- Du 23 novembre au 12 janvier 1999 grande grève des ouvriers de la banane
- Sonjé , Juin 1848 : la république bourgeoise écrase la révolte ouvrière.
- En Guadeloupe le 14 février 1952, la tuerie du moule
(lu dans Combat Ouvrier) - Sonjé - Juin 1983 : L’occupation des terres de "Providence" au Morne Rouge
- SONJE : Le décret du 27 avril 1848, le Gouvernement provisoire de la IIème République française abolit l’esclavage dans toutes les colonies françaises.
- Sonjé : Février le mois des luttes historiques
- Février 1974
- La grève générale de février 1974 en Martinique.
(Lu dans Combat-Ouvrier)
- Brève histoire du 1er mai
- SONJE : le 8 février 1900 Le massacre du François : l’armée française, aux ordres des usiniers, tire sur les ouvriers grévistes. . . 10 morts . 12 blessés.
- Sonjé: Octobre 1967-octobre 2017, ily a 50 ans, l'armée bolivienne assassinait Ché Guevara
- Le retour de Lénine et les thèses d’avril
- Sonjé:Mars 1951 : les luttes et la fusillade de la Chassaing.
- La grève générale de février 2009, 8 ans après.
- Martinique : Il y a 83 ans, l’assassinat d’André Aliker
(lu dans Combat Ouvrier)
- Il y a 80 ans, Juin 1936 : la grève générale en France (lu dans Combat Ouvrier)
- « Départements d’outre-mer » - Il y a 60 ans, la grève des fonctionnaires
- SONJE : Le 24 mars 1961. La fusillade du Lamentin : trois tués, une vingtaine de blessés.
- Sonjé 1870 : « LE SUD REBELLE. Epopée » de Henri CORBIN
- SUR TROIS TOMBES
(Georges GRATIANT)
| - Sonjé , L’insurrection du Sud du 22 au 30 septembre 1870
- Sonjé: Mars 1948, répression sanglante des ouvriers agricoles du Carbet
- Sonjé - Il y a 25 ans , Le 18 janvier 1995 commençait la grève des banques. (Lu dans Combat Ouvrier )
- Sonjé : Extraits du texte « Les bossales ou la naissance d’un peuple »
- SONJE : La tuerie du 24 mars 1961 au LAMENTIN
- Le 8 mars une journée de lutte !
- SONJE : Le grand mouvement social de Février 2009 en Martinique .
- Le six décembre 1998, Marcel MANVILLE , avocat militant martiniquais, mourrait …..Il y a 20 ans.
- Du 15 avril au 6 juillet 1993 : POTERIE DES TROIS ILETS
- SONJE:Octobre 1947 une ordonnance crée la caisse de Sécurité Sociale de Martinique
- Sonjé: Il y a 100 ans, la Révolution russe, les travailleurs créent un État ouvrier
- SONJE : en février 1917 débutait la Révolution Russe
- SONJE : FEVRIER 74 « An nou pran douvan avan yo tchoué nou ».
- Février 1923, la grève des ouvriers de la canne, la fusillade de Bassignac .
- Octobre 1917 : les travailleurs ont pris le pouvoir en Russie
- 22 mai 1848. NEG PETE CHENN. Sonjé……..
- Sonjé: Il y a 145 ans, en mars 1871, la Commune de Paris, inventait la première forme concrète de pouvoir ouvrier (Lu dans Lutte Ouvrière)
- Décembre 1959, la violence coloniale en action.
- Sonjé septanm 1870
- Le Décret d'abolition de l'esclavage
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Du 23 novembre au 12 janvier 1999 grande grève des ouvriers de la banane |
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La grève a été lancée à partir du 23 novembre par l’Intersyndicale des ouvriers de la banane composée des centrales: la CGTM, la CGTM-FSM, la CSTM et l’UGTM.
A l’origine du mouvement, l’échec des NAO à propos de la hausse du salaire horaire de 3 francs, la prime de fin d’année forfaitaire représentant un mois de salaire , la prime d’ancienneté de 3% après 3 ans de présence puis de 1% par année , cinq jours de fêtes martiniquaises , chômés et payés .
Après deux ruptures des NAO, déclenchement de la grève des ouvriers de la banane ; les grévistes envahissent la plénière du Conseil Régional et reçoivent l’appui d’Alfred Marie-Jeanne, le président de région. Manifestations, opérations molokoy et blocage du port.
Les planteurs refusent de négocier et font appel aux forces de l’ordre qui font évacuer le port par les grévistes malgré la solidarité active des dockers et des portiqueurs.
Cependant, le port reste paralysé et l’intersyndicale appelle à la grève générale. La mobilisation se développe et abouti au blocage de zones industrielles. De leur côté le patronat, manifeste et, occupe de RFO, l’hôtel de Région, et met à sac les bureaux Le préfet crée une commission technique restreinte le 5 janvier.
