconnu le co-emploi. C’est désormais à Continental France ou Continental AG de décider d’aller devant la cour d’appel de Douai » (« Les indemnités versées aux ex-salariés de Continental sont maintenues », Le Monde Economie du 6 juillet 2016, http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/07/06/les-indemnites-versees-aux-ex-salaries-de-continental-sont-maintenues_4965045_3234.html). Comme l’a relevé la journaliste du Monde, « « la question est de savoir si quelqu’un y a encore intérêt ». |
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Le "lanceur d’alerte" sur les menaces pesant sur la liberté syndicale est interdit de séjour sur le Technocentre Renault de Guyancourt. Il demande réparation ! |
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Le vendredi 1er juillet prochain à 9 heures, se tiendra devant la formation de référé du Conseil de prud’hommes de Versailles (Palais de justice, 5, place Mignot) une audience qui ne peut que retenir l’attention des militants attachés à la défense de la liberté syndicale. [Chronique Ouvrière vous invite à venir nombreux soutenir le « lanceur d’alerte » sur les menaces pesant sur la liberté syndicale qui est interdit de séjour sur le Technocentre Renault de Guyancourt. I. La chronologie des faits ayant conduit au licenciement du « lanceur d’alerte ». H. était engagé le 3 novembre 2011 par la société EURODECISION, spécialisée dans les logiciels et services liés à l’optimisation et à la recherche opérationnelle pour exercer les fonctions de Consultant Sénior consistant en missions de conseil ou d’assistance à la clientèle. Il signait ce même jour un « accord de non divulgation » concernant les informations confidentielles qui lui seraient transmises par la société EURODECISION. H. commençait son activité pour le compte de la société EURODECISION le 3 janvier 2012. Il lui était alors remis un « guide du système d’information » rappelant les règles de fonctionnement et d’utilisation du système d’information de l’entreprise. Le 1er avril 2015, H. débutait une mission au Technocentre Renault situé à Guyancourt. H. était par ailleurs un bénévole du journal Fakir. A ce titre, il prenait l’initiative de convier les organisations syndicales présentes sur le Technocentre Renault à la « Nuit Rouge » qui devait prolonger la manifestation du 31 mars 2016 contre le projet de loi El Khomri et de leur proposer d’organiser des projections du film « Merci Patron », financé par le journal Fakir. A cette fin, il envoyait le 15 mars 2016 à 19 h 50, de son domicile, à partir de son ordinateur personnel, un mail aux syndicats SUD, CGT, CFE-CGC, CFDT et FO du Technocentre Renault. Le syndicat CFE-CGC Renault Guyancourt Aubevoye indiquait sur le site intranet Renault qu’il pouvait être contacté en donnant les adresses mail de quatre personnes. H. envoyait son invitation faite aux organisations syndicales sur les adresses mail de deux d’entre elles. Le tract d’appel du journal Fakir à la « Nuit Rouge » du 31 mars était joint au mail envoyé par H. Le lendemain de cet envoi, le 16 mars, H. était convoqué pour le même jour par téléphone par le Président Directeur Général de la société EURODECISION à un entretien au cours duquel il lui était reproché son envoi de la veille et il lui était dit que la société Renault surveillait les mails des syndicalistes et qu’il n’avait pas, en sa qualité d’intervenant chez Renault, à discuter avec les syndicats de Renault. Par courrier du 18 mars 2016, H. était convoqué pour le 25 mars à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave. Il lui était également notifié une mesure de mise à pied à titre conservatoire. Le 22 mars 2016, H., se présentant sous un pseudo, « Henri », et ne donnant aucune indication sur l’identité de son entreprise et sur celle de son PDG, racontait ses mésaventures au journal Fakir. Au cours de l’entretien tenu avec le journaliste de Fakir, étaient diffusé les propos, qui avaient été enregistrés par H., portant sur les pratiques de surveillance des mails des syndicalistes et sur l’interdiction qui lui avait été faite de s’adresser aux syndicats de Renault. Par courrier en date du 24 mars 2016, la DRH de la société EURODECISION informait H. qu’il était envisagé à son encontre une nouvelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave et qu’il était convoqué pour le 5 avril à un entretien préalable. Il était également notifié à H. une mise à pied à titre conservatoire. Au cours de l’entretien du 25 mars 2016, il était indiqué à H. que l’envoi du mail du 15 mars aux organisations syndicales contrevenait au « guide du système d’information » de la société EURODECISION et à l’ordre de mission chez Renault. Par courrier du 31 mars 2016, il était notifié à H. un avertissement. Il lui était reproché d’avoir utilisé l’intranet et la liste des adresses électroniques des salariés de Renault pour envoyer un message électronique à caractère politique à des salariés de la société Renault. Par un autre courrier en date du même jour, la Directrice des Ressources Humaines de la société EURODECISION informait H. qu’il était donné suite à sa demande de report de l’entretien préalable prévu pour le 5 avril et le convoquait pour le 18 avril 2016. Lors de l’entretien du 18 avril 2016, il était reproché à H. l’enregistrement des propos que lui avait tenus le Président Directeur Général le 16 mars et les répercussions négatives de la diffusion de cet enregistrement pour la société EURODECISION. H. répondait que la vidéo au cours de laquelle avait été diffusé l’enregistrement ne permettait pas d’identifier la société EURODECISION et son dirigeant et que si le dirigeant de la société n’avait rien à se reprocher il n’avait pas à avoir peur de la presse. Par courrier du 21 avril 2016, le PDG de la société EURODECISION notifiait à H. son licenciement pour faute grave, lui indiquant que l’enregistrement à son insu des propos à caractère privé qu’il avait tenus à H. le 16 mars et la diffusion de cet enregistrement caractérisaient une absence totale de loyauté vis-à-vis de l’entreprise et un manquement à l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail. II. Un licenciement qui intervient dans le prolongement d’une sanction constitutive d’une atteinte à la liberté syndicale. 1) Les salariés qu’une entreprise extérieure met à la disposition d’une entreprise utilisatrice ne sauraient, par principe, être exclus de la collectivité de travail de cette entreprise utilisatrice. Il résulte des dispositions de l’article L. 1111-2 du Code du travail (loi du 20 août 2008) que les salariés mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice par une entreprise extérieure qui sont présents dans les locaux de l’entreprise utilisatrice et y travaillent depuis au moins un an doivent être pris en compte dans les effectifs de l’entreprise utilisatrice. Ces dispositions légales s’inscrivent dans le prolongement d’une jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation qui a refusé, en ce qui concerne la mise œuvre des droits collectifs des salariés, d’entériner la fragmentation des statuts entre des salariés participant tous au bon fonctionnement d’une entreprise. Un arrêt Renault du 26 mai 2004 (Cass. Soc. n° 03-60125, Bull. V, n° 140) avait déjà fermement indiqué que devaient être pris en compte au prorata de leur temps de présence pour le calcul de l’effectif pour les élections professionnelles les salariés mis à disposition qui participent aux activités nécessaires de l’entreprise utilisatrice. Un peu plus tard, par plusieurs arrêts du 13 novembre 2008 (n° 07-60434, n° 08-60465, n° 08-60331), la Cour de cassation a souligné que « sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail », pour l’application des textes relatifs à l’établissement de la liste électorale du comité d’établissement, « les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure qui, abstraction faite du lien de subordination qui subsiste avec leur employeur, sont présentes dans les locaux de l’entreprise utilisatrice et y travaillent depuis une certaine durée, partageant ainsi des conditions de travail au moins en partie communes susceptibles de générer des intérêts communs ». Il a été relevé, à propos de ces arrêts précurseurs des dispositions légales actuellement en vigueur, que « réapparaît ainsi une collectivité de travail, cet ensemble de travailleurs, qui, ayant ou non un même employeur, ont une communauté d’intérêts » (A. LYON-CAEN, Semaine sociale Lamy 2008, 1375). Le refus d’une division artificielle entre « salariés permanents » et « salariés des entreprises extérieures », au regard de l’exercice des droits collectifs, est également affirmé par l’article L. 2313-3 du code du travail qui dispose que « les salariés d’entreprises extérieures qui, dans l’exercice de leur activité, ne se trouvent pas placés sous la subordination directe de l’entreprise utilisatrice peuvent faire présenter leurs réclamations individuelles et collectives, intéressant celles des conditions d’exécution du travail qui relèvent du chef d’établissement, par les délégués du personnel de cet établissement dans les conditions fixées au présent titre ». 2) La liberté syndicale est menacée si l’autonomie qui doit être reconnue à l’action syndicale dans l’entreprise est mise en cause lorsqu’est exercé le « droit à l’information syndicale ». La mise en œuvre de ce droit à l’information peut prendre la forme de la communication syndicale. Dans ce cas, le syndicat s’adresse à la collectivité des travailleurs de l’entreprise par voie d’affichage ou par la diffusion de tracts ou publications syndicales. Il a été souligné qu’aujourd’hui « il n’est pas sérieux d’exclure tout contenu politique de l’information syndicale » (J.M. VERDIER, Syndicats et droit syndical, deuxième édition, Dalloz, 1984, 197 et s.). Il a notamment été relevé que la loi du 28 octobre 1982 a posé le « principe de la libre détermination du contenu des communications syndicales ». « Désormais, hormis le caractère d’injure et de diffamation qu’elle pourrait présenter, une information à contenu politique relève de cette libre appréciation de l’opportunité par le syndicat, avec pour seule limite le trouble effectif et insupportable apporté à l’accomplissement du travail dans l’entreprise ou l’établissement » (J.M. VERDIER, op. cit., 207). Il est dès lors tout à fait logique que le juge des référés refuse de donner suite à une demande d’ordonner le retrait de panneaux d’affichage de tracts syndicaux à qui l’employeur reprochait leur caractère « politique » en indiquant, pour expliquer son refus, que « si l’action syndicale doit se différencier de l’action politique, elle n’est pas de nature à exclure tout aspect politique de l’activité syndicale » (TGI Nanterre (référé), 3 mai 2002, RJS 7/02, n° 843). L’exercice du « droit à l’information syndicale » ne se limite pas à la diffusion par le syndicat de son point de vue ou de ses initiatives concernant la vie de l’entreprise ou l’actualité politique et sociale. Afin de recevoir des informations, « les délégués syndicaux peuvent, durant les heures de délégation, se déplacer hors de l’entreprise » (voir J.M. VERDIER, op. cit., 308 et s.). S’il est reconnu au syndicat, par l’intermédiaire de son représentant, le droit d’aller à la recherche d’informations s’inscrivant dans le champ de l’action syndicale, il ne saurait bien évidemment être interdit au syndicat de recevoir des informations de cette nature de la part de personnes liées à la collectivité de travail dont les intérêts sont défendus par l’organisation syndicale. 3) Dans le mail qu’il a adressé le 15 mars 2016 aux organisations syndicales présentes sur le Technocentre Renault, indiquait qu’il était prestataire au TCR (voir pièce n° 5). Depuis le 1er avril 2015 (soit depuis plus de onze mois avant l’envoi de son mail), H. était effectivement en mission au Technocentre Renault. Il occupait, dans un bâtiment appelé « La Ruche », au 4ème étage, sur un plateau appelé 7A Sud, un bureau au sein du service « DEA-TDS », qui occupait environ 70 personnes. Il travaillait au jour le jour, dialoguant constamment avec eux pour mener à bien le travail à réaliser, avec les salariés du Technocentre qui composaient l’équipe chargée des problèmes d’optimisation en simulation numérique. Etant complètement partie prenante de cette équipe, H. travaillait en autonomie quasi complète par rapport à EURODECISION. Par contre, il prenait ses instructions auprès de Mesdames … et de Monsieur…, qui étaient salariés du Tehcnocentre. Ceux-ci expliquaient à H. quel était le sujet à traiter et ils voyaient avec lui comment il pouvait les aider et le temps qui était nécessaire pour résoudre le problème posé. Le 15 mars 2016, H. était complètement immergé dans la la collectivité de travail du Technocentre Renault. (Il ne manquait que quinze jours pour qu’il acquière l’ancienneté d’un an prévue par les dispositions de l’article L. 1111-2 du Code du travail pour être comptabilisé dans les effectifs de l’entreprise utilisatrice). Il n’y avait dès lors rien d’inconvenant à ce qu’il s’adresse aux syndicats présents sur le Technocentre Renault. L’avertissement qui lui a été notifié par le courrier du 31 mars 2016 est totalement injustifié. En envoyant son mail aux différentes organisations syndicales, H. n’a contrevenu ni à la charte de bonne conduite et de protection du système d’information qui lui était rappelée dans son ordre de mission ni au guide du système d’information qu’il avait régularisé lors de son embauche au sein de la société EURODECISION. La « charte de bonne conduite » et le « guide du système d’information » interdisaient à H. d’utiliser la messagerie du Technocentre ou d’EURODECISION pour véhiculer des informations de nature non professionnelle. C’est à partir de son ordinateur personnel, en dehors des heures de travail et en n’étant pas dans les locaux du Technocentre ou d’EURODECISION, que H. a envoyé un courriel aux différentes organisations syndicales ayant vocation à représenter les salariés intervenant au sein de la collectivité de travail du Technocentre. (Il sera rappelé, à ce sujet, que l’envoi par un salarié d’un courriel, de sa messagerie personnelle et en dehors du temps et du lieu de travail à une adresse non professionnelle, confère au message un caractère purement privé, ne pouvant constituer un manquement de loyauté envers l’employeur : Cass. Soc. 26 janvier 2012, n° 11-10189). Le mail a été envoyé aux adresses du syndicat SUD, du syndicat CGT, du syndicat CFDT, du syndicat FO, de Monsieur… et de Monsieur… . Les adresses de Messieurs … et … n’étaient pas des adresses privées. Elles étaient présentées, sur la page réservée à la CFE-CGC sur le site intranet du Technocentre, comme des adresses permettant de joindre cette organisation syndicale. Il était dès lors peu sérieux d’écrire dans la lettre d’avertissement que H. aurait utilisé les ressources du système d’information de l’entreprise pour envoyer un message présentant un caractère politique à « des salariés de la société RENAULT ». H. n’a pas diffusé directement des informations auprès de salariés de l’entreprise cliente. Il s’est adressé, pour leur faire des propositions d’actions militantes, aux différentes organisations syndicales représentant les salariés intervenant au sein de la collectivité de travail à laquelle il était lié depuis de nombreux mois. Et le contenu des documents envoyés par H. ne pouvaient certainement pas être dénoncé comme présentant une « nature politique » insusceptible de rentrer dans le champ de l’action syndicale. Le tract « Nuit Rouge » qui est joint au courriel du 15 mars, propose pour le 31 mars, à la suite du défilé de protestation contre la refonte du code du travail tentée par le projet de loi El Khomri, le programme suivant : « On fait une projection géante de Merci patron !, à rigoler tous en chœur. On se fait des concerts pour la bonne humeur. Et aussi, surtout, on cause. On essaie d’inventer un truc, point de fixation des espoirs et des luttes ». Le mail envoyé par H., qui invite les différents syndicats à faire connaître l’« évènement » prévu pour le 31 mars, leur fait part de la possibilité d’organiser eux-mêmes des projections, suivies d’un débat, de « Merci patron ! », qui « raconte le combat d’un couple d’ouvriers qui se retrouvent au chômage après la délocalisation d’une usine du groupe LMVH en Pologne ». Il serait pour le moins osé de présenter le thème de ce film et les débats suscités par sa projection comme étant par nature étrangers aux préoccupations d’une organisation syndicale. L’avertissement infligé à H. pour avoir envoyé aux différentes organisations syndicales du Technocentre son mail du 15 mars 2016 constituait indiscutablement une atteinte à la liberté syndicale. Cette sanction visait à empêcher les syndicats du Technocentre RENAULT de recevoir des informations rentrant dans leurs préoccupations de la même manière qu’elle cherchait à dissuader toute prise de contact entre un intervenant étroitement lié à la collectivité de travail du Technocentre et ces organisations syndicales. 2) Un licenciement qui a réprimé le « lanceur d’alerte » pour avoir relaté des agissements portant atteinte au libre exercice de l’activité syndicale et au droit des salariés des entreprises prestataires intervenant au sein de la collectivité de travail de l’entreprise utilisatrice de communiquer avec les organisations syndicales présentes dans cette entreprise. 1) Il a été fortement affirmé qu’« une preuve ne peut être le fruit d’un piège, d’une ruse, d’un stratagème, auquel cas elle est nulle comme frauduleuse » et qu’« elle doit avoir été obtenue d’une part loyalement, d’autre part, dans le respect de la personne concernée » (voir Ph. WAQUET, « Halte aux stratagèmes », Semaine sociale Lamy, 7 avril 2008, n° 1348). Le refus du « stratagème » marque le droit de la preuve dans le procès civil. « En matière civile, un enregistrement de paroles ne peut constituer un mode preuve loyal et, partant recevable que s’il a été réalisé à la connaissance de la personne concernée. Lorsqu’à l’inverse, l’enregistrement a été effectué à son insu, il doit être écarté des débats en tant qu’illicite » (E. VERGES, G. VIAL, O. LECLERC, Droit de la preuve, PUF, 637). Le juge pénal est plus compréhensif envers les enregistrements réalisés « à l’insu de ». Il est pris en compte que l’enregistrement concerne des propos tenus dans le cadre de l’activité professionnelle et ne porte pas atteinte à l’intimité de la vie privée. « Justifie sa décision la cour d’appel qui, pour renvoyer le prévenu des fins de la poursuite, énonce que les conversations litigieuses, bien qu’enregistrées par le salarié en cause, à l’insu de ses interlocuteurs, ont porté exclusivement sur les conditions de rédaction des attestations produites par l’employeur lors de l’instance prud’homale et qu’aucune information ne touchait à la vie privée des intéressés, ces propos entrant dans le cadre de la seule activité professionnelle des intéressés et n’étant pas de nature à porter atteinte à l’intimité de leur vie privée » (voir Cass. Crim. 14 février 2006, D. 2007, 1184). Le juge pénal admet comme moyens de preuve permettant d’établir l’existence d’une infraction des enregistrements effectués « à l’insu de », dès lors qu’ils « peuvent être discutés contradictoirement » (Cass. Crim. 31 janvier 2012, Bull. crim. n° 27). Il a par ailleurs été souligné que lorsqu’une « dénonciation est faite de bonne foi, et n’est entachée d’aucune légèreté coupable, son auteur ne peut être légitimement sanctionné, licencié ou frappé d’une mesure discriminatoire » (voir P. ADAM, « Sur la liberté pour le salarié de dénoncer des faits répréhensibles », RJS 3/10, 196). Le salarié « dénonciateur » peut légitimement considérer être dispensé de procéder préalablement à une « information en interne » dans l’entreprise dans deux hypothèses. « Deux cas au moins paraissent indiscutables : la dénonciation de faits constitutifs d’infraction pénale ne devrait à tout le moins jamais être conditionnés à un tel préalable ; pas plus que les dénonciations dont il est évident qu’elles ne pourront trouver solution à l’intérieur de l’entreprise (par exemple lorsque les faits dénoncés sont imputables à l’employeur lui-même) (P. ADAM, chr. préc. 195). La protection contre des mesures de rétorsion est particulièrement nécessaire dans le cas du « lanceur d’alerte ». Le « lanceur d’alerte » désigne « toute personne qui fait des signalements ou révèle des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général dans le contexte de sa relation de travail, qu’elle soit dans le secteur public ou dans le secteur privé » (Recommandation CM/Rec(2014)7, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 30 avril 2014). La « révélation publique d’informations, par exemple à un journaliste » fait partie des « révélations d’informations » que peut faire le « lanceur d’alerte ». L’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui garantit à toute personne le droit à la liberté d’expression, est présenté comme un fondement essentiel de la protection du « lanceur d’alerte » contre toutes les formes de représailles, directes ou indirectes, de la part de son employeur et de la part de personnes travaillant pour le compte ou agissant au nom de cet employeur (Recommandation CM/Rec(2014)7, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 30 avril 2014). La liberté d’expression a bien sûr pour limite l’abus constitué par le dénigrement et la mise en cause du responsable de l’entreprise dans des termes injurieux (Cass. Soc. 3 décembre 2008, n° 07-42331) ou par la tenue de propos outranciers et sans fondement mettant en cause l’honnêteté et la loyauté des dirigeants de l’entreprise (Cass. Soc. 28 janvier 2016, n° 14-28242, RJS 5/16, n° 312). Pour bénéficier de la protection attachée à l’exercice de la liberté d’expression, le « lanceur d’alerte » doit donc s’exprimer avec prudence et mesure, ce qui suppose une absence totale de propos injurieux et après avoir vérifié ses sources, (voir, dans ce sens, Ch. MATHIEU et F. TERRYN, « Le statut du lanceur d’alerte en quête de cohérence », Revue de droit du travail, 2016, 163). La défense de la liberté syndicale relève sans nul doute de l’intérêt général. La révélation de menaces pesant sur l’exercice de cette liberté mérite incontestablement la protection. Il résulte des dispositions de l’article L. 1132-1 du Code du travail qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de ses activités syndicales. L’article L. 1132-3 indique qu’ « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux articles L. 1132-1 et L. 1132-2 ou pour les avoir relatés ». Il est précisé par l’article L. 1132-4 que « toute disposition ou tout acte pris à l’égard en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul ». Les dispositions de l’article L. 2141-5 du Code du travail interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière de discipline ou de rupture du contrat de travail et il est précisé par l’article L. 2141-8 sont d’ordre public. L’article 2146-2 du même code est sans équivoque. « Le fait pour l’employeur de méconnaître les dispositions des articles L. 2141-5 à L. 2141-8, relatives à la discrimination syndicale, est puni d’une amende de 3750 €. La récidive est punie d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 7500 € ». 2) Dans la présente affaire, s’il y a eu un « stratagème », au cours du déroulement de la procédure disciplinaire initiée à l’encontre de H., sa paternité en revient aux représentants de l’employeur et non au salarié injustement mis en cause. Dans le courrier du 31 mars 2016 notifiant la sanction d’avertissement, il est écrit que H. (alors sous le coup de sa surprise et de l’émotion devant les reproches qui lui étaient faits) avait dit, lors de l’entretien qui avait lieu le 25 mars, qu’il ne voulait plus poursuivre ses fonctions au sein de la société EURODECISION. Et il est rajouté dans le courrier : « ce que nous ne pouvons que regretter ». Ce commentaire est pour le moins « pervers » et traduit une fausse désolation, si l’on a présent à l’esprit que, quelques jours avant, la société EURODECISION avait engagé à l’encontre de H. une seconde procédure disciplinaire qu’elle avait bien l’intention de mener jusqu’à son terme, comme l’atteste l’envoi du courrier infligeant la mesure de licenciement pour faute grave affirmant le principe d’un départ immédiat de H.. En ce qui concerne l’attitude observée par H. lorsqu’il a été convoqué par le Président Général de la société EURODECISION au lendemain de l’envoi de son mail aux organisations syndicales, il ne saurait être sérieusement écrit, comme le fait la lettre de licenciement, qu’elle se serait caractérisée par un manquement à la loyauté et à la bonne foi. Devant le ton adopté par son employeur et la perspective d’une exclusion de l’entreprise, H. a décidé de procéder à un enregistrement de son dirigeant sans le prévenir, non dans le dessein de le piéger, mais parce qu’il était « tellement dépassé » qu’il « était incapable de prendre des notes ». Il a été ensuite souligné par H., lors de l’entretien préalable à son licenciement, que la diffusion et la propagation de l’enregistrement litigieux n’avait pas été de son ressort, mais de celui des journalistes. En tout état de cause, la lettre de licenciement est à l’évidence mensongère lorsqu’elle reproche à H. d’avoir procédé à un enregistrement pouvant faire craindre la diffusion d’informations confidentielles confiées aux salariés de la société EURODECISION dans le cadre de l’exécution de leurs missions. Elle n’est pas plus crédible lorsqu’elle impute à H. les effets négatifs qu’aurait eu sur un « climat social apaisé, reposant sur un réel dialogue entre tous les collaborateurs et la direction » la diffusion de l’enregistrement d’une « conversation privée ». La diffusion litigieuse du 21 mars ne permet en aucune manière d’identifier la société EURODECISION ou son PDG, dont les anonymats ont été préservés. Les « multiples articles de presse » dont il est fait état dans la lettre de licenciement ne permettent pas plus de reconnaître la société EURODECISION ou son PDG. Il faudra attendre le 31 mars pour que soit citée la société EURODECISION. Il doit être également relevé que ce ne sont pas tous les propos tenus par le Président Directeur Général de la société EURODECISION au cours de l’entretien de l’entretien du 16 mars qui ont été diffusés. Ce sont seulement les extraits qui concernaient la surveillance des mails des syndicalistes et l’interdiction faite à l’intervenant envoyé par la société prestataire de discuter avec les syndicats de Renault. En permettant la diffusion de propos de cette nature, en s’attachant à préserver l’anonymat de leur auteur, n’avait pour dessein de régler des comptes personnels. Il avait seulement pour souci d’alerter sur une menace établie pesant la liberté syndicale. En procédant au licenciement de H. pour avoir enregistré et permis la diffusion des propos susvisés, la société EURODECISION a entendu le réprimer pour avoir relaté des agissements entendant remettre en cause le libre exercice de l’activité syndicale et le droit des salariés des entreprises prestataires intervenant au sein de la collectivité de travail de l’entreprise utilisatrice de communiquer avec les organisations syndicales présentes dans cette entreprise. Le licenciement de H. est par conséquent entaché de nullité. 3) Sur la nécessité de l’intervention du juge des référés prud’homal. Le droit de relater des agissements prohibés parce que constitutifs d’une discrimination syndicale (art. L. 1132-3 C. trav.) ou d’alerter sur des menaces pesant sur l’intérêt général sont des modalités la liberté d’expression. Il est aujourd’hui acquis que le licenciement d’un salarié ayant exercé sa liberté d’expression, sans faire usage de termes excessifs ou diffamatoires, constitue un trouble manifestement illicite de nature à justifier l’intervention du juge des référés (voir CA Versailles, 20 novembre 2012, Dr. Ouv. 2013, 130 ; Cass. Soc. 18 février 2014, n° 13-0876, RJS 5/14, n° 425). Il a été souligné, dans la recommandation du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe consacrée à la « protection des lanceurs d’alerte » qu’« en attendant l’issue de la procédure civile, les personnes qui ont été victimes de représailles pour avoir fait un signalement ou une révélation d’informations d’intérêt général devraient pouvoir solliciter des mesures provisoires, en particulier en cas de perte d’emploi » (Recommandation CM/Rec(2014)7, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 30 avril 2014). Les pièces versées au débat mettent en évidence que c’est « l’alerte » lancée par H. qui a été la cause de son licenciement. Le « lanceur d’alerte » brutalement licencié a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes afin que l’intervention du juge, même à titre provisoire, ne soit pas trop éloignée dans le temps de son éviction de l’entreprise et empêche la banalisation d’un licenciement fortement attentatoire à l’exercice d’une liberté fondamentale. Le fait de licencier un salarié pour avoir relaté des agissements portant atteinte au libre exercice de l’activité syndicale et au droit des salariés des entreprises prestataires intervenant au sein de la collectivité de travail d’un établissement de la société Renault de communiquer avec les organisations syndicales présentes dans cet établissement cause de manière évidente un préjudice à l’intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat CGT Renault Guyancourt Aubevoye et le syndicat SUD Renault Guyancourt Aubevoye. Ces deux organisations syndicales ont donc décidé de se constituer partie intervenante aux côtés du « lanceur d’alerte » qui n’entend pas être licencié en catimini. |
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Prescription des demandes, c’est bien 5 ans jusqu’au 17 juin 2016 ! (Chronique Ouvrière) |
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lundi 9 mai 2016 par Claude LEVY CPH Paris Le 18 mars 2016.pdf Abattement pour frais professionnels dans les entreprises de propreté, c’est niet ! Dans une décision récente la formation de départage du Conseil de prud’hommes de Paris valide la période transitoire concernant la prescription sur les demandes de nature salariale et juge illégal l’abattement pour frais professionnels pratiqués abusivement par les entreprises de propreté. Piqure de rappel : La loi dite de « sécurisation » du 14 juin 2013 a réduit, en matière de demandes portant sur des rappels de salaires, la prescription de cinq ans à trois ans. Toutefois les dispositions transitoires de cette loi précisent, concernant l’application aux prescriptions en cours : Article 21-V : « Les dispositions du Code du Travail prévues aux III et IV du Code du Travail s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure » Ces dispositions reprennent les dispositions générales du code civil en matière de modification des délais de prescription : Art 2222 Code Civil alinéa 2 : « En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. » Ainsi, les demandes de rappels de salaires non prescrites à la date du 17 juin 2013, date d’entrée en vigueur de la Loi nouvelle, bénéficient d’un nouveau délai de prescription de trois ans à compter du 17 juin 2013 sans que la durée totale puisse excéder cinq ans. La réduction du délai de prescription n’a d’effet que lorsque la durée restante du délai pour agir est supérieure au nouveau délai de prescription réduit. Une demande au titre de l’année 2012, qui aurait pu être formée jusqu’au 31 décembre 2017 selon la prescription quinquennale de la Loi ancienne, ne sera plus recevable que jusqu’au 17 juin 2016. En revanche, lorsque la durée restant à courir du délai de prescription est inférieure au nouveau délai réduit de trois ans, la loi nouvelle n’a pas pour effet de le réduire. Par exemple, les demandes de rappels de primes, éléments de la rémunération, dues au 31 décembre 2009 et 31 décembre 2010 sont respectivement recevables jusqu’aux 31 décembre 2014 et 31 décembre 2015. Ces prescriptions étaient donc en cours à la date du 17 juin 2013 et bénéficient donc d’un nouveau délai de prescription de trois ans à compter du 17 juin 2013, jour d’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder cinq ans, ce qui porte respectivement la date butoir de recevabilité de ces demandes aux 31 décembre 2014 et 17 juin 2016 (17 juin 2013 + 3 ans). Les demandes de rappels de nature salariale sont donc incontestablement recevables au regard des délais de prescription. Il existe donc bien une période transitoire allant jusqu’au 17 juin 2016 pour les demandes de nature salariale. Même si avec cette décision qui confirme un précédent arrêt de la Cour d’appel de PARIS http://www.chronique-ouvriere.fr/spip.php?article852&lang=fr les salariés peuvent obtenir un sursis, ils n’oublieront pas qui a fait cadeau au patronat 40% (3 ans au lieu de 5) des rappels qui leur sont dus, qui se satisfait aujourd’hui de la nouvelle mouture de la loi EL KHOMRI, qui, notamment, supprime toujours les 6 mois d’indemnisation minimum en cas de licenciement sans cause et sérieuse pour les salariés ayant plus de 2 ans d’ancienneté dans une entreprise de plus de 10 salariés, renverse la hiérarchie des normes au profit de l’entreprise, tri annualise le temps de travail, diminue les majorations des heures supplémentaires, facilite les licenciements économiques..etc…etc…alors que dans le même temps 3 millions d’emplois vont être supprimés dans les 5 années à venir par l’automatisation et l’informatisation. MERCI PATRON ! Plus qu’un mois pour le gouvernement pour revenir sur la réduction de la prescription de droit commun fixée à 5 ans par l’article 2224 du code civil. Le suspense est insoutenable ! Sur l’illégalité de l’abattement pour frais professionnel dans les entreprises de propreté confirmation de http://www.chronique-ouvriere.fr/spip.php?article874&lang=fr |
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Mutuelle d'entreprise : ce qu'il faut savoir (Lu dans Viva) |
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La complémentaire santé en entreprise est devenue obligatoire depuis le 1er janvier 2016. Précisions. 1 Qui la finance ? Elle doit être cofinancée au minimum à 50 % par l’employeur et pour le reste par le salarié. 2 Quel panier de soins ? La couverture minimale comprend la prise en charge : • de l’intégralité du ticket modérateur restant à la charge de l’assuré pour les consultations, actes et prestations remboursables par la Sécurité sociale, la pharmacie (à l’exception des médicaments remboursés à 35 % et 15 %), les frais d’appareillage… ; • du forfait journalier hospitalier sans limitation de durée ; • des dépenses de frais dentaires prothétiques à hauteur de 125 % de la base de remboursement de la Sécurité sociale ; • d’un forfait tous les deux ans pour l’optique de 100 à 200 euros, en fonction de la correction des verres des lunettes. 3 Les salariés sont-ils obligés de s’affilier ? Non, si le régime est mis en place par une déclaration unilatérale de l’employeur. En revanche, s’il résulte d’un accord d’entreprise ou de branche, le salarié doit y adhérer. Pour les salariés embauchés après la mise en place, il y a obligation de s’affilier. Si le conjoint du salarié a déjà une complémentaire qui bénéficie à toute la famille, l’entreprise peut prévoir une dérogation en cas de double affiliation, mais ce n’est pas une obligation. 4 Que se passe-t-il en cas de licenciement ? Un mécanisme de portabilité permet à un salarié en fin de contrat à durée déterminée (Cdd) ou liciencié de bénéficier du contrat collectif pour une période pouvant aller jusqu’à douze mois après son départ de l’entreprise. 5 Et de départ à la retraite ? Le dispositif dit « loi Evin » oblige l’assureur santé à proposer au retraité un contrat avec le même niveau de couverture à un tarif qui ne doit pas être supérieur de 50 % à celui appliqué aux salariés. 6 Qu’est-ce qui pourrait encore changer ? Pour les salariés précaires (Cdd) ou dépendant de plusieurs employeurs, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a proposé, dans le Plfss 2016, de créer une aide individuelle de l’employeur destinée à l’acquisition d’une complémentaire santé par les salariés ne bénéficiant pas de la couverture collective d’entreprise ou d’un dispositif d’aide publique à la complémentaire santé. Cette aide serait établie au prorata de la durée travaillée par le salarié. 02-04-2016 |
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La légalisation de la délinquance patronale (Lu dans Chronique Ouvrière) |
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Le projet de loi proposé par la ministre du travail est le parfait aboutissement des lois successives qui, depuis 1982, détricotent obstinément notre droit du travail : multiplication des dérogations légales au principe de faveur, suppression de la gratuité de la procédure prud’homale avec l’obligation d’avocat en cassation, réduction progressive des durées de prescription (aujourd’hui 2 ans pour contester un licenciement, 3 ans pour obtenir un rappel de salaires)… Une étape importante fut franchie avec la suppression de la dernière élection sociale en France, définitivement actée par la loi du 22 décembre 2014, qui autorisait le gouvernement à réformer par ordonnance la réglementation applicable en matière de renouvellement des conseillers prud’homaux. La première manifestation visible en est l’allongement sidérant de la durée du mandat, qui est passé de 5 à au moins 10 ans (le renouvellement aurait dû intervenir en décembre 2013, il est désormais prévu pour avant le 31 décembre 2017 !), avec comme conséquence prévisible des difficultés accrues de fonctionnement du fait des nombreuses démissions des conseillers. La loi du 06 août 2015, dite loi « Macron », du nom d’un ministre qui n’était ni celui de la justice ni celui du travail, loin d’allouer des moyens humains et matériels supplémentaires aux Conseils de prud’hommes et Cours d’Appel , ne fit qu’aggraver les problèmes avec des mesures inapplicables quant aux audiences de conciliation et toute une batterie de sanctions disciplinaires destinées essentiellement à décrédibiliser les conseillers. Toutes ces mesures ont pour objet et pour effet de rallonger les délais et d’éloigner le salarié du juge. L’estocade finale est portée par le projet de loi EL KOMRI qui, en 53 articles, achève de supprimer les mesures protectrices du droit du travail, quitte à violer des dispositions favorables du droit européen et les conventions de l’OIT ratifiées par la France, notamment en matière de santé au travail. Tant du fait du plafonnement des indemnités de licenciement que du renforcement du pouvoir patronal, dont les derniers obstacles à l’usage abusif seront levés, le salarié n’aura plus guère de possibilité de saisir le Conseil de Prud’hommes. Le dernier rempart contre l’exploitation humaine sera tombé. En 34 ans le « Patronat Solidaire » (PS) aura réussi l’exploit d’initier, puis de parachever l’œuvre de suppression du caractère protecteur du droit du travail. L’Etat de droit est devenu un Etat de droite, lequel est resté providence, mais au service exclusif des intérêts financiers. Aujourd’hui, le peuple gronde. Sa jeunesse se révolte. Faisons lui confiance, elle saura rappeler à ceux qui se croient nos élites que le principe de la république est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Nous ne lâcherons rien !
02-04-2016 |
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L'ouvrière agricole ne recevait pas à la fin du mois la totalité du salaire dû (ChroniqueOuvrière) |
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La mensualisation du salaire a pour effet d’obliger l’employeur de payer le salaire à la fin du mois. Si l’employeur ne verse pas le salaire dû lorsque le mois de travail s’est achevé, ce « défaut de ponctualité » dans le paiement du salaire rend légitime une réaction vigoureuse de la part du salarié. « Si la rémunération n’est pas versée au moment prescrit, le salarié est fondé à interrompre son activité, par application de l’exception non adempleti contractus. Il s’agit d’une forme de grève à régime particulier, car a priori licite et ne privant pas le salarié de son droit au salaire. Le paiement des jours de grève doit intervenir à titre d’indemnisation du préjudice » (Gérard LYON-CAEN, Le salaire, Deuxième édition, Dalloz, 1981, 374 et s.). Si le salarié ne se sent pas de taille à mener le combat dans l’entreprise avec le patron particulièrement malhonnête, il peut prendre la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur. L’employeur qui ne règle pas la totalité des sommes dues en exécution du contrat de travail commet un manquement justifiant une rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 9 avril 2008, n° 07- 40668). En Martinique, les dirigeants des exploitations agricoles ont eu toujours eu un peu de mal à jouer le jeu de la mensualisation. La loi du 30 décembre 1988 relative à « l’adaptation de l’exploitation agricole à son environnement économique et social » a eu quelques difficultés à entrer en application (voir, à ce sujet, « Les contrats très spéciaux de travailleurs de la banane », Dr. Ouv. 1999, 259 et s.). L’EARL PETIT PRE n’a pas failli à la tradition. Elle a mis en avant des « difficultés financières de l’entreprise » pour tenter de légitimer la pratique consistant payer le 7 octobre la moitié du salaire du mois de septembre dû à une ouvrière agricole. Le bureau de jugement de la section agriculture du Conseil de prud’hommes de Fort-de-France n’a pu que prendre acte d’une rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur. Le jugement prud’homal a été confirmé par la Cour d’appel de de Fort-de-France qui a considéré que l’employeur avait gravement manqué à ses obligations et que la rupture lui était imputable.