C’est l’épilogue, un protocole d’accord de fin de conflit signé le 12 janvier accordant : une augmentation de salaire horaire de 1,80 francs étalée sur 6 mois une prime de fin d’année de 525 francs par contenair. Par contre les patrons ne repartiront pas les mains vides, ils bénéficieront d’une aide exceptionnelle de 9 millions accordée par la Région. le 28-11-2022 |
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Sonjé , L’insurrection du Sud du 22 au 30 septembre 1870 |
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Aujourd’hui 22 septembre 2021 - Il y a 151 ans, en septembre 1870, durant huit jours , le sud de la MARTINIQUE « explosa » . Le gouverneur de la Martinique écrit : « Des nègres ivres de rhum et de rage sèment la terreur dans les campagnes de Rivière-Pilote . Ils se reconnaissent entre eux à des lambeaux de tissu de couleur rouge, verte et noire » . A travers ces mots tout le mépris, la haine, la peur surtout du colonisateur et en même temps la reconnaissance d’un mouvement d’une grande ampleur ; son signe de ralliement, son symbole : ces 3 couleurs qui auront une histoire . 22 ans après l’insurrection de 1848, c’est la première grande révolte depuis l’abolition de l’esclavage. Seulement il y a une différence importante entre les deux révoltes : - Le 23 mai 1848 est un jour de victoire pour le peuple martiniquais . Il s’est battu et a gagné : les esclaves sont libres, l’esclavage est aboli . On plante des arbres de la liberté . On fait la fête . - Le 26 septembre 1870 : l’insurrection est écrasée . Les troupes coloniales viennent à bout des révoltés . Des dizaines d’entre eux sont massacrés . Plus de 500 sont emprisonnés . Les chefs sont condamnés à mort – d’autres au bagne d’autres à la prison…. Une défaite ! Les manuels d’histoire même ceux qui prétendent à « l’adaptation des programmes » d’histoire de France à nos soit-disant spécificités sont muets sur cet épisode de notre histoire . Heureusement qu’il y a des historiens martiniquais - Gilbert PAGO, Marie-Helène LEOTIN, Alex FERDINAND et Armand NICOLAS principalement – qui, chacun à sa manière, ont redonné vie à la mémoire de ces événements . C’est en m’inspirant de leur travaux que je vais essayer de raconter l’histoire de ce mouvement . Il n’y pas de parenthèses en histoire. Chaque lutte effective – fut-elle défaite - participe au processus par lequel une société s’organise et crée son propre développement historique . Cette participation est mise en lumière ou elle occultée selon les intérêts de ceux qui nous gouvernent . Elle n’en n’est pas moins essentielle à l’appropriation par nous-mêmes de notre histoire. Notre devoir ici, aujourd’hui, est de la révéler pour que soit renoué le fil interrompu , pour que nous sachions de qui nous, organisation de lutte anti-capitaliste et anticoloniale, sommes les héritiers – et pour que nous sachions reconnaître le chemin que cette lumière tragique montre à nos luttes d’aujourd’hui . Quels sont les faits ? Que s’est-il passé ? Comment tout cela a commencé ? Tout d’abord, à l’origine de l’insurrection, ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire LUBIN » . Un fait divers en apparence, en réalité lourd de sens . Le 19 février 1870, le jeune LUBIN – noir de 22 ans – circule à cheval sur un chemin non loin de l’habitation GRANDS FONDS au MARIN – Arrivent dans l’autre sens deux cavaliers blancs : il s’agit de AUGIER DE MAINTENON , aide-commissaire de la Marine, récemment arrivé de France et son ami un autre blanc PELLET DE LAUTREC . Le chemin est étroit . LUBIN n’écarte pas son cheval pour les laisser passer – il ne les salue pas et les met en situation de passer dans les raziés - les deux blancs indignés jettent LUBIN à bas de son cheval et le roue de coups de cravache « pour lui apprendre à respecter les blancs » . Le père et les frères de LUBIN travaillent non loin de là à creuser un canal pour l’usine du MARIN qui est en construction . Ils ont une entreprise de travaux publics . LUBIN porte plainte auprès du procureur – son affaire est classée sans suite . On lui suggère l’action civile … Il décide alors de se faire justice lui-même . Il prend connaissance du parcours habituel de AUGIER DE MAINTENON pour aller à la messe et le 25 avril ,il le coince dans une petite rue, le désarçonne et lui administre une volée de coups de cravache : 20 jours d’incapacité de travail . LUBIN est arrêté, emprisonné et jugé le 19 août 1870 par une cour d’assises . Il est condamné à 5 ans au bagne de CAYENNE et 1500 francs de dommages-intérêts : « pour coups et blessures avec préméditation et guet-apens » . LUBIN veut aller en cassation – le pourvoi sera rejeté . Il est faible de parler d’une justice à deux vitesses . Il y a là deux hommes libres dans un espace public – ces hommes ne sont liés par aucune relation de subordination . Ils sont l’un et l’autre responsables d’actes violents l’un envers l’autre. L’un échappe à tout jugement – l’autre est lourdement condamné pour crime devant une cour d’assises . L’un est blanc, l’autre est noir . L’homme blanc a exigé avec arrogance que soit reconnu la suprématie blanche et les autorités coloniales, et le système judiciaire se sont mis à son service . On a même modifié la composition du tribunal : le tirage au sort avait désigné comme assesseurs quatre hommes dits « de couleur » - ils sont récusés et remplacés par des blancs – parmi eux CODE , béké de RIVIERE-PILOTE, qui déclare condamner « le nègre qui avait levé la main sur un blanc. Afin de faire un exemple »- La volonté d’humiliation est manifeste : LUBIN est condamné au bagne – condamnation infamante pour une famille honorable « qui a su, dit le Ministre de la Justice, s’élever des rangs les plus humbles à la grande propriété presque » - elle n’est appliquée qu’aux originaires d’Afrique et d’Asie d’après un décret d’août 1853 . Il n’y a plus ni maître, ni esclave et pourtant les blancs maintiennent leur pouvoir, leurs privilèges . Ainsi c’est en tant que blancs ,qu’ ils affirment leur domination sur tous les rouages de la société martiniquaise et légitiment l’exploitation qu’ils font subir à la majorité de la population. Seulement, l’autre, le noir, se défend et met en cause cette domination . Dès le début, parce qu’il refuse le passage et le salut à deux blancs , le jeune LUBIN rend manifeste sa liberté . Il exige la reconnaissance de sa dignité . Il répond à l’arrogance du blanc par l’arrogance du noir – la vengeance qu’il inflige ensuite à AUGIER DE MAINTENON le place sur le terrain de l’égalité – il se fait justice lui-même puisque le système judiciaire ne lui rend pas cette justice et par là il témoigne de la légitimité de sa personne libre et égale . N’est ce pas la conquête fondamentale de 1848 ? A cette résistance individuelle, va se solidariser la résistance de ceux qui s’identifient à LUBIN : le peuple des bourgs et le peuple des campagnes – dans le Sud, surtout aux alentours de Rivière-Pilote, du Marin, de Sainte-Luce ….. La solidarité s’exprimera d’abord de façon pacifique – elle n’en est pas moins active . - A Rivière-Pilote, des jeunes – auquel se joignent de nombreuses femmes - se réunissent chez VILLARD , un instituteur devenu petit commerçant – qui a un prestige certain du fait de ses engagements contre la discrimination raciale, la fiscalité injuste – il est animé d’un désir de changement vers plus d’égalité . Ce groupe décide d’envoyer deux délégués au gouverneur pour obtenir la mise en liberté de LUBIN . Des pétitions circulent ainsi que des listes de souscription : il faut de l’argent pour payer les 1500 francs d’amende, et l’avocat, et les frais de justice …. Les femmes prennent souvent en main la logistique – Ainsi la compagne de VILLARD, Amanthe JEAN-MARIE et Marie-Célanie LUBIN qui est marchande . Ceux de la campagne se rapprochent du bourg, viennent au marché vendre les fruits et les légumes qu’ils cultivent, écoutent, parlementent, s’informent et répandent dans leurs quartiers les nouvelles . Peu savent lire et écrire , mais ils comprennent très bien le racisme, l’injustice , le manque de respect humain dont est victime LUBIN – ils le relient à leur propre situation faite de travail acharné, de misère et d’exploitation . C’est le cas de Lumina SOPHIE dite SURPRISE et de Madeleine CLEM qui participeront très activement à l’insurrection …. - Le 19 août le pourvoi en cassation est rejeté – la condamnation de LUBIN est confirmée . Le béké CODE ne trouve rien de mieux que de proclamer sa satisfaction d’avoir fait condamné LUBIN allant jusqu’à faire flotter sur le toit de la maison de maître de son habitation de la MAUNY le drapeau blanc qui ici en Martinique , plus que le symbole de la Monarchie française, symbolise pour nouveaux et anciens libres le système esclavagiste. Les tensions se font plus vives, la colère monte, la révolte est imminente. Les nouvelles de France vont précipiter les événements . Il faut se souvenir qu’en août 1870, l’empereur NAPOLEON III règne depuis 1852 . C’est le SECOND EMPIRE : un régime autoritaire qui permet à la bourgeoisie de doter le pays des lois dont elle a besoin pour éliminer toute entrave à son pouvoir économique . En outre, depuis le 19 juillet la France est en guerre contre l’Allemagne - l’armée française est vaincue et NAPOLEON III prisonnier capitule le 1er septembre . Le 4 septembre l’empire s’effondre et le 6 septembre la république est proclamée . En Martinique, on n’apprendra ces faits que le 15 septembre après que les autorités aient laissé croire à des victoires en organisant des fêtes au Marin et à Rivière-Pilote pour soutenir l’effort de guerre. Chez les noirs et les mulâtres l’espoir est grand : depuis 1848 on pense que la république ne peut apporter que du bon . La deuxième république n’a-t-elle pas décrété l’abolition de l’esclavage ? Une autre république va garantir l’égalité et en finir avec la discrimination raciale . LUBIN sera libéré . Le peuple de Rivière-Pilote s’agite . Le maire béké, CORNETTE DE VENANCOURT , pense ne pas pouvoir maintenir l’ordre et demande des renforts au gouverneur. Le travail cesse sur les habitations . Les békés favorables dans l’ensemble à l’Empire, craignent pour leur vie et confient les habitations à leurs travailleurs congos – immigrés africains engagés après l’abolition . Comme en 1848, ils fuient . Dès le 19 septembre, des groupes de travailleurs investissent l’habitation de CODE et tentent de l’incendier . Le 22 septembre, tôt le matin, le gouverneur proclame la république . - A RIVIERE PILOTE, le maire proclame à son tour la république dans sa commune . On plante même comme en 1848 un arbre de la liberté. - Dans l’après-midi, Eugène LACAILLE pénètre dans le bourg accompagné de quelques 300 paysans armés – c’est un noir, propriétaire d’une habitation à REGAL. Il a participé