Pascal MOUSSY
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Les congés payés sont sacrés et l'employeur qui les confisque doit indemniser le salarié (Chronique Ouvrière) |
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On oublie trop souvent qu'en matière de congés payés l'employeur à un certain nombre d'obligations légales à respecter. Il doit d'abord informer les salariés de la période de prise de congés au moins 2 mois avant l'ouverture de la période (art. D 3141-5 CT), puis communiquer l'ordre des départs en congé à chaque salarié un mois avant son départ, de plus il doit afficher le tout dans les locaux normalement accessibles aux salariés (art. D 3141-6 CT) et s'assurer in fine que les salariés soient bien partis en congé. Or, il arrive quelques fois que des employeurs ne s'embarrassent pas de ces formalités et que des salariés ne prennent pas tout ou partie de leurs congés avant la fin de la période légale (31 mai), soit qu'ils ne reçoivent pas l'invitation à le faire, soit qu'ils vouent tellement d'importance à leur fonctions ou "d'attachement" à leur patron, qu'il en "oublient" de partir. Dans un arrêt de cassation partielle du 16 décembre 2015 (n° 14-11294 PB), la Cour de cassation rappelle que c'est à l'employeur et non au salarié de prouver qu'il n'a pas pu prendre ses congés payés. A défaut, l'entreprise peut être condamnée à verser des dommages intérêts au salarié en sus d'une indemnité de congés proprement dit, même si le salarié ne démontre pas qu'il a demandé à bénéficier de ses congés ou qu'il s'est heurté à une opposition de son employeur pour les prendre. Dans cette affaire, le médecin chef d'un centre hospitalier (disposant d'une autonomie importante dans l'organisation du service) réclamait le paiement de congés payés qu'il n'avait pas pu prendre au cours des 5 années précédentes du faits, selon lui, d'un manque d'effectif et d'une surcharge de travail. La cour d'appel de Lyon déboutait notre allopathe de ses demandes (65 787 € au titre des congés payés proprement dit et 10 000 € de DI pour déloyauté contractuelle), au motif que l'ancien carabin ne démontrait pas avoir demandé à bénéficier du solde de ses congés payés non pris, ni s'être heurté à une quelconque opposition de la part de son employeur. La Cour de cassation rappelle les juges du fond, dans un attendu de principe, "qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés la directive européenne du 4 novembre 2003 (...), il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombe légalement". Autrement dit, l'employeur ne peut se retrancher derrière l'abnégation d'un salarié et l'absence de demande de départ en congés de celui-ci pour s'exonérer de son obligation. Rappelons cependant qu'il est possible pour l'employeur de convenir avec un salarié qui le souhaite d'un cumul de congés sur plusieurs périodes (cas notamment des travailleurs étrangers). |
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A la veille des Fêtes, le Conseil d’Etat a rendu son arrêt Darty. Le principe de l’effort de reclassement est-il soluble dans l’accord à bon marché ? (Chronique Ouvrière) |
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Le Conseil d’Etat a rendu le 7 décembre 2015 un arrêt, destiné à la publication au Recueil Lebon, par lequel il prend position sur l’étendue du contrôle devant être exercé par l’administration invitée à valider un accord collectif majoritaire déterminant le contenu d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Entendant rendre un arrêt de principe, le Conseil d’Etat propose à la lecture un considérant qui n’a rien d’elliptique. « S’il résulte notamment des dispositions de l’article L. 1233-57-3 du code du travail que, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’homologation d’un document élaboré unilatéralement par l’employeur en application de l’article L. 1233-24-4 du même code, il appartient à l’administration de s’assurer du respect par le plan de sauvegarde de l’emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code et d’apprécier, à ce titre, si les mesures prévues par ces articles et contenues dans le plan sont de nature à satisfaire les objectifs de maintien dans l’emploi et de reclassement des salariés compte tenu, notamment, des moyens dont dispose l’entreprise ou le groupe, il résulte en revanche, des dispositions du 3° de l’article L. 1233-57-2 du code du travail citées au point 5 que, lorsque, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi a été déterminé par un accord collectif majoritaire signé dans les conditions prévues à l’article L. 1233-24-1 du même code, l’administration doit seulement s’assurer de la présence, dans ce plan, des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 ; que par suite, le syndicat CGT Darty Ile-de-France ne peut utilement soutenir, pour contester la décision de validation litigieuse, que le plan de reclassement prévu par l’accord collectif est insuffisant au regard du nombre de postes vacants au sein de l’entreprise ». Cette interdiction faite à l’administration de s’assurer que le plan de reclassement est suffisant au regard du nombre de postes vacants au sein de l’entreprise a été présentée par Liaisons sociales comme un « ultime rappel » du Conseil d’Etat. Un commentateur de la Semaine sociale Lamy a préféré parler d’« épilogue provisoire » . Cette invitation à ne pas clore le débat provient d’un magistrat directement concerné par l’arrêt rendu le 7 décembre 2015 par le Conseil d’Etat. Il s’agit du Président de la chambre de la Cour administrative d’appel de Versailles qui a rendu l’arrêt contre lequel le syndicat CGT Darty Ile-de-France a formé un pourvoi. La lecture de l’arrêt du 24 juin 2014 de la Cour administrative d’appel de Versailles met en évidence une totale convergence entre les juges versaillais et le Conseil d’Etat. « Que, toutefois, lorsqu’elle est saisie d’une demande tendant à la validation d’un accord collectif majoritaire, l’administration doit seulement faire porter son contrôle sur la présence, dans le plan de sauvegarde de l’emploi, des éléments prévus aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 ; que, dans ce cadre, l’administration n’avait pas à se prononcer sur le nombre d’emplois offerts dans le plan de reclassement ni sur la validité des clauses figurant dans le projet de convention proposé aux salariés optant pour un départ volontaire ; que le plan de reclassement figurant dans l’accord collectif majoritaire du 12 septembre 2013 comprenait la liste des emplois offerts au reclassement et était par conséquent complet ». Mais trois mois ont suffi pour faire mûrir la réflexion de cette même chambre de la Cour administrative d’appel de Versailles, qui accepte le 30 septembre 2014 de contrôler la proportionnalité des efforts faits en matière de reclassement. « Que lorsqu’elle est saisie d’une demande tendant à la validation d’un accord collectif majoritaire, en application de l’article L. 1233-57-2 du même code, l’administration exerce son contrôle sur la présence, dans le plan de sauvegarde de l’emploi, des éléments prévus aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 ; (…) ; que l’administration n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que ces mesures présentaient un caractère suffisant » . Le Président de la chambre versaillaise a indiqué que ce propos plus nuancé que celui tenu par l’arrêt du 24 juin 2014 pouvait se retrouver dans les conclusions rendues sous l’arrêt du Conseil d’Etat par le rapporteur public Gaëlle DUMORTIER. Celle-ci, en effet, a cultivé la nuance, de manière un peu alambiquée. « Sans doute le contrôle de la « présence » d’une mesure peut-il intégrer le contrôle de sa densité suffisante pour qu’il y ait matière à parler d’une véritable « présence ». Il ne suffit pas que le plan de sauvegarde de l’emploi fasse état d’un plan de reclassement, il faut encore que ce dernier puisse être regardé comme tel pour que l’administration l’estime présent. Mais l’administration, saisie d’une demande de validation, n’a pas à aller au-delà et à contrôler le caractère suffisant du plan de reclassement ». On pourrait penser que, logiquement, le pas est vite franchi entre le contrôle de la « densité suffisante » et celui du « caractère suffisant » du plan de reclassement. Mais, par son arrêt du 7 décembre 2015, le Conseil d’Etat a tenu à maintenir un subtil distinguo entre la consistance et la suffisance des mesures contenues dans le plan de reclassement prévu par un accord collectif, quitte à affranchir l’autorité administrative de l’exercice du contrôle de qualification pourtant voulu par les règles d’ordre public auxquelles restent soumis les partenaires à l’accord définissant le contenu d’un plan de sauvegarde de l’emploi. [7] I. Une exigence incontournable : le plan conventionnel de sauvegarde de l’emploi doit traduire un effort de reclassement. L’arrêt du Conseil d’Etat du 7 décembre 2015 vise le 3° de l’article L. 1233-57-2 du Code du travail qui indique que l’autorité administrative invitée à valider l’accord collectif déterminant le contenu d’un plan de sauvegarde de l’emploi doit s’assurer de « la présence dans le plan de sauvegarde de l’emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 ». Pour accéder à l’intelligence de l’article L. 1233-57-2, il ne faut pas oublier son 1°, qui dispose que l’autorité administrative ne peut valider l’accord collectif sans avoir préalablement vérifié « sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ». Le 1° de l’article L. 1233-24-3 ne saurait passer inaperçu. Il indique très explicitement que l’accord collectif ne peut déroger à l’obligation d’effort de formation, d’adaptation et de reclassement incombant à l’employeur en application des articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1. L’article L. 1233-4 énonce la règle qui veut que « le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient ». Jusqu’à présent, les juges rappelaient à l’employeur que la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi ne le dispensait pas de son obligation de reclassement individuel à l’égard de chaque salarié en procédant à la recherche sérieuse voulue par l’article L. 1233-4 (ancien article L. 321-1, alinéa 3) du Code du travail. Les actuelles dispositions légales soulignent que les négociateurs qui construisent le dispositif conventionnel de reclassement sont soumis à l’obligation de mobiliser les forces de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient pour éviter les licenciements pour motif économique. A défaut d’un tel effort, si l’on s’en tient aux dispositions de l’article L. 1233-57-2 du Code du travail, l’accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi ne saurait être validé par l’autorité administrative. Il ne peut qu’être relevé que le caractère essentiel du respect par l’accord collectif de la règle générale de l’effort de reclassement n’a pas échappé aux services du Ministère du travail qui ont souligné, dans leurs instructions concernant la validation de l’accord collectif qu’il convient à la DIRECCTE de vérifier que l’accord ne déroge pas à l’obligation de reclassement incombant à l’employeur mentionnée aux articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1 du Code du travail. [9] L’obligation de reclassement, cette « obligation générale de prévention », « prioritaire, substantielle et continue » [10], a une place de tout premier rang dans la hiérarchie des normes. Se référant à la décision du Conseil constitutionnel du 13 janvier 2005, [11] les auteurs du Précis Dalloz de Droit du travail ont souligné que le droit au reclassement était devenu un « droit fondamental ». « L’obligation de reclasser est peut-être l’obligation la plus importante qui soit imposée à l’employeur au cours de la procédure de licenciement. Cette obligation est d’origine jurisprudentielle. Elle a été reprise et amplifiée par le le législateur (L. de 2002, 2003 et 2005) et est aujourd’hui consacrée par l’article L. 1233-4 du Code du travail. Le droit au reclassement a de surcroît été renforcé par la décision du Conseil constitutionnel du 13 janvier 2005, qui considère que ce droit au reclassement des salariés licenciés « découle directement » du « droit de chacun d’obtenir un emploi ». [12] Il ressort par ailleurs de l’avis du Conseil d’Etat du 25 septembre 2013 que l’obligation de reclassement est un « principe général du droit ». « Il résulte toutefois d’un principe général du droit, dont s’inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés dont l’emploi est supprimé que les règles du statut général de la fonction publique qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l’emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, qu’il incombe à l’administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d’un agent contractuel recruté en vertu d’un contrat à durée indéterminée pour affecter un fonctionnaire sur l’emploi correspondant sur l’emploi correspondant, de rechercher à reclasser l’intéressé ». [13] L’obligation de reclassement revêt donc le caractère d’un principe auquel il ne saurait être dérogé. Il sera noté que les termes du 1° de l’article L. 1233-24-3, qui indiquent fermement que l’accord collectif ne peut déroger à l’obligation d’effort de reclassement incombant à l’employeur en application des articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1, portent la marque du fameux avis du Conseil d’Etat du 22 mars 1973. « Une convention collective ne saurait légalement déroger ni aux dispositions qui, par leurs termes, présentent un caractère impératif ni aux principes fondamentaux énoncés dans la Constitution ou aux règles de droit interne ou, le cas échéant, international, lorsque ces principes débordent le domaine du droit du travail ou intéressent des avantages ou garanties échappant, par leur nature, aux rapports conventionnels ». [14] Comme l’a souligné Antoine LYON-CAEN, dans son commentaire des arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 13 février 1997, Les Grands magasins de la Samaritaine, un « plan » n’est pas un catalogue de mesures disparates. « La rationalisation d’une action, à travers l’imposition d’un plan, comme c’est le cas avec le plan social, mais aussi dans bien d’autres domaines où l’institution d’un plan s’est épanouie, invite à regarder l’action comme un ensemble de moyens soumis à une fin ». [15] Par un arrêt du 28 mars 2000, la Cour de cassation a refusé de valider le raisonnement des juges du fond qui proposaient de considérer qu’une seule mesure, par son efficacité, pouvait être de nature à assurer le maintien de l’emploi et l’employeur n’était dès lors pas tenu de faire figurer dans le plan social toutes les mesures de recherche de reclassement pouvant être répertoriées. En rendant un arrêt de cassation, la Chambre sociale a rappelé le principe qui veut que le plan social traduise l’effort visant à mettre en œuvre, dans la recherche du reclassement, toutes les mesures possibles en fonction des moyens dont dispose l’entreprise. [16] La règle selon laquelle « le contenu du plan social doit reposer sur une règle de proportionnalité ente les moyens dont dispose l’entreprise et les mesures qu’elle propose de mettre en œuvre » [17] vaut a fortiori, dans tous les cas de figure, pour un « plan de sauvegarde de l’emploi ». La construction du plan doit répondre à l’incontournable exigence de l’effort de reclassement. L’accord déterminant le contenu du plan, avant d’être validé, ne saurait donc échapper au contrôle de proportionnalité. II. L’examen par l’autorité administrative de la demande de validation implique nécessairement un contrôle de la qualification des mesures présentées par l’accord. La critique de la solution proposée par l’arrêt du Conseil d’Etat du 7 décembre 2015 sera vraisemblablement dénoncée par certains comme la volonté d’engager un mauvais procès tentant de dénigrer une négociation collective menée entre partenaires responsables et conscients des intérêts de leurs mandants. Mais la conclusion d’un accord collectif valant « plan de sauvegarde de l’emploi » ne fait pas taire toute inquiétude sur la réelle intransigeance des signataires syndicaux au regard de la défense de d’emploi, à une époque où la conclusion d’un « accord de maintien de l’emploi » peut être présenté comme légitimant des mesures de licenciement. [18] La vigilance ne doit pas être relâchée et, avant de délivrer une décision de validation, il semble nécessaire, si l’on n’oublie pas que le droit du reclassement est régi par une « obligation de loyauté », [19] de s’assurer de la « loyauté de la négociation collective ». [20] Il appartient dès lors à l’autorité administrative de vérifier si les mesures de reclassement présentées par l’accord collectif méritent la qualification de « plan » mettant en œuvre l’effort de reclassement voulu par la loi. Si l’on donne tout son sens au principe fondamental de l’effort de reclassement, l’examen devrait relever du « contrôle normal » et d’un « plein contrôle de proportionnalité », « se traduisant par la mise en œuvre d’une méthode exigeante d’appréciation de la qualification des faits ». [21] Habituellement, c’est sur le débiteur de l’obligation de reclassement que pèse la charge de la preuve de l’impossibilité du reclassement. [22] IL serait donc logique que l’administration soumette à une enquête serrée, au regard des moyens dont dispose l’entreprise et, éventuellement, les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient, les dispositions conventionnelles se prélavant de la qualité de « plan de sauvegarde de l’emploi ». Néanmoins, il faut savoir vivre avec l’effet de mode. La négociation collective semble être en vogue du côté du Conseil d’Etat. Le Président de sa section sociale vient de remettre un rapport destiné à la « doper ». [23] Il ne serait dès lors guère surprenant que le Conseil d’Etat se laisse influencer par l’aménagement de la charge de la preuve opéré par les arrêts rendus le 27 janvier 2015 par la Cour de cassation dans le contentieux suscité par la confrontation entre la négociation collective et cet autre principe fondamental qu’est le principe d’égalité. L’attendu du juge judicaire est formulé de la manière suivante : « Les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées, de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ». [24] L’explication par le conseiller doyen à la Chambre sociale est particulièrement éclairante. « La présomption du caractère justifié des différences de traitement opérées entre catégories professionnelles déplace la charge de la preuve. C’est au salarié qui entend combattre la présomption de prouver que les différences opérées sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. N’est-ce pas remettre les choses à l’endroit que de présumer licite un accord collectif ? C’est en tout cas libérer les négociateurs du soupçon qui pesait a priori sur ces dispositions. C’est conférer à la négociation collective et à son résultat une sécurité juridique que beaucoup se plaignaient d’avoir perdue du fait des risques de contentieux ultérieurs à l’issue incertaine, car liée en partie à une habileté argumentative plus qu’à des certitudes juridiques ». [25] Si le juge administratif se laisse emporter par cette dynamique de la négociation collective et par le déplacement de la charge de la preuve qui en résulte, il peut demander à l’administration invitée à se prononcer sur la conformité de l’accord collectif au principe de l’effort de reclassement de faire basculer le « contrôle normal » vers le « contrôle restreint ». « En cas de contrôle normal, la décision doit être en rapport exact avec les faits, qui doivent être exactement de nature à la justifier juridiquement. En cas de contrôle restreint, il suffit qu’il n’y ait pas de disproportion manifeste. C’est important : la liberté d’appréciation de l’administration subsiste, mais elle doit en user de façon raisonnable. L’importance du contrôle de proportionnalité ainsi assuré ne doit pas dissimuler que ce contrôle porte sur la qualification juridique. Ce n’est pas un contrôle de type nouveau. C’est un contrôle limité à la qualification juridique des faits. Censurer une décision pour cause d’erreur manifeste d’appréciation, c’est la censurer parce que, manifestement, les faits ne sont pas de nature à la justifier juridiquement ». [26] Si l’on rentre dans une logique de « contrôle restreint », l’autorité administrative serait en droit de demander à celui qui lui demande de ne pas valider un accord collectif déterminant le contenu d’un plan de sauvegarde de l’emploi de lui présenter des éléments faisant ressortir que, manifestement, les mesures figurant dans l’accord ne peuvent prétendre à la qualification d’un « plan » mettant en œuvre un réel effort de reclassement. Mais le « contrôle de qualification » ne peut disparaître. Le Conseil d’Etat ne saurait légitimement persister dans sa jurisprudence Darty. Si le« contrôle restreint » devait se borner à la seule vérification de l’exactitude matérielle de la présence de mesures de reclassement, le principe d’un réel effort serait rapidement soluble dans l’accord à bon marché. |
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Décret n° 2015-1917 du 30 décembre 2015 modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la refonte de la carte des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, à leur composition et aux conditions d'exercice des mandats de leurs membres |
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Publics concernés : collectivités territoriales, services de l'Etat intéressés, représentants de l'Etat, usagers. Objet : refonte de la carte des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux et modification de leur composition ainsi que des conditions d'exercice des mandats de leurs membres suite à l'évolution de la carte des régions. Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur au lendemain de sa publication. Notice : la liste des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux et leur composition doivent être modifiés afin de tenir compte de l'évolution de la carte régionale opérée par la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Les conditions d'exercice des mandats des membres des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux sont adaptés en conséquence de l'évolution de la population des régions et de l'effectif de ces conseils. Références : le code général des collectivités territoriales (partie réglementaire) modifié par le présent décret peut être consulté, dans sa version issue de cette modification, ainsi que le présent décret, sur le site Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr).
Le Premier ministre, Sur le rapport de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, Vu le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles L. 4134-1, L. 4134-2, L. 4134-7, L. 7124-1, L. 7124-3, L. 7124-8, L. 7226-1, L. 7226-3, L. 7226-8, R. 4134-1, R. 4134-4, R. 4134-6, R. 4134-8, R. 4134-12, R. 4134-24, R. 4134-26, R. 7124-24 et R. 7226-24 ; Vu la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, notamment son article 21 ; Vu la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, notamment son article 2 ; Vu la saisine du conseil régional de Guyane en date du 16 novembre 2015 ; Vu la saisine du conseil régional de Martinique en date du 13 novembre 2015 ; Vu la saisine du conseil départemental de Guyane en date du 16 novembre 2015 ; Vu la saisine du conseil départemental de Martinique en date du 13 novembre 2015 ; Vu l'avis du Conseil national d'évaluation des normes du 3 décembre 2015 ; Le Conseil d'Etat (section de l'intérieur) entendu, Décrète : Chapitre Ier : Dispositions pérennes Article 1
I. - A compter du prochain renouvellement des membres des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, le tableau mentionné à l'article R. 4134-1 du code général des collectivités territoriales et constituant l'annexe XI de ce code est remplacé par le tableau annexé au présent décret. II. - A compter du 1er janvier 2018, aux articles R. 4134-24, R. 7124-24 et R. 7226-24 du code général des collectivités territoriales, le taux : « 50 % » est remplacé par le taux : « 45 % ». Article 2
Au IV de l'article R. 4134-4 du code général des collectivités territoriales, les mots : « 15 et 30 octobre » sont remplacés par les mots : « 15 et 31 décembre », et le mot : « novembre » est remplacé par le mot : « janvier ». Au sixième alinéa de l'article R. 4432-10 du même code, les mots : « 15 et 30 novembre » sont remplacés par les mots : « 15 et 31 décembre » et le mot : « décembre » est remplacé par le mot : « janvier ». Chapitre II : Dispositions transitoires Article 3
I. - Par dérogation à l'article R. 4134-6 du code général des collectivités territoriales, le mandat des membres des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux désignés en octobre 2013 prend fin au 31 décembre 2017. II. - Par dérogation à l'article R. 4134-12 du code général des collectivités territoriales, les bureaux des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux des régions dont le périmètre n'est pas modifié par la loi du 16 janvier 2015 susvisée sont maintenus jusqu'au 31 décembre 2017. III. - A titre transitoire, du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux des régions regroupées en application de la loi du 16 janvier 2015 susvisée sont composés de l'ensemble des membres des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux des régions qu'elles regroupent. Article 4
I. - Pendant la période transitoire du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, par dérogation à l'article R. 4134-24 du code général des collectivités territoriales, les membres des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux des régions regroupées en application de la loi du 16 janvier 2015 susvisée perçoivent, pour l'exercice effectif de leurs fonctions, une indemnité égale au plus à 40 % de l'indemnité maximale de fonction pouvant être allouée à un conseiller régional de la même région, en application de l'article L. 4135-16 du même code. II. - Pendant cette période transitoire, dans les régions regroupées en application de la loi du 16 janvier 2015 susvisée, par dérogation à l'article R. 4134-26 du code général des collectivités territoriales : 1° Les vice-présidents des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux ayant reçu délégation du président perçoivent, pour l'exercice effectif de leurs fonctions, une indemnité au plus égale à l'indemnité définie au II du présent article, majorée d'un coefficient de 1,9 ; 2° Les membres du bureau des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, autres que les vice-présidents ayant reçu délégation du président, perçoivent, pour l'exercice effectif de leurs fonctions, une indemnité au plus égale à l'indemnité définie au II du présent article, majorée d'un coefficient de 1,3. Article 5
L'article R. 4134-8 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Par dérogation au précédent alinéa, dans les régions regroupées en application de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, les règles de détermination des lieux de réunion du conseil économique, social et environnemental régional sont fixées par le conseil régional dans les conditions prévues au II de l'article 2 de la loi du 16 janvier 2015 précitée. » Article 6
I. - A titre transitoire, dans l'attente de l'installation du conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Guyane prévu à l'article L. 7124-1 du code général des collectivités territoriales, le conseil économique, social et environnemental régional de Guyane et le conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement de la région de Guyane demeurent en fonctions jusqu'au 31 décembre 2016 au plus tard. A compter de la date d'installation de l'assemblée de Guyane et jusqu'au 31 décembre 2016 au plus tard, ces deux conseils sont placés auprès de la collectivité territoriale de Guyane. Le régime indemnitaire applicable aux membres de ces deux conseils le demeure jusqu'à la date d'installation du conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Guyane. II. - A titre transitoire, dans l'attente de l'installation du conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Martinique prévu à l'article L. 7226-1 du code général des collectivités territoriales, le conseil économique, social et environnemental régional de Martinique et le conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement de la région de Martinique demeurent en fonction jusqu'au 31 décembre 2016 au plus tard. A compter de la date d'installation de l'assemblée de Martinique et jusqu'au 31 décembre 2016 au plus tard, ces deux conseils sont placés auprès de la collectivité territoriale de Martinique. Le régime indemnitaire applicable aux membres de ces deux conseils le demeure jusqu'à la date d'installation du conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Martinique. Article 7
Le ministre de l'intérieur, la ministre de la décentralisation et de la fonction publique et la ministre des outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
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La RATP condamnée pour un énième déni au droit de grève |
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lundi 30 novembre 2015 par Marie-Laurence NEBULONI CA Paris Le 16 octobre 2015.pdf Les lecteurs de Chronique ouvrière sont désormais familiarisés avec les pratiques de la direction de la RATP face aux mouvements de grève. Que ce soit par la sanction disciplinaire, ou pécuniaire, celle-ci a toujours dépensé beaucoup d’énergie et de moyens à combattre le droit constitutionnel de grève. Beaucoup plus, en tout cas, qu’à chercher à comprendre les raisons de l’exaspération des salariés, laquelle les contraint à sacrifier une partie de leur salaire pour se faire entendre. Pour la première fois, à notre connaissance, les pratiques très répandues dans l’entreprise publique de discrimination en matière de déroulement de carrière sont ici condamnées. Ce que chaque agent ne peut ignorer, qu’il est « mal vu » de participer à un mouvement de grève, sans être en capacité de le démontrer, le juge le confirme. Condamnée par le Conseil de prud’hommes de PARIS en sa formation de départage le 14 mars 2013, pour avoir discriminé un de ses agents en raison de la participation de ce dernier à un mouvement de grève, la RATP fit appel de la décision. Mal lui en prit. De façon maladroite, et même étonnante de la part d’une entreprise qui s’enorgueillit de disposer d’un service juridique de plus de 50 personnes, la RATP, dans ses conclusions et à la barre, avait basé l’essentiel de son argumentation sur le fait que le salarié intimé n’était pas un militant syndical, ce que le présent arrêt résume par « La RATP fait valoir que M. BIANCONI ne remplit pas les conditions de l’article L.1132-1 car il n’établit pas le motif de la discrimination dont il s’estime victime ». C’est parfaitement exact. Le salarié n’a jamais prétendu faire l’objet d’une discrimination syndicale. Mais ce n’était pas l’objet du litige et la présence de l’UGICT CGT partie intervenante était pleinement justifiée par la seule défense du droit de grève. A la fin des plaidoiries, la Cour, comme souvent, a suggéré (lourdement) aux parties de recourir aux services du médiateur. Comme toujours, la RATP n’a pas donné suite. Une erreur de plus, car les juges ont frappé fort. Ils ont fait droit à l’intégralité des demandes de l’agent, aggravant ainsi considérablement la condamnation de première instance. Il est intéressant de constater que la Cour a suivi l’argumentation du salarié quant aux chefs de préjudices sollicités. Furent réparés non seulement les préjudices financier et moral découlant de la perte de salaires subie du fait d’un positionnement inférieur à ce qu’il aurait dû être, mais également les effets de cette perte sur la pension de retraite, y compris ceux d’une augmentation de 20 points qui avait été promise à l’intimé mais ne fut jamais accordée. L’intérêt du jugement du Conseil de Prud’hommes de PARIS résidait dans l’application stricte de l’article L.1132-1 du Code du travail : un panel de référence solide établissant un écart de rémunération par rapport à la moyenne + aucune justification objective de l’employeur = discrimination. La Cour d’Appel confirme cette analyse, y ajoutant la réparation de la totalité des préjudices ; étant observé que la perte des droits à la retraite n’est d’ordinaire pas une demande facile à obtenir. Au surplus, les sommes allouées de ce chef le sont sur la base d’un calcul précis et non d’une évaluation souveraine, ce qui en augmente d’autant l’intérêt. Les juges soulignent ainsi les effets sur le long terme que produit une discrimination. L’arrêt est également remarquable par la place qu’il accorde à l’organisation syndicale qui s’était portée partie intervenante. Non seulement est reconnue la défense de l’intérêt collectif de la profession, mais aussi « l’assistance technique apportée par le syndicat au salarié pour formaliser et étayer sa demande de réparation de la discrimination ». Une telle motivation conforte le bienfondé de l’existence de l’article L.2132-3 du Code du travail, lequel nous rappelle que les syndicats aussi sont au cœur de l’action prud’homale. Qu’il nous soit d’ailleurs ici permis de rendre ici hommage au camarade qui avait représenté l’UGICT devant le Conseil de Prud’hommes et qui est malheureusement décédé entre les deux instances. Une décision exemplaire à plus d’un titre, de nature à dissuader un employeur rétif aux droits fondamentaux de pratiquer la discrimination comme méthode habituelle de management (c’est la prévision optimiste). Une décision dont les syndicats peuvent s’emparer pour combattre l’obsession patronale d’asphyxier les défenses collectives des salariés. Une décision qui va dans le sens de l’intérêt collectif des salariés, donc de l’entreprise qui n’en fonctionnera que mieux si les agents qui la composent travaillent dans un climat serein, dépourvu de stress inutile. Une décision qui confirme la nécessité de l’existence d’un code du travail fort et respecté, à l’inverse du discours dominant aujourd’hui asséné. |
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Règlement intérieur : compétence des CHSCT locaux, pas de l’ITC ! (Chronique Ouvrière) |
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vendredi 23 octobre 2015 par Stéphane GAMEROFF et Adrien PETTRE (CGT Schindler) Créée par le fameux accord national interprofessionnel (ANI) entré en vigueur en janvier 2014, l’instance temporaire de coordination des comités hygiène sécurité et conditions de travail (ITC-CHSCT) en est encore à ses balbutiements. Les militant(e)s et élu(e)s syndicaux en général, et celles et ceux qui sont amené(e)s à y siéger en particulier, n’ont qu’à peine eu le temps de mesurer l’utilité – douteuse – et les effets – destructeurs - de cette nouvelle instance. Dans le même temps, la mise en œuvre de cette nouvelle disposition donne lieu également à de premiers contentieux, qui permettent de mesurer plus précisément l’usage que le patronat entend faire des facilités qui lui ont été accordées. Plusieurs juridictions, saisies récemment, ont donc eu l’opportunité de se prononcer sur ces questions. Ainsi, le tribunal de grande instance (TGI) de Versailles a été saisi au mois de janvier 2015, en référé, par la société Schindler qui entendait soumettre la consultation de son nouveau règlement intérieur à l’ITC ad hoc, convoquée par ses soins. Par ce biais, la direction de l’entreprise espérait bénéficier des toutes les facilités inhérentes à cette nouvelle procédure : délais préfix (raccourcis par rapport aux précédentes procédures d’information-consultation), une seule expertise centralisée, avis implicite au terme du délai… Dans le même temps, la même entreprise saisissait le TGI de Toulouse aux fins d’obtenir l’annulation de la décision du CHSCT de l’établissement Schindler Sud-Ouest d’avoir recours au service d’un expert, aux fins d’être en mesure de rendre un avis éclairé concernant le nouveau règlement intérieur que l’entreprise souhaitait mettre en place. À la suite de cette décision concernant l’expertise, d’autres ordonnances allant dans le même sens ont été prononcées par les TGI de Grenoble et Nanterre. Seul le TGI de Créteil a fait le choix de surseoir, dans l’attente de la décision relative à l’appel en cours concernant la décision du TGI de Versailles. I. Petit rappel sur le fonctionnement de l’ITC La transposition dans la loi de l’ANI a donc créé, particulièrement dans les entreprises multi-établissements disposant de plusieurs CHSCT, la possibilité de mettre en place, à l’occasion de projets dont le périmètre imposerait la consultation de plusieurs CHSCT, une instance temporaire dans laquelle les différents CHSCT se trouvent représentés le temps de l’examen du projet. A partir du moment où l’ITC est mise en place, plusieurs données sont à prendre en considération : — L’ITC est mise en place à l’initiative de l’employeur qui le souhaite, qui détermine le périmètre pertinent de son projet et par conséquent le nombre de CHSCT concernés – ce qui impacte la composition de l’ITC et donc le nombre d’élus qui siègent — Une seule expertise peut être réalisée, mandatée par l’ITC (exit donc les multiples expertises par des cabinets différents pouvant conduire à l’annulation en justice d’un projet, comme ce fut le cas à la FNAC par exemple) — Un calendrier préfix est déterminé par le début de la consultation du Comité d’Entreprise, au terme duquel, en l’absence d’avis, l’avis de l’ITC est réputé négatif. C’est la notion d’avis implicite. — Une fois la consultation terminée, l’instance disparaît, ce qui évite tout désagrément dans le suivi du projet, tels que la nécessité de transmettre un courrier de l’inspection du travail par exemple (« il n’y a plus d’abonné au numéro que vous demandez ») II. Dans quel cas mettre en place l’ITC ? Prenant en compte l’ensemble des avantages que lui confère cette ITC, la direction Schindler qui se trouvait dans l’obligation de mettre à jour son règlement intérieur datant de 1983, décidait de mettre en place une ITC-CHSCT sur le sujet, arguant tout à la fois du caractère national du projet (ce nouveau règlement intérieur devant couvrir l’ensemble des établissements de la société, au nombre de 9 au jour du lancement du projet, soit un total de 11 CHSCT locaux, l’établissement Île-de-France comptant 3 CHSCT) et de son caractère important tel que défini par l’art L.4612-8. En revanche, les élus CGT de cette instance, majoritaires, n’en avait pas la même interprétation. En effet, compte-tenu de l’art. L.4616-1, les élus défendaient que la consultation relative à la mise en place ou à la modification du règlement intérieur, régie par un article spécifique (art L4612-12), ne comptait pas au nombre des consultations permettant la mise en place de l’ITC. Cette disposition devait primer sur la question du caractère important du projet. Les CHSCT locaux restaient donc compétents sur le sujet. Par conséquent, lors de la convocation de la première réunion de l’ITC, ayant pour objet la désignation du secrétaire de l’instance, aucun candidat ne se présentait au poste de secrétaire : pas de secrétaire, pas d’instance de coordination. En effet, il aurait été contradictoire de contester la légitimité de l’instance tout en acceptant sa mise en place, ce qui par ailleurs aurait lancé un compte-à-rebours particulièrement serré (nous passons les détails rocambolesques d’une première désignation d’un salarié en congé lors de l’élection, suivie d’une démission dudit secrétaire à son retour de congé et d’une nouvelle convocation pour désignation d’un nouveau secrétaire). Malgré l’absence d’une ITC-CHSCT constituée, la direction consultait les CHSCT locaux dont certains votaient des expertises. Face à cet état de fait, la direction Schindler saisissait le juge des référés, afin de contraindre les élus à désigner un secrétaire et à faire fonctionner l’instance. Elle assignait donc la totalité des membres de l’ITC, individuellement, soit 33 personnes, pour trouble manifestement illicite causé par le refus de désignation d’un secrétaire. Par ailleurs, la manœuvre aurait conduit, dès lors que le secrétaire aurait été désigné, à considérer la consultation validée, suite à l’épuisement du délai préfix intervenu le 26 janvier 2015. La ficelle était grosse mais la direction Schindler ne doutait pas de son bon droit : dès fin février 2015, le nouveau règlement intérieur était affiché dans l’ensemble des établissements, à titre d’information, pour une entrée en vigueur prévue le 16 mars 2015 ! III. Pas d’ITC pour le règlement intérieur, c’est une compétence des CHSCT locaux. Par décision rendue le 10 mars 2015, le TGI de Versailles est venu trancher la discussion. Il suffit de citer ici la décision, qui se passe de commentaire : « La consultation sur un projet en matière de règlement intérieur figure à l’article L.4612-12 du code du travail et elle est donc exclue de la liste limitative des consultations figurant à l’article L.4616-1 sus-visé. Dès lors, et quand bien même le projet de modification du règlement intérieur de la société SCHINDLER serait un projet important au sens de l’article L.4612-8, il est régi par un texte spécial à savoir l’article L.4612-12 qui réserve aux seuls CHSCT et non à l’ITC CHSCT l’examen des projets de règlement intérieur de l’employeur ». L’employeur se trouve contraint de reprendre par conséquent l’ensemble de la procédure d’information consultation. Et ne peut s’opposer à ce qu’un CHSCT ait recours aux services d’un expert à ce sujet. C’est le sens de l’ordonnance rendue par le TGI de Toulouse, qui elle aussi se passe de commentaire : « Or, les dispositions des articles L 4612-8, L 4612-9, L 4612-10 et L 4612-13 qui délimitent donc les situations où l’ITC des CHSCT peut être réunie pour consultation, n’incluent pas celle d’un projet touchant au règlement intérieur, laquelle est spécifiquement visée par les dispositions de l’article L 4612-12 du Code du travail. Cet article impose en effet la consultation des CHSCT sur les documents se rattachant à sa mission, et notamment sur le règlement intérieur. Dans ces conditions, et alors qu’il est admis que l’ITC des CHSCT ne peut pas être consultée en matière de modification du règlement intérieur, la décision prise par la SA SCHINDLER de la réunir dans le cadre de son nouveau projet ne saurait faire obstacle à la consultation du CHSCT de l’établissement sud-ouest édictée par l’article L 4612-12 rappelé ci-dessus. Dans le cadre de cette consultation exclusive, le CHSCT peut recourir à une mesure d’expertise si, ainsi que l’énonce l’article L 4614-12 2°) du Code du travail, il s’agit d’un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l’article L 4612-8 du Code du travail. La référence à ce dernier article, également visé dans le champ de consultation de l’ITC des CHSCT, n’ouvre pas une possibilité de consultation de cette instance, dès lors que le projet important en cause procède à une modification du règlement intérieur dont la consultation préalable ne relève, ainsi qu’il vient d’être rappelé, que de la compétence des CHSCT. » IV. Une maladresse du législateur ? Dans le premier commentaire publié concernant cette décision [1] (commentaire rédigé par un membre éminent du cabinet Capstan), le docteur en droit Jean-Benoît Cottin se désole de « la maladresse de rédaction du texte légal », qui conduirait à une situation contradictoire selon lui : autoriser plusieurs expertises pour un projet important. Notre bon docteur oublie, tout à sa préoccupation de la défense des intérêts patronaux et de leur découverte que l’ANI 2014 est loin d’être la martingale escomptée, que le règlement intérieur est en définitive un projet propre à chaque établissement. Dans le même mouvement, le bon docteur avoue benoîtement avoir revu sa position : « Si nous avions pu écrire, au lendemain de la publication de la loi de sécurisation de l’emploi, que l’énumération légale des hypothèses de réunion de l’ICCHSCT était peut-être limitative (JCP S 2013, 1264), l’épreuve de la pratique oblige à reconsidérer l’analyse et nous conduit désormais à penser que les termes du débat ne doivent pas être posés de la sorte. » L’épreuve de la pratique en question à très certainement à voir avec la nécessité de rassurer sa clientèle patronale… Les organisations patronales et leurs conseillers ayant largement participé à la rédaction du texte de l’ANI, dont la loi est bien souvent une simple transposition, nous ne saurions que trop conseiller aux cabinets patronaux de mieux relire leur copie ! L’activité de lobbying sur ces questions a cependant commencé à porter ses fruits, la loi Rebsamen ayant poursuivi le travail de sape engagé par la signature de l’ANI en 2014. Cependant, l’article L 4612-12 est parvenu à échapper aux attentions des différents chargés d’affaire du patronat ! Contrairement à l’argumentaire développé par le cabinet Capstan, dans l’espoir de renverser la jurisprudence, il faut rappeler que le règlement intérieur, régissant en particulier les questions de discipline, n’est pas un projet parmi d’autres. Il ne saurait y avoir à ce propos la moindre « maladresse » du législateur, mais bien un rappel essentiel : le règlement intérieur déterminant dans une très grande part, l’ensemble des garanties de fond permettant à un salarié de se défendre face au pouvoir disciplinaire de l’employeur, il se trouve régi par des textes spécifiques. Et la Cour de Cassation se montre particulièrement tatillonne à ce propos, comme le montrent les derniers arrêts concernant la question de l’affichage du règlement intérieur par exemple. Reste à déterminer, une fois tranchée cette question du recours à l’ITC-CHSCT en ce qui concerne le règlement intérieur, une autre question, qui est loin d’être négligeable : l’employeur, trop confiant, ayant procédé au retrait d’affichage de l’ancien règlement afin d’afficher un règlement intérieur se révélant inapplicable faute d’avoir effectué les consultations règlementaires, peut-il réafficher l’ancien règlement intérieur sans pour autant consulter les instances représentatives du personnel, et alors même que ce règlement intérieur comporte des clauses illégales ou que certaines clauses obligatoires en sont absentes ? Une fois un règlement intérieur retiré de l’affichage et un second, affiché, déclaré inapplicable, que reste-t-il précisément du droit disciplinaire de l’employeur ? Gageons que cette situation est riche de nouveaux contentieux ! |