à l’insurrection de 1848 (il a 68 ans) . Patriarche d’une famille nombreuse , il est aussi quimboiseur. - Plus tard, TELGA arrive avec plus de 1000 personne dont une majorité de femmes . Tous crient : « Mort aux blancs,mort à Codé , vive la république » . Louis TELGA est un petit propriétaire et aussi boucher –il a environ 40 ans – il a milite en faveur de LUBIN – Il apparaît comme un chef de guerre avec le souci permanent d’organiser la lutte et de discipliner ses troupes . Tous ces manifestants exigent et obtiennent du maire que des perquisitions soient menées chez les blancs . Des armes seront saisies . Ils se dirigent ensuite vers la MAUNY, habitation de CODE – qui s’est enfui – dans les cannes – GEORGES, négre congo, veut interdire l’entrée de la maison – il est tué – l’habitation est incendiée de même que la case à bagasse et les champs de cannes - les femmes prennent une part très active à l’attaque. Pendant ce temps, des troupes du MARIN appelées par le maire arrivent au bourg, tirent sur la foule de ceux qui sont restés : deux morts, deux blessés. Les insurgés sont armés de coutelas, de bambous aiguisés, de vieux fusils de chasse, de torche enflammées . Ils se répandent dans la campagne. Ils se rassemblent au son des conques de lambis. Ils attaquent des habitations : JOSSAUD – MAUNY – BEAUREGARD – GARNIER-LAROCHE…. Lumina SOPHIE dite SURPRISE aurait déclaré : « Il ne faut rien épargner, le Bon Dieu aurait une case que je la brûlerais aussi parce qu’il doit être un vieux béké » - elle sera accusée d’avoir mis le feu à 3 habitations. Le 23 septembre : des pourparlers s’engagent entre le maire CORNETTE DE VERANCOURT et les insurgés . Le maire veut démissionner et propose un remplaçant en la personne du mulâtre GROS-DESORMEAUX – il demande à VILLARD de devenir adjoint. VILLARD, cet instituteur devenu commerçant l’homme d’apaisement et de compromis, humaniste épris de justice et de non-violence. Les gendarmes sont retranchés dans leur caserne face aux troupes de TELGA . VILLARD parlemente avec les insurgés et évite le choc meurtrier - ce qui n’empêchera pas qu’il soit plus tard lourdement condamné à la déportation en forteresse en Nouvelle-Calédonie . La révolte s’étend dans la nuit – des habitations sont incendiées au VAUCLIN SAINT-ESPRIT – à RIVIERE SALEE – SAINTE-LUCE - à l’habitation TROIS-RIVIERE qui appartient à DES ETAGES : lui aussi un assesseur qui a condamné LUBIN, les insurgés tuent TOBIE un ouvrier congo qui prétendait défendre les biens de son patron …. L’insurrection a gagné tout le sud et toutes les couches de la population noire : ouvriers agricoles – petits cultivateurs – ouvriers des bourgs – artisans…. Les travailleurs immigrants indiens mais surtout congos – plus nombreux dans la Sud - sont complices et s’investissent dans le renseignement et les problèmes de ravitaillement . Le gouverneur de la Martinique MENCHE DE LOISNE proclame l’état de siège dans le Sud du pays ; et il investit le commandant MOURAT des pouvoirs civils et militaires . Il demande même l’aide du gouverneur britannique de SAINTE-LUCIE pour empêcher la contrebande des armes. 24 septembre Le matin Madeleine CLEM aperçoit CODE caché dans un champ de cannes du Morne Vert, un quartier de RIVIERE-PILOTE ; elle l’empêche de s’enfuir en le menaçant avec deux roches et le tient en respect jusqu’à l’arrivée des insurgés qu’elle ameute de ses cris . CODE est tué – châtré (« yo coupé coco code » comme dit la chanson) On raconte que Rosanie SOLEIL aurait proposé de «le saler comme un cochon » . A ce jour 24 habitations ont été incendiées . L’habitation DAUBERMESNIL est occupée : un partage des terres s’amorce parmi ces cultivateurs privés de bonnes terres . Mais après un temps de surprise devant l’ampleur du soulèvement, la répression s’organise – Plus de mille soldats sont sur le pied de guerre . Et des détachements de volontaires civils à pied et à cheval : des hommes de la bourgeoisie blanche mais aussi des bourgeois de couleur , mais aussi les employés noirs de certains békés - ils viennent de Saint-Pierre et de Fort de France – ils viennent du François et du Lamentin. Le soir du 24, le commandant MOURAT avec trois détachements entre dans RIVIERE PILOTE – les insurgés, surpris, abandonnent le bourg . Pour les autorités coloniales, il faut empêcher l’extension de l’insurrection vers le nord : trois barrages sont installés : 1 – au niveau des communes de RIVIERE SALEE/SAINT-ESPRIT/FRANCOIS - 2- LAMENTIN/ROBERT 3-GROS-MORNE/TRINITE. Les insurgés se préparent à résister. Un camp retranché est formé à REGALE sur la propriété de LACAILLE – là sont réunies les troupes de TELGA et de LACAILLE . TELGA prend en main la défense ; on se prépare à soutenir un siège, on creuse des fossés, on fourbit comme on peut les armes, les femmes remplissent des bouteilles de piment écrasé dans l’eau pour les jeter à la tête des soldats …. Défense dérisoire. Tous sont animés d’une grande détermination, surtout d’un courage colossal et bientôt désespéré. Le 25 septembre : Dans la nuit du 24 au 25 : 12 habitations sont la proie des flammes au MARIN au VAUCLIN à SAINTE-ANNE ; Dans tout le Sud, militaires et volontaires se livrent à une chasse à l’homme acharnée . Le 26 septembre : tôt le matin – La répression s’amplifie . - l’habitation DAUBERMESNIL est attaquée : 17 insurgés tués – plus de 100 prisonniers - le camp de REGALE est assiégé et envahi – 35 insurgés sont faits prisonniers – on ne connaît pas le nombre de tués. - à TOLLY HUIGHES au MARIN : 15 morts et des dizaines de prisonniers Un seul mort du côté de force de l’ordre : un volontaire . La population des campagnes est terrorisée . Militaires et détachements de volontaires pourchassent les gens qui fuient , se cachent . Les cases misérables des cultivateurs et des ouvriers agricoles sont incendiées. Les troupes massacrent - sans distinguer les insurgés des autres.. Le 28 septembre : l’insurrection est écrasée dans le feu et le sang . C’est la débandade parmi les insurgés . Ceux qui ont échappé aux troupes coloniales se terrent ou s’enfuient vers SAINTE-LUCIE . Le vendredi 30 septembre : Pour arrêter le massacre le gouverneur proclame une amnistie partielle et demande que ne soient poursuivis que les chefs et les assassins . Une prime est offerte à ceux qui livreront LACAILLE et TELGA – LACAILLE sera arrêté le 1er octobre – TELGA s’enfuit et ne sera jamais pris . Les insurgés sont responsables de quatre morts – les deux nègres congos zélés, CODE et un civil, membre d’un détachement de volontaires. On n’a pas compté les victimes de la répression tant elles sont innombrables. LES PROCES ont lieu pendant l’année 1871 et débutent le 17 mars. Les insurgés sont jugés par un conseil de guerre présidé par le COMMANDANT LAMBERT – pour les autorités coloniales, l’Insurrection du Sud est une rébellion armée et a été vaincue par l’armée – 7 séries de procès ou « parodies de procès » comme l’écrit Armand NICOLAS. Les chefs d’inculpation : le complot, le « commandement de bandes armées », l’assassinat, la participation à des émeutes, l’incendie et le pillage d’habitation . « L’inculpation de complot sera la plus grave accusation » nous dit Gilbert PAGO ; elle oriente en fait toute l’instruction et ce, malgré la spontanéité du mouvement, son impréparation manifeste, le manque de coordination entre les groupes, les stratégies floues, parfois contradictoires …. Cette accusation permet de faire porter la responsabilité sur les chefs et de nier le caractère profondément populaire du mouvement . Les avocats, tous blancs, sont commis d’office Suivent des mesures d’exception dans le pays comme par exemple : le contrôle de la presse directement par le président du conseil de guerre . Et évidemment des pressions sont exercées sur les accusés pour obtenir des dénonciations – en sorte qu’il est difficile de connaître aujourd’hui encore les responsabilités réelles des chefs de l’insurrection . Il faut dire aussi qu’à la même époque en France c’est la COMMUNE de PARIS – grand mouvement révolutionnaire qui se terminera lui aussi dans le sang et qui inspire jusqu’à présent les mouvements révolutionnaires dans le monde entier. Il ne s’agit donc pas pour les autorités de montrer aucune faiblesse : l’avenir de la colonie en dépend et par ricochet celui de la France. Il y aura soixante-quinze condamnations. - 8 condamnations à mort « pour exercice d’un commandement dans une bande armée »– 5 exécutions dont celle de LACAILLE – ces condamnés ont été fusillés– TELGA introuvable est condamné à mort par contumace . - 2 déportations dans une enceinte fortifiée à perpétuité– c’est le cas de VILLARD en NOUVELLE-CALEDONIE – aucune preuve de complot : si ce n’est « d’avoir de l’ influence sur les noirs » … - 16 travaux forcés à perpétuité – dont Lumina SOPHIE dite SURPRISE condamnée bien que enceinte au bagne à CAYENNE. Parmi les supposés chefs : acquittement pour Jérémie GERMAIN et Léonce ELISE pour absence de preuve….. L’INSURRECTION DU SUD n’est pas un accident de l’histoire – Elle actualise les luttes fondamentales de la société martiniquaise dans la deuxième moitié du XIXième siècle, et leur donne une forme radicale. Pour quelques jours, l’affrontement quotidien entre la domination économique sociale et politique de la grande bourgeoisie blanche et de couleur et la résistance des classes populaires noires s’est actualisé dans une flambée de violence et d’espoir. Lui donner un sens c’est le situer dans le contexte des rapports sociaux en MARTINIQUE en 1870, des forces sociales en présence et des actions qu’elles développent dans leur effort pour conquérir le droit de contrôler le devenir de la société . Je vais donc présenter rapidement une sorte de photographie de la situation économique et sociale . 1°Tout d’abord : la MARTINIQUE est un pays essentiellement rural ; la plus grande partie de la population vit à la campagne . Les chiffres qui suivent sont cités par J.ADELAÏDE-MERLANDE . - en 1877 : population totale : 161995 habitants population urbaine : 48587 Population rurale : 113408 c’est encore plus vrai pour le sud – voici les chiffres concernant certaines communes RIVIERE-PILOTE : la population totale est de 6000 habitants .Le bourg compte 450 habitants et les quartiers 5550 . MARIN : population totale :4100 habitants dont 1218 au bourg et 2882 dans les quartiers . VAUCLIN : sur une population totale de 5015 habitants, 660 habitent le bourg et 4355 les quartiers. L’Insurrection du Sud apparaîtra comme une révolte du monde rural . 