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Reconstituer la communauté de travail : un livret mis à la disposition des organisations syndicales (Chronique Ouvrière) |
|  | jeudi 15 octobre 2015 Commentaire du syndicat CGT-HPE :
Les débats sur la négociation concernant le dialogue social ont montré, s’il en était encore besoin, à quel point le patronat exècre les institutions représentatives du personnel. Déconstruire artificiellement ce qui constitue la communauté de travail est un moyen, pour lui, d’échapper à la mise en place d’un délégué syndical, d’un comité d’entreprise et d’un CHSCT, voire de délégués du personnel ou de réduire au minimum la représentation du personnel. C’est aussi, et ce n’est pas le moindre des buts patronaux, isoler les salariés (quand ce n’est pas les opposer !) pour mieux les exploiter. L’objet de ce livret, mis à la disposition des structures syndicales par la CGT des Hôtels de Prestige et Economiques (CGT-HPE) est de convaincre les militants de l’intérêt syndical de reconstituer la « Communauté de travail » et de leur donner les outils juridiques pour y parvenir. Les luttes menées par la CGT-HPE qui illustrent nos propos se sont déroulées dans le secteur hôtelier (partie 1) mais elles sont duplicables dans tous les secteurs qui ont recours à la sous-traitance, que ce soit pour assurer la production des biens ou services vendus par l’entreprise ou pour offrir des services annexes tels que la restauration collective, l’entretien ou le gardiennage des locaux. Les multiples procédures judiciaires ouvertes avec succès par la CGT-HPE pour faire reconnaître la communauté de travail ont permis au syndicat d’élaborer une stratégie gagnante pour les salariés. L’argumentaire juridique développé (partie 2) peut être utilisé par tous ceux qui, comme nous, sont scandalisés et ulcérés des traitements discriminatoires mis en œuvre par le patronat pour faire toujours plus de profits sur le dos des salariés les plus fragiles. |
Le directeur du McDo de Passy a un problème avec la grammaire et avec la CGT (Chronique Ouvrière) |
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vendredi 18 septembre 2015 par Pascal MOUSSY Benoît est étudiant en art dramatique. Comme l’apprentissage du théâtre ne nourrit pas forcément son homme, il gagne quelques maigres subsides en travaillant comme équipier polyvalent au restaurant de Passy de la société McDonald’s Paris Sud. Benoît était souvent amené à participer à des représentations théâtrales qui avaient lieu le samedi, soit dans le courant de l’après-midi, soit en début de soirée. Il était également planifié pour travailler le samedi au McDo. Mais comme McDonalds a à cœur d’encourager les jeunes talents, des arrangements étaient trouvés pour que la planification des (brillantes) interventions de Benoît en qualité d’équipier polyvalent tienne compte des changements intervenant dans le moment des représentations théâtrales (passant du samedi soir au samedi après-midi ou inversement). C’est dans ce contexte qu’à la mi-février 2014, Benoît apprenait que la programmation du théâtre allait changer et qu’il était prévu qu’il participe à des représentations prévues pour les samedis 15 et 22 mars 2014 en début de soirée. Benoît demandait alors au directeur du restaurant s’il lui était possible de prendre en en compte ce changement. Il lui était répondu que cela ne posait pas de problème et il lui était demandé d’écrire les dates des deux représentations sur un bout de papier pour pouvoir organiser la modification de la planification de Benoît. Il était convenu que Benoît et le directeur du restaurant se revoient le 1er mars 2014 pour entériner le changement de disponibilité de Benoît. Cette rencontre n’ayant pu avoir lieu à l’heure prévue, Benoît laissait un courrier rappelant son indisponibilité pour les 15 et 22 mars en début de soirée et demandant un changement de sa planification à partir du mois d’avril. N’ayant pas vu le planning modifié, Benoît demandait au directeur du restaurant si celui-ci se rappelait de son indisponibilité pour le 15 mars. Il lui était répondu oralement que c’était bon, qu’il n’y avait pas de problème. Le 15 mars 2014 à 20 h 45, Benoît participait au théâtre du Nord-Ouest à la représentation de Richard II. Il se présentait ensuite au restaurant à 22 h 28 pour assurer la suite de son service. Il ne lui était alors adressé aucun courrier lui demandant des explications ou formulant des reproches à propos de son horaire d’arrivée le 15 mars. Benoît n’est pas seulement un étudiant passionné par l’art dramatique. C’est également un salarié conscient. Le 18 mars 2014, il répondait à l’appel des organisations syndicales et participait à la journée de grève interprofessionnelle organisée pour protester contre le « pacte de responsabilité ». Ce qui provoquait un mouvement de mauvaise humeur de la part du directeur du restaurant qui, par son courrier du 11 avril 2014, informait Benoît qu’il était dans l’impossibilité d’accepter sa demande de changement de disponibilité à partir du mois d’avril. Mais Benoît devait aussi se révéler comme un syndicaliste consciencieux. Le 14 avril 2014, le directeur du restaurant prenait connaissance du courrier de Benoît lui demandant l’autorisation de s’absenter pour participer à un stage organisé par la « formation syndicale CGT ». La coupe était pleine. Le 24 avril 2014, Benoît était convoqué à un entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement et, par courrier du 15 mai 2014, le directeur du restaurant notifiait à Benoît son licenciement pour faute grave. La lettre de licenciement reprochait à Benoît le retard injustifié à son poste de travail survenu le samedi 15 mars 2014. Le retard du 15 mars, qui n’avait jusqu’alors fait l’objet d’aucune remontrance particulière de la part de la direction du restaurant, devenait subitement un drame, plus d’un mois après, mais quelques jours après la découverte du sérieux avec lequel Benoît entendait se lancer dans le syndicalisme avec la CGT. La Cour d’appel de Paris, intervenant en qualité de juge des référés, n’a pu que constater le trouble manifestement illicite constitué par un licenciement en réalité motivé par l’activité syndicale de Benoît. Pour tenter de convaincre d’une absence de discrimination, la société McDonald’s a plaidé devant les juges que Benoît avait été traité avec impartialité, dans le cadre de la « lutte contre l’absentéisme », quatre de ses collègues de travail ayant été licenciés pour le même motif que celui inscrit dans la lettre de licenciement de Benoît. La Cour d’appel a relevé que les autres salariés cités par McDonald’s avaient été licenciés pour « retards injustifiés et répétés » ou pour « absence injustifiée ». Et les juges ont rappelé que l’article 8 du règlement intérieur applicable au McDo de Passy, consacré aux « retards et absences », distingue les « retards injustifiés et répétés » et « l’absence injustifiée » du premier retard et que celui-ci n’est pas considéré comme une cause de sanction disciplinaire. C’est à la suite de son premier retard que Benoît a fait l’objet d’une procédure de licenciement pour faute grave. Aveuglé par son anticégétisme primaire, le directeur du McDo de Passy, commettant une grosse faute de grammaire, a lu le règlement intérieur en ne faisant pas la distinction entre le pluriel et le singulier. La Cour d’appel a également souligné la concomitance entre la demande de congé pour suivre la formation syndicale et l’engagement de la procédure de licenciement. La discrimination syndicale a donc été appréhendée par le juge des référés et la société McDonald’s Paris Sud a été condamnée à poursuivre le contrat de travail de Benoît. Le directeur du McDo de Passy va peut-être prendre le temps de lire l’arrêt rendu par la Cour d’appel et d’en retenir la leçon. Lors de son prochain retour sur son lieu de travail et d’activité syndicale, Benoît peut connaître la joie de se voir accueilli par son directeur lui tendant les bras et déclamant : « Reviens, je ne te hais point ! » |
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Reconstituer la communauté de travail : encore et toujours ! (Chronique Ouvrière) |
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Mardi 18 août 2015 par Claude LEVY Il aura fallu une assignation devant le TGI de Paris délivrée début juin par un « petit » syndicat , la CNT SOLIDARITÉ OUVRIÈRE, pour que de « grandes » Fédérations syndicales ouvrières dénoncent le 15 juin 2015, enfin, l’avenant illégal n° 15 du 25 février 2009 à la convention Collective Nationale de la manutention ferroviaire et travaux annexes qui prétendait interdire toute participation des salariés de la sous-traitance aux élections professionnelles des entreprises des donneurs d’ordre (essentiellement la SNCF et à la RATP) en infraction totale avec la loi du 20 août 2008. Il faut dire que la « rouste » devant le TGI de Paris était certaine après l’annulation judiciaire des avenants du même type à la CCN des entreprises de propreté et à celle de la manutention aéroportuaire (voir Chronique Ouvrière : « l’avenant de la honte annulé par le TGI de Paris et « La Cour d’Appel n’admet pas la remise en cause conventionnelle de la communauté de travail »). Un accord de substitution signé le 29 juin 2015 met fin définitivement à l’avenant illégal. Manifestement les représentants de ces fédérations syndicales ouvrières sont des lecteurs assidus des articles publiés sur le site « Chronique Ouvrière » et notamment du livret mis à la disposition des organisations syndicales : « Reconstituer la Communauté de Travail ». Gageons que cette unité syndicale retrouvée promettra des lendemains qui chantent aux travailleurs surexploités de ces branches... |
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Négociations obligatoires à l'entreprise: ce qu'il faut savoir. |
|  | Négociation annuelle obligatoire et délais. L.2242-1 : « Dans les entreprises où sont constituées une ou plu- sieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur engage chaque année une négociation sur les matières prévues par le présent chapitre. A défaut d’une initiative de l’employeur depuis plus de 12 mois suivant la précédente négociation, celle-ci s’engage obligatoirement...Lire la suite dans le doc ci-dessous
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Comptabilisation des temps de délégation : les socialistes volent au secours d’Air France contre la liberté syndicale ! (Chronique Ouvrière) |
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mercredi 10 juin 2015 par Marie-Laure DUFRESNE-CASTETS La liberté syndicale est consacrée par la Constitution sous sa double forme de la liberté individuelle d’adhérer à un syndicat et de la liberté d’agir syndicalement. Cette liberté fondamentale est garantie par les règles inscrites dans le Code du travail. A ce titre, le chef d’entreprise ou d’établissement est tenu de laisser, chaque mois, aux représentants du personnel un certain nombre d’heures nécessaires à l’exercice de leur mission. Ce temps, précise la loi, « est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l’échéance normale ». Ainsi, pour tous les représentants du personnel, qu’ils soient élus ou mandatés, le crédit d’heures de délégation est mensuel et fixé à 10, 15 ou 4 heures, selon la taille de l’entreprise et le mandat exercé. Par ailleurs, l’élément fort du dispositif mis en place par le législateur consiste dans l’obligation d’un décompte en heures, aucune autre forme de comptabilisation ne pouvant être imposée aux représentants du personnel. Cette interdiction est d’autant plus impérative à l’égard de l’employeur qu’un autre mode de décompte serait susceptible de porter atteinte au libre exercice des mandats. Cette conception est logique, dans la mesure où une adaptation du décompte en jours transformerait le temps de délégation en un forfait. Il permettrait à l’employeur, de fixer le rythme et la durée des temps de délégation et interdirait leur fractionnement en fonction des besoins du mandat, contrairement au principe posé par la Cour de cassation. Les représentants du personnel peuvent en effet fractionner les heures de délégation à leur guise, en fonction des besoins du mandat, le crédit pouvant même être pris en fractions d’heures. (voir : Cass. Soc. 11 décembre 2001, pourvoi 99-43650 ; Rep. Min. JO Sénat 13 juin 1962, n°2631, page 492) Cette exigence d’une totale liberté d’utilisation du crédit d’heures interdit à l’employeur un contrôle a priori sur l’activité des délégués du personnel. Celui-ci n’a donc aucune autorisation à demander quand il veut s’absenter et s’il le fait, l’employeur ne peut la lui refuser. (Cass. Crim. 10 mars 1981, pourvoi 77-93791 ; Cass. Crim. 10 mars 1981, pourvoi 80-91570) A fortiori, l’employeur ne saurait contraindre les délégués à exercer leurs fonctions à certains moments ou sur une durée définis par lui. (Cass. Soc. 11 juin 2008, pourvoi 07-40823 ; Cass. Soc. 11 janvier 2006, pourvoi 03-47596) Ces seules considérations suffisent à disqualifier tout autre mode de comptabilisation des heures de délégation. Il ne doit pas être oublié que le contingent d’heures libres répond aux nécessités du mandat et que son utilisation doit exclusivement s’ordonner autour des missions attachées à ce mandat. Le principe du libre exercice de l’activité syndicale exige en effet que les délégués du personnel aient pleine possibilité d’utiliser à leur convenance leurs heures de délégation. Pourtant, certains syndicats ont signé, notamment avec la société Air France, des accords collectifs de travail acceptant un décompte en jours, renonçant ainsi au principe d’autonomie du mandat de leurs représentants. D’autres ont parfois laissé s’instaurer un usage en ce sens. Or, il est incontestable que dans l’un et l’autre cas, ces dispositions doivent être considérées comme moins favorables que la loi, peu important que le nombre de jours accordés puissent aboutir à des temps de délégation un peu plus longs. En effet, la seule occurrence qu’un tel décompte interdise aux représentants du personnel de prendre les temps de délégation en fonction des besoins de leur mandat viole le principe fondamental d’autonomie dans l’exercice du mandat syndical, ce qui rend l’usage ou l’accord illicite et en toute hypothèse défavorable par rapport à la loi protectrice de la liberté syndicale. C’est pourquoi un tel usage ou accord est inopposable aux syndicats qui n’acceptent pas de renoncer à leurs droits. Au demeurant, les tribunaux saisis ont condamné le procédé, enjoignant à la société Air France, sous astreinte, de rétablir la comptabilisation en heures des temps de délégation des représentants du personnel. Ces condamnations ont été prononcées aussi bien lorsque l’employeur prétendait instituer le décompte en jours par la voie d’un usage (CA Paris 27 mai 2013), que par voie d’accord collectif, (CA Paris 27 octobre 2014). Enfin par un arrêt du 16 avril 2015 à l’encontre de la société Air France, la Cour de cassation, approuvant la décision rendue par la Cour d’appel de Paris le 27 mai 2013, a eu l’occasion de préciser que la violation des dispositions impératives contenues dans les articles L 2315-1 et suivants du code du travail constitue un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser. (Cass. Soc. 16 avril 2015, pourvoi 13-21531) Plus récemment, le 18 mai 2015, le Tribunal de grande instance de Brest condamnait une filiale d’Air France, la société Hop ! Brit Air dans les mêmes termes. La réaction d’Air France ne s’est pas faite attendre. La société a profité de l’esprit du projet de loi Rebsamen, destinée à opérer des coupes sombres dans les droits syndicaux. Elle a donc dépêché ses émissaires au Parlement pour contrecarrer cette jurisprudence qui la dérangeait. En commission réunie à l’Assemblée, les députés socialistes Bruno Le Roux (Seine Saint Denis) et Joëlle Huillier (Isère) déposaient un amendement n°454 visant à insérer un nouvel article L 6524-6 dans le Code de l’Aviation Civile, dont le premier alinéa est ainsi rédigé : « Sauf accord collectif contraire, lorsque le représentant élu ou désigné est un personnel navigant exerçant l’une des fonctions mentionnées à l’article L. 6521-1, le crédit d’heures légal prévu aux articles L 2142-1-3, L. 2143-13, L. 2315-1, L. 2325-6, L. 2326-3 et L. 4614-3 du code du travail, ou le crédit d’heures conventionnel, est regroupé en jours. » Soyons rassurés, les patrons peuvent rester sereins, le gouvernement socialiste veille sur leurs intérêts ! Ils savent que, lorsqu’ils estiment la vigilance du juge judiciaire dans son rôle de gardien des libertés fondamentales un peu trop sourcilleuse à leur goût, ils pourront trouver auprès des élus socialistes toute la compréhension qui leur permettra de ne pas tenir compte de ces empêcheurs d’exploiter sans entrave. |
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A propos de la personnalité juridique du CHSCT de la fonction publique (Chronique Ouvrière) |
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par Pascal MOUSSY, Marie Laure DUFRESNE-CASTETS
Plusieurs pages du récent ouvrage, « Le guide du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) » écrit par Grégoire LOISEAU, Laurence PECAUT-RIVOLIER et Pierre-Yves VERKINDT sont consacrées au CHSCT dans la fonction publique (pp. 48 à 58). Un passage a retenu notre attention et suscité, d’aborde notre étonnement, puis notre franche désapprobation. « Enfin, il ne semble pas que, à la différence des CHSCT relevant du droit du travail, auxquels la jurisprudence sociale a reconnu la personnalité juridique, que le CHSCT de la fonction publique d’Etat et de la fonction publique territoriale en soient pourvus. En tout cas, ni les textes qui leur sont applicables, ni la jurisprudence administrative n’en font état. Il s’en déduit que les CHSCT du secteur public n’ont pas, en particulier, la capacité pour agir en justice » (p. 58). Il est tout à fait surprenant que ces éminents auteurs subordonnent la personnalité juridique des CHSCT du secteur public à une intervention législative ou réglementaire. Le principe a été clairement affirmé depuis 1954 que la personnalité juridique du groupement n’est pas une création de la loi. Il sera ensuite relevé que, jusqu’à présent, à notre connaissance, aucune juridiction administrative n’a dénié aux CHSCT du secteur public la capacité de former un recours devant la juridiction administrative. Les lignes qui suivent vont s’attacher à mettre en évidence que la personnalité juridique du CHSCT de la fonction publique n’est pas sérieusement contestable. I. Depuis 1954, c’est la possibilité d’une expression collective pour la défense d’un intérêt licite qui est l’élément constitutif de la capacité de l’institution représentative du personnel à agir devant le juge civil. La reconnaissance de la personnalité juridique d’une institution représentative du personnel n’est pas subordonnée à l’intervention du législateur. Comme le rappellent Grégoire LOISEAU, Laurence PECAUT-RIVOLIER et Pierre-Yves VERKINDT, dans le Guide du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) (p. 63), la reconnaissance légale de la personnalité civile du comité d’établissement est venue bien après l’attendu de principe qui a rendu célèbre l’arrêt de la Cour de cassation du 28 janvier 1954. « Attendu que la personnalité civile n’est pas une création de la loi ; qu’elle appartient, en principe, à tout groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes, par suite, d’être juridiquement reconnus et protégés ; que si le législateur a le pouvoir, dans un but de haute police, de priver de la personnalité civile telle catégorie déterminée de groupements, il en reconnaît, au contraire, implicitement mais nécessairement l’existence en faveur d’organismes créés par la loi elle-même avec mission de gérer certains intérêts collectifs présentant ainsi le caractère de droits susceptibles d’être déduits en justice » (Cass. Civ. 2e, 28 janvier 1954, D. 1954, 217). Pour reprendre l’expression de Grégoire LOISEAU, Laurence PECAUT-RIVOLIER et Pierre-Yves VERKINDT op. cit., 64), cet arrêt a consacré « l’approche technique et finaliste » de la personnalité civile des groupements. La thèse de la « réalité technique » repose sur « le constat d’une organisation collective » et la conception « finaliste » fait prédominer « le critère d’un intérêt collectif ». Dans les conclusions qu’il a rendues sous l’arrêt du 28 janvier 1954 (JCP 1954, I, 7978), l’Avocat général LEMOINE a fait ressortir l’idée directrice qui a conduit à l’attendu de principe susmentionné. « Il ne saurait être question, c’et l’évidence, de reconnaître la personnalité civile à tout groupement, quel qu’il soit et quels que soient les buts qu’il poursuive. Il importe que soient réunies un certain nombre de conditions qui ont été clairement dégagées par M. Le Professeur Waline dans son Traité de Droit administratif… Ces conditions sont au nombre de trois, nécessaires, mais suffisantes : a) des intérêts licites, dignes, par suite, d’être socialement protégés et juridiquement reconnus ; b) un certain lien entre ces intérêts qui permettre de les rattacher à un même sujet, en sorte qu’ils concourent au même but par les mêmes moyens ; c) une possibilité d’expression de ce qu’exigent ces intérêts pour la satisfaction de leurs aspirations » L’annotateur de l’arrêt dans la revue Dalloz a lui aussi souligné que la Cour de cassation s’était inscrite dans la démarche du Professeur WALINE qui désirait que les intérêts défendus par le groupement « soient non seulement dignes de protection sociale, mais liés entre eux et centrés sur le groupement lui-même » (G. LEVASSEUR, note sous Cass. Civ. 2e, 28 janvier 1954, D. 1954, 219). On retrouve ici la condition qui avait déjà été posée par Léon MICHOUD. « Il s’agit de représenter sur la scène juridique l’intérêt collectif et permanent d’un groupe, et c’est encore ce groupe lui-même qui sera au fond le véritable titulaire du droit ». Pour cela, « il faut que le groupe qui aspire à la personnalité ait une organisation capable de dégager une volonté collective qui le représentera dans les rapports juridiques » (L. MICHOUD, La théorie de la personnalité morale et son application au droit français, LGDJ, 1924, 115 et s.). L’approche « technique et finaliste » a été reprise par la Cour de cassation lorsqu’elle a reconnu, par son arrêt du 17 avril 1991, la personnalité civile du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. « La personnalité civile n’est pas une création de la loi. Elle appartient en principe à tout groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes par la suite d’être juridiquement reconnus et protégés. Dès lors, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail institués par les articles L. 236-1 et suivants du Code du travail, qui ont pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés de l’établissement, ainsi qu’à l’amélioration de leurs conditions de travail et sont dotés, dans ce but, d’une possibilité d’expression collective pour la défense des intérêts dont ils ont la charge, ont la personnalité civile » (Cass. Soc. 17 avril 1991, n° 89-17993, Bull. V, n° 206). Dans son commentaire de l’arrêt du 17 avril 1991 (Dr. Ouv. 1992, 302), Maurice COHEN a souligné qu’ « en réaffirmant que la personnalité civile « n’est pas une création de la loi », la Cour de Cassation souligne à nouveau l’inutilité d’une reconnaissance législative ou réglementaire de cette personnalité, au moins du droit du travail, dès lors que l’organisme considéré réunit les critères dégagés par la doctrine et la jurisprudence, à savoir, une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites ». Il a également relevé que « la Cour de Cassation ne prend pas la peine de décrire les possibilités d’expression collective du C.H.S.C.T., tant celles-ci sont évidentes. En effet, les articles L. 261-1 et suivants du Code du Travail, auxquels elle se réfère, prévoit que le C.H.S.C.T. procède à des analyses, suscite des initiatives, est consulté par l’employeur, donne son avis sur des documents, des rapports, un programme, prend des décisions et adopte des résolutions comme un comité d’entreprise, établit des procès verbaux de ses réunions, peut faire appel à un expert, etc. Tout cela constitue des décisions collectives nécessitant des votes internes ». La reconnaissance de la personnalité morale du CHSCT lui ouvre la possibilité d’agir en justice pour la protection de ses intérêts propres, qui se distinguent de ceux de ses membres pris individuellement. Il peut notamment agir, au civil, lorsque l’employeur n’a pas respecté son obligation de consultation ou pour contester la régularité de son information/consultation au regard des modalités de celle-ci (voir, à ce sujet, Grégoire LOISEAU, Laurence PECAUT-RIVOLIER et Pierre-Yves VERKINDT op. cit., 385 et s.). Le CHSCT est également fondé à agir en justice pour la défense de l’intérêt collectif des travailleurs exposés à des risques pour leur santé ou pour leur sécurité (voir Grégoire LOISEAU, Laurence PECAUT-RIVOLIER et Pierre-Yves VERKINDT op. cit., 387 et s.). Il a notamment été jugé par la Cour d’appel de Paris, à l’occasion du contentieux suscité par la mise œuvre d’une réorganisation susceptible d’exposer des salariés à des risques psycho-sociaux, que le CHSCT , qui a la personnalité morale, est recevable à demander l’annulation du projet de réorganisation mis en cause eu égard à ses prérogatives d’institution représentative du personnel spécialisée dans les questions relatives aux conditions de travail des salariés de l’entreprise dans les domaines de la santé, de l’hygiène et de la sécurité et qu’il a donc un intérêt certain, né et actuel à ce que la mise en place de la réorganisation se fasse dans le respect des textes légaux et conventionnels relatifs à la santé et à la sécurité des salariés concernés dans leur établissement (CA Paris, 13 décembre 2012, n° 12-00303, RJS 3/13, n° 209). II. La défense d’un intérêt digne d’être juridiquement reconnu et protégé permet à l’institution représentative dotée par la loi d’une possibilité d’expression collective d’exercer un recours devant le juge administratif. En ce qui concerne la capacité d’agir des groupements devant les juridictions administratives, la règle est clairement exposée. « Les institutions et groupements de personnes doivent avoir la personnalité morale (ou juridique) pour être capable d’agir en justice » (R. CHAPUS, Droit du contentieux administratif, 13e éd., 441). Cette exigence de l’acquisition de la personnalité morale s’oppose à la recevabilité des recours exercés par des « services non personnalisés relevant des diverses institutions publiques et privées » (voir R. CHAPUS, op. cit., 441). Dans le contentieux administratif du travail, le Conseil d’Etat refuse d’admettre la recevabilité du recours formé par une section syndicale. La section syndicale est en effet considérée comme une simple « émanation » du syndicat, qui ne présente pas les conditions requises pour se voir reconnaître la personnalité morale (voir CE 26 avril 1989, Sect. synd. CFDT de la chambre de commerce et d’industrie de Nantes, n° 16172, Rec. 837 ; CE 30 juillet 2003, Synd. CGT des ouvriers des parcs et ateliers du service des voies navigables du Nord-Pas de Calais, n° 240381, DA 2003, n° 221). Cette jurisprudence a repris les arguments exposés par la doctrine qui insistait sur l’absence des « possibilités d’expression collective » de la section syndicale. « C’est en définitive sur le plan des « possibilités d’expression collective » que le choix paraît s’imposer. Certes, sur le plan de l’organisation proprement dite, la section aura, comme un syndicat, une assemblée générale, ses adhérents ayant le droit, comme l’a rappelé le Tribunal de grande instance de Paris, de se réunir dans l’enceinte de l’entreprise ; si elle est importante, elle possèdera un bureau faisant office de Conseil d’administration. De même elle disposera de certains moyens matériels, prévus par la loi et précisés par accord, (panneaux d’affichage, local). Mais ses organes ne présentent pas d’autonomie suffisante par rapport à ceux du syndicat dont elle émane… Or les délégués sont juridiquement désignés par le syndicat lui-même (art. L. 412-11), même si en fait ils sont proposés par les membres de la section et si, par ailleurs, ils sont dans l’entreprise l’organe de la section en même temps que le représentant du syndicat » (J. M. VERDIER, Syndicats et droit syndical, 2ème éd., volume II, Le droit syndical dans l’entreprise, 168). « Cette inexistence d’organes propres à la section en dehors des délégués chargés par l’article 8 de la loi de représenter le syndicat, et l’absence de toute formalité de constitution de la section syndicale ainsi que la désignation de ces délégués , nous conduisent à refuser à la section syndicale d’entreprise toute personnalité juridique, à moins qu’elle n’ait pris la forme d’un syndicat d’entreprise… La section syndicale n’est pas un groupement de personnes distinct du syndicat. Ses membres cotisent au syndicat, et celui-ci a seul qualité pour désigner ou révoquer les délégués ayant pour mission de le représenter » (J. SAVATIER, Dr. Soc. 1970, 236). Mais la capacité d’agir du comité d’entreprise devant la juridiction administrative a été nettement affirmée par l’arrêt du Conseil d’Etat du 22 décembre 1982, Comité central d’entreprise de la Société française d’équipement pour la navigation aérienne (Rec. 435). La personnalité du comité d’entreprise ne souffre d’aucune contestation. Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 22 décembre 1982, le ministre de la Défense soutenait que le comité central d’entreprise n’avait pas la capacité pour agir devant la juridiction administrative contre des décisions du gouvernement ayant provoqué une augmentation du capital de la Société française d’équipement pour la navigation aérienne, renoncé à souscrire à cette augmentation de capital et invité les autres actionnaires publics à ne pas y souscrire. Le Conseil d’Etat a rejeté la fin de non-recevoir qui lui était présentée en soulignant que « le Comité d’entreprise, qui a la capacité d’ester en justice et qui a qualité pour déférer au juge de l’excès de pouvoir notamment des mesures qui sont de nature à affecter les conditions d’emploi et de travail du personnel dans l’entreprise, est recevable à demander l’annulation des décisions attaquées ». Il est particulièrement intéressant de relever que le ministre de la Défense faisait valoir que les dispositions du Code du travail affirmant la personnalité civile du comité d’entreprise se limitaient aux seules attributions concernant la gestion des « œuvres sociales » de l’entreprise. Le commissaire du Gouvernement Alain BACQUET, qui a été suivi par le Conseil d’Etat, a invité à écarter la fin de non-recevoir en rappelant que, dès le 28 janvier 1954, la Chambre civile de la Cour de cassation avait reconnu la capacité pour agir aux comités d’établissement alors que la loi était muette sur cette question et qu’il paraissait difficile de ne pas reconnaître au comité central d’entreprise la capacité et la qualité pour déférer au juge de l’excès de pouvoir des décisions administratives intervenues dans l’ordre économique qui étaient nécessairement de nature à influer sur les conditions des salariés de l’entreprise (voir A. BACQUET, conclusions sous CE 22 décembre 1982, RDP 1983, 502 et s.). A partir de l’instant où un groupement est pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes par suite d’être juridiquement reconnus et protégés, il ne saurait lui être dénié la capacité d’agir aussi bien devant le juge civil que devant la juridiction administrative. III. Il est légalement reconnu au CHSCT de la fonction publique d’Etat la possibilité d’une expression collective qui lui confère la capacité d’agir devant la juridiction administrative pour faire respecter ses prérogatives en matière de protection de la santé ou de la sécurité des agents dans leur travail. L’article 10 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à « la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique » a posé le principe de la mise en place du CHSCT dans la fonction publique d’Etat. Les dispositions légales indiquent que, dans toutes les administrations de l’Etat et dans tous les établissements de l’Etat ne présentant pas un caractère industriel ou commercial, « le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail a pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale des agents dans leur travail, à l’amélioration des conditions de travail et de veiller à l’observation des prescriptions légales prises en ces matières ». Elles précisent que « le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail comprend des représentants désignés par les organisations syndicales. Seules les représentants désignés par les organisations syndicales prennent part au vote ». Les modalités d’application de l’article 10 de la loi du 5 juillet 2010 ont été fixées par le décret n° 2011-774 du 28 juin 2011 et l’application des dispositions de ce décret a elle-même fait l’objet d’une circulaire de la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique en date du 9 août 2011. Il a été souligné par cette circulaire que « la transformation des CHS en CHSCT est une avancée majeure pour la prise en compte des conditions de travail dans la fonction publique ». Il ressort de la lecture des dispositions légales et réglementaires relatives à la mise en place du CHSCT dans la fonction publique d’Etat que les règles gouvernant la composition de ce CHSCT sont « très proches de celles concernant le CHSCT du secteur privé » (Grégoire LOISEAU, Laurence PECAUT-RIVOLIER et Pierre-Yves VERKINDT op. cit., 53) et que ses compétences et ses prérogatives sont analogues à celles du CHSCT du secteur privé : « Le mimétisme des dispositions applicables au secteur privé est particulièrement flagrant s’agissant de la détermination de la compétence et des prérogatives des CHSCT de la fonction publique » (Grégoire LOISEAU, Laurence PECAUT-RIVOLIER et Pierre-Yves VERKINDT op. cit., 54). Il est incontestable que, comme le CHSCT du secteur privé, le CHSCT de la fonction publique est pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes par suite d’être juridiquement reconnus et protégés. La « possibilité d’expression collective » résulte de l’existence d’une instance dont les contours sont nettement délimités et qui peut être amenée à prendre des décisions d’une manière collective. Cette instance spécifique de représentation du personnel comprend des représentants de l’administration et des représentants du personnel, étant précisé que seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part au vote. Les « intérêts » que le CHSCT est chargé par la loi de défendre sont la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des agents dans leur travail et l’amélioration de leurs conditions de travail. La défense de ces intérêts confère au CHSCT de la fonction publique un certain nombre d’attributions : notamment, une capacité d’intervention et d’enquête sur les risques professionnels, un pouvoir d’enquête en matière d’accidents du travail, d’accidents de service ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel, un droit d’alerte en cas de danger grave et imminent et un droit à être consulté sur tout projet d’aménagements importants modifiant les conditions de santé, de sécurité ou les conditions de travail des agents. Arrêtons-nous un instant, à titre d’exemple, sur l’hypothèse qui verrait l’administration ne pas respecter son obligation de consultation du CHSCT. Les représentants du personnel se verraient donc priver du droit d’exprimer un avis sur des mesures susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé, la sécurité ou les conditions de travail des agents. Il s’agirait d’une remise en cause des attributions du CHSCT pris en sa qualité d’institution de représentation du personnel ayant pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale des agents dans leur travail ainsi qu’à la l’amélioration des conditions de travail. Aucune disposition légale ne reconnaît expressément au CHSCT, dans le secteur privé, la capacité d’agir en justice lorsque l’employeur n’a pas respecté son obligation de consultation ou lorsque l’information/consultation est intervenue dans des conditions irrégulières. Mais il est acquis que la remise en cause du droit à la consultation du CHSCT lui confère la capacité à agir devant le juge civil pour que soient prises les mesures visant à l’effectivité de ce droit ou pour obtenir réparation du préjudice causé par le comportement fautif de l’employeur (voir, à ce sujet, Grégoire LOISEAU, Laurence PECAUT-RIVOLIER et Pierre-Yves VERKINDT op. cit., 385 et s). Si l’on réfère au « mimétisme » ci-dessus mentionné, il serait absolument inconcevable que le CHSCT de la fonction publique soit privé du droit reconnu au CHSCT du secteur privé d’agir devant le juge lorsque ses prérogatives en matière de consultation n’ont pas été respectées. Le CHSCT de la fonction publique est sans aucun doute un groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes par suite d’être juridiquement reconnus et protégés. Dénier au CHSCT de la fonction publique le droit d’agir devant la juridiction administrative lorsqu’a été méconnu son droit d’émettre un avis sur une mesure susceptible d’avoir des répercussions sur la santé, la sécurité ou les conditions de travail des agents serait la négation même de « l’avancée majeure pour la prise en compte des conditions de travail dans la fonction publique » qui a été présentée comme ayant été mise en œuvre par la loi du 5 juillet 2010 lorsqu’elle a mis en place le CHSCT dans la fonction publique. Depuis 1954, il a été clairement affirmé, de manière constante, que la personnalité juridique d’un groupement n’est pas une création de la loi et que cette personnalité « appartient en principe à tout groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes par suite d’être juridiquement reconnus et protégés ». Il résulte sans aucune ambiguïté des dispositions de la loi du 5 juillet 2010 et du décret du 28 juin 2011 que le CHSCT de la fonction publique d’Etat réunit les conditions requises pour être un groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes par suite d’être juridiquement reconnus et protégés. Le silence des dispositions légales et réglementaires ne constitue aucunement un obstacle à la reconnaissance de la personnalité juridique du CHSCT de la fonction publique d’Etat. C’est le contentieux qui donnera au juge administratif l’occasion de tirer toutes les conséquences de l’extension à la fonction publique du CHSCT tel qu’il a été conçu par le droit du travail. Il ne pourra qu’affirmer la pleine légitimité du CHSCT de la fonction publique à exercer un recours lorsque l’administration a méconnu ses prérogatives d’expression collective dans l’intérêt de la protection de la santé ou de la sécurité des agents dans leur travail ou de l’amélioration de leurs conditions de travail.
17/05/2015
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A propos de l’abattement illégal pour frais professionnels dans la branche de la "propreté" (Chronique Ouvrière) |
|  | En toute illégalité, les entreprises de « propreté » pratiquent un abattement sur l’assiette de calcul des cotisations sociales des salariés de la branche en assimilant les ouvriers de nettoyage de locaux aux ouvriers du bâtiment, prétextant de la doctrine fiscale en la matière. Cette déduction mis en place historiquement par décret du 17 novembre 1936, à une époque où les ouvriers nettoyeurs étaient souvent embauchés par des entreprises de bâtiment, ne se justifie plus aujourd’hui. En effet, dans 99% des cas, les entreprises de propreté n’ont plus aucune activité dans le bâtiment et les ouvriers du nettoyage ne supportent plus aucune charge de caractère spécial au titre de l’accomplissement de leurs missions, ce qui est une condition fixée par l’article 1 de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations sociales. La pratique illégale de cette déduction forfaitaire est particulièrement injuste pour les salariés de la branche de la propreté, dont les salaires sont très bas, et qui subissent du fait de cette déduction une minoration de tous leurs droits sociaux, établis sur l’assiette de calcul des cotisations à savoir notamment : — indemnités journalières en cas d’arrêt de travail minorées de 8%, — complément employeur et prévoyance en cas d’arrêt de travail minorés de 8%, — allocations chômage minorées de 8%, — allocations retraite minorées de 8%. Cette injustice, parmi d’autres, n’est nullement compensée par la légère diminution des charges salariales, de l’ordre de 17 € par mois pour un SMIC à temps complet (1 450 € x 8% x 15% et non 23% car la CSG et la CRDS ne sont pas impactées par l’abattement). Au surplus, cette déduction forfaitaire participe à un véritable dumping social par l’externalisation de plus en plus importante, notamment, des services de l’hébergement dans le secteur de l’hôtellerie, la branche des hôtels café restaurant ne bénéficiant d’aucune déduction de ce type. Dans un arrêt en date du 20 janvier 2012 n° 10-26092, la Cour de Cassation a condamné la pratique de la déduction forfaitaire pour les salariés travaillant sur un seul site, rappelant d’une part que les ouvriers du nettoyage ne sont pas spécifiquement visés par l’article 5 de la section « traitements et salaires » du code général des impôts et d’autre part que les ouvriers du bâtiment visés par cet article ne sont pas ceux qui travaillent en usine ou en atelier, c’est-à-dire sur un seul site. Pour tenter de contrer cette jurisprudence, simple retranscription de la loi, les ministres des affaires sociales et des finances ont rédigé une circulaire ministérielle, adressée à l’ACOSS, afin de bloquer les actions des agents de l’URSSAF. Aux termes de cette circulaire du 8 novembre 2012, feignant de se soucier des conditions de travail des ouvriers de la branche, les ministres concernés demandent aux agents de contrôle de ne plus retenir la condition de « multi sites » pour valider l’abattement pratiqué ! Il est annoncé comme étant une contrepartie la limitation de l’abattement à 9 puis 8% au 1er janvier 2014. Si, pour le moment, cette lettre ministérielle risque de bloquer les agents de contrôle concernés, rien n’empêche des salariés et/ou des syndicats de contester devant les conseils de prud’hommes et/ou les tribunaux de grande instance l’application de cet abattement. En effet une lettre ministérielle, assimilable à une instruction ou une circulaire ministérielle, n’a pas force de loi et ne s’impose pas au juge judiciaire (Cassation sociale 13 novembre 1990 n° de pourvoi : 89-12826 ; 23 mars 1982 n° de pourvoi : 80-16648). Il n’appartient pas aux Ministres de réécrire la loi à leur guise en dehors du parlement ! C’est dans ce sens qu’a jugé le 8 janvier 2015 le Conseil de Prud’hommes de PARIS dans une affaire récente opposant une femme de chambre à une société de propreté hôtelière. On relèvera avec intérêt que la Cour de cassation retient par application de l’article L511-1, devenu sur ce point L1411-1 du code du travail, la compétence du Conseil de prud’hommes pour ce type de demandes car il s’agit d’une obligation résultant pour l’employeur du contrat de travail (12/02/2003 n°01-40676, 28/6/2006 n°04-43969, 31/10/2006 n°05-40302). Et avec encore plus d’intérêt qu’aucune prescription n’est opposable aux demandes de dommages et intérêts relative à cette pratique illégale (Cassation sociale 9 juillet 2014 n° de pourvoi : 13-23551). mardi 21 avril 2015 par Claude LEVY
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Fiche juridique: Lettre recommandée électronique
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|  | L'envoi d'une lettre recommandée par voie électronique est désormais autorisé par la loi. Des règles précises encadrent cette pratique. Consulter la fiche juridique |
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Les droits rechargeables: les chômeurs lésés par les nouvelles règles d’indemnisation |
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Avec le nouveau système d’indemnisation entré en vigueur en octobre, plusieurs centaines de chômeurs se trouvent lésés. A l’origine du problème, une mesure phare de la convention d’assurance chômage entrée en vigueur depuis octobre et qui vise les chômeurs indemnisés: les droits rechargeables. Son coût global avait été estimé à plusieurs millions d’euros, au moment de l’accord de la convention, valable deux ans. Ce mécanisme permet à un chômeur de préserver des droits à indemnisation en cas de reprise d’emploi alors qu’il en perdait une partie auparavant. Revers de la médaille: lorsqu’un salarié perd son emploi, il doit épuiser ses anciens droits à indemnisation, s’il lui en reste, avant d’en obtenir de nouveaux. Il peut donc se trouver pénalisé temporairement si ses anciens droits sont inférieurs aux nouveaux. Témoignage : Sarah, 35 ans médecin en région parisienne, qui a financé une partie de ses études en étant infirmière à temps partiel, rémunérée environ 1.300 euros nets par mois. Après plusieurs longs CDD en tant que médecin à 3.800 euros par mois, sa «vie a changé» lors de son ouverture de droits auprès de Pôle emploi. «Je me retrouve avec 335 jours de droits à liquider sur la base de mon ancien travail d’étudiante», déplore la jeune médecin qui après avoir reçu un peu plus de 500 euros d’allocations a dû «prendre le premier travail qui se présentait». Elle évoque une «cercle vicieux». «Coincée jusqu’en juin» sur un CDD à temps partiel où elle gagne entre 700 et 1.300 euros par mois en fonction du nombre de gardes effectuées, Sarah estime que «cette loi lèse les gens qui font tout pour évoluer». C’est une situation scandaleuse pour laquelle aucune réponse valable n’est donnée, et là, c’est encore les mêmes qui trinquent : kabrit bwè, mé cé mouton ki sou !
22-03-2015 |
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Un CHSCT du Ministère du travail obligé de saisir le Tribunal Administratif pour contraindre l’administration à mener l’enquête obligatoire suite à une alerte Danger Grave et Imminent (Chronique Ouvrière) |
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mercredi 25 février 2015 par Gérald LE CORRE (CGT) et Magali MARION (SUD) TA Rouen Le 4 décembre 2014.pdf Les services de l’inspection du travail sont en pleine restructuration. En Haute Normandie, les conditions de mises en œuvre de la réforme le 15 septembre 2014 ont eu des effets directs sur la santé des agents dont certains ont été retrouvés en pleurs tandis que d’autres étaient arrêtés par leurs médecins. Compte tenu de la situation de risque, ayant déjà entrainé des dommages pour certains agents, cinq membres du CHSCT ont rédigé un avis d’alerte de Danger Grave et Imminent (DGI) sur la base de leurs constats circonstanciés et ont exigé la tenue de l’enquête réglementaire prévue par l’article 5-7 du décret 82-453 [1]applicable pour la fonction publique d’Etat. Moins de 48h après, le président du CHSCT faisait état du refus de l’administration de diligenter l’enquête au motif que les risques psycho-sociaux seraient hors champs de compétence de la procédure d’alerte. En outre il apparait qu’il n’entendait pas réunir le CHSCT, ce qui doit être le cas lors de divergence sur la réalité du Danger. Soutenus par les syndicats CGT et Sud Travail, les cinq membres du CHSCT ont décidé de saisir le Tribunal Administratif en référé en vue d’imposer la réalisation de l’enquête. Considérant que le refus du président ne pouvait pas s’analyser en une décision administrative, l’enquête devant être automatique selon le décret, ils ont saisi le TA sous la forme d’un référé mesures utiles [2]. Tel n’a pas été le point de vue de l’Administration et du tribunal qui a rejeté la demande au motif que le refus du DIRECCTE s’analysait en une décision administrative [3]. Cette décision n’a pas découragé les membres du CHSCT qui ont déposé quelques jours après deux requêtes distinctes, l’une en référé et l’autre au fond en vue d’obtenir la suspension de la décision administrative de refus d’enquête et une injonction pour que l’enquête soit réalisée. Dans la procédure, l’Administration défendait qu’elle n’était pas tenue de réaliser l’enquête compte tenu qu’elle disposait d’un pouvoir d’appréciation sur la réalité du DGI. En outre, elle défendait l’idée que les auteurs de l’alerte devaient apporter la preuve de l’existence d’une situation de Danger Grave et Imminent, ce qui revient à dire que les auteurs de l’alerte devraient faire l’enquête approfondie avant d’agir, enquête qui selon les textes en vigueur, ne peut se faire qu’avec un représentant de l’Administration… Un tel raisonnement était voué à l’échec, raison pour laquelle le TA de Rouen a, dans sa décision du 4 décembre 2014 [4], suspendu la décision de refus d’enquête et ordonné la réalisation de celle-ci sous un délai de 8 jours. Cette décision, rapidement diffusée par les équipes syndicales du Ministère du Travail, aura déjà été utile dans d’autres régions où des présidents de CHSCT s’apprêtaient eux aussi à ne pas respecter la réglementation sur ce point. Pour le Ministère du travail, cette décision, qui pourtant ne correspond qu’à l’obligation réglementaire, apparait comme insupportable. Ainsi, le 23 décembre 2014, le Ministère déposait un recours au Conseil d’Etat pour faire annuler la décision du 4 décembre 2014. L’affaire n’est donc pas terminée sur le plan juridictionnel d’autant qu’elle doit aussi donner lieu à un jugement au fond. Si les conclusions de l’enquête ne sont pas encore connues, on peut s’attendre à de nouvelles difficultés. En effet, dans le passé, la DIRECCTE a refusé de saisir l’inspection du travail comme l’oblige le décret en cas de défaut d’accord sur les mesures à prendre suite à l’enquête. Rappelons que dans le secteur privé, le président de CHSCT qui s’oppose à la mise en œuvre de l’enquête s’expose à une sanction pénale pour délit d’entrave, ce qui explique que les enquêtes sont en générales réalisées, même si les directions font tout pour freiner l’activité des membres de CHSCT. Dans la fonction publique, il n’existe pas de sanction pénale, ce qui explique en grande partie que des pans entiers de la réglementation, notamment sur le fonctionnement des CHSCT, ne sont pas respectés. A l’heure ou le Medef, voir le gouvernement, souhaite supprimer les CHSCT de droit privé, de nombreux combats restent à mener pour que les CHSCT de la fonction publique puissent obtenir le pouvoir qui doit être le leur pour la défense des conditions de travail des agents. A ce jour, l’administration continue à défendre le fait que le CHSCT de la fonction publique n’aurait pas la capacité juridique lui permettant d’agir en justice. La bataille menée actuellement par le CHSCT de la DIRECCTE, la CGT et Sud Travail repose sur des objectifs qui intéressent toute la fonction publique. Il s’agit : De faire reconnaitre l’obligation de consulter le CHSCT avant toute réorganisation ayant des conséquences sur les conditions de travail. — De faire juger qu’il y a toujours URGENCE à agir lorsque la santé des agents est en jeu, et que l’action en référé est justifiée. — D’obtenir la reconnaissance de la personnalité juridique du CHSCT à agir devant les tribunaux — D’obtenir, à défaut de budget, le paiement des honoraires de l’avocat du CHSCT par l’administration, — De forcer l’administration à produire les documents obligatoires (bilan annuel - programme de prévention, document unique...), à répondre aux questions des élus sur les risques identifiés… — Et enfin d’obtenir la suspension par le TA en référé des réorganisations pathogènes comme cela est possible dans le privé depuis l’arrêt SNECMA. |
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Le référé-liberté lancé par le patron n’a pas marché ! Le préfet avait raison de fermer temporairement l’établissement nettoyé par un faux "auto-entrepreneur" |
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mardi 6 janvier 2015 par Pascal MOUSSY Conseil d’État Le 11 Novembre 2014
Il résulte des dispositions de l’article L. 8221-6 du Code du travail que l’existence d’un contrat de travail peut être établie lorsqu’il est fourni directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui placent l’intervenant censé avoir une activité commerciale dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci et que, dans ce cas, la « dissimulation d’emploi salarié » est avérée si le donneur d’ordre s’est soustrait intentionnellement par ce moyen à l’accomplissement des obligations incombant à l’employeur à l’article L. 8221-5 du même code (à savoir, la déclaration préalable à l’embauche, la délivrance d’un bulletin de paie, la mention sur ce dernier du nombre d’heures de travail réellement effectuées ou les déclaration relative aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale). L’article L. 8272-2 du Code du travail prévoit que si l’autorité administrative a connaissance d’un procès-verbal relevant l’infraction de « travail dissimulé », elle peut, « si la proportion de salariés concernés le justifie, eu égard à la répétition ou la gravité des faits constatés, ordonner par décision motivée la fermeture de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction, à titre provisoire et pour une durée ne pouvant excéder trois mois ». C’est en vertu de ces dispositions que le préfet de police a décidé la fermeture immédiate pour quinze jours de l’établissement exploité par la société IDEAC, spécialisée dans l’activité des « autres enseignements », après avoir appris qu’une personne employée par cette société en qualité d’« auto-entrepreneur » pour assurer des tâches de nettoyage des locaux de réunion et de loisirs qu’elle met à la disposition de sa clientèle, exerçait en réalité cette activité dans les conditions du salariat et n’avait, intentionnellement, fait l’objet de la part du gérant de la société d’aucune déclaration d’emploi salarié. Mettant en avant une atteinte grave et manifestement illégale aux « libertés fondamentales du commerce et de l’industrie », la société IDEAC a entrepris un référé-liberté afin d’obtenir l’annulation de l’arrêté préfectoral ordonnant la fermeture provisoire de l’établissement. Le juge des référés administratif n’a pas été convaincu par les arguments qui tentaient de convaincre du caractère liberticide de la décision préfectorale. Il a considéré qu’il résultait de l’instruction et des éléments recueillis lors de l’audience publique tenue par le juge des référés que le préfet de police n’avait pas qualifié les faits de manière manifestement inexacte en estimant que la situation de travail de la personne qui nettoyait les locaux de la société IDEAC revêtait le caractère de l’emploi salarié. Il était notamment apparu que la société IDEAC était, à la date des faits reprochés, la seule à employer les services de l’intervenant, auquel elle fournissait l’ensemble des instruments nécessaires à son activité et que le détail des tâches confiées à ce dernier l’était par voie d’instructions directes du gérant de la société, la consistance précise du service à rendre n’étant pas mentionnée dans « l’accord de prestation de service » conclu entre la société IDEAC et l’intervenant. Le juge des référés administratif a également considéré que l’autorité préfectorale n’avait pas qualifié les faits de manière manifestement inexacte en estimant qu’ils étaient constitutifs de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié après avoir relevé que l’attestation de l’intervenant, versée au dossier par la société IDEAC, aux termes de laquelle il avait volontairement choisi le statut d’« auto-entrepreneur », n’était pas des plus probantes. Il résultait en effet des déclarations de l’intervenant portées au procès-verbal dressé par le contrôleur du travail que ce choix, à la supposer libre lui avait été suggéré par la société IDEAC. Il s’agissait en fait de la nième version de la liberté revue et corrigée par la nécessité. Le juge des référés a enfin considéré que le préfet de police n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en fixant à quinze jours la durée de la fermeture des locaux eu égard à la gravité du recours à un faux statut de travailleur indépendant qui avait permis de faire travailler l’intervenant à un tarif horaire inférieur minimum légal. Après avoir minutieusement expliqué en quoi la décision de fermeture temporaire décidée par le préfet de police n’avait porté d’atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l’industrie, le Conseil d’Etat a indiqué qu’il n’y avait aucunement besoin d’examiner s’il existait un situation d’urgence justifiant que soit prise une mesure de nature à sauvegarder la liberté fondamentale revendiquée par la société IDEAC. Après avoir pris connaissance de l’ordonnance rendue par le Conseil d’Etat, l’ « auto-entrepreneur » qui a subi le joug du salariat, pourrait, en toute liberté, ouvrir un front prud’homal pour obtenir la condamnation de la société IDEAC à lui verser le salaire dont il a été privé pendant la fermeture de quinze jours ordonnée par la décision préfectorale. Cette fermeture temporaire de l’établissement au sein duquel il exerçait son activité de nettoyage ne correspondait pas un période de chômage partiel. Elle n’intervenait pas plus à la suite d’un conflit collectif ayant été à l’origine d’une « situation contraignante » de nature à libérer l’employeur de son obligation de fournir du travail au salarié tout à fait disposé à mettre à disposition sa force de travail. Une fois constatée l’indéniable relation de subordination mis en évidence par le juge des référés administratif, la formation de référé du conseil de prud’hommes aurait tous pouvoirs pour ordonner à la société IDEAC de verser, à titre provisionnel, le salaire dont a été privé son préposé au nettoyage des locaux pendant la période de fermetur |
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Prescription, piège à c... |
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Il reste moins de 19 mois au gouvernement pour abroger la loi du 14 juin 2013, notamment sur les délais de prescription en matière prud’homale Concernant la prescription sur les demandes de nature salariale, la loi dite de « sécurisation » du 14 juin 2013 a réduit, en matière de demandes portant sur des rappels de salaires, la prescription de cinq ans à trois ans. Toutefois les dispositions transitoires de cette loi précisent, concernant l’application aux prescriptions en cours : Article 21-V : « Les dispositions du Code du Travail prévues aux III et IV du Code du Travail s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure » Ces dispositions reprennent les dispositions générales du code civil en matière de modification des délais de prescription : Art 2222 Code Civil alinéa 2 : « En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Ainsi, les demandes de rappels de salaires non prescrites à la date du 17 juin 2013, date d’entrée en vigueur de la Loi nouvelle, bénéficient d’un nouveau délai de prescription de trois ans à compter du 17 juin 2013 sans que la durée totale puisse excéder cinq ans. La réduction du délai de prescription n’a d’effet que lorsque la durée restante du délai pour agir est supérieure au nouveau délai de prescription réduit. Une demande au titre de l’année 2012, qui aurait pu être formée jusqu’au 31 décembre 2017 selon la prescription quinquennale de la Loi ancienne, ne sera plus recevable que jusqu’au 17 juin 2016 (17 juin 2013 + 3 ans). En revanche, lorsque la durée restant à courir du délai de prescription est inférieure au nouveau délai réduit de trois ans, la loi nouvelle n’a pas pour effet de le réduire. Par exemple, les demandes de rappels de primes, éléments de la rémunération, dues au 31 décembre 2009 et 31 décembre 2010 sont respectivement recevables jusqu’aux 31 décembre 2014 et 31 décembre 2015. Ces prescriptions étaient en cours à la date du 17 juin 2013 et bénéficient donc d’un nouveau délai de prescription de trois ans à compter du 17 juin 2013, jour d’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder cinq ans, ce qui porte respectivement la date butoir de recevabilité de ces demandes aux 31 décembre 2014 et 17 juin 2016 (17 juin 2013 + 3 ans). Les demandes de rappels de nature salariale sont donc incontestablement recevables au regard des délais de prescription quinquennale jusqu’au 17 juin 2016. C’est dans ce sens qu’a tranché la Cour d’appel de PARIS dans un arrêt en date du 25 septembre 2013 en motivant sa décision uniquement sur l’application de l’article 2222 du Code Civil sans faire nullement référence à la loi du 17 juin 2008. Même si avec cet argumentaire les salariés peuvent obtenir un sursis, le peuple de « gauche » n’a pas oublié et n’oubliera pas qui a fait cadeau au patronat 40% ( 3 ans au lieu de 5) des rappels dus aux salariés qui, comme chacun le sait, surtout dans les PME-PMI, ont toute liberté pour attaquer leur employeur aux prud’hommes, alors qu’ils sont toujours dans l’entreprise, quand il ne leur paye pas leurs heures supplémentaires, ne respecte pas la convention collective etc..etc.. |
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Le droit de grève doit être respecté dans l’hôtellerie ! |
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lundi 3 novembre 2014 par Claude LEVY Le juge des référés du Tribunal de grande instance de PARIS vient de rappeler le 28 octobre 2014 la société ROYAL MONCEAU à ses obligations quant à l’interdiction d’employer des « extra » pour remplacer des salariés en grève. Si la loi n’interdit pas à l’employeur d’organiser l’entreprise afin d’assurer la continuité de son activité pendant un mouvement de grève elle prohibe expressément de recourir à des salariés sous contrats à durée déterminée ou encore à des travailleurs temporaires (article L. 1251-10, 1° du code du travail) afin de procéder au remplacement des salariés grévistes. L’ « extra » dans l’hôtellerie et la restauration n’est rien d’autre qu’un salarié sous contrat à durée déterminée dit « d’usage », en général d’une journée. En agissant ainsi le ROYAL MONCEAU contrevient aux dispositions de l’article L1242-6 du code du travail : « - Outre les cas prévus à l’Article L1242 5, il est interdit de conclure un contrat de travail à durée déterminée : 1º ) Pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d’un conflit collectif de travail ; 2º ) Pour effectuer certains travaux particulièrement dangereux figurant sur une liste établie par voie réglementaire, dans les conditions prévues à l’Article L4154 1. L’autorité administrative peut exceptionnellement autoriser une dérogation à cette interdiction dans des conditions déterminées par voie réglementaire. » La répression est prévue par l’article L1248-3 : « - Le fait de méconnaître les dispositions des articles L. 1242 5 et L. 1242 6, relatives aux interdictions en matière de conclusion de contrat de travail à durée déterminée, est puni d’une amende de 3 750 €. La récidive est punie d’une amende de 7 500 € et d’un emprisonnement de six mois. » Cette pratique récurrente du patronat de l’hôtellerie avait donné lieu à une précédente ordonnance en date du 24 février 2005 du même TGI (Annexe 1). S’il s’agit d’un simple rappel de la loi on saluera le montant dissuasif de l’astreinte fixée dans ces 2 décisions, seul à même de leur garantir une effectivité. Pour l’interdiction de recourir à du personnel intérimaire pour remplacer des salariés grévistes on lira également avec attention les arrêts de la chambre sociale du 2 mars 2011 N° de pourvoi : 10-13634 (Annexe 2) et de la chambre criminelle du 8 décembre 2009 N° de pourvoi : 09-83273 (Annexe 3) qui apportent des précisions forts intéressantes sur ces interdictions. |
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Le licenciement portant atteinte au droit fondamental à la paternité est nul |
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Une toute petite protection contre les licenciements a été instituée par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 (article 9) au bénéfice des pères salariés. Le nouvel article L 1225-4-1 du code du travail édicte : « Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les quatre semaines suivant la naissance de son enfant. Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant. » L’objectif de cette mesure semble être d’aligner a minima le régime de protection des hommes sur celui des femmes qui, de longue date, bénéficiaient légitimement d’une protection post-partum pendant les quatre semaines suivant la fin du congé maternité. Malgré ce léger progrès, les pères ne pas protégés pendant la durée de leur congé paternité à la différence de leurs compagnes et ce, encore moins pendant la durée de la grossesse de celles-ci. En effet, le congé paternité d’une durée de onze jours calendaires consécutifs (qui s’ajoute au congé de naissance), est accordé au père salarié après la naissance de l’enfant et doit être pris dans les quatre mois qui suivent. Or, il existe encore des employeurs qui souhaiteraient que la présence de leurs salariés au travail ne subisse pas les aléas de la paternité. Le cas suivant a été soumis au Conseil des Prud’hommes de Nanterre : Un salarié bénéficiant d’un congé paternité avait été licencié pour faute grave. Or, la lettre de licenciement lui reprochait, parmi plusieurs griefs (insubordination et dénigrement), d’avoir bénéficié d’un congé paternité. Cumulé à d’autres retards, cela constituait, selon l’employeur, un manquement à l’assiduité. Par un jugement 26 septembre 2014 (ci-annexé) pris en formation paritaire le Conseil des prud’hommes de Nanterre annule le licenciement Pour juger de la nullité de la rupture, le Conseil considère que l’employeur a porté atteinte à un droit fondamental et s’appuie sur le régime de la discrimination. A notre sens, cette tentative de rattachement à une nullité textuelle n’était peut-être pas nécessaire, puisque l’employeur, qui avait visé expressément la prise du congé paternité comme un manquement à l’assiduité au travail, avait en bien contesté au salarié son droit fondamental à la paternité, de sorte que sa décision était nulle sur cette seule constatation. En effet le droit à la paternité et à son respect est incontestablement fondamental et inaliénable car il se dégage de la notion de « vie privée et familiale » laquelle est protégé par : • L’art. 8 de la CEDH ; • L’art. 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU ; • L’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; • L’art. 9 du code civil ; • L’art. II-7 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE ; • Et selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel du 10ème § du Préambule de la Constitution de 1946. Moralité : Les pères, parents pauvres de la protection contre les licenciements, peuvent, peut-être, espérer engendrer et materner dans la sérénité.
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La formation professionnelle après
la loi du 5 mars 2014 (lu dans NVO) |
|  | La loi « formation professionnelle, emploi et démocratie sociale » met en place le compte personnel
de formation, modifie notamment le système de financement de la formation professionnelle et apporte certains changements en matière d’apprentissage et
de professionnalisation. Nous en analysons les principales dispositions. Le compte personnel
de formation est ouvert pour toute personne
âgée
d’au moins 16 ans La loi du 5 mars 2014 a transposé notamment l’accord national interprofessionnel (ANI) du 14 décembre 2013 sur la formation professionnelle Elle a organisé le désengagement financier des entreprises. Il n’y a rien dans la loi qui impose aux employeurs l’obligation de former leurs salariés. Elle comporte des dispositions concernant la représentativité patronale et le financement des organisations professionnelles d’employeurs et des salariés...Lire la suite dans le doc ci-dessous |
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L’absence de cause réelle et sérieuse des licenciements des Conti confirmée en appel (Chronique Ouvrière)
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Par ses arrêts rendus le 30 septembre dernier, la Cour d’appel d’Amiens a confirmé les jugements du 30 août 2013 par lesquels le Conseil de prud’hommes de Compiègne avait déclaré sans cause réelle et sérieuse les licenciements pour « motif économique » de 680 Conti. La Cour d’appel d’Amiens, à la suite des premiers juges, a constaté l’existence d’une situation de co-emploi entre les sociétés Continental Aktiengesellchaft et SNC Continental France (avec toutes conséquences de droit notamment quant aux obligations incombant à chacune en leur qualité de co-employeur dans la mise en œuvre du licenciement contesté). Elle a ensuite relevé l’absence d’une cause économique légitime de licenciement, dans la mesure où les licenciements s’inscrivaient, non dans le souci de faire face à des difficultés économiques ou de permettre la sauvegarde de la compétitivité, mais dans la volonté d’accroître la rentabilité du secteur d’activité du groupe auquel appartient la société SNC Continental France. Elle a enfin souligné que les sociétés SNC Continental France et Continental Aktiengesellchaft ne pouvaient être considérées comme ayant satisfait à l’obligation préalable et individuelle de reclassement mise à leur charge. L’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens, très précisément motivé et rédigé d’une écriture limpide, se suffit à lui-même. Le jugement prud’homal qui est confirmé par cet arrêt a par ailleurs fait l’objet d’un commentaire détaillé sur le site de la présente revue (Pascal MOUSSY, « L’usine de Clairoix a été fermée pour accroître les profits ! 680 Conti obtiennent du juge prud’homal une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse », Chronique Ouvrière du 3 septembre 2013 : http://www.chronique-ouvriere.fr/spip.php?article762). Il n’est donc pas question de consacrer ici de longs développements à paraphraser l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens. Il sera juste observé que les juges d’appel ont apporté, concernant l’affaire qui leur était soumise, des précisions complémentaires sur la notion de « co-emploi » et sur celle du « secteur d’activité » qui doit constituer le cadre d’appréciation de la réalité du motif économique du licenciement. I. Une démonstration didactique d’une situation de « co-emploi ». En ce qui concerne le « co-emploi », l’arrêt Molex (Cass. Soc. 2 juillet 2014, Dr. Ouv. 2014, 653, note M. Castel) a récemment défrayé la chronique. La Cour de cassation a souligné que « hors l’existence d’u lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l’égard du personnel employé par une autre, que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les société appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activité et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ». La Chambre sociale a ensuite précisé, pour casser l’arrêt de la Cour d’appel qui était déféré à sa censure, que « le fait que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et que la société mère ait pris dans le cadre de la politique du groupe des décisions affectant le devenir de la filiale et se soit engagée à fournir les moyens nécessaires au financement des mesures sociales liées à la fermeture du site et à la suppression des emplois, ne pouvait suffire à caractériser une situation de co-emploi ». Des juristes patronaux ont manifesté bruyamment leur enthousiasme devant un « coup d’arrêt » (J GRANGE, Avocat associé, cabinet Flichy Grangé, « L’arrêt Molex : le coup d’arrêt au co-emploi », Semaine sociale Lamy du 29 septembre 2014, n° 1645, 11 et s.). Des membres de l’Université, plus nuancés et plus exacts, ont préféré parler d’un « rappel à l’ordre » (G. AUZERO, « Co-emploi : le rappel à l’ordre de la Cour de cassation », Semaine sociale Lamy du 29 septembre 2014, n° 1645, 7 et s.). Le « co-emploi » doit être compris comme la sanction d’une « anormalité » et « n’a donc pas pour objet de remettre en cause, de façon générale, le fonctionnement des groupes de sociétés, dont l’existence est fondé sur une logique de domination ou de contrôle » (G. AUZERO, art. préc., 8). « De notre point de vue, l’arrêt Molex ne sonne pas le glas du-emploi, qui pourra donc toujours être retenu dans l’avenir. Mais il appartiendra aux juges du fond, au risque d’encourir la censure de la chambre sociale, de bien caractériser la triple confusion d’intérêts, d’activités et de direction, c’est-à-dire la double immixtion de la société mère dans la gestion économique et sociale de sa filiale. Concrètement cela reviendra à démontrer que la société filiale n’est, au fond, qu’une société dirigée, en fait, tant sur le plan économique que social, par la société qui la contrôle et dans son seul intérêt » (G. AUZERO, art. préc., 9). La Cour d’appel d’Amiens a bien pris en compte le message envoyé par l’arrêt Molex. Elle donne en premier lieu une définition du « co-emploi » qui s’inscrit dans le droit fil des attendus de l’arrêt rendu par la Cour de cassation au début de l’été. « Attendu que si elle peut parfois découler d’un rapport de subordination directe entre une entreprise et le personnel d’une autre sur lequel elle exerce son autorité, la qualité de co-employeur est le plus souvent déduite d’une confusion d’intérêts, d’activité et de direction, révélatrice en définitive d’une absence d’autonomie véritable en matière de gestion des entités en cause, permettant de reconnaître chacune des entités comme employeur en ce que la gestion et la direction de l’entreprise sont assurées du point de vue économique et social par l’une et l’autre ou le plus souvent notamment par l’une au détriment de l’autre, laquelle, privée d’autonomie dans l’exercice de ses prérogatives d’employeur, se trouve de fait ramenée au rang de simple établissement ; Attendu qu’ainsi défini au travers du critère de confusion d’intérêts, d’activité et de direction, le co-emploi entre sociétés d’un même groupe renvoie en définitive à la situation dans laquelle une entreprise (en général la société mère) intervient dans le fonctionnement et la conduite de l’activité d’une autre (une filiale généralement) en la privant des attributs de son autonomie en matière de direction et de gestion économique et sociale, situation de confusion qui permet de la distinguer de la notion de communauté d’intérêts et de gestion nécessairement attachée à l’appartenance à un groupe au sein duquel se nouent entre les sociétés concernées des rapports d’affaires plus étroits que ceux pouvant exister avec des entreprises extérieures, notamment en matière de définition et de coordination des politiques économiques, de mise en commun de moyens d’exploitation ou de concours financiers ». La Cour d’appel d’Amiens a ensuite indiqué de façon détaillée en quoi était caractérisée une situation de co-emploi entre les sociétés Continental Aktiengesellchaft et SNC Continental France. La société mère Continental Aktiengesellchaft exerce (et exerçait à tout le moins au moment de la décision de fermeture du site de Clairoix par l’intermédiaire d’une filiale contrôlée 100 %) un contrôle opérationnel et constant sur la SNC Continental France, elle-même filiale détenue à 100 %, œuvrant dans le même secteur d’activité de pneumatiques, à laquelle elle dicte et impose ses choix stratégiques et prend à sa place les décisions les plus importantes en matière de gestion économique et sociale, au point de la ravaler au rang de simple rouage dans le développement de son activité et dans la réalisation de ses propres objectifs et de ceux du groupe qu’elle contrôle. La décision de restructuration et de fermeture de l’établissement de production de Clairoix et donc la suppression consécutive de plus de 1100 emplois ont été prises, pur des raisons de pure stratégie industrielle destinées à améliorer les performances du groupe dans le secteur considéré, au niveau de Continental Aktiengesellchaft et imposée à la SNC Continental France chargée de la mettre en œuvre sous le contrôle étroit de sa maison mère qui, pour bien signifier où se situait le pouvoir de décision, n’a manifestement pas hésité à se substituer purement et simplement à sa filiale lorsqu’il a fallu s’expliquer devant les médias ou les élus locaux ou s’adresser aux salariés du site de Clairoix ou encore rencontrer les plus hautes autorités politiques françaises mobilisées par le projet de licenciement collectif. Continental Aktiengesellchaft a par ailleurs été l’inspiratrice directe des différents accords conclus au mois de juin 2009 relativement au projet de licenciement économique à mettre en œuvre au sein de Continental France, accords dans lesquels elle apparaît soit comme partie contractante soit partie prenante et qui comportent engagement de sa part d’exécuter en cas de défaillance de sa filiale les obligations souscrites par cette dernière, au demeurant dans certains cas en tant que simple mandataire titulaire d’une délégation de pouvoir de sa maison mère. L’activité économique de la société Continental France, qui n’a en vérité d’autre clientèle que celle qui lui est désignée par sa maison-mère, est maîtrisée et étroitement contrôlée par Continental Aktiengesellchaft qui définit et impose à sa filiale ses choix et orientations économiques en fonction de ses propres intérêts et de ceux du groupe qu’elle contrôle, notamment en termes de produits , volumes de production, clients et prix, fixe des ratios de performance opérationnelle (cadence de production de pneus par homme et par heure) et les objectifs à atteindre sous la menace de se désengager financièrement vis-à-vis de sa filiale dont la viabilité et au-delà la pérennité se trouvent ainsi dans la dépendance de décisions prises par Continental Aktiengesellchaft en fonction de critères de rentabilité et de performances unilatéralement imposés. L’intervention de Continental Aktiengesellchaft est également constatée dans le domaine de la gestion des ressources humaines ainsi qu’il ressort notamment des conséquences directes en matière d’emploi de sa décision de fermeture de l’établissement de Clairoix, de la gestion par ses soins des procédures de reclassement des salariés de Continental France visés par le licenciement collectif, de ses interventions en matière d’exécution des contrats de travail des salariés de Continental France, notamment pour fixer le seuil de déclenchement de l’attribution de certaines primes ou avantages en fonction d’indicateurs de performance des différents sites industriels ou de critères sociaux (taux d’absentéisme…), de la réalisation ou non des objectifs assignés par le groupe en ces domaines. En présence de l’ensemble de ces éléments caractérisant « une immixtion anormale » de la société mère dans la gestion de sa filiale, la Cour d’appel d’Amiens ne pouvait que conclure à une situation de « co-emploi ». II. Une délimitation pertinente du périmètre d’appréciation de la réalité du motif économique des licenciements. Il est aujourd’hui acquis que, lorsque l’entreprise appartient à un groupe, le périmètre d’appréciation des difficultés économiques ou de la sauvegarde de la compétitivité est le « secteur d’activité » du groupe auquel l’entreprise appartient. La notion de « secteur d’activité » n’est pas définie par la loi mais a fait l’objet d’une construction jurisprudentielle. Il ressort de celle-ci que relèvent d’un même secteur d’activité « les entreprises dont l’activité économique a le même objet, quelles que soient les différences tenant aux modes de production des biens ou des fournitures de services » (voir « Le licenciement économique. Identifier le motif. Respecter les procédures », Liaisons sociales, septembre 2012, 21). Il a été précisé par la Cour de cassation que la spécialisation d’une entreprise au sein d’un groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un secteur d’activité plus étendu, au niveau duquel doivent être appréciés les difficultés économiques (voir Cass. Soc. 8 juillet 2008, n° 06-45934 ; Cass. Soc. 23 juin 2009, n° 07-45668, Bull. V, n° 161). Il a été relevé que la solution retenue par la Cour de cassation semble avoir été prise « afin d’éviter qu’une spécialisation des filiales d’un groupe permette d’échapper à la rigueur du contrôle des licenciements pour motif économique ». « Les magistrats condamnent ainsi les tentatives de spécialiser à dessein une activité afin de chercher à l’extraire du périmètre d’examen, tentation d’autant plus forte si l’employeur désireux de procéder à un licenciement est gêné par une filiale dont l’activité est très proche des autres et dégage de forts bénéfices » (H. GUYADER, « Les contours de la notion du secteur d’activité », Semaine sociale Lamy, 2009, n° 1411). La Cour d’appel d’Amiens s’inscrit dans ce refus d’une spécialisation excessive ayant pour objet ou pour effet de fausser l’appréciation de la réalité du motif économique des licenciements. Elle rappelle qu’« il est en effet de principe constant qu’il n’y a pas lieu de distinguer pour la détermination du secteur pertinent d’appréciation de la cause économique en fonction de l’usage auquel les produits fabriqués sont destinés, la clientèle concernée, la spécialisation d’une entreprise dans une ligne de produits et son rattachement à une unité particulière au sein d’un groupe ne suffisant pas à exclure son rattachement à un même secteur d’activité ». La Cour d’Amiens relève ensuite que « le secteur pertinent d’appréciation est en l’occurrence celui de la fabrication et de la commercialisation pneumatiques, dont les éléments du dossier révèlent, au travers notamment de son résultat opérationnel corrigé pour l’année 2009 chiffré à plus d’un milliard d’euros, qu’il ne connaissait pas davantage de difficultés économiques, ni de menaces en termes de compétitivité, les lettres de licenciement ou les conventions de rupture amiable ne faisant au demeurant expressément état d’aucune cause économique éprouvée au niveau du secteur « Rubber » pris dans son ensemble ». Et il a été souligné par les juges d’appel que « les éléments du dossier révèlent en définitive une situation économique et financière du groupe à la fois solide et stable et un excellent positionnement concurrentiel sur le marché du pneumatique, globalement en croissance compte tenu de l’augmentation de la demande des pays émergents, ainsi qu’en atteste la croissance constante en milliards d’euros du volume de ses ventes consolidées ». Cette absence de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité au niveau du secteur « Rubber » du groupe Continental ne pouvait qu’entraîner la confirmation des jugements prud’homaux qui avaient considéré les licenciements des Conti comme dépourvus de cause réelle et sérieuse. |
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La décision implicite hypocrite (Chronique Ouvrière) |
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samedi 27 septembre 2014 par Marie-Laurence NEBULONI La règle selon laquelle le silence gardé par l’administration pendant un certain temps sur une demande vaut rejet fut crée, à l’aube du XXe siècle, aux fins d’ouvrir à l’administré l’accès au tribunal [1]. Par la suite, le droit de recours effectif au juge fut renforcé pas sa consécration constitutionnelle [2] et une multitude de traités internationaux. Une loi récente [3] vient d’inverser le principe. A compter de novembre 2014, le silence gardé pendant 2 mois par l’autorité administrative sur une demande vaudra acceptation et non plus refus. Mais, en matière sociale, le législateur avait déjà introduit des exceptions à l’adage « Qui ne dit mot refuse » dont les motifs (I) et les effets (II) interrogent. I) La restriction de l’accès au juge Issue de la loi du 25 juin 2008 [4], la rupture conventionnelle régie par les articles L. 1237-11 et suivants du Code du travail, est un dispositif qui permet à l’employeur et au salarié de « convenir d’un commun accord des conditions de la rupture du contrat de travail ». Outre le principe du commun accord dans le cadre d’un lien de subordination, d’autres dispositions posent problème. En effet, l’article L.1237-14 du même code énonce : « L’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s’assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties. A défaut de notification dans ce délai, l’homologation est réputée acquise et l’autorité administrative est dessaisie. ». A la lecture de cet alinéa, on peut déjà s’interroger sur la possibilité, pour le contrôleur du travail, de s’assurer du libre consentement des parties, laquelle nécessite une bonne connaissance de l’entreprise et de rencontrer le salarié concerné. En outre, dans la réalité, du fait d’un effectif insuffisant [5] , très peu de conventions de rupture sont vérifiées. La récente réforme de l’inspection du travail ne va pas arranger les choses [6] . Par ailleurs, lorsque la réponse de l’administration doit intervenir dans un délai inférieur ou égal à quinze jours, celle-ci n’est pas tenue de délivrer un accusé de réception [7] . Or, il appartient à la partie la plus diligente d’adresser la demande d’homologation à l’inspection du travail [8] . Si le salarié s’en charge, il n’a aucun moyen de savoir si sa demande a été reçue. Si l’employeur lui dit l’avoir fait, il n’a aucun moyen de le vérifier. Il ressort de ces observations que le principe de l’acceptation implicite permet de rendre non effective la vérification du respect des droits du salarié par l’inspection du travail. Au surplus, le recours juridictionnel contre la convention de rupture n’est que de douze mois [9] , contre vingt quatre pour le licenciement [10] . L’accès au juge s’en retrouve fragilisé. Il s’ensuit que la sécurisation des ruptures conventionnelles voulue par le législateur profite essentiellement aux employeurs en ce sens qu’elle limite de facto considérablement l’accès du salarié au juge par un délai d’action réduit et un déficit d’informations quant aux droits qu’il pourrait faire valoir. Par la suite [11] , le législateur a introduit une nouvelle possibilité de validation implicite par l’administration : l’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi [12] . De ce fait, les organisations syndicales et les salariés se trouvent privés du droit de connaître les motifs de l’acceptation. A l’inverse, l’employeur est toujours informé des motifs ayant présidé au refus d’homologation et il lui est donné une deuxième chance de procéder à un nombre important de licenciements pour motif économique [13]. Une fois de plus, force est de constater que le mécanisme de la décision implicite d’acceptation a pour effet de favoriser la partie forte au contrat de travail. Pour quelles raisons ? II) De l’intérêt général aux intérêts privés Dans la conception française, l’intérêt général ne résulte pas de la somme des intérêts particuliers. L’action administrative trouve sa justification et sa finalité dans la recherche du premier et s’exerce sous le contrôle de la justice [14]. Qu’en est-il réellement aujourd’hui ? Le 10 avril 2014, le Conseil d’Etat a jugé que l’ouverture des magasins de commerce au détail d’articles de bricolage était justifiée par le besoin du public, au vu des résultats d’enquêtes d’opinion [15] . A la notion d’intérêt général, qu’il est censé faire respecter, le juge administratif a substitué celle de « besoin du public », en matière de consommation. Que penser quand un juge écrit : « que cette mesure entend répondre, ainsi qu’il a également été dit ci-dessus, aux nécessités de loisirs dominicaux qui se tournent désormais, pour un très grand nombre de personnes, vers l’exercice d’activités de bricolage ; que la satisfaction de besoins de cette nature constitue une considération sociale et économique pertinente au sens des stipulations citées ci-dessus [16]. » ? Le raisonnement juridique est remplacé par une étude sociologique et économique, laquelle ne s’appuie sur aucune donnée : où est la démonstration de la pertinence économique ? Le Conseil d’Etat argumente sur le fondement de l’article 7 de la convention internationale du travail n° 106, qui parle de services et non de commerce, et est rédigé en termes si généraux qu’ils permettent une interprétation très large susceptible de se trouver en opposition avec la finalité première du texte, à savoir le progrès social. La haute Cour invoque la « nécessité des loisirs sociaux » mais favorise uniquement la consommation [17] . Beaucoup de personnes font un jogging ou jouent au foot le dimanche. Faut-il pour autant ouvrir les commerces d’articles de sport ? Qui pourra avoir des activités de loisirs le dimanche quand tout le monde sera au travail ? Le précédent ministre du chômage, Monsieur Michel SAPIN, a répondu [18] qu’il fallait permettre aux employés qui subissaient un temps de transport important dans la semaine de se rendre dans les magasins de bricolage le dimanche. Pourquoi ne pas plutôt diminuer le temps de travail, augmenter les salaires, baisser les loyers… Il serait pourtant de l’intérêt général de privilégier la cohésion sociale par le maintien du dimanche comme jour de repos obligatoire pour tous, la seule exception admissible ne pouvant être que la continuité du service public. Mais le Conseil d’Etat a préféré protéger les intérêts privés des patrons des grands magasins de bricolage. Sa position s’inscrit dans un contexte plus large dont l’exemple le plus frappant et le plus abouti est le projet de traité transatlantique qui créé des tribunaux extra judiciaires ayant le pouvoir de juger les Etats [19] . Force est de constater que la finalité originelle du droit public, la préservation de l’intérêt général [20] , évolue sensiblement vers la protection de puissants intérêts privés. |
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En matière de preuve, la voix de son maître ne vaut pas (Chronique Ouvrière) |
|  | CPH Cahors 20 juin 2014
Le juge a déclaré que le salarié n’a pas commis de faute grave et que le licenciement est nul. Il condamne FGA a payé environ 15 000 € (nullité du licenciement, indemnité de préavis, congés etc…) + 2000 € pour les frais de justice engagés par le salarié. Ce qu’il faut retenir du jugement, c’est que la DRH pour étayer la lettre de licenciement (et donc la faute grave évoquée) a fait réaliser à l’encadrement du salarié des attestations : « strictement identiques, établies sur en tête Figeac Aéro « direction des ressources humaines » et que les témoins se sont contentés de rajouter leurs noms et signatures en remplissant les blancs… ». Et la DRH, s’est elle-même fait une attestation pour dire qu’elle a été menacé (à croire que DRH est un métier assermenté…) Donc le juge départiteur a, selon le code de procédure civile, écarté et considéré comme nulles les attestations réalisées par la DRH et la maîtrise du service expédition/réception (tiens, on parle souvent de ce service !!!) Les fautes graves reprochées aux salariés sont des faits que d’autres personnes font avec le consentement de la direction, mais comme FGA fonctionne à la tête du client… (Invitation à un mariage…) Par contre, il faut souligner que la maîtrise, dans cette affaire, était influencée pour signer un chèque en blanc à la DRH, et cela nous interroge. La DRH n’hésite pas à mettre en porte à faux la maîtrise, car si le salarié porte l’affaire au pénal, les maîtrises pourraient avoir de sérieux problèmes avec la justice. Ce n’est pas parce qu’on est maîtrise qu’il faut obéir aveuglement à la direction, celle-ci se sert de vous ! Commentaire du Syndicat CGT Figeac Aéro |
« Simplification et adaptation du Code du travail » et puis quoi encore ! |
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Le 16 juin, un projet d’ordonnance portant « simplification et adaptation du Code du travail » a été présenté pour avis à la sous-commission des Conventions et accords de la C.N.N.C. (Commission nationale de la négociation collective). Les dispositions portent sur les informations dues par l’employeur auprès des salariés de l’entreprise et auprès de l’administration sur des domaines essentiels dans la vie de l’entreprise : - La prévention des discriminations et du harcèlement ; - L’information du contenu du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) dans les entreprises dépourvues de représentants du personnel ; - L’organisation des élections professionnelles ; - La dérogation à l’horaire collectif de travail et l’organisation des astreintes notamment, ne feraient plus l’objet d’une information systématique auprès de l’inspection du travail. Sous couvert de simplification et à la demande instante du patronat au nom de la libération des « contraintes » pour l’employeur, le gouvernement s’apprêterait à remplacer l’obligation « d’affichage » par une formule savante : une obligation d’information « par tout moyen » ! Loin de simplifier quoi que ce soit, ce projet ne peut générer qu’ambigüité et confusion. L’entreprise est un espace socialisé où le pouvoir de l’employeur doit être réglementé, où les droits fondamentaux doivent être respectés. Pour cela, il faut que puissent s’appliquer dans l’entreprise des conditions légales et réglementaires claires. La CGT et l’ensemble des organisations syndicales de salariés se sont opposés à ce projet d’ordonnance. Le gouvernement doit donc retirer celui-ci. La CGT est disponible pour une concertation en vue d’améliorer le code du travail pour une meilleure information des salariés. |
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Le principe directeur du PSE de SANOFRIC : l’égalité de traitement est une marchandise !(Chronique ouvrière) |
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Les actuelles dispositions du code du travail prévoient la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi par la voie d’un accord collectif majoritaire. Il appartient à l’administration du travail et de l’emploi, en l’occurrence la DIRECCTE, de procéder à la validation de l’accord qui organise le licenciement collectif (pour appeler les choses par leur nom), après s’être assuré que la procédure d’information et de consultation des instances de représentation du personnel a été respectée, que le contenu du plan de « sauvegarde » témoigne d’un effort sérieux de recherche de reclassements et, cela va sans dire, que les principes généraux du droit du travail n’ont pas été oubliés dans l’œcuménisme ayant conduit à la signature de l’accord. La récente validation de l’accord collectif « majoritaire » mettant en œuvre le « plan de sauvegarde de l’emploi » de SANOFI AVENTIS Recherche & Développement a vu la DIRECCTE confondre contrôle « restreint » et contrôle « superficiel » et donner le feu vert à des dispositions conventionnelles qui ont notamment mis en place des « catégories professionnelles » de laboratoire permettant à l’employeur de s’affranchir sans aucun complexe du respect du principe d’égalité de traitement. Des salariés de SANOFI en lutte pour la défense de leurs emplois et le syndicat SUD CHIMIE ont déposé devant le Tribunal administratif de Versailles une requête sommaire puis un mémoire un peu plus détaillé demandant l’annulation de la décision de validation peu exigeante envers l’employeur et les syndicats qui ont mis dans leur poche les principes fondamentaux du droit du travail et du droit des licenciements collectifs. Avec leur aimable autorisation, Chronique Ouvrièrevous propose la lecture de leur mémoire. L’audience du Tribunal administratif de Versailles aura lieu le 26 juin 2014 à 10 H. |
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L’hébergement dans l’hôtellerie doit rester internalisé ! (Claude LEVY)