2°Du point de vue agricole, on distingue deux « pays » : le pays sucrier et le pays vivrier. C’est le pays sucrier qui domine largement en superficie et en richesse . C’est le domaine de la canne et de la grande propriété . Culture d’exportation, la canne occupe 56% de la surface cultivable. On compte en Martinique 564 sucreries – en moyenne : 33 hectares par sucrerie – dont le revenu annuel moyen est de 16500 francs. Le pays vivrier compte 5478 vivrières sur environ 30% de la surface cultivable- en moyenne 2.5 hectares par vivrière produisant un revenu annuel moyen de 360 francs. La disproportion est donc considérable entre le grand propriétaire sucrier et le petit exploitant de vivres. Le reste de la surface cultivable est consacrée à des cultures secondaires d’exportation comme le café, le cacao, le coton et le tabac . Le pays sucrier s’étend dans les bonnes terres des plaines depuis longtemps défrichées . A partir de le deuxième moitié du siècle, la production du sucre se modernise Les usines centrales remplacent les anciennes sucreries devenues peu rentables. De 1868 à 1872 on construit 11 usines centrales – (c’est à la construction de l’usine centrale du Marin que la famille LUBIN travaille lors de l’agression) – C’est que le sucre de canne se porte fort bien sur le marché des denrées coloniales et comme l’écrivent JOURJON et DUQUESNAY : « les actions des usines centrales de la Martinique…pour longtemps encore offriront des placements de tout repos aux taux inouïs de 15 à 30 % » . Une minorité békée possède les plus grandes plantations de sucre et les usines centrales et veut « toujours plus de sucre et toujours plus de profit » - Elle domine le commerce des importations et des exportations Il a parmi eux des nostalgiques de l’esclavage qui, comme JB CODE, manifestent racisme et mépris à l’égard de tout ceux qui ne sont pas blancs et prétendent traiter leurs ouvriers comme des esclaves D’autres s’adaptent à la nouvelle donne et renforcent leur pouvoir économique ; ils jouent de leur influence sur les autorités coloniales pour construire une législation du travail, véritable carcan juridique qui limite la liberté des travailleurs . Au moment de l’insurrection, les uns et les autres appellent à la répression – allant jusqu’à demander des exécutions pures et simples. Certains s’enfuient dans les îles voisines ou ailleurs. Les grands propriétaires mulâtres sont objectivement les alliés des békés : leurs sont communs ; propriétaires d’habitations importantes, ils ont des parts dans les usines centrales et un rôle important dans le commerce . Mais, ils ne sont pas blancs et ils subissent eux aussi le racisme – dans une moindre mesure car bien sûr l’argent n’a pas de couleur…. Ils sont certainement touchés par l’affaire LUBIN ils sont favorables à l’égalité des races , une idée dont ils sont le produit – et ils sont animés de sentiments républicains, proches des PERRINON, BISSETTE …. Seulement au moment décisif de la répression du mouvement insurrectionnel , ils n’hésitent pas à prêter main forte aux forces coloniales en intégrant les détachements de volontaires en action dans la chasse à l’homme, en financement armement et même volontaires moins fortunés qu’eux . Le maintien de l’ordre capitaliste et colonial dont ils bénéficient tant et qu’ils contribuent si bien à construire est à ce prix . La législation du travail est une législation d’exception. Elle est à la fois création propre à la colonie à la demande de ses classes dirigeantes et instrument privilégié d’exploitation. A la base : le décret du 13 février 1852 , complété par un arrêté du gouverneur GUEYDON le 15 septembre 1855 , porte sur le contrat de travail des travailleurs agricoles : les contrats d’associations âprement négociés par les nouveaux libres en 1848 sont supprimés et remplacés par des contrats d’engagement. Engagement obligatoire d’un an au moins – 26 jours de travail effectif- plus de 9h de travail par jour – un salaire mensuel fixe payé si seulement les 26 jours de travail sont effectués . Pour les travailleurs qui ne sont pas rattachés à une habitation : le livret – qui indique les noms, prénoms, surnoms ,âge et lieu de naissance,domicile, résidence et profession, signalement,filiation et numéro d’immatriculation . Il est obligatoire de signaler le changement de domicile à la mairie de la commune .En cas de changement de travail ou de domicile, le livret doir être « visé par le propriétaire, patron ou chef d’industrie » (art2) Le but de cette législation est d’empêcher ce que les autorités appelle le vagabondage . Les vagabonds n’ont ni livret, ni contrat d’engagement sur une habitation , ils n’exercent pas de métier – il peuvent être condamné à des amendes - qui sont en fait converties en journées de travail gratuit sur une habitation avec le statut obligatoire d’engagé ; s’ils refusent, ils intègrent l’atelier disciplinaire de l’Etat… Soulignons que tout groupement de travailleurs était qualifié de « réunions de vagabonds » . L’habitation tend à être un monde clos, répressif qui ignore la négociation – où le conflit est permanent mais étouffé jusqu’à ce qu’il explose …. L’immigration d’INDIENS et de CONGOS , de 1852 à 1884, est organisée à la demande des patrons békés ou mulâtres . Au lendemain de l’abolition de l’esclavage, contrairement à ce qu’on pense habituellement il n’y a pas eu de désertions brutales des habitations sucrières mais les grands propriétaires se sont trouvés face à une main d’oeuvre exigeante : les nouveaux libres qui, forts de leur liberté et de leur nouvelle citoyenneté, ont discuté pied à pied avec l’aide d’anciens libres instruits comme CORIDON, les conditions des contrats