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Second jugement du Conseil de Prud’hommes de PARIS rendu en 2013, aujourd’hui définitif, concernant la sous traitance dans l’hôtellerie parisienne (1er jugement commenté au Droit Ouvrier de septembre 2013). Cette nouvelle décision, sans avoir eu à examiner la question de la discrimination indirecte alléguée subie par les femmes de chambre et gouvernantes employées par une société de sous traitance pour nettoyer et contrôler les chambres d’un hôtel 4 étoiles, retient le marchandage défini et interdit par l’article L8231-1 du Code du travail : « Le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est interdit », Le Conseil entre en voie de condamnation sur le 13ème mois, la prime d’habillage déshabillage et l’indemnité de nourriture, symptomatique de l’inégalité de traitement subie sur un même lieu de travail par les femmes de chambre et gouvernantes de la sous traitance, les salariés de l’hôtelier en bénéficiant, pas ceux de la sous traitance qui travaillent à leur côté ! Le Conseil rappelle tout d’abord que l’hébergement constitue le cœur de métier de l’hôtellerie. Un hôtelier vend des chambres nettoyées par des femmes de chambre, contrôlées par des gouvernantes, tout comme un restaurateur vend des repas élaborés par un cuisinier dont on comprendrait mal qu’il soit salarié d’une société sous-traitante ! Le Conseil relève ensuite qu’aucune spécificité technique ou technologique n’est apportée par les femmes de chambre de la société HARMONY à la société qui gère l’hôtel Concorde MONTPARNASSE (contrairement à un frigoriste, un décorateur ou un ascensoriste, par exemple, qui apportent un savoir-faire spécifique à l’hôtelier). D’ailleurs, dans de nombreux hôtels de cette catégorie, les femmes de chambre et gouvernantes sont directement salariées de l’hôtel. Il apparait donc que le seul but de cette opération de sous traitance est de permettre de fournir une main d’œuvre bon marché, flexible, dont le statut collectif est bien inférieur à celui des salariés de la société utilisatrice, ce qui définit précisément le marchandage interdit. Rappel salutaire également sur le régime de la preuve en matière d’heures supplémentaires. Un décompte produit par le salarié est suffisant. Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve des heures effectives du salarié, notamment au regard de l’article D 3171-8 du code du travail, particulièrement quand il s’agit d’un travail payé à la chambre et non à l’heure (Cass. soc. 24 novembre 2010 n° 09-40.928 (n° 2249 FP-PBR), Parize c/ Sté Résidence Les Serpolets) |
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Devoir de réserve" ou tentative de répression d’une légitime solidarité ? (Chronique Ouvrière) |
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TA Orléans 26 novembre 2013.pdf Un conseiller clientèle de La Poste exerçant ses fonctions au bureau de Tours Champs Girault faisait l’objet le 28 juillet 2011 d’une mesure d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans dont dix-huit mois avec sursis. Les motifs de cette exclusion temporaire étaient les suivants : « Gestion de fait des comptes et produits financiers d’une cliente de la Banque Postale, retraits frauduleux et faux en écriture. Utilisation du poste de travail d’une collègue pour effectuer des opérations personnelles. Atteinte au devoir de réserve et à l’image de La Poste en portant à la connaissance de la clientèle des informations confidentielles relatives à la procédure disciplinaire en cours ». L’intéressé, soutenu par le syndicat départemental CGT FAPT d’Indre-et-Loire, saisissait le Tribunal administratif d’Orléans d’une demande d’annulation de la lourde sanction dont il avait fait l’objet. Par son jugement du 26 novembre 2013, le Tribunal administratif d’Orléans rejetait la requête qui lui avait été présentée en considérant que le conseiller clientèle sanctionné avait enfreint les règles de déontologie bancaire, qu’en situation de conflit d’intérêt il avait omis d’en référer à sa hiérarchie et qu’il avait commis une atteinte au devoir de réserve auquel sont tenus même les agents suspendus. Il ne s’agit pas de revenir ici sur les motifs du jugement qui a conclu, à tort, à l’existence d’un conflit d’intérêt et à une violation des règles déontologiques justifiant une mesure d’exclusion ayant entraîné une privation de salaire pendant six mois. Mais l’objet des quelques lignes qui vont suivre est de critiquer une conception despotique du « devoir de réserve » visant à interdire la solidarité avec le fonctionnaire faisant l’objet d’accusations et d’un traitement ressentis comme particulièrement injustes. Le Tribunal administratif d’Orléans a validé l’accusation de manquement au « devoir de réserve » dans les termes suivants : « Considérant qu’il est reproché au requérant d’avoir, dans un intérêt personnel, contrevenu à son devoir de réserve et contribué à ternir l’image de La Poste en portant à la connaissance des clients des informations confidentielles et erronées relatives à la procédure disciplinaire dont il a fait l’objet ; qu’il ressort des pièces du dossier que suite à la mesure de suspension prise à l’encontre de M…., le 17 février 2011, plusieurs de ses clients ont adressé à La Poste des lettres contestant la procédure engagée, en précisant avoir été informé par le requérant et par sa famille, et mentionnant leur intention de clôturer l’ensemble de leurs comptes si ce dernier n’était pas rétabli dans ses fonctions ; qu’une partie de ces correspondances a été adressée à La Poste entre le 17 février et le 3 mars 2011, date de la pétition régionale en faveur de l’intéressé ; que dès lors, il apparaît que la confidentialité de la procédure engagée n’a pas été respectée et que des informations ont été diffusées après de la clientèle et hors du cadre professionnel ; que ce comportement constitue une atteinte au devoir de réserve auquel sont tenus même les agents suspendus ». L’extension de « l’obligation de réserve » qui ressort de cette motivation est plus que discutable. Il est traditionnellement rappelé que le fonctionnaire est soumis à une obligation de réserve dans le service ou en dehors du service. Dans le service, cette obligation de réserve s’entend comme une attitude de « stricte neutralité ». En dehors du service, l’agent n’est pas tenu d’observer une attitude de neutralité. La critique est permise. Mais elle est enfermée dans des limites par l’obligation de réserve. Elle ne doit pas être formulée en des termes injurieux ou offensants ou, si elle concerne une autorité hiérarchique, elle ne doit pas être diffusée en dehors du milieu professionnel (voir, à ce sujet, F. HAMON, Droit des fonctions publiques, Volume 2, LGDJ, 107 et s.). Dans l’espèce qui était soumise au Tribunal administratif d’Orléans, le conseiller clientèle de La Poste mis en cause ne s’est pas vu reprocher d’avoir tenu des propos dénigrant sa hiérarchie mais d’avoir donné des informations sur la procédure disciplinaire le concernant à des clients qui ont été indignés par les accusations mises en avant et qui se sont engagés dans la défense du conseiller clientèle qu’ils voulaient voir revenir à son poste. Il doit être souligné que la FAPT CGT a réagi vigoureusement à l’annonce de la suspension de fonctions du conseiller clientèle, qui était par ailleurs un militant syndical particulièrement actif. Son tract titrait : « La Poste prépare une sanction arbitraire. Empêchons-la ! ». Les collègues de travail de l’agent suspendu ont signé une pétition de soutien dénonçant un lien entre la procédure disciplinaire et les activités syndicales de l’intéressé. Il n’est pas sans signification que le premier document de La Poste faisant état du grief de l’atteinte au devoir de réserve et à l’image de La Poste soit postérieur à une journée réussie de mobilisation syndicale en faveur du conseiller clientèle mis en cause. Les clients qui se sont engagés dans la défense de leur conseiller clientèle ont tenu à exprimer leur totale désapprobation avec les poursuites disciplinaires initiées à l’encontre d’une personne qui avait donné toutes les preuves de sa compétence, de son honnêteté et de sa rigueur professionnelle. Lors du conseil de discipline réuni par La Poste, les clients ont tenu à faire entendre leur point de vue par la voix de deux représentants. L’un d’entre eux a souligné que c’était la Directrice de l’établissement qui les avait informés que leur conseiller était écarté du service « pour un affaire très grave » et que c’est à la suite de cette inquiétante déclaration provenant de la hiérarchie que les clients de l’agent suspendu avaient cherché à en savoir plus avant de faire éclater leur indignation devant la nature des accusations proférées. Le Tribunal administratif d’Orléans a admis que La Poste fasse payer au conseiller clientèle mis en cause la solidarité de ses clients en le sanctionnant pour atteinte au devoir de réserve. Le jugement, pour valider le grief tiré d’un manquement au devoir de réserve, se réfère à « confidentialité de la procédure » engagée contre l’agent. Force est de relever que cette « confidentialité » qui serait mise à la charge du fonctionnaire menacé de sanction n’est que le fruit de l’imagination des conseillers composant la 1ère chambre du Tribunal administratif d’Orléans. Elle ne résulte d’aucun texte applicable à la procédure disciplinaire des fonctionnaires. Et il ne peut qu’être relevé que la conception de la « confidentialité de la procédure » affichée par le jugement orléanais se révèle en totale opposition avec les principes affirmés le Tribunal de l’Union européenne dans sa décision du 12 décembre 1995, Bernard Connolly contre Commission des Communautés Européennes (affaire T-203/95 R). Le Tribunal européen a d’abord rappelé que l’obligation de respecter le secret professionnel impose à tout fonctionnaire d’observer la plus grande discrétion sur tout ce qui concerne les faits et informations qui viendraient à sa connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions. Il a ensuite souligné que le devoir de sollicitude et le principe de bonne administration imposent à l’institution de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soient évitées les déclarations susceptibles d’entacher l’honorabilité et la réputation du fonctionnaire concerné par la procédure disciplinaire. Dans la présente espèce, au regard du devoir de sollicitude et du principe d’une bonne administration, ce n’est pas le conseiller clientèle qui aurait dû être frappé d’une exclusion temporaire de fonctions, mais la directrice de l’établissement qui aurait dû faire l’objet d’un blâme. En tout état de cause, le Tribunal administratif d’Orléans a porté une atteinte manifeste au droit de la défense en invoquant l’obligation de réserve du fonctionnaire pour déconsidérer le mouvement de solidarité observé par les clients qui n’entendaient pas laisser passer comme une lettre à la poste le procès en sorcellerie intenté contre leur conseiller |
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Il a été rappelé à Aubert & Duval que la mensualisation n’a pas encore été abrogée. En cas de maladie et pendant les congés payés, le salaire ne doit pas être amputé! ( Pascal MOUSSY)
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|  | La société AUBERT & DUVAL, filiale du groupe minier et métallurgique ERAMET, a pour activité le développement, l’élaboration et la transformation à chaud (forgeage, matriçage et laminage, fonderie ou métallurgie des poudres) des aciers spéciaux, superalliages, alliages d’aluminium et alliages de titane Cette entreprise compte en France cinq établissements, situés à Issoire, Imphy, les Ancizes, Firminy et Pamiers. La société AUBERT & DUVAL verse régulièrement à ses salariés, à l’occasion de leur de leur travail, des accessoires de rémunération, tels que l’indemnité de transport, l’indemnité de panier de nuit, l’indemnité de panier de jour et la prime de douche. Mais, au moment de déterminer le montant du complément de salaire versé en cas de maladie ou de l’indemnité de congés payés, ces indemnités ou primes sont exclues de l’assiette de calcul. Ce qui est totalement contraire au principe du maintien du salaire résultant de la mensualisation et aux règles de calcul de l’indemnité de congés payés. Les dispositions de l’article 7 de l’accord du 10 juillet 1970 sur la mensualisation du personnel ouvrier de la métallurgie, applicable aux salariés de la société AUBERT & DUVAL, prévoient une garantie de maintien du salaire en cas d’absence du salarié pour maladie ou accident dans les termes suivants : « Pendant quarante-cinq jours, il recevra la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait continué à travailler… »...Lire la suite dans le doc ci-dessous |
Quand Sapin se prend les pieds dans ses petits bricolages |
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lundi 3 mars 2014 par Karl GHAZI « Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de leurs requêtes, que les requérants sont fondés à demander la suspension du décret du 30 décembre 2013 (…) » : ces quelques mots ont résonné comme un coup de tonnerre, ce 12 février 2014, lorsqu’avec quelques jours d’avance, le Conseil d’Etat s’est immiscé avec fracas dans le débat sur l’ouverture des magasins le dimanche. Cette question, qui agite régulièrement les medias depuis 1993, date de la première grande bataille judiciaire sur la question (affaires Virgin et Ikéa), était à la Une de l’actualité depuis le mois de septembre. La volonté des patrons des grandes enseignes du commerce d’étendre encore plus les horaires de travail pour gagner des parts de marché, était stoppée par plusieurs actions contre le travail nocturne et dominical, menées par diverses organisations syndicales du commerce. Ces actions avaient abouti à des décisions extrêmement fermes des juges, assorties d’astreintes très importantes (Sephora, Bricorama…) qui ont contraint les patrons du secteur à s’exécuter. Comme toujours dans ces cas-là, ils ont alors joué habilement d’une situation qu’ils avaient eux-mêmes créée, mettant en avant des « salariés mécontents des syndicats » pour expliquer que ces actions étaient néfastes pour l’économie et l’emploi, contraires à la volonté des salariés et aux intérêts des consommateurs. Peu importait que ces affirmations soient totalement infondées : le bénéfice économique (et donc pour l’emploi) de ces ouvertures est depuis toujours contesté, y compris par des économistes qui ne sont pas proches des organisations de salariés (l’OFCE, par exemple). Peu importait que le patronat, derrière l’idée sympathique de « volontariat » cherche à atteindre le stade ultime de la dérogation, non plus au travers d’accords collectifs mais au niveau du contrat individuel de travail. Le gouvernement, le doigt sur la couture et comme s’il s’agissait d’une question urgentissime dans le contexte actuel de crise, s’est empressé, une fois de plus, de répondre aux revendications des patrons. Immédiatement, il a missionné Jean-Claude Bailly (déjà auteur d’un rapport pour le CESE en 2007, concluant à une libéralisation de l’ouverture des magasins le dimanche) afin d’établir un rapport sur cette question. Un mois plus tard, ce dernier publiait ses conclusions qui constituaient un modèle d’hypocrisie. Affirmant la nécessité de maintenir la spécificité du dimanche, il constatait l’impasse que constituent les dérogations « sectorielles » aux fermetures. Certaines branches professionnelles, telle celle du commerce de l’ameublement, bénéficient de dérogations permanentes, au gré de textes de circonstances votés à la suite d’un lobbying patronal intensif. Or, comme le constatait le rapport Bailly, les branches du commerce sont très poreuses : les entreprises de l’ameublement vendent de l’électroménager, celle du bricolage des produits parfois similaires à ceux de l’ameublement etc. Les distorsions de concurrence sont donc inévitables et les contestations (entre patrons !) nombreuses, conduisant, par capillarité, à une généralisation des dérogations : ainsi, des enseignes de l’électroménager ont obtenu gain de cause lorsqu’elles ont fait reconnaître que l’ouverture du dimanche des enseignes de l’ameublement constituait une concurrence déloyale, obtenant, à leur tour, le droit d’ouvrir ! Sauf que le rapport Bailly, après avoir fait ce constat juste, en tirait une conclusion pour le moins surprenante : il fallait annuler la dérogation permanente de l’ameublement à l’issue d’une période transitoire dans l’attente d’une nouvelle loi. Durant cette période, les magasins d’ameublement pourraient continuer à ouvrir le dimanche et, pour éviter toute distorsion de concurrence, le rapport les enseignes de la branche du bricolage, obtiendraient… une dérogation pour la même période ! Ainsi donc, des magasins qui, jusque-là, ouvraient dans l’illégalité allaient obtenir un nouveau droit, provisoire certes, mais qui allait leur permettre de multiplier les ouvertures et de pérenniser de nouvelles habitudes de consommation. Comment imaginer, en effet, qu’après les avoir autorisés à ouvrir pendant 18 mois (durée maximale prévue dans le rapport), on allait à nouveau les fermer ? Moins d’un mois après la présentation du rapport, le gouvernement publiait, sans concertation préalable avec les organisations de salariés, un décret autorisant l’ouverture des magasins de bricolage le dimanche, jusqu’au 1er juillet 2015. Un accord comprenant des « contreparties » pour les salariés était signé le 23 janvier 2014, par les patrons de la branche et les organisations de salariés à l’exception de la CGT et de F.O. Ce sont différentes organisations affiliées à ces deux confédérations qui saisiront le Conseil d’Etat d’une demande de suspension en référé du décret n°2013-1306 du 30 décembre 2013. Le Gouvernement dans une impasse A l’appui de sa décision, le juge des référés a commencé par viser à la fois la Constitution et la Convention de l’Organisation Internationale du Travail mais y a aussi ajouté le Code du travail, la Loi du 13 juillet 1906 établissant le repos hebdomadaire et une décision du Conseil Constitutionnel du 6 août 2009. Le Juge a relevé que la dérogation au principe du repos dominical revêt un caractère permanent et par conséquent l’a subordonnée à l’existence d’un besoin en principe pérenne du public. Or, dans sa volonté d’avancer masqué, le gouvernement s’est pris les pieds dans le tapis : selon le Conseil d’Etat, aux termes du code du travail, « la dérogation est subordonnée à l’existence d’un besoin, en principe pérenne, du public qu’elle vise à satisfaire tant qu’un changement dans les circonstances de droit ou de fait ne le remet pas en cause ; [or] le décret litigieux a limité au 1er juillet 2015 les effets de la dérogation qu’il institue, sans que le pouvoir réglementaire invoque la disparition à cette date d’une telle nécessité ». En résumé, la preuve qu’il n’existe pas un besoin pérenne du public, c’est le Gouvernement qui l’apporte en prenant un décret pour une durée déterminée ! Cette partie de la décision (4ème considérant) a fait dire au Gouvernement qu’il lui suffisait de prendre un décret autorisant les magasins de bricolage à ouvrir le dimanche pour une durée indéterminée pour passer l’obstacle ! Il a d’ailleurs immédiatement annoncé la publication prochaine de ce nouveau décret qu’il a déjà fait parvenir aux organisations syndicales pour « consultation ». D’autre part, le Conseil d’Etat considère que les motifs pris par le Gouvernement visant à répondre à de nombreux conflits et litiges ne figurent pas au nombre de ceux qui sont prévus par la Loi. Il considère, en conséquence, qu’il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision du Gouvernement. S’agissant de la condition d’urgence, le Conseil d’Etat réaffirme que le principe d’un repos hebdomadaire est une garantie du droit au repos reconnu aux salariés par le 11ème préambule de la Constitution de 1946 et qu’il existe par conséquent un préjudice grave et immédiat tant à l’intérêt collectif des professions concernées qu’à l’intérêt individuel des salariés susceptibles d’être appelés à travailler le dimanche. En relevant, d’autre part, qu’il n’y avait ni extension, ni couverture du champ du décret par l’accord signé le 23 janvier 2014 par certaines organisations syndicales, le Conseil d’Etat a considéré que la condition de l’urgence était remplie. Le défaut d’extension ne rend en effet pas obligatoire les « contreparties » dans tous les établissements susceptibles d’ouvrir le dimanche. Et, du fait de la « porosité » des branches déjà évoquée plus haut, le décret s’applique à des branches professionnelles non couvertes par l’accord (la quincaillerie, par exemple, qui s’oppose par ailleurs à l’ouverture des magasins le dimanche). Le Conseil d’Etat s’est abstenu de statuer sur les autres moyens figurant dans la requête, notamment celui permettant de vérifier si la décision est conforme ou non au mécanisme des régimes spéciaux prévus par la Convention 106 de l’OIT. Ce nouveau succès des organisations syndicales sur le terrain judiciaire ne marque certainement pas la fin de la guerre de la déréglementation des horaires dans le commerce. Le gouvernement, cependant, se trouve dans une impasse dans laquelle il s’est poussé tout seul. Car, contrairement à ce qu’il affirme au travers de ses communiqués, la décision du Conseil d’Etat ne porte pas sur la forme (un décret qui aurait dû prévoir une dérogation pour une durée indéterminée) : bien au contraire, il a visé les conventions internationales, la Constitution et le code du travail. Si ce dernier peut être facilement modifié dans le sens des volontés des patrons des grandes enseignes du commerce, il n’en va pas de même pour les autres normes… Pour sa part, l’Union syndicale CGT du Commerce et des Services de Paris soumettra à nouveau au Conseil d’Etat le tour de passe-passe que lui prépare le Gouvernement. Et nous ne sommes pas certains que les juges administratifs goûtent la prestidigitation. Ni le bricolage.
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Suppression des élections prud’homales : une simple étape du déclin de la démocratie? (Chronique ouvrière) |
|  | Marie-Laurence NEBULONI Le premier Conseil des prud’hommes fut créé à Lyon. A l’origine, l’institution prud’homale, composée essentiellement d’employeurs, était considérée comme un lieu de régulation des relations de travail. En 1848, celle-ci devint paritaire, c’est-à-dire constituée à parts égales de patrons et d’ouvriers, qui étaient tous électeurs et éligibles. Il s’agissait « d’aborder les conseils de prud’hommes en accord avec les exigences démocratiques du suffrage universel » et « d’établir la jonction entre démocratie et juridiction du travail » A la fin du XIXè siècle, l’institution devint un lieu de revendication du mouvement ouvrier. L’instauration des conseils de prud’hommes constituait bien, pour les syndicats,« une victoire sur un univers juridique qui n’avait pas été jusque là si favorable aux travailleurs » A noter que les femmes ne devinrent éligibles qu’en 1908. A la fin des années 1970, les organisations patronales et le syndicat force ouvrière remirent en cause le principe de l’élection, réclamant que les conseillers soient désignés par les organisations et non plus élus, au prétexte de trouver des candidats suffisamment compétents sur le plan juridique. A l’époque, cette position fut fortement combattue par les organisations syndicales CGT et CFDT qui rappelaient constamment le principe de l’élection, seul à même de conférer aux conseillers leur légitimité. En 1979, la loi Boulin généralisa l’institution à l’ensemble du territoire national et à toutes les branches d’activités. Lors des débats parlementaires préalables à son adoption, le groupe socialiste, par la voix de Monsieur Alain RICHARD, voyait dans « dans les conseils de prud’hommes d’une part une conquête ouvrière, clefs d’un droit du travail réellement protecteur des salariés et condition de cette protection ; d’autre part une expérience particulièrement instructive de participation des citoyens à la justice de leur pays. » Les organisations patronales et syndicales participèrent à la rédaction des textes de loi et il leur fut confié la préparation et la présentation des listes électorales. Face aux tentatives récurrentes de transformer le Conseil de Prud’hommes en une juridiction composée de magistrats professionnels entourés d’assesseurs salariés et patronaux, la CGT opposait son attachement à la spécificité de l’institution, fondée sur l’appartenance des conseillers au monde du travail que garantissait l’élection par les justiciables Trente années plus tard, le Conseil d’État, saisi pour avis sur l’article 8 de la loi du 15 octobre 2010, « complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 » , estima que des motifs d’intérêt général justifiaient la prorogation, au-delà de 2013, pour deux ans, des mandats des conseillers prud’hommes en fonction, afin de laisser le temps au gouvernement de prévoir une réforme du mode de désignation des conseillers prud’hommes. Cependant, à la lumière des missions conférées à la Haute Cour : 1) protéger les libertés et droits fondamentaux des personnes, 2) défendre l’intérêt général, 3) veiller à la qualité de la gouvernance publique , il semblerait que la première étape ait été oubliée. En effet, de jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel n’autorise la prorogation des mandats électifs que sous réserve qu’elle soit justifiée par un motif d’intérêt général, exceptionnelle, transitoire et limitée dans le temps. En l’occurrence, le critère du caractère exceptionnel n’était pas rempli, puisque le mandat avait précédent été prorogé d’un an : les élections suivant celles de 2002 n’eurent lieu qu’en 2008. Le caractère transitoire n’était pas plus atteint : le mandat fut prolongé de près de la moitié de la durée (cinq ans) initialement prévue. Quant aux électeurs, leur vote ne fut pas respecté, car ils furent trompés sur la durée du mandat. Lors des débats au sénat, le groupe socialiste s’abstint « sur ce texte dans sa rédaction actuelle. Nous refusons en effet de joindre nos voix à ceux pour qui rien, lorsqu’il s’agit de syndicats et de droits des salariés, c’est encore trop ! ». Cette position fut rappelée à la séance du 16 janvier 2014, par Monsieur Dominique WATRIN, sénateur communiste : « le groupe socialiste s’était opposé au dernier report des élections prud’homales et, par anticipation, à la suppression de l’élection » Le 22 janvier 2014, sur la base d’un rapport confié par le ministère du travail en 2009 à Monsieur Jacky RICHARD, conseiller d’état, fut présenté au conseil des ministres, par Monsieur Michel SAPIN, ministre socialiste du travail, un projet de loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnance de nouvelles modalités de désignation des conseillers prud’hommes, au prétexte de la faible participation, 25% des salariés et 30% des employeurs, à l’élection prud’homale de 2008 et du coût de celle –ci. Les mêmes motifs avaient été avancés en leur temps au soutien de la suppression des élections des administrateurs de sécurité sociale. On voit le résultat aujourd’hui pour les assurés sociaux. Le projet de loi instaure la suppression de l’élection prud’homale au profit d’une désignation des conseillers prud’hommes salariés, liée à la représentativité issue de la loi du 20 août 2008 ; étant précisé qu’un régime transitoire, de 2015 à 2017 est mis en place pour le collège employeurs dont on ne sait pas mesurer la représentativité. Une rupture d’égalité entre les deux collèges est ainsi officiellement instaurée, violant le principe de parité. Très récemment, sous la pression syndicale, hors CFDT, favorable à la désignation qui l’avantage Monsieur Michel SAPIN a décidé le report de la réforme après les élections municipales Par contre, le gouvernement ne renonce pas à légiférer par voie d’ordonnance, procédure rapide prévue par l’article 38 de la Constitution, qui permet d’éviter le débat parlementaire. La liberté n’a pas de prix, dit la sagesse populaire, mais le capitalisme a attribué un coût à la démocratie. L’article 5.2.2 du projet de loi relatif à la désignation des conseillers prud’homaux subordonne même celle-ci à l’intérêt de l’entreprise ! Quand la suppression de la dernière élection sociale sera effective, à quel mandat électif s’attaquera-t-on ? Les élections européennes connaissent un fort taux d’abstention, les élections municipales coûtent cher… Faut- il craindre une désignation par les partis politiques des représentants de la nation ? Face à cette dérive dangereuse, il paraît urgent de réagir afin de stopper le processus de déni démocratique. Les Conseils de prud’hommes appartiennent aux travailleurs et à eux seuls. Ne laissons pas l’exécutif les en déposséder ! |
La restauration rapide se dote d'un accord sur le travail à temps partiel |
|  | Pour lutter contre la précarité des salariés à temps partiel, le syndicat national de la restauration rapide (Snarr) et les partenaires sociaux ouvraient des négociations afin de mettre en œuvre ces dispositions dans la branche de la restauration rapide. Après dix réunions en mixte paritaire, l'avenant 47 a été proposé à la signature le 8 janvier 2014. Il a été ratifié depuis par les cinq organisations syndicales (CFTC, CGT, CFDT, FGTA-FO, INOVA et la CFE-CGC). Lire le document |
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Xavier MATHIEU le porte-parole de la lutte des Conti !obtient 5000 € à titre de provision sur dommages et intérêts. (Pascal MOUSSY) |
|  | I. Une fois l’autorisation de licenciement annulée, la direction de CONTINENTAL s’empresse de signifier à Xavier MATHIEU qu’il est « matériellement impossible » de le revoir à Clairoix. Par son jugement du 14 février 2013, le Tribunal administratif d’Amiens annulait la décision du 5 octobre 2010 par laquelle le Ministre du travail avait autorisé la société CONTINENTAL FRANCE SNC à licencier Monsieur Xavier MATHIEU...Lire la suite dans le doc ci-dessous |
Le juge peut fixer les modalités d’une réintégration satisfactoire et apaisée |
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par Alain HINOT
L’arrêt ici annexé (Cour d’appel de Versailles 11ème - Chevallier et UL CGT Chatou c/ Efidis du 19 décembre 2013), est très novateur car il marque une nouvelle étape importante en matière de licenciement nul et de réintégration satisfactoire, tranchant notamment la délicate question du bénéfice effectif des congés payés non pris du fait de l’éviction de l’entreprise. Lorsqu’un juge dit qu’un licenciement est nul et qu’il ordonne la réintégration d’un salarié, il se garde généralement de préciser les modalités de remise en l’état du contrat de travail au-delà de l’obligation pour l’employeur d’avoir à réaffecter le salarié à son poste de travail et de lui payer tout ou partie des salaires perdus depuis le licenciement nul. La question de la réparation intégrale du préjudice entre le licenciement annulé et la réintégration pose déjà problème car une jurisprudence cahotante de la Cour de cassation initiée en 2005 a créé deux régimes différents selon que la cause de la nullité relève d’un principe de valeur constitutionnel (comme par exemple le droit de grève ou le droit à la santé) ou qu’il s’agit d’un salarié dit « protégé » (paiement intégral des salaires perdus sous forme d’indemnité - notamment : cass soc 02 février 2006 n° 03-47481, 30 octobre 2013 n° 12-19696 et 11 décembre 2001 n° 99-42476) ou selon qu’elle concerne les autres cas (paiement d’un différentiel entre salaires perdus et revenus de remplacements - notamment : cass soc 20 janvier 2012 n° 11-19351). Cet arrêt de la Cour d’appel de Versailles, qui juge de la nullité d’un licenciement au regard de la protection accordée par la loi aux salariés victimes d’accidents du travail, est à cet égard sans grande surprise puisque la Cour d’appel (qui doit considérer que la protection des accidentés du travail n’est pas de valeur constitutionnelle, alors qu’il lui était facile de la rattacher au droit à la santé), opère une déduction des revenus de remplacements et/ou des salaires perçus par la salariée pendant la période entre le licenciement et la réintégration, sur l’indemnité due par la société Efidis au titre des salaires qu’elle aurait dû verser pendant cette même période si la salariée n’avait pas été privée de son emploi. Or, la nullité d’un licenciement avec réintégration devrait, par principe, ne laisser perdurer aucune conséquence négative pour le salarié. Sa carrière devrait être totalement reconstituée et il devrait se retrouver exactement dans la même situation que s’il n’avait jamais été évincé de son emploi. Espérons que la jurisprudence évoluera sur ce point, notamment pour la nullité des licenciements des accidentés du travail (sur lesquels la Cour de cassation ne s’est pas encore réellement prononcée), car il est paradoxal qu’ils ne bénéficient pas du même régime indemnitaire que celui appliqué aux nullités tirées du droit à la santé. Mais la problématique de la réintégration pose aussi d’autres questions pratiques complexes relatives à la reprise effective de l’emploi, car, notamment, les juges ne fixent généralement pas clairement la date de réintégration en permettant souvent à l’employeur d’en différer l’exécution pendant un certain délai quitte à fixer une astreinte courant au-delà de la date fixée. Or, dès le prononcé de la décision exécutoire ordonnant la réintégration, le contrat de travail étant logiquement et immédiatement réactivé, et recommençant en conséquence à produire ses effets, l’employeur devrait être dès lors soumis au paiement des salaires sans que cette obligation puisse être conditionnée par la reprise effective du travail par le salarié. En effet le processus de réintégration satisfactoire ne peut pas commencer par le retour du salarié à son poste de travail, mais, au contraire, par la remise en état préalable du contrat de travail par l’employeur, contrat dont le cycle synalagmatique l’oblige d’abord à régler au salarié tous rappels de salaires et condamnations, ainsi qu’à accomplir toutes autres obligations découlant de la situation d’éviction de l’emploi et du retour dans l’entreprise du salarié. Trop d’employeurs ayant tendance à considérer qu’une décision ordonnant une réintégration condamne de fait le salarié à revenir travailler et s’exonérant de remplir leurs propres obligations en attente du retour effectif du salarié à son poste de travail, il était temps qu’un cahier des charges de la « réintégration satisfactoire » soit édité à leur attention. Cet arrêt de la Cour d’appel de Versailles est à cet égard particulièrement didactique en ce qu’il fait droit aux propositions de la salariée visant à encadrer le processus d’une réintégration satisfactoire (propositions que nous avions conceptualisées depuis plusieurs années et soumis à de nombreuses reprises aux juges du fond sans grand succès jusqu’à présent). Après avoir annulé le licenciement de Mme Chevallier et ordonné sa réintégration, la Cour d’appel oblige ensuite l’employeur à accomplir les diligences suivantes avant tout retour au travail de la salariée : . Remise en état du contrat de travail avec position professionnelle actualisée (emploi, qualification, statut, coefficient) ; . Paiement de la totalité des condamnations ; . Délivrance de bulletins de salaire depuis le licenciement (01 octobre 2010) tenant compte de la médiane des augmentations de salaire intervenues au sein de la société, ainsi que d’un déroulement de carrière médian, exempt de toute discrimination, identique à celui d’un panel de salariés de la même catégorie engagés depuis 2010 ; . Proposition d’un salaire actualisé laquelle devra être acceptée par la salariée ; . Organisation d’un examen médical pratiqué par le médecin du travail ; Enfin, la Cour juge que la salariée pourra, préalablement à la reprise du travail, bénéficier de la totalité des congés payées non utilisés du fait de son exclusion de l’entreprise (ce qui en l’espèce représente environ 15 semaines de congés), que l’employeur devra aussi justifier de ses calculs (notamment en matière de salaire) dans les trois mois et qu’il devra par ailleurs verser à la salariée une provision de plusieurs milliers d’euros. Espérons que les principes d’une réintégration satisfactoire ainsi posés auront aussi pour effet d’en permettre l’effectivité, tout en réduisant et en apaisant le contentieux entre les parties. |
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La condamnation de Renault pour discrimination syndicale, résultat d’une action militante: par Inès MEFTAH |
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Il est couramment professé çà et là qu’il existerait une méthode miracle pour faire reconnaitre la discrimination syndicale et cette « méthode » porterait le nom de son inventeur. Loin des techniques, méthodes ou autres poudres de perlimpinpin, cet arrêt nous prouve qu’il n’existe pas une, mais plusieurs manières pour les salariés d’apporter des éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale et surtout qu’il ne faut pas se laisser enfermer dans une voie unique qui aurait été tracée car le risque est grand que les employeurs s’approprient ces méthodes et les retournent contre ceux qu’elles étaient censées défendre. En l’espèce, Monsieur HENRI a été embauché par l’établissement du Mans de la société RENAULT le 1er août 1980 en qualité d’ouvrier au coefficient 180. Il devait évoluer pour obtenir le coefficient 195 dès l’année qui suivit son embauche, puis 215 en 1985, 240 en 1990, 260 en 1992 et enfin 285 en 1994. Toutefois, cette progression de carrière cessait brusquement à partir de 1995, date à laquelle le salarié prenait son premier mandat de représentant du personnel, c’est pourquoi il saisissait la juridiction prud’homale afin de voir reconnaître la discrimination dont il était victime. A travers un arrêt du 29 janvier 2013, la Cour d’appel de Versailles reconnait la discrimination syndicale opérée par la société Renault au détriment du militant et ordonne que soit réparé le préjudice causé. Cet arrêt pourrait être étudié selon plusieurs angles, toutefois, il convient de focaliser notre attention sur un point essentiel à nos yeux : la preuve de la discrimination syndicale. Le régime probatoire de la discrimination syndicale est régit par l’article L 1134-1 du Code du Travail, lequel organise l’administration de la preuve en deux temps. Dans un premier temps, il appartient au salarié qui s’estime victime de discrimination syndicale d’apporter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination. Il ne s’agit pas pour le salarié d’apporter la preuve de la discrimination, simplement de fournir un faisceau d’indices qui permette d’étayer les allégations de discrimination syndicale. La Cour de Cassation a eu l’occasion, à maintes reprises, de rappeler ces règles régissant l’administration de la preuve dans le contentieux de la discrimination syndicale en matière salariale et professionnelle par des décisions rappelant de manière constante les principes énoncés plus haut, sans ajouter d’autre charge pour le salarié que celle d’établir l’existence d’« éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d’égalité de traitement [1] » . Ainsi, l’intervention du juge consiste à examiner le déroulement de carrière du salarié et les agissements de l’employeur qui seraient intervenus dans ce cadre pour vérifier les allégations de discrimination syndicale évoquées par le salarié : au juge de vérifier, en présence d’une discrimination syndicale invoquée, les conditions dans lesquelles la carrière du salarié s’était déroulée et alors que la preuve de la discrimination n’incombait pas à celui-ci [2] » . En l’espèce, le salarié faisait état d’une pluralité d’éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination, notamment l’acquiescement au 1er jugement rendu contre la société Renault, la mention de l’activité syndicale dans plusieurs comptes rendus d’évaluations ainsi qu’un tableau retraçant son évolution de carrière comparativement à d’autres salariés placés dans des circonstances analogues. S’agissant du premier élément invoqué par dans l’arrêt, à savoir l’acquiescement à un premier jugement condamnant l’employeur pour discrimination syndicale, il est purement et simplement écarté pour un motif assez logique, la délimitation de l’objet du litige. En effet, l’objet du litige actuel portait sur la poursuite de la discrimination après ce jugement alors que l’acquiescement a trait à la discrimination syndicale antérieure. Ainsi, il est fort logique que cet acquiescement ne puisse être utilement invoqué dans le présent litige. Quant à la mention de l’activité syndicale du salarié dans les comptes rendus d’entretiens d’évaluation, la jurisprudence est assez limpide notamment depuis un arrêt du 1er juillet 2009, dans lequel la haute Cour considérait que les références faites à l’activité de représentant du personnel de l’agent dans les entretiens d’évaluation et aux perturbations qu’elles entraînaient dans la gestion de son emploi du temps, laissaient supposer l’existence d’une discrimination syndicale [3] . Toutefois, il n’est pas indifférent de préciser que cette référence à l’activité syndicale dans les comptes rendus d’entretien d’évaluation peut revêtir plusieurs formes. Ainsi elle peut être directe avec une mention explicite aux activités syndicales, mais elle peut également être indirecte dès lors qu’elle ne fait pas référence en tant que tel au mandat mais aux prérogatives qui en découlent, singulièrement la prise d’heures de délégations. En l’espèce, les juges retiennent que les comptes rendus d’entretien d’évaluation du salarié mentionnaient indirectement l’activité syndicale du salarié, laquelle ne lui permettrait pas d’atteindre les résultats fixés par sa hiérarchie. A eux seuls ces éléments permettaient de présumer de l’existence d’une discrimination syndicale d’autant que l’employeur n’était, au regard des mentions litigieuses, pas en mesure d’apporter des éléments qui viendraient démontrer le contraire. Mais il y’a plus, car la société Renault reconnait dans ses écritures que l’entretien individuel d’évaluation occupe une place déterminante les changements de coefficients. La Cour, retient donc que le salarié avait apporté des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination et que l’employeur n’apporte aucun élément objectif susceptible de démontrer le contraire. En outre, le salarié apportait d’autres éléments de nature à étayer d’avantage ses allégations de discrimination syndicale, notamment une évolution de carrière limitée comparativement à ses collègues placés dans des situations analogues. A l’appui de ses demandes, le salarié apporte un panel de comparaison regroupant des salariés ayant sensiblement le même âge, pourvus d’une ancienneté similaire à M Henri, entrés au service de la société Renault à la même période, avec une formation professionnelle comparable et des niveaux de qualifications et de compétences analogues au début de la période litigieuse. Ce périmètre de comparaison était discuté par l’employeur qui prétend que la comparaison devait être effectuée au regard des salariés actuellement placés dans les mêmes conditions, ce qui lui permettait subrepticement d’évincer du panel les salariés promus cadres. Sur ce point, la Cour répond fort justement que l’employeur ne fournit pas d’éléments tels que le suivi de formations qualifiantes qui seraient de nature à justifier l’évolution de ces salariés vers le statut de cadre, se faisant et valide ainsi le panel de comparaison établit par le demandeur. Il ressort de l’examen du panel retenu et des tableaux d’évolutions des salariés que le niveau de salaire de M Henri est nettement inférieur à la moyenne des salariés, qu’ils soient entrés à la même date, au même coefficient, qu’ils aient atteint ce coefficient après lui ou qu’ils soient de coefficient inférieur. Facteur aggravant pour la société Renault, alors que le positionnement doit prendre en compte l’âge et l’ancienneté, le militant bénéficie d’un salaire plus bas que la moyenne alors que son ancienneté est supérieure de treize ans. La Cour en conclut donc, que le salarié apporte encore d’autres éléments de nature à supposer l’existence d’une discrimination syndicale, tandis que la société Renault qui tente par désespoir de cause d’invoquer un avertissement et un pseudo excès de vitesse, ne parvient pas à démontrer l’absence de discrimination. Ainsi, les juges en concluent que le militant était bien victime de discrimination syndicale de la part de la société Renault après le premier jugement rendu le 23 avril 2004 et que son préjudice doit être réparé. Quels enseignements nous livre cet arrêt ? Qu’il ne faut pas se contenter de construire des panels pour apporter des éléments de nature à étayer l’existence d’une discrimination syndicale car les employeurs savent aussi faire des panels configurés pour les besoins de la cause. Les panels constituent un moyen au service d’une fin. Faire condamner l’employeur au titre de la discrimination syndicale, ce n’est pas une fin en soi, car ce qui doit être combattu c’est une pratique systématique de répression syndicale, pratiquée au jour le jour et susceptible d’adopter plusieurs formes. Aussi, le litige ne doit pas se cristalliser exclusivement autour des médianes et variables que l’employeur pourra toujours discuter mais autour du parcours militant d’un syndicaliste, lésé dans sa carrière au regard de son engagement. |
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La fin du déni pour le salarié dit "protégé"? (par Michel DESRUES)
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|  | Selon Monsieur Jean-Denis COMBREXELLE, l’inamovible directeur général du travail depuis 2001, "il n’entre pas dans le champ de contrôle de l’inspecteur du travail saisi d’une demande d’autorisation de licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé d’apprécier les causes de l’inaptitude médicalement contestée"...Lire la suite dans le doc ci-dessous |
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Droit à la formation et employabilité du salarié ( Alain HINOT)
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Selon l’article L. 6321-1 du code du travail, l’employeur à l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et doit veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Pour rejeter une demande de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation, la cour d’appel de Poitiers avait retenu que "le salarié a été recruté sans compétence ni expérience au poste d’opérateur de lignes auquel il a été formé par l’employeur ; que son expérience lui permet désormais de prétendre à des postes similaires dans l’industrie mécanique ; que son poste de travail n’a connu depuis son embauche aucune évolution particulière nécessitant une formation d’adaptation ; qu’il lui appartenait par ailleurs de demander à bénéficier d’un congé individuel de formation ou du droit individuel de formation" et qu’en conséquence "aucun manquement n’a été commis par l’employeur". Autrement dit : La formation sur le "tas" devrait suffire à contenter le travailleur fidèle, d’autant que la bonne foi contractuelle de son employeur n’est jamais sujet de discussions. Cet arrêt de cassation du 05 juin 2013 (n° 11-21255 PB), qui remet les pendules à l’heure en matière de droit à la formation, reproche aux juges du fond d’avoir statuer par des motifs inopérants "tirés de l’adaptation au poste de travail ou de l’utilisation des congé ou droit individuels de formation", alors qu’ils constataient "qu’en seize ans d’exécution du contrat de travail l’employeur n’avait fait bénéficier le salarié, dans le cadre du plan de formation de l’entreprise, d’aucune formation permettant de maintenir sa capacité à occuper un emploi au regard de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations". En effet des motifs pour le moins "inopérants", car en ces temps nouveaux où les salariés doivent envisager de changer plusieurs fois d’emploi, sinon de métier, au cours de leur carrière, le savoir faire et l’expérience ne sont plus en eux mêmes gages d’employabilité. |
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L’accès au principe de faveur menacé par la "nouvelle dynamique" de l’accord de compétitivité Renault (Pascal MOUSSY, Marie Laure DUFRESNE-CASTETS) |
|  | L’accord de groupe « Contrat pour une nouvelle dynamique de croissance et de développement social de Renault en France » du 13 mars 2013 comporte un chapitre 12 intitulé « Clauses administratives et juridiques ». Dans ce chapitre, figure le paragraphe suivant : « Afin de garantir l’économie générale du présent accord, dont l’application nécessite un caractère conventionnel homogène dans le périmètre visé au chapitre...Lire la suite dans le document ci dessous |
Prise de position à propos de l’ANI
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|  | Didier Tabuteau : l’Ani risque de provoquer une fracture sociale entre les salariés et les autres