d’association qui les liaient à leurs anciens maîtres, entre autres des salaires décents, la scolarisation de leurs enfants…. . Il faut casser ses prétentions en créant de la concurrence avec des travailleurs étrangers plus fragiles, plus dociles – et imposer ainsi aux travailleurs créoles les conditions de salaires et de vie de ces nouveaux arrivants Cela se faisait déjà dans les colonies anglaises comme Trinidad et la Guyane britannique – Des Indiens qui fuient la famine – des Africains qui viennent principalement de la région du CONGO – c’est-à- dire d’anciens lieux de traite Les INDIENS sont recrutés plutôt dans le nord et le centre du pays, Les CONGOS dans le sud . Ils sont liés à l’habitation par un contrat d’engagement de 1 à 7 ans au termes duquel ils peuvent demander leur rapatriement et ils reçoivent un salaire mensuel ; c’est bien ce qui les distingue des esclaves. Car comme les anciens esclaves, ils sont à la merci du patron : mal nourris, mal logés, mal habillés – familles séparées – manque d’hygiène – ils sont dans un état sanitaire lamentables – ils travaillent mal, ils sont « la ruine des propriétés »paraît-il – mortalité élevée – alcoolisme – suicides – ils fuient comme les nèg mawon – ou bien ils refusent d’obéir – il leur arrive d’incendier les cases à bagasses ce qui provoque l’arrêt de la production faute de combustible ….. . Ces travailleurs immigrés ne semblent pas avoir toujours participé volontairement à la révolte : ils affirment avoir été forcés par les insurgés – et sont relaxés lors des procès ….Leur dépendance à l’égard des patrons les rend suspects aux yeux des autres travailleurs ; Ces derniers savent qu’ils sont là pour casser les revendications salariales et eux-mêmes communiquent difficilement avec eux pour des raisons de langue – ils parlent peu le créole - et aussi de pratiques religieuses surtout en ce qui concerne les Indiens très attachés au culte Hindou – en 1870 ils ne sont pas liés à la société créole .- perçoivent-ils leur avenir ici ? – n’ont-ils pas tendance à s’enfermer dans leur communauté ; il est difficile de s’intégrer à une société étrangère et souvent hostile . INDIENS et CONGOS forment à peu près 1/3 des travailleurs des habitations . Les deux autres tiers, c'est-à-dire la majorité des travailleurs, sont créoles. Parfois ils sont « casés » c’est-à-dire qu’ils vivent sur les habitations et en échange de leur travail ils disposent d’une case et d’un lopin de terre avec l’obligation de ne pas travailler sur une autre habitation. Mais cela leur rappelle trop la période de l’esclavage , aussi ils préfèrent se louer à la journée – être des « journaliers » . Les patrons ne sont pas favorables à cette solution : car cela suppose des paiements en numéraire qui les mettent en concurrence les uns avec les autres sur les montants des salaires. Les grands propriétaires sont assez favorables au colonat partiaire : la location de la terre correspond à un pourcentage de la récolte qui revient au patron . La plupart de ces travailleurs d’habitation, misérables et surexploités, ont rejoint l’insurrection ; leur connaissance des moindres recoins les habitations lui sont d’une grande utilité. Dans les mornes : le pays vivrier. La majorité des habitants des zones rurales sont propriétaires d’un lopin de terre dans les mornes ; de temps à autre ils trouvent un complément de ressources en se louant sur les habitations comme travailleurs saisonniers au moment de la récolte de la canne. Mais la plupart du temps, ils cultivent des légumes , élèvent du bétail et des volailles et développent une agriculture d’auto-subsistance – pratiquement sans monnaie – ou tout s’échange même le travail avec la pratique régulière des koudmen – Ils font aussi de la farine manioc, du charbon de bois . Les femmes sont très actives dans cette société de voisinage : elles sont souvent couturières, certaines sont matrones et aident les femmes à accoucher. Gilbert PAGO nous parle de ZULMA qui est à la foie couturière, cultivatrice, journalière sur une habitation et marchande au bourg. Leur dénuement est grand – il suffit de la sécheresse ou de trop de pluie pour que ce soit la misère sans grand espoir de secours que la solidarité de voisinage. Plus de 90% ne savent ni lire ni écrire – et ils savent ce qu’il leur en coûte : l’instruction des enfants est une grande préoccupation depuis que la loi MACKO avant l’abolition prévoyait l’éducation des petits esclaves . Les hommes comme les femmes sont en relation avec le bourg où ils descendent vendre le surplus de leurs récoltes et acheter viande salée, huile, morue, tissus ….etc. Au bourg il y a aussi la mairie, l’école et surtout l’église….. Ces paysans formeront le gros des troupes insurgées : ils sont animés par la haine des békés dont ils connaissent le pouvoir d’exploitation et le mépris – plus indépendants que les travailleurs casés, ils ont un sens aigu de leur dignité d’hommes libres . Ils savent que les hommes sont des citoyens, qu’ils ont le droit de vote mais que ça ne change rien à leur misère. Ils vont se solidariser volontiers avec LUBIN qui a osé tenir tête . Les habitants des bourgs forment la petite bourgeoisie dite « de couleur » . Hommes et femmes sont artisans ou petits commerçants – des petits métiers, quelques ouvriers dans les ateliers et dans les entreprises de travaux publics comme celle de la famille LUBIN. Il y a aussi des