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Anne-Marie Thomazeau Didier Tabuteau est directeur de la chaire santé de Sciences-Po. Que pensez-vous de la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés dans le cadre de l'Ani 1 ? Je dirai que c'est une avancée paradoxale. C'est un progrès incontestable puisqu'il va permettre d'augmenter la couverture de millions de salariés mais les effets sont paradoxaux puisque cet accord va accroître les inégalités entre les salariés et les autres catégories de Français : étudiants, chômeurs, retraités et fonctionnaires qui eux, ne bénéficieront pas d'une complémentaire santé obligatoire. Or, en ce qui concerne les trois premières catégories, il s'agit des Français qui en ont le plus besoin. Cet accord risque de créer un clivage, une fracture sociale entre ceux qui ont une bonne protection sociale et ceux qui n'en n'ont pas, entre ceux qui sont du bon côté du dispositif et les autres. L'inégalité est d'autant plus grande que les contrats d'entreprises bénéficient d'exonérations fiscales et sociales... En effet, les contrats de complémentaire santé passés entre les employeurs et les salariés, actuellement en vigueur, bénéficient d'exonérations sociales et fiscales importantes. Il semble évident que les nouveaux contrats qui vont être souscrits dans le cadre de l'Ani seront soumis aux mêmes avantages. Ces avantages fiscaux et sociaux, ce sont tous les Français, chômeurs et retraités compris, qui les payent. Ce système de la double peine est donc profondément inéquitable pour ceux qui non seulement ne bénéficient pas d'une aide à leur complémentaire santé mais en plus participent au financement de celle des salariés. La possibilité que la complémentaire santé obligatoire encourage un désengagement de la Sécurité sociale de base, en particulier pour les soins courants, n'est pas non plus à exclure. Une évolution qui accroîtrait encore les difficultés des Français les moins bien couverts. Pour plus de justice sociale, que préconiserez-vous ? D'abord, d'être extrêmement vigilant sur la nature des contrats qui vont être proposés aux salariés. Ils doivent être très sérieurement réglementés, solidaires, responsables, en limitant la prise en charge des dépassements d'honoraires afin de ne pas solvabiliser ces derniers avec un risque de les encourager. Il faut également améliorer les dispositifs de l'aide à la compémentaire santé et à la Cmu-C qui ne sont pas satisfaisants. Peut-on imaginer une aide également en direction des non-salariés.... étudiants, chômeurs retraités ? Pourquoi l’ANI ne doit pas être transposé dans une loi
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Gérard Filoche, retraité après 30 ans d’inspection du travail, membre du Bureau national du PS, décrypte et part en guerre contre l’accord national interprofessionnel (ANI) signé par le Medef et 3 syndicats minoritaires - qui devrait être transposé en loi au Parlement en avril 2013 : « L’ANI ne fera pas un seul emploi de plus, pas un chômeur ni un précaire de moins. » ITV : Est-ce un bon accord comme le dit le gouvernement qui désire le faire voter en l’état ? G.F. : Cet ANI est un revers pour les salariés, le Medef a obtenu ce qu’il voulait. ITV : Cet accord en l’état peut-il être transformé en loi par le Parlement ? Délicat de transformer un accord minoritaire… en loi majoritaire. Faire cela, pour le gouvernement, c’est aller dans le mur. Ce n’est pas au Medef de faire la loi. Ni aux trois syndicats qui ont signé car, en 2013, la loi exige une représentativité de 50 % des voix des salariés sinon un accord de ce type n’est pas valable. C’est le cas. ITV : Nous allons décortiquer cet accord point par point. Les CDD devraient être plus taxés afin d’en freiner l’utilisation abusive. Une majoration du coût des CDD de 0,5 à 3 % ne sera pas dissuasive. C’est du flan. De toute façon cette faible majoration exclut les CDD pour remplacement de salariés absents, les CDD dits d’usage, les CDD de plus de trois mois, les CCD des moins de 26 ans, elle ne concerne que 20 % des CDD. C’est les patrons d’intérim qui sont contents, car avec 15 %, celui-ci devient moins cher. Le Medef a obtenu l’exonération des cotisations d’allocation chômage pendant 3 à 4 mois pour les jeunes de moins de 26 ans qui seraient pris en CDI. Effet d’aubaine : la majoration des CDD est estimée à 110 millions, la détaxation des indemnités chômage rapporterait 155 millions, la différence de 45 millions c’est pour la poche des patrons. Selon moi, il aurait fallu taxer tous les CDD à 25 %, comme les heures supplémentaires et surtout imposer un quota de 5 % maxima de précaires par entreprise de plus de 2O salariés. ITV : Les mesures pour les temps partiels concernent 3,7 millions de personnes. Pour les femmes surtout, 85 % de ces temps partiel, ce n’est pas mieux un « plancher de 24 h » ? Ce n’est pas un plancher c’est une passoire tellement il y a de dérogations ! Les temps partiels déjà en place ne sont pas concernés, ni les jeunes de moins de 26 ans, ni les emplois auprès des particuliers et les patrons pourront, avec votre « consentement » vous imposer moins de 24 h…Ensuite le diable est dans les détails : l’ANI flexibilise les contrats à temps partiel, salaires lissés, « paquets d’heures complémentaires » 8 fois par an à volonté de l’employeur, multiplication des coupures dans la journée, renégociation des délais de prévenance pour changements d’horaire, et baisse masquée de la majoration des heures complémentaires de 25 % à 10 %. L’ANI allonge aussi les durées (1820 h au lieu de 1000 h - article 19 et annexe) du « chômage partiel » rebaptisé pédagogiquement « activité partielle » : il accroit les aides financières à l’employeur et diminue les moyens de contrôle de l’inspection du travail. ITV : Il y a aussi la création d’un CDI intermittent ? Une catastrophe, le CDII… ou le « CDI intermittent » est permis « à titre expérimental » pour les articles de sport, la formation, le chocolat. Pourquoi la formation ? Ça touche tous les services. Le chocolat ? Ca ouvre la porte à tout l’agroalimentaire. Les articles de sport ? Ca ouvre la porte à tous les loisirs. La complémentaire santé obligatoire pour tous à partir de 2016. Ça coûterait 50 % aux patrons, 50 % à l’employé. La moyenne actuelle de la part des patrons dans les mutuelles, est de 57 % et la part salariale est de 43 %. L’extension d’une « complémentaire santé » sera soumise à d’autres négociations dans les entreprises. Le « panier de soins » sera réduit : 100 euros les lunettes au lieu de 131 euros par la CMU.C, 136,5 euros la prothèse au lieu de 154,75 par la CMU. Mais surtout l’ANI décide d’avance que c’est l’employeur qui choisira où ira l’argent : un jackpot de 4 milliards pour les assurances privées, AXA, Allianz... Cela ne s’appliquera qu’en 2016, pour la « mise en concurrence » de la Sécurité sociale, prévue par directive européenne : l’URSAAF n’aura plus le monopole des collectes de cotisations. Ma position est qu’il faut développer la Sécurité sociale. De l’argent existe ? Mettons-le dans la Sécu. ITV : La couverture santé et prévoyance pour les chômeurs sera allongée ? Ça s‘appelle la « portabilité » des droits à « complémentaire santé » après le licenciement. Allongés de 9 mois à 12 mois. En théorie, car d’autres ANI, depuis 2008, ayant déjà institué ce système, n’ont jamais été appliqués. ITV : Le droit de recharge de l’assurance chômage ? L’ANI propose à l’UNEDIC de… négocier un « droit rechargeable » pour chômeurs. Par exemple, tu perds ton boulot, tu as droit à 8 mois d’indemnités. Mais au bout de 3 mois, on te propose un CDD de 2 mois. L’idée est : « - Prends ce boulot, après tu retrouves le reste de tes indemnités ». (Mépris sous-jacent : « ça va les pousser à ne pas rester au chômage jusqu’à la fin de leurs droits ! ») Sauf que c’est prévu « au fil de l’eau » : une expression pour dire que ça ne doit pas coûter un sou de plus ! Laurence Parisot dit déjà qu’il faut la dégressivité des indemnités chômage. ITV : Le compte personnel de formation prévu tout au long de la vie, c’est vrai ou faux ? Oui, sur toute la vie… mais avec 20 h par an plafonné à 120 h, c’est une misère. Cela existait déjà avec le DIF Droit individuel à la formation (DIF) plafonné sur 6 ans : ce sera étalé sur 40 ans. ITV : L’accès des salariés aux conseils d’administration ? Ça ne concerne que les entreprises de plus de 10 000 salariés ayant 5000 salariés en France, soit 229 ! Comment seront-ils choisis ? Mystère. Une chose est écartée : ils ne pourront être membres des CE, ni des CHSCT, ni DP, ni délégué syndical. Ils seront soumis à la confidentialité sur les sujets et pour la durée décidés par l’employeur ! ITV : Est ce que les salariés ne vont pas être mieux informés ? L’information des salariés et de leurs syndicats à travers leurs « IRP » institutions représentatives du personnel (CE, DP, CHSCT…) sera diluée. Au lieu de documents précis, communiqués à date fixe, ce sera une « base unique de données » … au fil de l’eau. ITV : Que pensez-vous de la création d’un droit à la « mobilité volontaire sécurisée » ? Mobilité externe « volontaire » ? Le volontariat n’existe pas en droit du travail car le contrat se caractérise par un « lien de subordination juridique permanent ».Pour aller d’une entreprise à une autre il faudra l’onction de l’employeur. Au « retour », l’ANI évoque « un poste similaire ». En cas de refus cela équivaudra à une démission.« Mutations internes volontaires » ? Article 15 : ce sera « mobilité obligatoire… ou viré » ! Modèle : France télécoms. Suite à un « accord » d’entreprise, le salarié ne pourra plus refuser une mutation géographique, dans une filiale, ou un autre poste… sauf à être licencié pour « cause réelle et sérieuse ». ITV : Les indemnités en cas de rupture de contrat seraient majorées ? Bien sur que non. Ce qui va changer ce sont les critères de licenciements : jusque là, la loi protégeaient d’abord ceux qui avaient des difficultés sociales, charges de famille, puis ceux qui avaient le plus d’ancienneté… C’est fini ça. Seront protégés en premier lieu ceux que le patron jugera « compétents ». C’est un des plus lourds reculs de l’accord. ITV : Qu’est-ce qui change avec l’accord dit de maintien de l’emploi et de compétitivité ? Des « pactes dits de maintien de l’emploi » « par accord » (toujours l’épée sur la nuque) pourront être signés permettant de baisser les salaires et de faire varier les horaires pendant 2 ans si l’entreprise rencontre des « difficultés conjoncturelles » (elles en ont toutes). L’article 18 prévoit une généralisation de ce chantage à l’emploi : les salariés qui refusent seront licenciés pour motif économique individuel. ITV : Oui, mais au bout de deux ans il est prévu de revenir aux salaires et horaires précédents, non ? Laurence Parisot appelle ça « retour à meilleure fortune ». Dans les faits, ça ne s’est jamais vu : demandez à ceux de Bosch ou de Conti qui se sont fait berner après avoir signé des accords de ce type…On attendait un contrôle des licenciements, l’ANI fait le contraire : les procédures de licenciement par « plan de sauvegarde de l’emploi « (PSE) vont être « allégées ».Les licenciements collectifs pour motif économique de plus de 10 salariés seront avalisés par accord collectif d’entreprise (le revolver sur la tempe : vous voulez 30 % de licenciés ou 100 % ? Mais vous êtes « libres » de ne pas signer !) Il va être mis en place des PSE « light » de 2 façons : 1°) si le patron arrache un « accord » (toujours l’épée sur la nuque des salariés) il pourra faire une procédure expéditive, limiter les informations, réduire le calendrier et les modalités. 2°) S’il n’arrache pas un « accord » à ses syndicats, le patron pourra, après avoir consulté une fois son CE, s’adresser au « Direccte » (un monstre administratif, un sous-préfet qui a remplacé les ex-directeurs du travail). Le Direccte aura 21 jours pour « homologuer » le PSE du patron : s’il dépasse le délai de 21 jours, cela voudra dire « oui » et dés les 22e jour le plan s’appliquera ! Avec ces procédures accélérées à la schlague, toutes les luttes actuelles contre les licenciements abusifs et boursiers, de Mittal à PSA, de Renault à Goodyear, de Sanofi à Pilpa ou les Fralib auraient déjà perdu ! Selon moi, il aurait fallu un contrôle administratif préalable de l’inspection du travail sur les licenciements abusifs. ITV : Mais les salariés pourront toujours aller aux prud’hommes ? L ‘ANI veut limiter les « indemnités forfaitaires » que les salariés peuvent demander aux prud’hommes, et ce, dés la conciliation. Cette « conciliation » ne pourra plus être contestée. Les prud’hommes devront former leur conviction « au vu des éléments fournis par les parties » sans pouvoir prendre, comme avant, des mesures d’instruction complémentaires. Enfin, les délais pour saisir les prud’hommes seront limités à 2 ans (au lieu de 5) pour les licenciements, 3 ans pour les salaires (3 ans en arrière au lieu de 5 ans pour les heures supplémentaires). ITV : Si on vous comprend bien, aucune mesure de l’ANI ne vaut tripette. Vous en rejetez la totalité ? 100 %. J’ai recensé 54 reculs du droit du travail en 27 articles et préparé 37 premiers amendements pour informer et aider les députés à faire leurs choix. ITV : Le gouvernement dit qu’il va défendre cet accord ? Il a tort. C’est un mauvais coup. Quand les millions de salariés auront été informés, ca va lui être très difficile de défendre l’avant projet de loi transcrivant l’ANI de façon « fidèle et loyale ». ITV : Pourquoi le gouvernement fait-il autant le lit du Medef ? Je crois qu’il a l’idée –fausse - que pour « faire de l’emploi » il faut amadouer le Medef. C’est aussi pour cela que 20 milliards d’euros de crédit d’impôts ont été donnés aux patrons - sans contrepartie. Grave erreur car le Medef n’a pas du tout l’intention d’aider la gauche à atteindre son objectif d’inverser la courbe du chômage en 2013 ! ITV : Alors qu’est-ce qu’on fait dans cette période tumultueuse ? Les gens sont virés, le chômage augmente. Que fait-on pour protéger les salariés ? 10 millions de pauvres, 5 millions de chômeurs ! Et en dépit de tout ça, la France n’a jamais été aussi riche ! Pour sortir de la crise, il faut la relance, pas l’austérité. Non seulement il ne faut pas cet ANI, mais au contraire il faut renforcer le droit du travail. Pour être « compétitifs », il faut des salariés bien formés, bien traités, bien payés, pas des « flexibles ». ITV : Le Front de gauche, le NPA, LO, le PC vont sûrement mener la même bagarre. Qu’est-ce qui vous différencie ? On se lève tous contre l’ANI. Il y a une large majorité à gauche contre ce si mauvais accord et dans le parti socialiste il y a une forte et grandissante opposition. Le 5 mars, CGT, FO, FSU et Solidaires ont appelé ensemble à manifester. C’est un début. ITV : Vous n’êtes pas isolés dans votre parti, celui qui ne veut rien changer, rien moderniser ? Non, la gauche du parti, a obtenu de 25 à 32 % au dernier congrès de Toulouse et beaucoup d’adhérents du parti sont sensibles à nos arguments. Changer et moderniser, ce serait faire le contraire de l’ANI. La majorité du PS se dispute entre une « transcription loyale de l’ANI » et une « transposition optimale en tenant compte de syndicats non signataires ». Il y a un espace pour gagner. Maître Karim Felissi, avocat conseiller de la Fnath (association des accidentés de la vie)
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Maître Karim Felissi,Que pensez-vous de la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés ? Nous sommes scandalisés. La complémentaire santé en entreprise va coûter aux finances publiques, selon les hypothèses, entre 3,5 milliards et 5,1 milliards d'euros qui vont bénéficier aux institutions de prévoyance. De son côté, le fonds Cmu, qui finance la Cmu-c et l'aide à la complémentaire santé est seulement de 1,8 milliards d'euros pour soutenir 5, 5 millions de personnes. A la suite à la conférence sur l'exclusion, Jean-Marc Ayrault a parlé d'augmenter la Cmu et l'aide à la complémentaire santé, à hauteur de 250 millions. C'est dérisoire et cela nous rend fous. Les inégalités vont-elles s'accroître ? C'est certain. Des branches vont êtres plus favorisées que d'autres et certains salariés auront des paniers de soins minimaux, ce qui va les obliger à prendre des surcomplémentaires. Pour les non-salariés, la situation va devenir intenable. Le gouvernement avait pourtant demandé au Haut Conseil sur l'avenir de l'assurance-maladie un rapport sur la mise en place d'une complémentaire pour toute la population. Il doit rendre ses résultats en juin. On met la charrue avant les bœufs, en déconnectant les salariés du dispositif et donc de la solidarité nationale. C'est tout le chantier de la protection sociale complémentaire qu'il fallait remettre à plat, se servir de la fiscalité comme d'un levier pour privilégier les contrats responsables, réfléchir aux paniers et aux réseaux de soins. Cet accord va être dévastateur pour la protection sociale. Nous sommes déçus. On ne comprend pas. L’ANI du 11 janvier 2013 : un accord signé par les « chiens de garde » de la flexibilité
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L’Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 « pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés » (annexe 1) a été salué par un journaliste érudit en matière sociale comme « historique » par son « contenu ». « En signant un texte qui, en échange d’un surplus de flexibilité, au demeurant encadrée, apporte des protections nouvelles aux salariés, la CFDT, la CFTC, et la CFE-CGC assument les risques d’une réforme du marché du travail. En réhabilitant le compromis, ils ouvrent ainsi une nouvelle page dans l’histoire des relations sociales ». [1] Le nouveau boss de la CFDT, une des organisations syndicales signataires de l’accord, après avoir insisté sur le fait qu’il n’avait pas à « s’excuser » sur le fait « d’avoir encadré la flexibilité dans les entreprises, qui aujourd’hui est à la fois sauvage et omniprésente » a expliqué simplement en quoi l’accord était « équilibré », voire « ambitieux ». « Il ne résulte pas d’un troc, mais marque une nouvelle articulation entre l’économique et le social dans l’entreprise et sur le marché du travail. En ce sens, il perturbe certains repères. Dans une période de crise, les partenaires sociaux ont su se mettre d’accord sur un compromis structurant à moyen terme. C’est nouveau pour le dialogue social ». [2] Un juriste patronal, plus brièvement, a salué une « victoire politique ». [3] L’ANI a été présenté comme s’inscrivant « entre flexibilité et sécurisation de l’emploi » [4] , comme un accord qui prévoit « de nouveaux droits pour les salariés » et qui met à la disposition des entreprises « de nouveaux outils de flexibilité ». [5] L’exposé des motifs du projet de loi qui a pris le relais de l’accord a précisé que la « sécurisation de l’emploi » n’est pas un « échange » entre « flexibilité pour les entreprises » et « sécurité pour les entreprises » mais qu’il s’agit de « l’affirmation d’un nouvel équilibre où l’un et l’autre des acteurs gagne en sécurité sans perdre en capacité d’adaptation et de mobilité ». « C’est l’enjeu central : mieux anticiper, pouvoir s’adapter plus tôt, plus rapidement, dans la sécurité juridique, mais le faire de façon négociée, pour préserver l’emploi et au moyen de nouveaux droits pour le salarié, droits individuels et droits collectifs. C’est ainsi que notre compétitivité se renforce en même temps que chacun devient moins vulnérable, dans le fil du combat historique pour l’amélioration du sort des travailleurs ». [6] L’optimisation des conditions de la compétitivité et le renforcement des droits des travailleurs sont donc vivement invités à convoler. Ce qui nous rappelle ceux qui, depuis longtemps, font campagne pour l’association entre le capital et le travail. La mise en œuvre de la flexibilité suppose « d’ajuster des paramètres » - pour reprendre les termes de l’ANI – tels que la durée du travail, l’organisation du temps de travail, les éléments de la rémunération ou la mobilité du salarié. On ne saurait exclure l’hypothèse qu’un salarié, aveuglé par la défense de ses intérêts individuels, en l’occurrence le maintien de son niveau de rémunération ou la préservation de ses conditions de travail, oppose un refus à la révision de sa situation permise par l’accord collectif. La « démocratie sociale » va le conduire sur le chemin d’un licenciement, dont les signataires de l’ANI ont entendu faire reconnaître la légitimité du seul fait de la signature syndicale (I). Les promoteurs de l’ANI ont beaucoup communiqué sur les « droits nouveaux » résultant de l’accord, notamment en faveur des salariés à temps partiel. Une lecture attentive du texte permet de constater que les syndicats signataires ont donné leur pleine adhésion à un dispositif qui organise les modalités de la soumission du travailleur précaire. En définitive, ils se sont moins attachés à jouer le rôle de défenseur de ses droits que celui de contremaître (II). I. Une volonté affirmée de faire consacrer la signature syndicale comme critère essentiel de la légitimité des ajustements voulus par la flexibilité. Le titre III de l’ANI prévoit des dispositions destinées à « donner aux entreprises les moyens de s’adapter aux problèmes conjoncturels et de préserver l’emploi ». Il comporte notamment un article 18 consacré à des « accords de maintien de l’emploi », dont le dispositif est minutieusement détaillé dans une annexe à l’accord (voir notre annexe 2). L’essentiel de ce nouveau droit des « accords de maintien de l’emploi » tient dans les dispositions suivantes. « Pour faire face à des difficultés, prévisibles ou déjà présentes, susceptibles de mettre en danger l’emploi et/ou la survie de l’entreprise, il peut être conclu des accords de maintien de l’emploi pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise. Une entreprise doit en effet avoir, dans de telles circonstances, la possibilité, lorsque l’analyse de la situation est partagée par les partenaires sociaux, de prendre des mesures temporaires destinées à passer une période difficile en préservant l’emploi ». « L’accord conclu avec des délégués syndicaux doit être signé par une ou plusieurs organisations ayant recueilli au moins 50% des suffrages exprimés au 1er tour des précédentes élections professionnelles (titulaires). L’accord conclu avec un ou plusieurs salariés ayant reçu délégation d’une organisation syndicale représentative doit être approuvé par les salariés compris dans le champ de l’accord, à la majorité des suffrages exprimés. Les modalités de cette consultation devront être précisées dans l’accord ». « Il s’agit, dans le cadre d’une négociation globale durée du travail / salaires / emploi, d’ajuster des paramètres tels que ci-après : durée du travail, organisation du temps de travail, éléments de rémunération. En contrepartie de l’application de ces ajustements, l’employeur s’engage à maintenir dans l’emploi les salariés auxquels ils s’appliquent, pour une durée au moins égale à celle de l’accord ». « L’accord ne peut pas déroger aux éléments de l’ordre public social, tels que, notamment, le Smic, la durée légale, les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires, le repos quotidien et hebdomadaire, les congés payés, la législation relative au 1er mai. Il devra par ailleurs respecter les dispositions des accords de branche, auxquels, en application de l’article L. 2253-3 du code du travail, il n’est pas possible de déroger par accord d’entreprise ». [7] « Les négociations doivent prendre en compte les contraintes d’ordre privé que peuvent supporter les salariés ». Parmi les mesures préconisées par l’ANI pour « renforcer l’information des salariés sur les perspectives et les choix stratégiques de l’entreprise pour renforcer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences » figure la « mobilité interne », qui fait l’objet de l’article 15 de l’accord. « La mobilité interne s’entend de la mise en œuvre des mesures collectives d’organisation courantes dans l’entreprise, ne comportant pas de réduction d’effectifs et se traduisant notamment par des changements de poste ou de lieux de travail au sein de la même entreprise. L’organisation de cette mobilité interne fait l’objet, dans les entreprises dotées de délégués syndicaux, d’une négociation triennale. Dans les entreprises assujetties à l’article L. 2242-15 du code du travail, [8] elle intervient dans le cadre de la négociation prévue audit article. La négociation prévue ci-dessus doit porter sur les conditions de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise. Elle comporte notamment : les mesures d’accompagnement à la mobilité des salariés, en particulier en termes de formation et d’aides à la mobilité géographique ; les limites imposées à cette mobilité au-delà de la zone géographique de son emploi, telle qu’également précisée par l’accord, des dispositions visant à prendre en compte la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Les mobilités envisagées ne peuvent en aucun cas entraîner une diminution de niveau de rémunération ou de la classification professionnelle du salarié, et doivent garantir le maintien ou l’amélioration de sa qualification professionnelle ». Les mesures prévues par « l’accord de maintien dans l’emploi » ou mises en œuvre au titre de la « mobilité interne » sont susceptibles d’entraîner une remise en cause d’un ou plusieurs éléments essentiels du contrat de travail du salarié. Celui-ci peut accepter ou refuser la révision des conditions du contrat le liant à son employeur. En cas de refus, l’ANI ouvre très explicitement la voie du licenciement et s’attache, dans l’hypothèse d’un refus du salarié de voir sa situation remise en cause par un « accord de maintien dans l’emploi », à présenter la signature syndicale comme le critère essentiel de la légitimité de l’exclusion de l’entreprise. A. Une tentative de procéder à l’exclusion du contrôle judicaire. Dans l’annexe de l’ANI « relatif aux accords de maintien de l’emploi », figure un article 7 consacré à l’ » articulation de l’accord de maintien dans l’emploi et des contrats de travail ». Le premier alinéa de cet article indique que « bien que s’imposant au contrat de travail, l’accord de maintien dans l’emploi requiert néanmoins l’accord individuel du salarié, pour l’application de ses dispositions se substituant à celles de son contrat suspendues par ledit accord ». Mais le défaut d’accord individuel ne permet pas au salarié d’obtenir le maintien en état de sa situation contractuelle. Il est en effet précisé par le troisième alinéa de l’article 7 qu’ « en cas de refus du salarié des mesures prévues par l’accord, la rupture de son contrat de travail qui en résulte s’analyse en un licenciement économique dont la cause réelle et sérieuse est attestée par l’accord précité ». Cette disposition a été remarquée. Il a été relevé qu’elle est tout simplement contraire aux articles 8 et 9 de la convention OIT n° 158 « concernant la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur ». [9] Il résulte des dispositions des articles 8 de la convention internationale qu’ « un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement injustifiée aura le droit de recourir contre cette mesure devant un organisme impartial tel qu’un tribunal, un tribunal du travail, une commission d’arbitrage ou un arbitre ». L’article 9 prévoit que « les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention devront être habilités à examiner les motifs invoqués pour justifier le licenciement ainsi que les autres circonstances du cas et à décider si le licenciement était justifié ». Cette remise en cause par les signataires de l’ANI du droit du travailleur licencié à saisir un juge qui puisse se prononcer en toute indépendance sur le caractère justifié du licenciement était tellement flagrante qu’elle n’a pas été reprise par les rédacteurs du texte du projet de loi qui s’est inscrit dans le prolongement de l’accord. Le projet de loi relatif à « la sécurisation de l’emploi » se contente de poser le principe que le licenciement du salarié qui refuse l’application de l’accord du maintien dans l’emploi à son contrat de travail est un licenciement pour motif économique sans évoquer la cause réelle et sérieuse d’un tel licenciement. [10] La signature syndicale n’est finalement pas admise comme le critère exclusif de la légitimité de l’exclusion de l’entreprise du salarié qui n’entend pas adhérer à la baisse de sa rémunération ou à la dégradation de ses conditions de travail permise par l’accord. Le juge prud’homal garde le pouvoir de se prononcer sur la réalité des « graves difficultés conjoncturelles » à l’origine des mesures mises en œuvre par l’accord de maintien dans l’emploi ainsi que sur le caractère proportionné du licenciement du salarié qui entend préserver les moyens de sa survie économique et ses conditions de travail. Si un syndicat signataire d’un accord de maintien dans l’emploi s’estime frustré de ne pas avoir pu faire reconnaître son hégémonie dans l’appréciation de la cause réelle et sérieuse du licenciement du salarié réfractaire, il peut encore, pour se consoler, intervenir pour tenter de peser dans le débat judiciaire. L’article L. 2132-3 du Code du travail lui offre la possibilité d’intervenir en justice pour obtenir le dédommagement du préjudice direct ou indirect ou indirect causé à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente. Il ne lui reste qu’à intervenir dans le procès prud’homal, aux côtés de l’employeur, pour obtenir la condamnation au versement de dommages et intérêts du salarié qui, par son refus, fait obstacle à l’application du beau dispositif mis en place au nom de l’intérêt collectif par l’accord du maintien dans l’emploi. C’est un vraiment un mauvais procès que de traiter de réformiste le syndicat capable [11] d’une telle révolution. B. Un accord qui ouvre la voie du licenciement du salarié inapte à comprendre les vertus de la mobilité. L’article 15 de l’ANI envisage le sort du salarié qui refuserait d’accepter la « mobilité interne » prévue par l’accord issue de la négociation triennale. « Le refus par un salarié d’une modification de son contrat proposée dans les conditions définies au présent article n’entraîne pas son licenciement pour motif économique. Il s’agit d’un licenciement pour motif personnel ouvrant droit à des mesures de reclassement telles qu’un bilan de compétence ou un abondement du compte personnel de formation ». Il ressort de ces dispositions que le licenciement consécutif au refus du salarié de participer à la « mobilité interne » organisée par l’accord collectif est un licenciement pour « motif personnel » qui ne rentre pas dans le champ disciplinaire. [12] Un salarié licencié pour faute ne se verrait pas proposer des mesures de « reclassement » (en admettant que méritent l’appellation de « mesures de reclassement » l’établissement d’un bilan de compétences ou l’abondement du compte personnel de formation). Les termes avec lesquels l’ANI envisage le traitement du refus du salarié d’adhérer à la « mobilité interne » font penser à un ersatz du régime proposé à celui qui fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude. Le principe est posé que le salarié qui manifeste son incapacité à comprendre la nécessité de la mobilité ne peut plus rester dans son emploi. Mais il a néanmoins droit à un minimum de sollicitude, via le bilan de compétences ou le compte personnel de formation… Cette manière de traiter le cas du salarié réfractaire à la mobilité a été reprise par l’avant-projet de loi qui a pris le relais de l’ANI. [13] Mais, à la suite de l’avis rendu par le Conseil d’Etat sur cette question, [14] le projet de loi récemment présenté a dépersonnalisé le licenciement consécutif au refus de la « mobilité interne » et l’a défini comme un licenciement pour motif économique ouvrant droit à des « mesures d’accompagnement ». [15] Ce qui a pour mérite de ne pas mettre en cause la personne du salarié qui reste insensible aux vertus de la mobilité, à défaut de se préoccuper de chercher à lui garantir la sécurité d’un emploi dans l’entreprise. II. Un accord qui contribue à la soumission du travailleur précaire. L’ANI du 11 janvier 2013 a été salué comme apportant de « nouveaux droits » pour les salariés. L’intitulé de son titre I est particulièrement prometteur : « Créer de nouveaux droits pour les salariés afin de sécuriser les parcours professionnels ». Parmi ces « nouveaux droits », ceux des travailleurs à temps partiel, qui font l’objet de l’article 11 de l’accord, ont été mis en exergue. Il a notamment été souligné que les salariés à temps partiel peuvent exiger de l’employeur, en sus d’une durée minimale de 44 heures hebdomadaires, une rémunération majorée de l’heure complémentaire dès la première heure. Une lecture attentive du texte de l’accord permet de faire ressortir que ce « nouveau droit » à la majoration de l’heure complémentaire n’est pas véritablement garanti, pouvant être remis en cause par une « négociation » individuelle. Il sera aussi relevé que l’article 22 de l’ANI, compris dans le titre IV, qui s’attache à « développer l’emploi en adaptant la forme du contrat de travail à l’activité économique de l’entreprise », permet dans certains cas le « recours direct au contrat de travail intermittent », réhabilitant ainsi l’ancien contrat à temps partiel annualisé mis en place par la loi Giraud du 20 décembre 1993, vivement critiqué à l’époque par tous ceux qui sont attentifs à la préservation d’un minimum de considération du salarié. A. Les nouvelles modalités conventionnelles de mise en œuvre du droit de l’employeur à exiger du salarié à temps partiel une disponibilité à bon marché. L’article 11 de l’ANI, consacré au « travail à temps partiel », pose le principe, assorti de quelques dérogations, que la durée minimale d’activité du salarié à temps partiel est fixée à 24 heures par semaine (à l’exception du cas des salariés des particuliers employeurs ou des salariés âgés de moins de 26 ans et poursuivant leurs études). Il indique également que les heures complémentaires sont majorées de 10 % jusqu’à ce que leur nombre atteigne le 1/10ème de la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail prévue au contrat et qu’au-delà, la majoration est portée à 25 %. Mais l’article 11, en créant le « complément d’heures », offre à l’employeur de faire travailler le salarié à temps partiel au-delà de la durée prévue au contrat sans avoir nécessairement à payer la majoration désormais prévue pour l’heure complémentaire. Le subterfuge a été dévoilé sur le site de l’US CGT Commerce et Services de Paris. [16] Il se présente de la manière suivante. « Un accord de branche étendu peut permettre, lorsque le salarié et l’employeur en conviennent, d’augmenter temporairement la durée du travail au moyen d’un avenant au contrat de travail intitulé « complément d’heures ». Un accord de branche détermine : le taux de majoration éventuelle des heures incluses dans le « complément d’heures » ; les conditions dans lesquelles les heures effectuées au-delà de la durée de travail définie par le complément d’heures » ont le caractère complémentaires ; le taux de majoration des heures complémentaires, qui ne peut être inférieur à 25% dès la première heure ; le nombre maximum de « complément d’heures » par an et par salarié, qui ne peut en aucun cas être supérieur à huit, hors cas de remplacement d’un salarié absent nommément désigné ; les modalités selon lesquelles les salariés à temps partiel peuvent bénéficier prioritairement des « compléments d’heures » ». Le salarié à temps partiel, à qui il est proposé d’effectuer un nombre d’heures supérieur à celui prévu au contrat initial, n’a donc aucune certitude de voir les heures effectuées en complément faire l’objet d’une rémunération majorée. Le projet de loi présenté dans la continuité de l’accord ne donne pas plus de garantie. Il indique que la convention ou l’accord de branche étendu « peut prévoir » la majoration des heures effectuées dans le cadre de l’avenant conclu au titre du « complément d’heures ». On peut raisonnablement penser que cette indication d’une possibilité et non d’une obligation de majoration de la rémunération n’est pas sans signification et qu’un nombre non négligeable d’accords de branche feront en sorte que le « complément d’heures » ne se traduisent pas par l’obligation pour l’employeur de payer plus cher le temps de travail demandé en plus faisant l’objet de l’avenant. On peut également prédire, sans trop risquer de se tromper, que c’est l’employeur qui aura la plupart du temps l’initiative du « complément d’heures » permettant l’augmentation temporaire de la durée du travail du salarié à temps partiel et que c’est lui donnera le tempo de la disponibilité attendue du salarié restant toujours à bon marché. B. Un « remake » du travail au sifflet. Le « contrat de travail intermittent », créé par une ordonnance du 11 août 1986, est un contrat de travail très particulier. Ce contrat, qui prévoit une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées permet à l’employeur, pendant les périodes non travaillées, de ne pas être débiteur de l’obligation de verser un salaire à celui avec lequel il reste lié par un contrat. Mais il n’est pas envisageable pour celui qui est sans travail pendant cette période d’être pris en charge par l’assurance chômage. Etant titulaire d’un contrat de travail, il ne saurait être légalement assimilé à un « demandeur d’emploi »… si, pendant la période d’inactivité, le travailleur rencontre un autre employeur, sa situation n’est pas vraiment critique. Mais s’il n’en trouve pas, il aura un statut peu enviable de salarié n’ayant pas droit à un salaire. (La circonstance que le Code du travail admette pour le titulaire du contrat intermittent un mécanisme de « lissage » du salaire, permettant de recevoir chaque mois de l’année une fiche de paye affichant un solde créditeur, ne fait pas disparaître le fait que la somme mensuellement versée correspond à un douzième de la rémunération annuelle du temps effectivement travaillé). En d’autres termes, si un travailleur intermittent travaille 6 mois sur 12, il percevra sur 12 mois une somme correspondant à 6 mois de travail… L’ordonnance du 11 août 1986 a précisé que le contrat intermittent ne peut valablement intervenir que s’il a été préalablement autorisé par un accord collectif. Il appartient alors au(x) syndicat(s) représentatifs de peser le pour et le contre avant de signer un accord autorisant le contrat de travail intermittent. La loi Giraud du 20 décembre 1993 va prolonger le mouvement en supprimant le contrat intermittent mais en créant le contrat à temps partiel annualisé. Le mécanisme du contrat intermittent est repris, mais il n’est plus besoin, avant de proposer au salarié une alternance de périodes travaillée et de périodes non travaillées, de passer par la négociation collective. Le contrat à temps partiel annualisé peut être proposé, même s’il n’a pas été préalablement autorisé par un accord collectif. Ce nouveau contrat a été perçu comme étant vraiment « tout bénéf » pour l’employeur. « Ce système extrêmement souple risque de transformer le travail à temps partiel au travail « au sifflet » dans lequel le salarié doit se tenir à la disposition de l’employeur tout au long de l’année, avec éventuellement des périodes de forte activité rémunérées au taux normal et des moments d’inoccupation. Les seules garanties sont celles prévues par son contrat et cette forme de souplesse n’est subordonnée à aucune contrepartie. On peut alors se demander si le contrat de travail à temps partiel ne va pas devenir l’exemple même du contrat précaire ». [17] Pour enrayer un certain nombre de « dérives » encouragées par le régime du temps du temps partiel annualisé, l’article 12 de la loi Aubry du 19 janvier 2000 a abrogé le contrat à temps partiel annualisé et a remis en place le contrat intermittent. Il a été alors souligné par les nouvelles dispositions légales que le contrat de travail intermittent devrait être prévu par un accord collectif définissant les emplois permanents, comportant par nature une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées, susceptibles d’être pourvus par un tel contrat. Vu le caractère très spécial et très dérogatoire du contrat de travail intermittent, il est apparu au moins indispensable que les syndicats représentatifs de salariés (en tout cas au moins certains d’entre eux) donnent leur accord sur le caractère « naturel » des emplois pouvant accueillir le contrat particulièrement précaire. Et les juges se sont montrés particulièrement attentifs à ce soit respectée l’obligation de soumettre préalablement à la conclusion d’un accord collectif la liste des emplois pouvant être pourvus par un contrat intermittent. En l’absence de l’habilitation conventionnelle, le salarié est fondé à demander la requalification du contrat de travail intermittent en un contrat de travail à temps complet et à obtenir le rappel de salaire correspondant aux périodes dites « non travaillées ». [18] Apparemment, des employeurs de choc considèrent comme une perte de temps ce détour par la négociation collective. Ils ont donc proposé et obtenu des signataires de l’ANI que l’on essaye de revenir au « travail au sifflet » sans discussion préalable inutile. L’article 22 de l’ANI se propose « d’expérimenter le contrat de travail intermittent » dans les termes suivants : « Sans préjudice des accords collectifs existants, les parties signataires conviennent de l’ouverture, à titre expérimental, aux entreprises de moins de 50 salariés des secteurs mentionnés au présent accord, d’un recours direct au contrat de travail intermittent (défini aux articles L. 3123-31 à L. 3123-37 du code du travail) après information des délégués du personnel, afin de pourvoir des emplois permanents comportant, par nature, une alternance de périodes travaillées et non travaillées ». L’annexe à l’article 22 de l’ANI (voir notre annexe 3) indique que les salariés des organismes de formation (à l’exception des salariés formateurs en langue), du commerce des articles de sport et équipements de loisirs et des chocolatiers auront les joies de la découverte d’une « expérimentation » qui n’est en fait, comme il l’a été relevé sur le site de la CGT [19], que le retour de ce bon vieux contrat à temps partiel annualisé. Les rédacteurs du projet de loi relatif à « la sécurisation de l’emploi » n’y ont rien trouvé à redire. Il ressort de la lecture du texte récemment présenté à l’Assemblée nationale que, jusqu’au 31 décembre 2014, des contrats de travail intermittents peuvent être conclus en l’absence de convention ou d’accord collectif, l’employeur jugeant lui-même du caractère intermittent de l’emploi concerné par ce contrat. [20] On ne saurait mieux dire que la forme du contrat du travail est ici adaptée aux desiderata de l’employeur. * * * Il est incontestable qu’avec la signature de l’ANI du 11 janvier 2013, « la partie patronale a progressé ». [21] Le ministre du Travail, Michel SAPIN, a préféré nier cette évidence et vanter l’accord comme « un accélérateur à la création d’emplois » (sans trop s’attarder sur le contenu de ces emplois). Il a insisté sur le fait que, selon lui, « l’accord est majoritaire selon la législation actuelle » et qu’ « il a donc toute sa légitimité juridique et politique ». [22] Revenons un peu sur cette notion « d’accord majoritaire », qui est notamment mise en valeur en ce qui concerne la signature des « accords de maintien dans l’emploi » qui permettent à l’employeur, pendant la durée de vie de l’accord collectif, d’utiliser encore à meilleur prix la force du travail du salarié. Pour être valide, « l’accord de maintien dans l’emploi » devrait être signé par un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant recueilli au moins 50 % des suffrages au 1er tour des élections des titulaires du CE ou de la DUP, ou à défaut des DP. En l’absence de DS, l’accord pourrait être conclu par des représentants élus du personnel ou, à défaut, par des salariés, expressément mandatés par une organisation représentative dans la branche ou au niveau national interprofessionnel. Dans ce cas, pouvoir entrer en vigueur, l’accord devrait avoir été approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. [23] Ce qui suscite plusieurs observations. Lorsque « l’accord de maintien dans l’emploi » est signé par des délégués syndicaux (ou par un seul délégué, si le syndicat signataire est hégémonique dans l’entreprise), les élections qui ont permis de mesurer la représentativité ont pu avoir eu lieu à une période bien antérieure à celle qui a vu la naissance de l’accord. Il est loin d’être acquis que par leur vote en faveur des candidats présentés par le ou le syndicats signataires, les salariés aient entendu adhérer aux mesures mises en œuvre par « l’accord de maintien dans l’emploi ». Même si la loi ne lui en fait pas l’obligation, il est bien sûr tout à fait possible au syndicat désireux de conclure l’accord de soumettre son projet de signature à la consultation démocratique des salariés. On peut raisonnablement penser qu’il va alors chercher à convaincre des vertus de l’accord. Le syndicat sera également amené à faire campagne pour « l’accord de maintien dans l’emploi » s’il ne dispose pas de délégué syndical dans l’entreprise et s’il entend mandater un salarié pour signer l’accord. Le syndicat aura alors à cœur de persuader qu’il faut faire confiance à l’employeur qui s’engage à sauver l’emploi au prix de quelques mesures plus rigoureuses pour les salariés. Certains ont peut-être encore présents à l’esprit l’exemple de la société Continental qui a obtenu en septembre 2007 la signature d’un accord collectif prévoyant une augmentation de la durée du travail pour sauver l’usine de Clairoix… dont la fermeture a été annoncée le 11 mars 2009. Une récente (et remarquée) décision du Tribunal administratif d’Amiens a souligné que ladite société Continental était mal venue à se plaindre de menaces pour sa compétitivité. [24] Il vaut peut-être mieux y regarder à deux fois avant de militer pour la parole du patron. Plus fondamentalement, ce qui pose problème, du point de vue de la mission de « défense des droits ainsi des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels » [25] dévolue au syndicat, c’est l’adhésion partagée de tous les signataires de l’ANI à la flexibilité. Nous vivons aujourd’hui une curieuse époque, qui voit le contrat de travail proposé comme rempart contre les méfaits des accords collectifs demandant au salarié une adaptation excessive. Ce qui permet à des auteurs de sensibilité patronale d’écrire, goguenards : « il paraît curieux de considérer plus protecteurs pour le travailleur les termes d’un contrat de travail négocié en tête à tête par un demandeur d’emploi avec son potentiel futur employeur que ceux d’un accord collectif négocié par les partenaires sociaux et donc, concernant les salariés, par des représentants protégés » [26]. Cette ironie ne sera plus de mise lorsque le contenu des accords collectifs sera celui d’accords de fin de conflits, qui entérineront des augmentations de salaire et des améliorations des conditions de travail obtenues par les actions menées par des travailleurs convaincus que ce n’est pas la docilité qui détermine leurs droits. La noblesse du mouvement ouvrier ne réside pas dans la rapidité avec laquelle certains de ses représentants accourent pour signer des accords consacrant la flexibilité. Les travailleurs de l’île de la Martinique nous ont offert une belle expression. Lorsqu’ils décident de faire grève pour se défendre face aux patrons, ils « se mettent debout ». |
Le juge annule le protocole pré électoral, annule les élections à la Mission Locale de l’Espace-Sud, et rétablit ainsi la légitimité de la CGTM. |
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C’est suite à une requête du syndicat CGTM des Missions Locales, introduite auprès du juge du tribunal d’instance de Fort de France en annulation à des élections organisées sans aucun respect des textes en vigueur, que la décision du juge à l’audience publique du 1er mars à condamné la direction et la présidence de l’Association à reconnaitre les droits légitimes du syndicat CGTM. Que s’était-il passé ? Sans doute par simple volonté de nuire la représentation de la CGTM à la Mission Locale de l’Espace-Sud, le Directeur de la Mission Locale de l’Espace-Sud (un élu du PPM) ainsi que le Président de cette Association (un élu du Modémas) avaient décidé d’un commun accord d’organiser l’élection des représentants du personnel, en omettant volontairement d’inviter la CGTM à la négociation du protocole d’accord, alors que la CGTM était la seule organisation présente avec des élus dans l’entreprise. Il fallait le faire ! Il faut sans doute comprendre, qu’aux yeux de ces « élus éclairés », la CGTM n’est pas le syndicat « conciliant » « arrangeant» ou encore « flexible », comme ils l’avaient imaginé, et cela a suffit à leur jugement pour qu’ils aient eu l’envie de faire « disparaitre » le syndicat CGTM, de la vie de l’Association. Mais comme ils devraient s’y attendre, le Syndicat CGTM des Missions Locales n’a pas entendu les choses de cette oreille et a donc saisi le juge d’instance, et après que 5 mois se soient écoulés, voilà cette ignominie réparée. Ainsi dans délibération, le juge condamne les instigateurs de l’opération frauduleuse à reconnaitre la représentativité de la CGTM, qui était déjà acquise, en redonnant à notre déléguée syndicale son mandat de représentation et à organiser dès la notification du jugement et dans un délai de 3 mois de nouvelles élections. Voilà les choses revenues à leurs places. Cependant on du mal à imaginer que nos deux comparses en resteront là, et on se pose la question quel sera le prochain coup bas contre la CGTM ? En tout cas les voilà au moins pour cette fois, tous les deux renvoyés au banc de l’infamie pour avoir tenté de violer le droit de représentation légitime des travailleurs ! Et c’est là un petit événement qui à titre d’exemple illustre bien la distance que l’on peut observer entre, ce que certaines personnes affichent d’être, en l’occurrence des « élus de gauche », et ce qu’ils sont vraiment au regard du peu de respect qu’ils portent au droit légitime des travailleurs de se faire librement représenter. C’est un acte à méditer !
10-03-2013 Lire le jugement…daans le doc ci-dessous |
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PSA Aulnay : le stratagème concocté par la direction et les huissiers est déjoué. L’autorisation de licencier le délégué syndical CGT actif dans la grève est refusée ! |
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samedi 2 mars 2013par Pascal MOUSSY Il résulte de l’article 1er de l’ordonnance n° 45-2592 relative au statut des huissiers (modifié par l’article 2 de la loi n°2010-1609 du 22 décembre 2010) que les huissiers de justice « peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter » et que « sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu’à preuve contraire ». Il a été précisé que lorsqu’un constat énonce des faits dont l’huissier se prétend victime, il n’a qu’une valeur d’indice, ne pouvant « valoir plus que la plainte de l’huissier lui-même ». Cette règle a été rappelée par la Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Caen, dans son jugement du 12 juin 2001, Thierry LEPAON (Dr. Ouv. 2002, 594) qui a souligné que « l’article 1 bis A de l’ordonnance du 2/11/1945 sur les constats d’huissier qui interdit aux huissiers d’instrumenter à l’égard de leurs parents proches (à peine de nullité civile) implique a fortiori que les constatations de l’huissier ne peuvent porter sur sa propre situation quelle que soit le contexte ». Dans cette affaire, lors de la liquidation de l’une des sociétés du premier groupe mondial de la pêche (Pescanova), les élues du comité d’entreprise avaient refusé de céder à la pression exercée par leur direction, à travers la présence d’un huissier, pour la tenue d’une réunion d’u comité d’entreprise. Elles avaient quitté la salle et s’étaient réfugiées dans les locaux syndicaux. Craignant une irruption intempestive de leur direction, elles avaient fait appel au représentant du comité régional de leur syndicat. L’huissier, à qui commande avait été faite d’impressionner les salariées en vue de les obliger à tenir un comité d’entreprise dans des conditions illicites, n’avait pas exécuté la tâche pour laquelle il avait été payé et avait subi des reproches de la part de son client. Il devait trouver une cause extérieure pouvant justifier son inefficacité. Il avait donc inventé l’épisode de l’agression, mais sans trace de coups qu’il n’avait jamais reçus et avait imaginé de se servir de sa qualité d’officier ministériel pour se constituer une preuve. C’était dans ses conditions qu’il s’était fait constat à lui-même. Mais l’acte ainsi fait sur mesure n’a pu qu’être jugé nul. « Traitant fort heureusement les huissiers en justiciables comme les autres, le Tribunal correctionnel leur a fait interdiction de faire leur l’adage « l’on n’est jamais si bien servi que par soi-même » » (Marie-Laure DUFRESNE-CASTETS, note sous TGI Caen, 12 juin 2001, Dr. Ouv. 2002, 596). Lors du mouvement de grève observé par les ouvriers de PSA Aulnay depuis le 16 janvier 2013 pour exprimer leur refus de la fermeture du site d’Aulnay-sous-Bois, Salah KELTOUMI, délégué syndical CGT, a fait l’objet d’un stratagème identique à celui mis en œuvre à l’encontre de Thierry LEPAON. Le Directeur des relations sociales et humaines de la société PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES a demandé à l’Inspection du travail l’autorisation de procéder à son licenciement, lui reprochant d’avoir « frappé violemment et à plusieurs reprises » un huissier de justice « à coups de pied, de genoux et de poings ». La société PCA a produit à l’appui de sa demande d’autorisation de licenciement un constat rédigé par l’huissier qui disait avoir été violemment frappé par plusieurs grévistes, dont Salah KELTOUMI. L’Inspectrice du travail n’a pu que lire avec circonspection les accusations portées à l’encontre de Salah KELTOUMI dans le constat de l’huissier présenté comme victime. Elle a relevé des contradictions manifestes entre les faits relatés dans le constat établis par l’huissier se plaignant avoir été frappé et ceux rapportés dans un autre constat, rédigé par un huissier associé à la prétendue victime. Il est également apparu à l’Inspectrice du travail que la version présentée lors de l’entretien préalable différait de celle exposée par l’huissier plaignant. L’enquête a par ailleurs révélé que l’huissier qui disait avoir subi une violente agression, allait, une heure plus tard, constater la bonne tenue du comité d’établissement. Deux représentants de la Direction ont indiqué avoir été présents aux côtés de l’huissier mettant en cause Salah KELTOUMI et ils ont attesté avoir assisté à une agression. L’Inspectrice du travail a relevé que la version des faits proposée par leurs témoignages ne correspondait pas à celle relatée dans le constat rédigé par l’huissier plaignant. Elle a également remarqué que, trois jours après les « incidents » rapportés, les responsables du personnel qui s’étaient plaints auprès d’elle du comportement des grévistes, n’avaient pas jugé utile de lui parler d’une agression envers un huissier, évènement pourtant qualifié ensuite par l’un d’entre eux, de « très grave »…Huit salariés interrogés, présents lors des échanges intervenus entre les huissiers et plusieurs grévistes, dont Salah KELTOUMI, ont affirmé que celui-ci n’avait pas porté de coups sur l’huissier plaignant. L’examen des éléments de preuve produits lors de l’enquête contradictoire a enfin conduit l’Inspectrice du travail à relever que Salah KELTOUMI figurait dans une liste de quatre salariés qui auraient « frappé à coups de pied, genoux et poings » l’huissier et que les huissiers ont déclaré qu’il ne leur était pas possible d’identifier précisément les coups portés par Salah KELTOUMI. L’Inspectrice du travail a souligné qu’un des deux représentants de la Direction a dit ne pas avoir vu Salah KELTOUMI donné de coups et que si l’autre affirmait avoir vu Salah KELTOUMI porter un coup de poing dans le dos de l’huissier, ce témoignage ne concordait pas avec le grief de « coups violents et répétés » soulevé par l’employeur. Il est ainsi ressorti de l’enquête contradictoire menée par l’Inspectrice du travail qu’il n’était pas établi que Salah KELTOUMI aurait « frappé violemment et à plusieurs reprises » un huissier « à coups de pied, de genoux et de poings » et que la gravité des faits survenus lors des échanges ayant lieu le 18 janvier 2013 entre Salah KELTOUMI et les huissiers « avait été exagérée a posteriori ». L’Inspectrice du travail n’était pas sans ignorer le climat de provocations entretenu par la Direction du site PSA d’Aulnay depuis le début de la grève. Par son courrier du 5 février 2013, elle avait demandé à ce que celle-ci cesse de recourir, en infraction aux dispositions légales, aux services de « vigiles » employés par des sociétés privées de sécurité, appelés à la rescousse pour tenter d’intimider les grévistes. C’est dès lors en toute logique que l’Inspectrice du travail, après avoir constaté que les reproches visant le délégué syndical CGT avaient été montés de toutes pièces, a considéré que « la demande d’autorisation de licenciement est en lien avec son activité syndicale dans le cadre d’un mouvement de grève entamé le 16 janvier 2013 à l’initiative de la CGT ».
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En annulant l’autorisation de licenciement de Xavier MATHIEU, le Tribunal administratif d’Amiens désavoue WOERTH et SAPIN. Ce n’est pas la sauvegarde de la compétitivité de CONTINENTAL qui a été à l’origine de la fermeture de l’usine de CLAIROIX ! |
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(mercredi 20 février 2013 par Pascal MOUSSY, Marie Laure DUFRESNE-CASTETS) Les services de WOERTH et de SAPIN ont participé à la campagne de communication de CONTINENTAL qui a présenté les licenciements des salariés de Clairoix comme nécessaires à la sauvegarde de sa compétitivité. A l’annonce de la fermeture du site de Clairoix de la société CONTINENTAL, la Ministre de l’économie, Christine LAGARDE (UMP) avait pris nettement position sur les arguments mis en avant par CONTINENTAL pour présenter la fermeture du site. « Au vu des résultats de Clairoix, comme ceux de la branche +pneumatiques+ de Continental, la nécessaire justification économique du plan social nous semble à ce jour des plus contestables ». Le rapport établi dans le cadre de la procédure d’information et de consultation sur le projet de fermeture du site de production de Clairoix mettait en évidence que la situation économique de CONTINENTAL France SNC était saine et que la situation économique de CONTINENTAL PLT, le secteur d’activité du groupe auquel appartient CONTINENTAL France était « particulièrement florissante ». Cela n’a pas empêché le Ministre du travail de l’époque, Eric WOERTH (UMP), d’autoriser, par sa décision du 5 octobre 2010, le licenciement pour motif économique de Xavier MATHIEU, le porte-parole des CONTI, en considérant que « la menace sur la compétitivité » alléguée par CONTINENTAL était établie. « L’employeur invoque à l’appui de sa demande la forte baisse de volume de ses ventes mondiales depuis le troisième trimestre de l’année 2008, ainsi qu’une diminution importante et durable de ses prévisions de ventes pour le secteur d’activité constitué par la division P.L.T. (pneus pour véhicules de tourisme et camionnettes) ; qu’il en résulte, selon ses indications, une situation de surcapacité de production, génératrice de surcoûts et menaçant plus particulièrement la compétitivité de ce secteur d’activité ; que pour sauvegarder celle-ci, il a été décidé de procéder à la fermeture de l’usine de Clairoix et de transférer l’activité sur d’autres sites de production ». Xavier MATHIEU a déposé devant le Tribunal administratif d’Amiens une requête tendant à l’annulation de la décision d’autorisation de licenciement délivrée à CONTINENTAL par le ministre. Le Ministre du travail a été invité par le Tribunal administratif à présenter ses observations. Ces observations ont été rédigées le 27 septembre 2012. Il apparaît, à leur lecture, que les services du nouveau Ministre du travail, Michel SAPIN (PS), ont eu à cœur de de défendre les arguments présentés par CONTINENTAL pour justifier la fermeture de l’usine de Clairoix. Le ministre souligne que c’est « à juste titre » qu’il a été décidé que la demande d’autorisation de licenciement reposait sur un motif économique. Il insiste sur les considérations suivantes. « Compte tenu de la baisse des ventes, les volumes de pneus fabriqués sont considérablement réduits, mettant ainsi en évidence une surcapacité de production évaluée à 15,6 millions de pneus début 2009 et 20,9 millions à fin 2009 pour l’Europe. Eu égard à cette situation de surcapacité de production, CONTINENTAL a été contraint de procéder à des mesures drastiques pour résorber les dettes du groupe et à envisager la fermeture d’un site de production en Europe. Suite à une analyse comparative des résultats des différents sites, l’usine de Clairoix est apparue comme le site où la productivité était la plus faible et les coûts de production les plus élevés. En définitive, pour répondre aux difficultés économiques sus-exposées, le choix de la société CONTINENTAL s’est porté sur la fermeture du site de Clairoix » (voir annexe). II. Le juge de l’excès de pouvoir prend le temps de lire attentivement le dossier et conclut à l’absence d’une menace réelle et durable pour la compétitivité du secteur PLT de CONTINENTAL. Par sa décision du 8 mars 2006, Madame Moranzoni (n° 270857 ; Dr. Soc. 2006, 859), le Conseil d’Etat a admis qu’« est au nombre des causes sérieuses de licenciement économique la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ». Dans ses conclusions sous cet arrêt, Rémi KELLER avait attiré l’attention du Conseil d’Etat sur le fait que « de la même manière que vous vérifiez l’existence de difficultés économiques sérieuses pour justifier un licenciement, vous devrez aussi vérifier que la réorganisation projetée est fondée sur une réelle nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, et non sur la simple recherche d’une amélioration des performances » (Dr. Soc. 2006, 859). Le Conseil d’Etat a suivi son commissaire du Gouvernement et a censuré pour erreur de droit la Cour administrative d’appel qui avait considéré qu’ « un simple tassement d’activité de l’activité de l’une des branches de la société » et « la simple volonté d’améliorer la compétitivité » étaient de nature à constituer un motif économique. Il est également de jurisprudence constante, depuis l’arrêt du Conseil d’Etat du 8 juillet 2002, Kerminon, (n° 226471 ; Rec. 266), que l’autorité administrative est tenue, « dans le cas où la société intéressée relève d’un groupe dont la société mère a son siège à l’étranger, de faire porter son examen sur la situation économique l’ensemble des société du groupe œuvrant dans le même secteur d’activité que la société en cause sans qu’il y ait lieu de borner cet examen à celles d’entre elles ayant leur siège social en France ni aux établissements de ce groupe situés en France ». Le Tribunal administratif d’Amiens a fait application de ces principes. Le juge administratif a rappelé que la société CONTINENTAL France est la filiale du groupe allemand CONTINENTAL REIFEN DEUTSCHLAND GMBH et qu’elle appartient à la division PLT de ce groupe, qui relève du secteur d’activité économique de la conception, de la fabrication et de la commercialisation des pneumatiques pour véhicules de tourisme, véhicules utilitaires légers et deux roues. Il a relevé qu’il ressort des pièces du dossier que la division PLT a enregistré une croissance soutenue et continue de son activité depuis le début des années 2000, que le montant de ses ventes a connu une progression de plus de 27% de 2000 à 2008, et notamment une augmentation de 8,6% de 2006 à 2008. Il a constaté que la baisse des ventes enregistrée en 2008, et en Europe seulement, qui a été de 7,2% pour le pneu de première monte et de 4% pour le pneu de remplacement, n’a eu qu’un impact limité sur les résultats de la division. Le Tribunal administratif a souligné qu’en tout état de cause, la baisse de la demande intervenue avec le second semestre 2008, puis en 2009, ne s’est pas traduite négativement sur les comptes de la branche d’activité, nonobstant une diminution du volume des ventes alléguées de 8,9 millions de pneus en Europe, à la fin de l’année 2009 par rapport à l’année 2008, dès lors que les ventes de pneus réalisées en 2008, à savoir 110,8 millions de pneumatiques, ont été supérieures de plus de trois millions par rapport à celles réalisées en 2007. Il est apparu au juge administratif que si la société CONTINENTAL invoque une forte baisse de la demande depuis le second semestre 2008, ayant entraîné une forte surcapacité de production, il ressort des pièces du dossier que cette baisse est alléguée par rapport à des prévisions de ventes de la division pour l’année 2008 s’élevant à 121,4 millions de pneus, soit une hausse de plus de 13% par rapport à celles effectivement réalisées en 2007, et que c’est principalement par rapport à ces prévisions que la société CONTINENTAL a invoqué une importante baisse de ses ventes. Le Tribunal administratif a enfin noté que la société CONTINENTAL France SNC fait état de l’endettement du groupe CONTINENTAL généré par le rachat du groupe SIEMENS pour le compte du sous-groupe AUTOMOTIVE, en 2007, et de l’opération de désendettement à laquelle la division PLT se devait alors de participer, mais qu’il ressort des pièces du dossier que le groupe CONTINENTAL réduisait ses dettes, dès la fin du premier trimestre 2009, sans qu’il soit établi qu’il en serait résulté des difficultés d’exploitation particulières et durables pour la division PLT, seule à prendre en considération, au titre du secteur d’activité concerné. Le Tribunal administratif d’Amiens a déduit de toutes ces constatations qu’à la date à laquelle était intervenue l’autorisation ministérielle, le licenciement de Xavier MATHIEU ne pouvait être regardé comme étant justifié par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de sauvegarder la compétitivité de la société CONTINENTAL France SNC d’une menace réelle et durable. La décision autorisant son licenciement pour motif économique était dès lors entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de nature à justifier son annulation. Le 19 février, la Direction de CONTINENTAL a annoncé qu’elle allait interjeter appel, estimant que le Tribunal administratif « a fait une appréciation erronée des éléments portés à sa connaissance ». L’actuel Ministre du travail, qui défend les couleurs du Parti Socialiste, maintiendra-t-il sa solidarité avec CONTINENTAL, dans le combat contentieux qu’elle entreprend devant la Cour administrative d’appel, ou préfèrera-t-il s’en remettre à la sagesse des juges ? |
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Lorsqu’une convention collective permet de faire condamner un employeur qui viole les droits de la défense (Vincent VERMEIL)
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Le Groupe Audiens (qui est le groupe de protection sociale professionnelle de la culture, la communication et des médias), avait licencié pour motifs disciplinaires en janvier 2007 un salarié âgé de plus de 60 ans ayant plus de 30 ans d’ancienneté. Devant le CPH et la cour d’appel, le salarié et le syndicat CGT du Groupe Audiens, faisaient valoir que l’employeur n’avait pas notifié par écrit préalablement à l’entretien préalable les motifs disciplinaires de la mesure de licenciement envisagée, conformément aux dispositions de la Convention collective qui prévoient que : « Le motif de la mesure disciplinaire envisagée par la direction doit être notifié par écrit à l’intéressé avant que la mesure entre en application. Tout agent doit être entendu par la direction avant une mesure disciplinaire pour obtenir la justification du motif invoqué et faire valoir ses explications » et que ce manquement à une garantie de fond entraînait l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement (alinéas 4 et 5 de l’article 34 CCN du personnel des institutions de retraites complémentaires). Il apparaît en effet que les partenaires sociaux ont entendu obliger l’employeur à faire connaître par écrit au salarié, avant le prononcé de sa décision, les motifs envisagé de la sanction ou du licenciement et à en justifier lors de l’entretien préalable. La procédure conventionnelle instaure donc un système d’échange contradictoire, permettant au salarié de préparer sa défense avant l’entretien préalable, de prendre connaissance des preuves détenues par l’employeur au cours de l’entretien lui-même et ensuite d’apporter ses explications. La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel qui avait suivi le raisonnement soutenu par le salarié et le syndicat CGT. Reformulant la rédaction du texte conventionnel, la Cour de cassation juge : « qu’il résulte de ces dispositions, qui concernent l’ensemble des mesures disciplinaires, que l’employeur doit, antérieurement à l’entretien préalable au licenciement pour motif disciplinaire, notifier au salarié par écrit les motifs de la mesure qu’il envisage ; que ce texte, qui institue une protection des droits de la défense supérieure à celle prévue par la loi, constitue une garantie de fond ». Cet arrêt est important à deux titres. Il confirme la jurisprudence selon laquelle en cas de licenciement, le non-respect d’une disposition conventionnelle le rend sans cause réelle et sérieuse. Mais surtout, la Cour de cassation retient que la notification par écrit des motifs de la sanction envisagée avant l’entretien préalable institue une protection des droits de la défense supérieure à celle prévue par la loi. Elle conclut logiquement que cette disposition, plus favorable que la loi, constitue donc une garantie de fond. Cet arrêt tombe opportunément au moment où le patronat, la CFDT, la CGC, la CFTC et le gouvernement œuvrent ensemble pour garantir une meilleure immunité judiciaire au employeurs. Il pourrait bien annoncer une évolution de la jurisprudence. Le code du travail, que l’ANI scélérat signé le 11 janvier veut modifier notamment sur ce point, oblige l’employeur à indiquer « l’objet de la convocation », et la jurisprudence considère aujourd’hui qu’au cas où un licenciement est envisagé, la lettre de convocation doit l’indiquer de manière non équivoque. Mais la jurisprudence de la Cour de cassation considère toujours que la lettre de convocation n’a pas à préciser les griefs retenus contre le salarié (Cass. Soc. 14 nov. 2000, n° 98-44117). Le respect du contradictoire voudrait pourtant a minima que le salarié soit informé, dès le début de la procédure, des griefs auxquels il devra répondre. Le fait que le salarié n’en soit pas informé est tout à fait préjudiciable à ses droits. Il sait qu’il est convoqué en vue d’un licenciement éventuel, trop souvent effectif, mais ce n’est qu’à l’occasion de l’entretien qu’il apprend les raisons de la mesure envisagée. Et lorsque l’employeur a de mauvaises raisons de vouloir licencier son salarié, combien de fois l’a-t-on vu donner dans la lettre de licenciement des motifs qui n’ont même pas été évoqués lors de l’entretien ? La cause n’était pas entendue d’avance : le conseiller rapporteur, visiblement embarrassé, avait prévu deux projets. De toute évidence, il oscillait entre la cassation, au moins partielle, de l’arrêt de la cour d’appel et le rejet du pourvoi. L’avocat général a conclu sans la moindre ambiguïté au rejet des deux branches du moyen unique, et la Cour a heureusement suivi son avis. Plusieurs commentaires parus à la suite de la publication de l’arrêt ont relevé que la Cour de cassation avait procédé en l’espèce à une interprétation extensive des dispositions conventionnelles en cause. Selon ces commentaires, cette jurisprudence a une portée plus large que celle de la branche des institutions de retraites complémentaires et ils invitent les employeurs à lire attentivement la convention collective avant d’engager une procédure de licenciement. À notre avis, c’est un signal qui montre que la Cour de cassation pourrait bien opérer un revirement de jurisprudence en renforçant les droits des salariés dans le cadre de la procédure de licenciement. La Cour de cassation, faisant droit au raisonnement sur les droits de la défense prévus par une convention collective nationale, serait bien inspirée de reprendre l’obligation pour tous les salariés en s’appuyant sur le droit international, par exemple : L’article 27 de la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne, droit à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’entreprise : « Les travailleurs ou leurs représentants doivent se voir garantir, aux niveaux appropriés, une information en temps utile, dans les cas et conditions prévus par le droit communautaire et les législations et pratiques nationales. » ; ou l’article Art. 7 de la Convention OIT n°158 : « Un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées… » ; d’autant, que de telles dispositions existent déjà dans un certain nombre de conventions collectives nationales, locales ou d’entreprises (exemple Air France). C’est donc le moment de contester systématiquement les licenciements qui n’auraient pas respecté, dès le début de la procédure, c’est-à-dire, la lettre de convocation, le principe du contradictoire, en n’informant pas à ce stade le salarié des griefs qui seront évoqués lors de l’entretien préalable. |
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Avec le troisième témoignage, surgit le doute qui va sauver le salarié "protégé" ! |
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dimanche 13 janvier 2013par Pascal MOUSSY L’actuel article L. 1235-1 du Code du travail réaffirme la règle posée par le dernier alinéa de l’ancien article L. 122-14-3 faisant profiter le salarié des effets bénéfiques du doute. « En cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié ». Le contentieux du licenciement pour faute des salariés investis d’un mandat représentatif a donné l’occasion au Conseil d’Etat de souligner la force de ce principe. Par son arrêt du 22 mars 2010, Sté CTP PRET A PARTIR (n° 324938), le Conseil d’Etat a souligné qu’une cour administrative d’appel n’avait pas méconnu d’erreur de droit en considérant que le doute subsistant sur l’exactitude matérielle des griefs formulés contre le salarié devait profiter à celui-ci. Par un arrêt du 6 février 1981, Sté GRUNDIG ELECTRONIQUE (n° 18019, 21401), le Conseil d’Etat, inspiré par une même logique, avait déjà considéré qu’en présence de témoignages contradictoires, la matérialité des faits reprochés au salarié protégé mis en cause, qui n’avait cessé de les nier, ne pouvait être considérée comme établie. C’est également la lecture des témoignages produits dans le cadre du contentieux qui a conduit le Conseil d’Etat, par son arrêt du 26 décembre 2012, à faire application de la règle du doute. Pour autoriser le licenciement, l’inspecteur du travail s’était fondé sur deux témoignages de fournisseurs faisant état de sollicitations du salarié investi d’un mandat représentatif en vue d’obtenir des bouteilles de vin à titre de cadeau personnel. Le contentieux suscité par la décision d’autorisation a permis la production devant le juge administratif d’un troisième témoignage révélant des pressions exercées par l’employeur afin d’obtenir des éléments à charge conte le salarié mis en cause. Il n’y avait pas à proprement parler de contradictions entre les différents témoignages produits sur la réalité des sollicitations abusives reprochées. Mais le troisième témoignage a fait « naître un doute sur les circonstances dans lesquelles ont recueillis les deux témoignages ayant fondé la décision de l’inspecteur du travail ». Le Conseil d’Etat en a déduit qu’il y avait un doute sur la réalité des faits exposés par les témoignages produits par l’employeur. L’arrêt du 26 décembre 2012 a également permis au Conseil d’Etat de préciser une nouvelle fois la portée du principe qui veut que la légalité d’une décision créatrice de droits soit appréciée à la date à laquelle cette décision a été prise. Par son fameux arrêt Mattéi du 6 juillet 1990 (Dr. Ouv. 1991, 74), le Conseil d’Etat a souligné que le caractère de décision créatrice de droits attachée à une décision de refus d’autorisation de licenciement prise par l’inspecteur du travail impose au ministre, saisi dans le cadre d’un recours hiérarchique, de se fonder sur des motifs de légalité s’il entend annuler ou réformer cette décision, en tenant compte des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle s’est prononcé l’inspecteur du travail. Il est donc interdit au ministre de tenir compte de faits postérieurs à la décision de l’inspecteur du travail. « Cependant, cela ne l’empêche pas de tenir compte d’éléments d’appréciation dont l’inspecteur du travail n’avait pas eu connaissance, tels que documents ou éléments de fait confirmant ou révélant une situation préexistante » (J-L REY, « Licenciement de salariés protégés. Les pouvoirs du ministre saisi d’un recours hiérarchique à l’encontre de la décision d’un inspecteur du travail : Les prolongements de la jurisprudence Mattéi », RJS 10/97, 656). L’arrêt du Conseil d’Etat du 18 janvier 1991, Min. du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle c/ Sté Ateliers Normands (n° 85317), est présenté comme illustrant cette possibilité pour le ministre de tenir compte des informations produites après la décision initiale qui éclairent ou révèlent des faits antérieurs à la décision de l’inspecteur du travail (voir H. ROSE, Y. STRUILLOU, Droit du licenciement des salariés protégés, 4e éd., 1059 et s.). Le principe posé pour le traitement du recours hiérarchique formé contre une décision créatrice de droits se retrouve lorsque c’est le juge de l’excès de pouvoir qui est invité à se prononcer sur la légalité de la décision de l’inspecteur du travail. Par un arrêt du 2 février 1996 (n° 149224), le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion de souligner que le juge administratif n’a pas à tenir compte de faits postérieurs à l’intervention de la décision de l’inspecteur du travail. L’arrêt du 26 décembre 2012, après avoir rappelé que « la légalité d’une décision doit être appréciée à la date à laquelle elle a été prise", apporte le même tempérament que celui qui a été amis lors du traitement du recours hiérarchique. « Il incombe cependant au juge de l’excès de pouvoir de tenir compte, le cas échéant, d’éléments objectifs antérieurs à cette date mais révélés postérieurement ». En l’espèce, « la circonstance que les témoignages du troisième fournisseur aient été obtenus postérieurement à la décision de l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce qu’ils soient pris en compte pour l’appréciation de la légalité de la décision litigieuse dès lors qu’ils concernent des éléments de faits antérieurs à la date à laquelle elle a été prise » Le troisième témoignage, apparu à l’occasion du contentieux, ne portait pas sur des évènements nouveaux mais donnait un éclairage sur le caractère hypothétique des faits mentionnés dans la demande d’autorisation de licenciement. |
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Consommation de stupéfiants et médecine du travail |
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mardi 4 décembre 2012 par Henri PESCHAUD Drogue en entreprise : stupéfiants règlements intérieurs. Dans certaines entreprises, le règlement intérieur prévoirait des contrôles de consommation de stupéfiants des salariés, aléatoires et obligatoires, pratiqués par le médecin du travail. Le Président duConseil National de l’Ordre des Médecins, interrogé par un syndicat de cadres, rappelle que, même s’il « a un rôle de conseil dans la prévention de la consommation de drogues ou d’alcool sur le lieu de travail », d’une part « en aucun cas, les obligations du médecin du travail ne peuvent résulter du règlement intérieur d’une entreprise », d’autre part que le médecin n’a pas à participer « à une opération relevant du seul pouvoir disciplinaire de l’employeur » . Rappelons, concernant le dépistage de la consommation de drogues dans l’entreprise, ce qui relève des prérogatives du médecin du travail et de celles de l’employeur. La consommation de « drogues dures » peut motiver le licenciement pour faute grave d’un salarié lorsque celui-ci appartient par exemple au personnel « critique pour la sécurité » d’une compagnie aérienne. La question du dépistage de la consommation de stupéfiants dans l’entreprise, si cette mesure est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché, soulève par contre des problèmes juridiques redoutables à l’employeur, excepté dans le cadre d’une procédure pénale, comme il a été jugé récemment dans l’affaire précitée. Le dépistage « en interne », en dehors d’une intervention judiciaire, suppose le passage obligé par le médecin du travail, dans le respect des prérogatives de ce dernier, ce que semblent avoir ignoré un certain nombre de règlements intérieurs, objets de la saisine pour avis du Conseil de l’Ordre par un syndicat de cadres. Le respect du secret médical vis-à-vis de l’employeur s’impose tout particulièrement. I.Chevauchement de compétences La difficulté dont ces règlements intérieurs ici discutés sont l’expression est que dans l’exemple cité le salarié ayant consommé de la drogue dure pendant des escales entre deux vols, ce qui relève de sa vie privée, se trouvait encore sous l’influence de produits stupéfiants pendant l’exercice de ses fonctions, et avait ainsi fait courir un risque aux passagers ainsi qu’à ses camarades de travail. Ce type de comportement engage la responsabilité de l’employeur et justifie le contenu du règlement intérieur, mais concerne également la protection de la santé du salarié, ce qui relève pour partie de la responsabilité et des prérogatives du médecin du travail. A. Les prérogatives respectives de l’employeur et du médecin du travail L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, sous peine d’engager sa responsabilité – y compris pénale pour la consommation de stupéfiants – en cas de manquement. Dans l’entreprise, la santé du salarié est également l’affaire du médecin du travail, tant sur le plan individuel que sur le plan collectif. Il est donc tentant pour certains employeurs d’instrumentaliser le médecin du travail dans une politique de répression disciplinaire de la consommation de stupéfiants. Lorsqu’il soupçonne une pathologie ou une addiction quelconque, même si le comportement du salarié est incompatible avec les fonctions exercées, l’employeur ne peut se substituer au médecin du travail pour porter le moindre diagnostic, et licencier le salarié pour ce motif. Seul le médecin du travail est compétent pour en prononçant un avis d’aptitude ou d’inaptitude du salarié concerné à poursuivre ou non son activité professionnelle, faire d’éventuelles propositions de reclassement à l’employeur, et en s’abstenant d’en donner le motif. Ainsi par exemple a-t-il pu être jugé qu’un licenciement en raison d’un comportement anormal d’excitation que l’employeur estimait incompatible avec les fonctions attribuées reposait sur l’état de santé du salarié, et était nul de plein droit . Cependant, le médecin du travail agit en principe dans l’intérêt exclusif de la santé et de la sécurité des salariés dont il assure la surveillance médicale. Son rôle est exclusivement préventif. Il consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé. Selon le Président du Conseil de l’Ordre, le « dépistage (de consommation de stupéfiants) imposé par l’employeur, ne nous parait pas faire partie de ses missions ». B. L’indépendance du médecin du travail Le médecin du travail, salarié de l’employeur ou d’un service de médecine du travail inter-entreprises, n’est pas un salarié comme un autre. Le médecin du travail est lié par un contrat de travail conclu avec l’employeur ou le président du service de santé au travail interentreprises, dans les conditions prévues par le code de déontologie médicale . En d’autres termes, le médecin du travail, salarié subordonné à l’employeur, est également un médecin lié par le code de déontologie qui prime sur la subordination. En particulier, l’indépendance du médecin est garantie au médecin du travail dans l’ensemble de ses missions par le Code du travail, en particulier celle de faire des « propositions de mesures individuelles justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs ». L’employeur « est tenu de prendre en considération » « ces propositions ». En cas de refus, l’employeur doit « faire connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, l’employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l’inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail ». Garantie efficace de son indépendance vis-à-vis de l’employeur ou du service inter-entreprises qui l’emploie, le médecin du travail est protégé contre le licenciement au même titre qu’un représentant du personnel, son licenciement ne pouvant intervenir qu’après autorisation de l’inspection du travail. C’est pourquoi le dépistage de consommation de stupéfiant dans l’entreprise ne peut être imposé au médecin du travail par l’employeur. Le courrier du Président du Conseil de l’ordre ne signifie pas que le médecin du travail n’est pas en droit de dépister la consommation de stupéfiants sur le lieu de travail. Ce qui est interdit, c’est « le dépistage imposé par l’employeur » au médecin du travail. Le médecin du travail, chargé par le législateur, en toute indépendance de l’employeur, « d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé », a toute latitude pour mener une politique de prévention des consommations de drogues ou d’alcool sur le lieu de travail. Du reste, le courrier du Président du Conseil de l’Ordre le confirme : même si la prévention ne peut être « imposée par l’employeur » au médecin du travail, celui-ci « a un rôle de conseil dans la prévention de la consommation de drogues ou d’alcool sur le lieu de travail ». De plus, ce même courrier ménage « l’hypothèse où le médecin du travail n’effectuerait pas le dépistage mais en recevrait les résultats, non communicables à l’employeur », pour rappeler que dans ce cas « il lui appartiendrait, en toute indépendance, d’en tirer les conséquences ». C’est donc le médecin du travail, sur son initiative, sans que cela soit « imposé par l’employeur », même si c’est nécessairement « en liaison avec lui », qui peut le cas échéant « effectuer le dépistage » de consommation de drogues sur le lieu de travail, et en tirer les conséquences éventuelles « en toute indépendance ». En tout état de cause, les informations individuelles recueillies dans ce cadre ne sont pas communicables à l’employeur, car elles sont couvertes par le secret médical. II. Secret médical « non partageable » « Le médecin qui l’aurait effectué (le dépistage, NDA) ne peut remettre, même avec le consentement du salarié, les résultats au médecin du travail, dans un cadre sans rapport avec sa prise en charge sanitaire. Il appartient au salarié de remettre lui-même ses résultats au médecin du travail ». Le Président du Conseil de l’Ordre rappelle ainsi que le médecin traitant par exemple n’a pas à communiquer au médecin du travail des informations « sans rapport avec sa prise en charge sanitaire », ce que seul le salarié est habilité à faire volontairement, s’il le souhaite. En tout état de cause, « afin d’assurer la mise en œuvre des compétences médicales, techniques et d’organisation nécessaires à la prévention des risques professionnels, et à l’amélioration des conditions de travail », les services de santé au travail assurés par un ou plusieurs médecins du travail peuvent faire appel sur leur initiative et « en liaison avec les entreprises concernées : 1° Soit aux compétences des caisses régionales d’assurance maladie, de l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics ou des associations régionales du réseau de l’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail ; 2° soit à des personnes ou à des organismes dont les compétences dans ces domaines sont reconnues par les caisses régionales d’assurance maladie, par l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics ou par les associations régionales du réseau de l’Agence pour l’amélioration des conditions de travail. Cet appel aux compétences est réalisé dans des conditions garantissant les règles d’indépendance des professions médicales et l’indépendance des personnes ou organismes associés. Ces conditions sont déterminées par décret en Conseil d’Etat ». Le secret médical peut alors être partagé entre ces personnes ou organismes exerçant dans le cadre d’un même objectif : la protection de la santé des salariés au travail. Mais quel que soit le professionnel ou l’organisme chargé par le médecin du travail de la mise en œuvre éventuelle de ces actions, les informations personnelles collectées sur les salariés ne sont jamais « communicables à l’employeur ». Le médecin du travail est d’abord un médecin, titulaire d’un certificat de spécialité. En tant que médecin, le médecin du travail est soumis au secret médical prévu par le Code de la santé publique, et renforcé par le Code pénal. Même si « tout salarié bénéficie d’un examen médical à la demande de l’employeur ou à sa demande », le secret médical interdit au médecin du travail de dévoiler à l’employeur les résultats de cet examen médical. « Le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris ». En conséquence, même dans l’hypothèse d’une action en prévention de la consommation de stupéfiants sur le lieu de travail menée par le médecin du travail, sur son initiative et en liaison avec l’entreprise concernée, les informations personnelles ainsi collectées ne peuvent jamais être communiquées à l’employeur. Henri PESCHAUD |
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Lorsque le juge de référés intervient efficacement pour préserver la liberté de parole |
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samedi 24 novembre 2012par Pascal MOUSSY CA Versailles 20 Novembre 2012.pdf Il y a maintenant une dizaine d’années, la formation de référé du Conseil de prud’hommes d’Annecy a déjà eu l’occasion d’affirmer qu’un licenciement attentatoire à la liberté d’expression est un licenciement nul, constitutif d’un trouble manifestement illicite qu’il appartient de faire cesser en ordonnant la mesure de remise en état qui s’impose (voir CPH Annecy (Référé-Départage), 26 juin 2001, Dr. Ouv. 2003, 426 et s.). Par son arrêt du 12 novembre 2012, la Cour d’appel de Versailles est à son tour intervenue pour neutraliser les effets du trouble manifestement illicite constitué par le licenciement d’un formateur qui avait usé normalement de sa liberté d’expression en participant à un courrier collectif dénonçant les retards mis par l’employeur à rembourser des frais de déplacement et des frais professionnels. Le dirigeant de la société E.U.R.O.PE. Management avait pour habitude de mettre un important retard à rembourser les frais professionnels des formateurs intervenant pour son compte. Ce qui lui avait valu trois courriers collectifs, à la rédaction desquels avait participé Olivier TRANCART, exprimant le souhait des formateurs de voir leurs frais professionnels remboursés en temps et en heure. Olivier TRANCART eut le tort de se mettre en avant en demandant à l’employeur s’il comptait répondre à la troisième lettre collective qui lui avait été adressée. Quelques jours plus tard, il voyait se déclencher à son encontre une procédure de licenciement pour faute grave et faisait l’objet, en prime, d’une mesure de mise à pied conservatoire. Le lettre de licenciement faisait notamment état de courriels dans lesquels Olivier TRANCART aurait eu un « ton irrespectueux », des « propos délétères » ou des « termes particulièrement injurieux ». Elle mentionnait également des griefs prescrits et n’ayant donné lieu en leur temps à aucune sanction. La lecture des courriers et courriels versés au dossier a permis à la Cour d’appel de Versailles de constater que les propos tenus par Olivier TRANCART n’étaient ni irrespectueux, ni agressifs, ni discourtois. La Cour de Versailles a finalement considéré que « la procédure de licenciement a été mise en œuvre contre un salarié ayant 17 ans d’ancienneté après l’envoi d’un courrier collectif où il se bornait à réclamer avec d’autres collègues une amélioration de remboursement des frais professionnels » et que « ce salarié a fait un usage normal de sa liberté d’expression en qualité de salarié ». La cause déterminante de licenciement d’Olivier TRANCART ayant été l’exercice de cette liberté fondamentale qu’est « la liberté de parole », la Cour d’appel ne pouvait qu’en déduire que le licenciement devait être frappé de nullité. La Cour d’appel de Versailles était saisie en sa qualité de juge des référés. Elle a en conséquence décidé qu’il convenait de faire cesser le trouble manifestement illicite constitué par le licenciement d’Olivier TRANCART en ordonnant la reprise du contrat de travail de l’intéressé et sa réintégration dans les fonctions antérieurement exercées. Un licenciement attentatoire à la liberté d’expression cause incontestablement un préjudice à l’intérêt collectif. Le SNPEFP-CGT, qui intervenait aux côtés d’Olivier TRANCART, s’est vu accorder une somme de 500 € à titre de provision sur dommages et intérêts |
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Militantisme syndical et harcèlement sexuel |
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CPH Paris 24 octobre 2012.pdf. En voici les grandes lignes. M.TRAORE Djibril travaille en cuisine à l’Auberge DAB, située à la Porte Maillot à Paris. Il est un militant cégétiste actif. L’adjoint au chef de cuisine le « touche », ce que M. TRAORE n’accepte pas et s’oppose à cet acte de harcèlement sexuel. Il est aussitôt licencié. Lui-même et l’Union locale CGT du 16ème arrondissement de Paris dont il adhérent demandent « en référé sa réintégration sur un double fondement : — celui de l’article L1132-1 du Code du travail qui dispose qu’aucun salarié ne peut être licencié en raison de ses activités syndicales et de l’article L1132-4 qui stipule que tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul. — celui de l’article L1153-2 du Code du travail qui prévoit qu’aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel et de l’article L1153-4 qui stipule que toute disposition ou tout acte contraire aux dispositions des articles L1153-1 à L1153-3 est nul. La formation de référés du Conseil de Prud’hommes de Paris a fort heureusement fait droit à sa demande, après analyse des différentes pièces versées au débat, en retenant qu’effectivement l’adjoint au chef de cuisine « touchait » Mr TRAORE Djibril, ce que celui-ci ne supportait pas, et que dès lors ce dernier ne pouvait être licencié pour s’être opposé à cet acte d’harcèlement sexuel, en application des dispositions des articles L1153-2 et L1153-4 du Code du travail. Comme quoi une « main aux fesses » non désirée constitue toujours un délit quel que soit le sexe du délinquant. Mr TRAORE et son union locale CGT s’étaient placés sur le terrain du trouble manifestement illicite qui, même en présence d’une contestation sérieuse, permet au juge des référés de prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent (article R1455-6 du Code du travail). » Mais, en même temps, de façon surprenante, la formation des référés affirme que le harcèlement sexuel étant retenu, « il ne serait nul besoin d’examiner l’argumentation du salarié relative à la discrimination syndicale dont il indique faire l’objet ! » alors que « le demandeur soutenait que les provocations sexuelles subies étaient en lien direct avec la volonté de l’employeur de se séparer du militant syndical CGT actif qu’il est. » L’union locale est donc déboutée « au motif qu’elle ne démontre pas l’existence d’un préjudice ». Or les faits qui le démontraient n’ont pas été examinés…. Cette décision est inacceptable car « Il est en effet jugé régulièrement que l’intervention d’un syndicat se fonde sur l’article L2132-3 du Code du Travail, « - Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent », est possible en référés, notamment en cas d’atteinte au droit de grève ou au droit syndical (par exemple Cassation sociale 8 juin 2005 n° 03-42584 UL CGT 14ème c/ CLINEA). En tout état de cause, l’intervention syndicale était recevable concernant le seul « volet » du harcèlement sexuel compte tenu des dispositions de l’article L1154-2 du Code du travail : « - Les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise peuvent exercer en justice toutes les actions résultant des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153 1 à L. 1153 4. Elles peuvent exercer ces actions en faveur d’un salarié de l’entreprise dans les conditions prévues par l’Article L1154-1, sous réserve de justifier d’un accord écrit de l’intéressé. L’intéressé peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat et y mettre fin à tout moment. » Si le législateur a donné dans quelques cas aux organisations syndicales la possibilité d’agir en justice pour le compte d’un salarié de l’entreprise dument averti, c’est bien qu’il considère qu’il y a atteinte à un droit fondamental, celui de ne pas être harcelé sexuellement sur son lieu de travail. Ce même type d’action est possible notamment en cas d’abus de recours à des emplois précaires, articles L1247-1 et L1251-59 du Code du travail. Dans un tel cas, la Cour de Cassation juge régulièrement que l’intervention d’une organisation syndicale pour réclamer des dommages et intérêts en raison du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession est recevable, y compris si le salarié se déclare opposé à l’action du syndicat (Cassation sociale 12/02/2008 n° 06-45397). Ce mardi 6 novembre 2012, Mr TRAORE a repris son travail à l’Auberge DAB de la porte Maillot. »
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L’action syndicale aux fins d’interdiction du transfert irrégulièrement mis en œuvre est-elle vraiment irrecevable ? |
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vendredi 28 septembre 2012 par Pascal MOUSSY Cass. Soc. 11 sept 2012.pdf L’article L. 2132-3 du Code du travail dispose que : « Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent ». Par son arrêt du 11 septembre 2012, la Cour de cassation s’est prononcée sur la question de la recevabilité de l’action intentée par un syndicat sur le fondement de ce texte, aux fins de faire interdire en référé à un employeur de poursuivre le transfert des contrats de travail intervenu en dehors des conditions prévues par l’article L. 1224-1 (ancien article L. 122-12) du Code du travail. La réponse de la Chambre sociale a été négative. « Si la violation des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail ayant pour objet le maintien des droits des travailleurs en cas de transfert de leur contrat de travail porte atteinte à l’intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat, de sorte que l’intervention de ce dernier au côté de du salarié à l’occasion d’un litige portant sur l’applicabilité de ce texte est recevable, l’action en contestation du transfert d’un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne du salarié ; que c’est dès lors exactement que la cour d’appel a décidé que la juridiction prud’homale étant seule compétente pour connaître des action individuelles des salarié à cet égard, il n’y avait lieu à référé ». I. La Cour de cassation ne craint pas de se contredire lorsqu’elle affirme que « l’action en contestation du transfert d’un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne du salarié ». L’arrêt du 11 septembre dernier a été présenté comme s’inscrivant dans la continuité d’un arrêt du 23 janvier 2008 (voir Liaisons sociales quotidien n° 16183 du 18 septembre 2012), qui reprenait lui-même le motif inscrit dans un arrêt du 13 juillet 2004. Par son arrêt du 16 juillet 2004 (n° 02-43444 ; Bull. V, n° 217), la Cour de cassation a souligné, à l’occasion du contentieux suscité par la demande de reconnaissance d’un contrat de travail présentée par l’ancien président du conseil d’administration d’une société mise en liquidation, que « la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne de celui qui se prétend salarié, et que ce droit ne peut être exercé ni par ses créanciers ni par les organes de la procédure collective ». Il a été relevé que cet arrêt a été rendu au visa de l’article 1166 du Code civil relatif à « l’action oblique » (Voir RJS 11/04, n° 1184). Selon ce texte, les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement ...Lire la suite dans le doc ci-dessous |
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L’action syndicale aux fins d’interdiction du transfert irrégulièrement mis en œuvre est-elle vraiment irrecevable ? |
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Cass. Soc. 11 sept 2012.pdf L’article L. 2132-3 du Code du travail dispose que : « Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent ». Par son arrêt du 11 septembre 2012, la Cour de cassation s’est prononcée sur la question de la recevabilité de l’action intentée par un syndicat sur le fondement de ce texte, aux fins de faire interdire en référé à un employeur de poursuivre le transfert des contrats de travail intervenu en dehors des conditions prévues par l’article L. 1224-1 (ancien article L. 122-12) du Code du travail. La réponse de la Chambre sociale a été négative. « Si la violation des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail ayant pour objet le maintien des droits des travailleurs en cas de transfert de leur contrat de travail porte atteinte à l’intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat, de sorte que l’intervention de ce dernier au côté de du salarié à l’occasion d’un litige portant sur l’applicabilité de ce texte est recevable, l’action en contestation du transfert d’un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne du salarié ; que c’est dès lors exactement que la cour d’appel a décidé que la juridiction prud’homale étant seule compétente pour connaître des action individuelles des salarié à cet égard, il n’y avait lieu à référé ». I. La Cour de cassation ne craint pas de se contredire lorsqu’elle affirme que « l’action en contestation du transfert d’un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne du salarié ». L’arrêt du 11 septembre dernier a été présenté comme s’inscrivant dans la continuité d’un arrêt du 23 janvier 2008 (voir Liaisons sociales quotidien n° 16183 du 18 septembre 2012), qui reprenait lui-même le motif inscrit dans un arrêt du 13 juillet 2004. Par son arrêt du 16 juillet 2004 (n° 02-43444 ; Bull. V, n° 217), la Cour de cassation a souligné, à l’occasion du contentieux suscité par la demande de reconnaissance d’un contrat de travail présentée par l’ancien président du conseil d’administration d’une société mise en liquidation, que « la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne de celui qui se prétend salarié, et que ce droit ne peut être exercé ni par ses créanciers ni par les organes de la procédure collective ». Il a été relevé que cet arrêt a été rendu au visa de l’article 1166 du Code civil relatif à « l’action oblique » (Voir RJS 11/04, n° 1184). Selon ce texte, les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne. Par conséquent, seul l’intéressé peut exercer les droits et actions qui sont attachés à sa personne même lorsque les créanciers peuvent exercer une action oblique. « On peut penser que les actions relatives au contrat de travail doit être considérées comme attachée à la personne du salarié, même si elles ont des conséquences d’ordre patrimonial, en raison du caractère intuitu personae de ce contrat » (voir commentaire sous Cass. Soc. 13 juillet 2004, RJS 11/04, n° 1184). Il est réaffirmé par l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 23 janvier 2008 (n° 05-16492 ; RJS 3/08, n° 304 ; Dr. Soc. 2008, 503 et s.), que « la reconnaissance d’un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne de celui qui se prétend salarié ». En l’espèce, la Cour de cassation refuse d’admettre la recevabilité de l’action d’un syndicat qui tendait à faire juger que l’une des deux sociétés faisant partie d’une unité économique et sociale était co-employeur des salariés de l’autre société. « Un syndicat ne peut donc agir en justice pour faire juger qu’une collectivité de travailleurs est constituée de personnes liées par contrat de travail à un employeur déterminé. Il a qualité pour représenter cette collectivité, mais non pour faire juger de quelles personnes elle se compose. Le plus souvent il n’y a pas de contestation sur la qualité de salarié d’un travailleur déterminé appartenant aux membres de la collectivité que le syndicat entend représenter. Mais il n’appartient pas au syndicat de se substituer aux travailleurs, pris individuellement, pour faire juger avec quel employeur ils ont conclu un contrat de travail et pour se constituer ainsi un titre à représenter leur collectivité » (J. SAVATIER, observations sous Cass. Soc. 23 janvier 2008, Dr. Soc. 2008, 504). Mais il ne peut qu’être relevé que, dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 11 septembre 2012, l’action du syndicat ne tendait pas à faire reconnaître l’existence de contrats de travail. Il s’agissait de s’opposer au démembrement d’une collectivité de travailleurs, dont il n’était jusqu’alors pas contesté qu’ils étaient titulaires de contrats de travail avec la société Carrefour Hypermarchés. Il doit également noté que le principe posé par l’arrêt du 11 septembre, selon lequel « l’action en contestation du transfert d’un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne du salarié » est mis en porte-à-faux par la constance avec laquelle la Chambre sociale de la Cour de cassation s’attache à proclamer qu’en cas de transfert d’entreprise, « la substitution d’une employeur à l’autre est automatique » et « s’opère de plein droit, sans le consentement des parties en cause » (voir J. PELISSIER, G. AUZERO, E. DOCKES, Droit du travail, 27e éd., Dalloz, 2012, 352). Si la Cour de cassation allait jusqu’au bout de la logique du caractère personnel de l’action en contestation du transfert du contrat de travail, elle devrait donner toute leur portée aux principes d’ordre public de protection et de liberté affirmés par l’arrêt Katsikas de la Cour de justice des communautés européennes et enfin admettre que les dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail ne relèvent pas d’un ordre public absolu, mais d’un ordre public de protection qui confère un droit d’option au salarié concerné par le transfert (voir P. MOUSSY, note sous CJCE, 16 décembre 1992, Dr. Ouv. 1999, 422 et s.). Mais la Chambre sociale a fait le choix de l’intransigeance. Si les conditions d’application de l’article L. 1224-1 sont réunies, le salarié n’a pas à choisir son employeur. Son contrat de travail est transféré d’office. On comprend dès lors parfaitement en quoi est légitime l’action du syndicat qui entend préserver la collectivité des travailleurs des effets négatifs du démantèlement de l’entreprise provoqué une opération d’extériorisation d’un service ne répondant pas aux conditions légales du transfert. II. L’intérêt collectif est menacé en présence d’une « externalisation » qui se prévaut faussement des dispositions de l’article L.1224-1. La mise en œuvre des dispositions de l’article L. 1224-1 (ancien article L. 122-12) du Code du travail suppose le transfert d’une « entité économique autonome » (voir J. PELISSIER, G. AUZERO, E. DOCKES, op. cit., 340). Par son remarqué arrêt Perrier Vittel France du 18 juillet 200 (n° 98-18037 ; Bull. V, n° 285), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre la décision de la Cour d’appel qui avait conclu à l’absence d’une entité économique entraînant de plein droit l’application de l’article L. 122-12 après avoir relevé que le service transféré n’était qu’un simple démembrement des services centraux et ne disposait pas au sein de l’établissement d’une autonomie, tant dans ses moyens en personnel, en raison de la polyvalence de la plupart des salariés, que dans l’organisation de sa production, qui ne possédait pas de moyens particuliers tendant à des résultats spécifiques et à une finalité économique propre. Les juges ne sont donc pas restés insensibles devant les méfaits de l’ « externalisation ». « On ne manque pas, en second lieu, d’observer les conséquences préjudiciables que l’externalisation est susceptible de comporter pour les salariés. Changeant d’employeur, ceux-ci perdent souvent le « statut » qui était le leur –c’est, en particulier, un statut collectif qui cesse, à terme du moins, de leur être applicable. Le transfert est également susceptible d’affecter la stabilité de l’emploi, le nouvel employeur présentant, à cet égard, moins de garanties que le premier » (voir G. COUTIRIER, « L’article L. 122-12 et les pratiques d’ « externalisation ». (Les arrêts Perrier Vittel France du 18 juillet 2000) », Dr. Soc. 2000, 848). Par un arrêt du 22 septembre 2009 (n° 08-42109 ; Bull. V, n° 198), la Cour de cassation a admis que les syndicats sont recevables à intervenir au côté du salarié à l’occasion d’un litige prud’homal portant sur l’applicabilité de l’article L. 1224-1 du Code du travail, en considérant que « les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail ayant pour objet le maintien des droits des travailleurs en cas de transfert de leur contrat de travail, leur violation porte atteinte à l’intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat ». L’intérêt collectif n’est pas seulement remis en cause lorsque des licenciements interviennent à l’occasion de l’opération de transfert. Il l’est également lorsque le cédant et le cessionnaire se prévalent faussement de l’article L. 1224-1 pour mettre en cause le statut collectif des travailleurs de l’entreprise cédante. Il est aussi du ressort de l’action syndicale d’intervenir lorsque le nouvel employeur présente des garanties moindres pour la stabilité de l’emploi (Il a été affirmé par la Cour de cassation, dans un arrêt du 10 janvier 2012 (n° 09-16691 ; Bull. V, n° 5), que « dès lors que l’objet de la demande du syndicat tend à la défense de l’emploi des salariés de l’entreprise, son action est recevable sur le fondement de l’article 2132-3 du code du travail »). Il doit être relevé que dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 22 septembre 2009, par lequel la Chambre sociale a admis la recevabilité de l’intervention syndicale dans le litige prud’homal, la contestation ne portait pas seulement sur les licenciements. Elle mettait également en cause la légitimité de l’opération de transfert. Il est aujourd’hui acquis que les syndicats sont recevables à intervenir dès lors que le litige soulève une question de principe dont la solution est susceptible d’avoir des conséquences pour l’ensemble des entreprises ou des membres de la profession et « de porter un préjudice, au moins indirect, à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent » (voir Cass. Soc. 2 juin 1983, Bull. V, n° 305 ; J.M. VERDIER, Syndicats et droit syndical, vol. I, 2e éd., Dalloz, 1987, 629). Les effets pour la collectivité des travailleurs d’une « externalisation » qui se prévaut faussement des dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail sont indiscutablement de nature à susciter des inquiétudes justifiant l’initiative du syndicat de demander aux juges de prendre en compte l’intérêt collectif lorsqu’est contestée l’opération de transfert. Et l’on perçoit mal la légitimité d’une interdiction absolue pour le syndicat de saisir le tribunal de grande instance lorsqu’un litige est suscité par le transfert à la régularité suspecte. L’action syndicale en justice peut s’exercer devant les juridictions d’exception comme celles devant celles de droit commun (voir, à ce sujet, J. M. VERDIER, op. cit., 662). Il résulte des dispositions du second alinéa de l’article L. 2132-3 du Code du travail que les syndicats professionnels « peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent ». L’article L. 211-3 du Code de l’organisation judiciaire indique que « le tribunal de grande instance connaît de toutes affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée, en raison de leur nature ou du montant de la demande, à une autre juridiction ». Lorsque le syndicat porte devant le tribunal de grande instance le contentieux né du transfert considéré comme irrégulier, il ne demande pas à la juridiction de droit commun d’intervenir dans le champ de compétence du conseil de prud’hommes. Sa demande n’a pas pour objet de faire reconnaître l’existence d’un contrat de travail ou de se substituer illégitimement au salarié dans l’exercice de son choix de la personne avec laquelle il entend nouer la relation contractuelle. Le syndicat entend ici faire constater le caractère illicite et préjudiciable à l’intérêt collectif des salariés d’une opération de transfert intervenue en dehors des conditions prévues par l’article L. 1224-1 du Code du travail, pouvant avoir des conséquences sur le sort du statut collectif des salariés et sur la stabilité de leur emploi. Et la légitimité de l’action syndicale devant le tribunal de grande instance est renforcée par l’actuelle position prise par la Chambre sociale de la Cour de cassation, qui proclame encore haut et fort que, lorsque ses conditions d’application sont réunies, les dispositions de l’article L. 1224-1 relèvent d’un ordre public qui interdit au salarié de revendiquer son choix de maintenir la relation contractuelle avec la partie initialement choisie. vendredi 28 septembre 2012 par Pascal MOUSSY
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Plaidoyer pour l’effectivité des droits de la défense lors de l’entretien préalable au licenciement |
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mardi 14 août 2012par Alain HINOT 1 : L’émergence de garanties procédurales de « fond » : L’on sait que la Cour de cassation attache un grand prix au respect par l’employeur des procédures conventionnelles de licenciement et notamment lorsque celles-ci prévoient des garanties supplémentaires en matière de droits de la défense, dites « garantie de fond » (à la genèse de ce principe : cass soc 23 mars 1999 n° 97-40412,b 11 juillet 2000 n° 97-45781 et 16 janvier 2011 n° 98-43189). Un exemple récent (cass soc 27 juin 2012, ci-joint en annexe), illustre bien cette préoccupation de la chambre sociale.
L’article 53 de la CCN du "personnel des agences de voyages et de tourisme" permet à un salarié menacé d’un licenciement de saisir la commission de conciliation, mention de cette faculté doit être indiquée dans la lettre de convocation à l’entretien préalable. Dans ce cas, les motifs de la mesure envisagée par l’employeur doivent être indiqués par écrit au salarié et être communiqués à la commission, afin que le salarié puisse se défendre devant la commission.
Dans cette espèce, le salarié reprochait à l’employeur de ne pas lui avoir communiqué par écrit les motifs du licenciement envisagé avant l’audience de conciliation conventionnelle, mais comme il n’était pas contesté que le salarié avait eu connaissance des griefs de l’employeur lors de l’entretien préalable et qu’il avait pu les critiquer devant la commission, la Cour de cassation n’accueille pas ce premier argument.
Cependant, l’article 57 de la convention prévoit aussi qu’en matière disciplinaire et en cas de partage des voix au sein de la commission, le différend peut être porté dans les huit jours, à la demande de l’une ou de l’autre des parties, devant la commission paritaire nationale. Le salarié soutenait qu’il n’avait pas été informé de cette possibilité. L’employeur, suivi par la cour d’appel de Bordeaux, répondait qu’aucune disposition conventionnelle ne le lui imposait une telle obligation.
Appliquant un principe de procédure judiciaire et administrative selon lequel le justiciable doit toujours être informé des possibilités de recours et de leurs modalités, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel dans les termes suivants : "le salarié n’avait pas été avisé de la faculté de porter le différend devant la commission paritaire nationale en cas de partage des voix de la commission de conciliation de l’entreprise, ce dont il résultait que le licenciement était privé de cause réelle et sérieuse".
On voit donc que l’effectivité des moyens de défense mis à disposition des salariés est l’axe essentiel de la procédure de licenciement, notamment en matière disciplinaire. Mais, pourquoi ce qui est valable pour les garanties conventionnelles, ne le serait pas pour celles instituées par la loi, d’autant que la loi prime toujours sur les accords collectifs, notamment en ce qui concerne l’entretien préalable ultime étape avant le licenciement ?
2 : Pour que l’entretien préalable soit considéré comme une « garantie de fond » :
La procédure de droit commun du licenciement oblige l’employeur à organiser un entretien préalable dont la seule finalité est de permettre au salarié de convaincre son employeur de ne pas de le licencier. En effet, l’article L 1232-3 CT prévoit notamment qu’au cours de l’entretien préalable, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié. Il s’agit, dans l’esprit du législateur, de permettre au salarié de pouvoir se défendre : faits contre faits, arguments contre arguments, preuves contre preuves, notamment si le licenciement est de nature disciplinaire. Rappelons que l’article 07 de la Convention OIT n°158 dispose « qu’ un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées….. ». Ce sont bien ici les droits à la défense du salarié qui sont évoqués, à charge pour les états signataires, la France étant l’un d’entre eux, de les rendre effectifs.
La Cour de cassation a déjà plusieurs fois jugé que la convention OIT n° 158 est « directement applicable » par le juge prud’homal, en insistant sur la nécessité « de garantir qu’il soit donné pleinement effet aux dispositions de la convention ». Cass. soc 29 mars 2006 n° 04-46499 et 1er juillet 2008 n° 07-44124 Cependant, dans nombre de cas, l’entretien préalable n’est que pure formalité sans aucun contenu réel. Il arrive même que l’entretien préalable ne soit même pas organisé ou seulement sur le papier, notamment si le salarié s’y présente seul. Les raisons de ces « relâchements » résultent essentiellement de la faiblesse des sanctions actuelles, les employeurs pensant craindre, au pire, une simple indemnité pour non respect de la procédure de licenciement.
Il est vrai que jusqu’à présent, sauf erreur, aucun justiciable ne semble avoir soutenu, en cas d’absence d’entretien ou d’entretien vidé de sens, la violation de ses droits à la défense, garantie de fond, entraînant, a minima, l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement. Or, il faut bien convenir que si le salarié ne peut pas tenter d’empêcher son licenciement en prenant connaissance des motifs de celui-ci au plus tard lors de l’entretien préalable et en pouvant présenter sa défense, son sort est ficelé d’avance et son emploi inéluctablement perdu hors toute chance de renverser ce funeste destin. Ne pourrait-on pas entamer un travail doctrinal et jurisprudentiel permettant de faire le partage entre les simples irrégularités de procédure, comme par exemple la question des délais de convocation, et les irrégularités de fond ou garanties de fond touchant à la finalité même de la procédure, comme les droits de la défense ?
Notons d’ailleurs qu’en droit disciplinaire, l’irrégularité tirée d’une absence d’entretien préalable entraîne de facto l’annulation de la sanction (notamment : cass soc 17 novembre 2011 n° 10-23640), idem si l’employeur s’est fait assisté par une personne extérieure à l’entreprise (cass soc 20 juin 1990 n° 87-41118). Pourquoi en serait-il autrement pour la mesure la plus grave qu’est le licenciement ? ***
Nous proposons aux défenseurs des salariés et aux juges conscients de l’importance du respect des droits de la défense au cours de l’entretien préalable (notamment), qu’ils s’emparent de cette question afin que dorénavant l’entretien préalable au licenciement ne soit plus considéré comme un banal acte de procédure, mais comme une garantie de fond dont l’acmé serait le droit du salarié à une défense effective et pour que les irrégularités « de fond » soit sanctionnée par la nullité du licenciement ou, à tout le moins, par une absence de cause réelle et sérieuse. Il ne s’agit pas seulement de vérifier que l’employeur a bien organisé un entretien préalable, mais aussi que le salarié a pu réellement jouer sa chance d’obtenir une décision favorable dans le respect des principes de loyauté, d’égalité des armes et de la contradiction, notamment : — Que l’employeur a respecté les modalités d’assistance du salarié ; — Qu’il a bien indiqué au salarié les motifs du licenciement envisagé ; — Qu’il a ensuite permis au salarié de prendre connaissance des éventuels éléments du dossier comme par exemple les témoignages ou autres pièces ; — Qu’il a respecté la mission de la personne qui assistait le salarié ; — Qu’il a laissé au salarié la faculté de répondre et de s’expliquer. On comprend donc que ce nouveau débat tenant à l’exercice des droits de la défense à l’occasion de l’entretien préalable doit être placé en amont de l’analyse des motifs du licenciement. L’employeur, organisateur de l’entretien préalable, supportant alors la charge et le risque de la preuve, le doute profitant au salarié. HINOT Alain Secrétaire Secteur Juridique UL CGT CHATOU et SAP |
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Même dans une SAS, il ne faut pas oublier le lien avec le mandat ! |
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dimanche 17 juin 2012 par Claude LEVY CAA Paris 29 mai 2012
Il aura fallu qu’une représentante syndicale CGT au Comité d’entreprise et son syndicat « montent » jusqu’à la Cour d’appel administrative de PARIS pour faire respecter un principe bien établi selon lequel l’administration, avant d’accorder l’autorisation administrative de licenciement d’un salarié protégé, doit examiner si le projet de licenciement est en rapport avec l’exercice normal du mandat détenu par le salarié. Dès lors qu’un lien apparaît entre la demande de licenciement et l’exercice du mandat, l’autorité administrative a compétence liée et ne peut que refuser l’autorisation sollicitée (CE 18 février 1977 n°95.354 Abellan). Ce principe est constant dans la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE 20 mai 1994 n°106.19 Sté LMEI Bourgogne, CE 16 juin 1995 n°139.337 SA Soubitez). L’autorité administrative qui relève un tel lien n’a nul besoin d’examiner les autres éléments du dossier (CE 8 janvier 1997 n°161.196 Chaize, 18 décembre 1996 n°161.109 Mazier). Il en est ainsi quelle que soit la gravité de la faute commise par le salarié (CE 8 janvier 1997 n°163.071 Verny, 16 juin 1995 Soubitez précité). En l’espèce la salariée avait quitté son poste depuis plusieurs semaines, ne supportant plus les discriminations dont elle était victime dans son entreprise. Une demande d’autorisation de licenciement pour abandon de poste s’en était suivie. La décision d’autorisation de licenciement de l’administration était particulièrement maladroite, voire provocatrice, puisque sans écarter la réalité des discriminations invoquées par la salariée qu’elle refusait d’examiner dans le cadre de l’enquête contradictoire, elle considérait que cela ne justifiait pas le fait de ne plus se présenter sur le poste du travail, fait selon elle d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement. La société LEHWOOD MONTPARNASSE, qui avait malheureusement franchi l’écueil de la problématique du licenciement prononcé par un DRH dans une SAS (Cassation sociale 8 novembre 2011 n°10-30088) malgré une décision remarquée de la Cour d’appel de PARIS SAS (suite) : y a-t-il un pilote dans l’avion ? n’a pas pu éviter celui de la Cour d’appel administrative. L’administration est renvoyée par cette décision à ses études. Dans ce dossier choix avait été fait de ne pas saisir le Ministre du travail, compte tenu de l’illégalité certaine de la décision de l’inspection du travail. En effet le Ministre a le pouvoir de réexaminer l’ensemble des éléments du litige et de « corriger » ainsi une décision illégale de l’inspecteur. On retiendra également de cette affaire que l’activité syndicale réelle d’un représentant syndical constitue une protection efficace supplémentaire contre l’arbitraire patronal. |
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Le message reçu par La Poste est clair. Il n’y a pas besoin de mandat pour demander (et obtenir) à l’audience de référé la suspension de la mutation dangereuse pour le mandat syndical |
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vendredi 8 juin 2012 par Pascal MOUSSY
Par son arrêt Baratta du 10 mars 1976, la Chambre sociale de la Cour de cassation a posé le principe d’un contrôle du juge des référés sur les effets d’une nouvelle affectation sur les conditions d’exercice d’une activité syndicale et représentative. Elle a affirmé, qu’en présence d’un changement d’équipe entravant l’exercice des fonctions représentatives, le juge des référés était à fonder à considérer que l’urgence devait conduire à ordonner le rétablissement de la situation antérieure en attendant une décision au fond (Cass. Soc. 10 mars 1976, Automobiles Peugeot c/ Baratta et Syndicat CFDT, Dr. Ouv. 1977, 20). Le Conseil d’Etat, par son arrêt du 4 juin 2012, a donné un petit cousin à l’arrêt Baratta en rejetant le pourvoi formé contre une ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Paris suspendant l’exécution de la sanction de déplacement prise par La Poste à l’encontre d’une représentante syndical. Il n’y a pas lieu de revenir ici sur tous les détails de l’affaire qui a donné lieu à l’intervention du juge des référés administratif parisien (voir, à ce sujet, Pascal MOUSSY, « Il y a urgence à mettre fin à la confusion ! La Poste entendait profiter de la réorganisation pour restructurer la section syndicale en déplaçant d’office sa principale animatrice ! », Chronique Ouvrière du 20 mars 2011). Il sera juste rappelé que La Poste a décidé de mettre en œuvre au début de l’année 2011 une importante réorganisation de la plateforme de distribution de Paris 11 devant conduire à la suppression de quatorze postes de travail et à la modification des tournées et des conditions de travail des facteurs. Des incidents survenus à l’occasion d’une procédure disciplinaire déclenchée à la fin du mois de septembre 2010 en réponse à une action revendicative ont servi de prétextes à La Poste pour tenter l’opération visant à affaiblir la section syndicale CGT à la veille de la mise de la place de la réorganisation de l’établissement de Paris 11… et des éventuelles réactions collectives pouvant l’accompagner ou même la mettre en échec. Maria Margarida TRAORE, par décisions du 1er et 2 février 2011, s’est vue notifier une décision de déplacement d’office. La sanction reposait sur les motifs suivants : « allégations mensongères à l’encontre du directeur d’établissement dans un courrier adressé à la Direction Opérationnelle Territoriale Courrier de Paris sud et reprises dans un tract ; intrusion intempestive dans le bureau du Directeur d’établissement ; prise de parole non autorisée ». Après avoir passé en revue les motifs énoncés par La Poste pour justifier la sanction, le juge des référés n’a pu que relever qu’un examen un tant soit peu attentif du dossier devait conduire à considérer comme entachés d’inexactitude matérielle les reproches de « prise de parole non autorisée », « d’allégations mensongères » et « d’intrusion intempestive ». Il ne pouvait dès lors que surgir un doute sérieux quant à la légalité de la mesure de déplacement d’office. L’attention du juge des référés a été attirée sur le fait que Maria Margarida TRAORE est, depuis 2005, secrétaire de la section syndicale CGT de la plateforme de distribution du courrier de Paris 11 et, depuis 2003, membre élue à la commission Administrative Paritaire de la Direction Opérationnelle Territoriale Courrier de Paris Sud. Il ne lui a pas paru sans importance que l’organisation syndicale majoritaire, privée par la mesure de déplacement d’office de sa seule représentante permanente au sein de l’établissement postal de Paris 11, n’a pu, eu égard à la proximité entre la date de la réaffectation sur un autre établissement et l’engagement de la réorganisation de Paris 11, désigner un nouveau permanent susceptible de suivre efficacement les changements suscités par la restructuration et notamment d’assurer une représentation utile des personnels au cours des réunions de bilan à venir. Il a paru dès lors nécessaire au juge des référés du Tribunal administratif de Paris de suspendre l’exécution de la mesure de déplacement disciplinaire qui cherchait principalement à amoindrir les forces de la mobilisation syndicale. Formant un pourvoi, la Poste a entendu faire casser par le Conseil d’Etat l’ordonnance qui lui paraissait excessivement soucieuse de la préservation des conditions d’exercice de l’activité syndicale. I. La production d’un mandat n’est pas une condition nécessaire de la prise de parole à l’audience de référé. La Poste s’est tout d’abord attachée à faire valoir que la décision contestée serait intervenue au terme d’une procédure irrégulière en ce que, au cours de l’audience publique tenue par le juge des référés, celui-ci aurait autorisé le représentant du syndicat départemental CGT des services postaux de Paris à formuler des observations alors qu’il n’avait produit aucun pouvoir l’habilitant à représenter le syndicat à l’audience. Mais il a été relevé, au sujet de la procédure de référé, que « pour tenir compte de la célérité indispensable à cette procédure, il est admis que puissent prendre la parole des personnes s’exprimant au nom des parties, sans en être les mandataires » (Daniel CHABANOL, Code de justice administrative, 3e éd., commentaire sous l’article L. 522-1, 499). Il a été également souligné par Paul CASSIA, dans son ouvrage sur « Les référés administratifs d’urgence » (LGDJ, 2003, 69), que, lorsqu’il s’agit d’une audience de référé, le Conseil d’Etat fait une lecture souple de la lettre de l’article R. 731-3 du code de justice administrative qui ne permet qu’aux parties « en personne » ou à leurs avocats de présenter des observations orales à l’appui de leurs observations écrites. L’arrêt du 4 juin 2012 s’est inscrit dans cette logique. « En raison de la nature même de l’action en référé, qui ne peut être intentée qu’en cas d’urgence et ne permet de prendre que des mesures provisoires, et de l’intérêt qui s’attache à l’exercice de la contradiction au cours de l’audience publique de référé, la circonstance que le représentant d’une des parties convoquée à l’audience ou, si le juge des référés décide de l’entendre, le représentant d’un intervenant dans l’instance ne justifie pas d’un mandat l’habilitant à s’exprimer au nom de la personne qu’il représente n’est pas de nature à entacher la régularité de la procédure ». La circonstance que le représentant du syndicat départemental CGT des services postaux de Paris n’ait pas produit de mandat l’habilitant à s’exprimer au nom du syndicat, au moment où le juge des référés l’a invité à présenter ses observations, n’avait donc pas pour effet d’entacher d’irrégularité la procédure suivie. Les informations délivrées par le responsable du syndicat parisien chargé de suivre la section syndicale de la plateforme de distribution de Paris 11 ont incontestablement permis au juge des référés une bonne appréhension des modalités de fonctionnement de l’organisation syndicale au sein de l’établissement touché par la restructuration. L’utilité des propos tenus a primé sur un formalisme excessivement bureaucratique peu approprié à la nature de l’audience de référé. II. Il y a urgence à suspendre l’exécution de la décision de mutation compromettant les conditions d’exercice de l’activité représentative. La Poste a ensuite fait valoir qu’une sanction de déplacement d’office n’est, en principe, pas de nature à constituer une situation d’urgence au sens des dispositions de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative. La demanderesse au pourvoi en a déduit que l’ordonnance suspendant l’exécution de la sanction de déplacement d’office et de la décision d’affectation à un autre établissement reposait sur une erreur de droit. Mais le Conseil d’Etat n’a pas accepté de censurer la décision du juge des référés qui avait ordonné une mesure de suspension de la mutation de Maria Margarida TRAORE en prenant en compte l’atteinte grave et immédiate aux intérêts syndicaux que l’intéressée entendait défendre et à l’intérêt public du bon fonctionnement des services postaux. A première vue, une mesure de mutation, prononcée dans l’intérêt du service, n’a pas de conséquences telles sur la situation ou les intérêts d’un agent public qu’elle constitue une situation d’urgence. Mais le Conseil d’Etat réserve l’hypothèse de circonstances particulières (voir CE 28 juillet 2009, Marc B., n° 329514 ; CE 18 mars 2010, Pascal AUBERT, n° 337436). La préservation des conditions d’exercice du mandat représentatif détenu par un agent public est sans aucun doute l’une de ces circonstances particulières qui appelle la vigilance du juge des référés. Le contrôle du juge des référés sur les effets d’une mesure d’affectation ou de mutation avait déjà été évoqué par un arrêt du Conseil d’Etat en date du 24 février 2011 (n° 335453) : « Considérant qu’il appartient à l’autorité administrative investie du pouvoir hiérarchique de prendre à l’égard des fonctionnaires placés sous sa responsabilité les décisions , notamment d’affectation et de mutation, répondant à l’intérêt du service ; que, dans le cas où, comme à France Télécom, un fonctionnaire se trouve investi d’un mandat représentatif qu’il exerce en vertu de la loi, dans l’intérêt tant d’agents de droit public que de salariés de droit privé, les décisions prises à son égard ne doivent pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l’appartenance syndicale de l’intéressé ; que ces décisions doivent tenir compte à la fois de l’intérêt du service et des exigences propres à l’exercice normal du mandat dont il est investi ; qu’il appartient à l’autorité administrative de veiller, sous le contrôle du juge administratif, y compris, le cas échant du juge des référés, à ce que, sous réserve de ne pas porter une atteinte excessive à l’un ou l’autre des intérêts en présence, une mutation ne compromette pas le respect du principe de participation qui découle du préambule de la Constitution ». Le contentieux suscité par le déplacement d’office de Maria Margarida TRAORE a donné l’occasion au juge des référés de reprendre à son compte ce souci de ne pas permettre à une nouvelle affectation de compromettre les conditions d’une activité syndicale et représentative. Le Conseil d’Etat a considéré que c’est à bon droit que le juge des référés a donné ici une suite favorable à la demande de suspension qui lui était présentée, après avoir jugé que la condition d’urgence était en l’espèce remplie, en se fondant sur les difficultés liées à la réorganisation de la plateforme de distribution du XIème arrondissement de Paris et à l’intérêt qui s’attache à la continuité de l’action des représentants syndicaux pendant cette opération.
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Quand le non-respect de l’ordre des licenciements entraîne la nullité du licenciement économique |
|  | CA Versaille 9 mai 2012.pdfI : Le cas d’espèce : Mme Texeira licenciée pour motif économique demandait à la 17ème chambre de la cour d’appel de VERSAILLES de prononcer la nullité de son licenciement en raison de la discrimination dont elle estimait avoir été victime par rapport à ses deux collègues à raison de son état de santé et de son âge. Rappelons que selon l’article L.1132-1 CT, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en raison de son âge ou de son état de santé. Pour l’application de ce texte, l’article L.1134-1 CT précise qu’en cas de litige, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter les éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et à l’employeur de prouver alors que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Mme Texeira expliquait à la cour, registre d’entrées et de sorties du personnel et attestations des deux autres salariées de l’entreprise à l’appui, qu’elle avait été licenciée pour motifs économiques à l’âge de 56 ans, tout en ayant un état de santé précaire, alors que ses deux collègues également "employée polyvalente", étaient plus jeunes, moins anciennes qu’elle même dans l’entreprise et qu’elles disposaient d’une excellente santé. La salariée soutenait donc implicitement que l’ordre des licenciements était non respectueux des critères légaux de l’art. L 1233-5 CT et que ceux qu’avait secrètement appliqué l’employeur étaient discriminatoires. La cour d’appel juge en conséquence que de tels fait laissaient supposer que la salariée avait été licenciée en raison de son âge et de son état de santé, et qu’elle avait donc fait l’objet d’une mesure discriminatoire par rapport aux deux autres salariées de l’entreprise, puisque l’employeur ne produisait aucun élément démontrant que le licenciement était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, quand bien même le licenciement est fondé sur des motifs économiques. Cette décision est particulièrement intéressante, puisque derrière le motif économique apparent, elle s’attache à débusquer le véritable motif de la rupture, s’inscrivant en cela dans un courant jurisprudentiel novateur (voir notamment CA VERSAILLES 11ème arrêt 14 décembre 2010 publié sur le site Chronique Ouvrière – Brèves AH « Du délit d’initié du secret médical » 23 janvier 2011). Mais au-delà de la recherche du motif du licenciement caché, l’arrêt explore pour la première fois à notre connaissance la piste prometteuse de nouvelles conséquences du non respect de l’ordre des licenciements. Dommage que les appelants n’aient pas clairement investi ce terrain. II : Non respect de l’ordre des licenciement, quelles conséquences ? : L’article L 1233-5 du CT dispose : « Lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Ces critères prennent notamment en compte : 1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; 2° L’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ; 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion profes |
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