enseignants comme VILLARD, instituteur qui deviendra commerçant – et un des dirigeants du mouvement, des domestiques… Tout le monde n’est pas aisé mais la vie paraît moins dure qu’à la campagne ;ils vivent dans une certaine indépendance vis-à-vis de l’habitation . Souvent ils ont une certaine instruction, leurs enfants vont à l’école . Ils peuvent espérer pour eux une meilleure situation économique , un meilleur statut social . Ils agissent sur le plan de la politique municipale : ils s’intéressent à la gestion municipale même et revendiquent la participation réelle aux affaires de la commune qui leur est refusée habituellement par les békés . Nous avons vu comment le maire béké de RIVIERE-PILOTE entend garder le pouvoir sur la commune . Mais nous avons vu aussi qu’aux moments les plus critiques de la révolte, il n’hésite pas à faire appel à VILLARD pour négocier avec les rebelles qui accepte volontiers ce rôle d’intermédiaire . Ils préfèrent la force de la parole à la violence des armes ; peu d’entre eux s’impliqueront dans la lutte armée . C’est par l’action politique qu’ils veulent assurer leur contrôle sur la société : ils soutiennent le parti de « la couleur » contre le parti des blancs. L’affaire LUBIN les a atteint dans leur dignité d’homme et de citoyen . Ils manifesteront une solidarité certaine avec le mouvement insurrectionnel tout en utilisant leur influence pour apaiser le conflit. Quel sens donner à l’INSURRECTION DU SUD aujourd’hui ? On pense généralement que l’on se trouve devant une révolte spontanée sans programme, peu coordonnée, sur quelques jours à peine. Les insurgés n’ont pas fait de compte-rendu de réunion – ils n’ont pas – à ma connaissance- écrit leur histoire. Nous avons pour les connaître ce qui été dit lors de leurs procès…..Nous avons aussi la tradition orale, et les chansons…..La mémoire populaire. Cependant si nous pensons qu’une révolte s’inscrit toujours dans une logique, plus que des paroles, ce sont les actions qui nous en livrent le sens . Les insurgés ont occupé l’habitation DAUBERMESNIL –le temps leur a certainement manqué pour en partager les terres ; peut-être ont-ils commencé . Peu importe . Par ce geste, ils ont contesté le système de propriété à la base de l’exploitation coloniale, et posé dans les faits le problème toujours pas résolu de la terre en Martinique. On a attribué à LACAILLE et à TELGA des idées d’indépendance – on parle même d’une proclamation de la REPUBLIQUE MARTINIQUAISE - il faut se rappeler que l’exemple de la REPUBLIQUE D’HAÎTI première république noire d’AMERIQUE est le symbole de la victoire des anciens esclaves noirs sur leur maîtres blancs. La volonté de s’emparer du pays n’est peut-être pas exprimée – elle n’est pas impossible – le temps a manqué. Les insurgés avaient un drapeau - 3 couleurs : le noir, le rouge et le vert . Ces couleurs ont flotté en tête de nos manifs en février 2009 – on les voit sur les plaques d’immatriculation de certaines de nos voitures, sur des t-shirts et au fronton de la mairie de SAINT-ANNE et reprises par certains partis comme le PPM – Il est émouvant de penser aujourd’hui qu’elles relient à la grande insurrection vaincue en 1870 nos aspirations de MARTINIQUAIS et de MARTINIQUAISES de ce début des années 2000 . Les insurgés de 1870 nous ont légué – comme les révoltés de 1848 – la nécessité impérieuse de lutter sans cesse pour la reconnaissance de notre dignité, contre les discriminations, contre l’exploitation . Il nous faut aussi continuer ensemble par l’étude à redonner chair et sang à ces combats anciens pour qu’ils nous livrent mieux le sens profond de leur cause qui est aussi la nôtre .
le 22-09-2021 |
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Sonjé , Juin 1848 : la république bourgeoise écrase la révolte ouvrière. |
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il y a 170 ans en juin 1848, la classe ouvrière parisienne était écrasée par l’armée du général Cavaignac. Ainsi se terminait la période révolutionnaire ouverte quand, en février 1848, une première révolution avait chassé du pouvoir le roi Louis Philippe et mis fin à la monarchie de Juillet. Avec la Deuxième République l’espoir d’un régime de démocratie, de libertés et de justice sociale était alors né.
Après les journées révolutionnaires de juillet 1830, la monarchie de droit divin de Charles X avait été remplacée par la monarchie constitutionnelle de Louis Philippe. Mais ce changement n’en était pas un. Le Parlement restait élu par seulement 250 000 électeurs parmi les plus riches du royaume. Face aux contestations, venant aussi bien des milieux bourgeois écartés du pouvoir que des masses populaires, le gouvernement répondait par la répression et les interdictions.
L’opposition républicaine
Au sein du Parlement, seuls quelques dizaines de députés, dont Ledru-Rollin et Lamartine, se déclaraient partisans de la république. La majorité des députés de l’opposition se contentaient de réclamer l’élargissement du droit de vote et quelques libertés supplémentaires dans le cadre de la monarchie. Au sein de la population, la crise économique de 1847 renforçait le mécontentement. Les mauvaises récoltes des deux années précédentes et la spéculation avaient renchéri le prix du pain. Dans plusieurs régions, des émeutes avaient éclaté. Aucune réunion politique n’étant tolérée, les députés de l’opposition organisèrent une campagne de banquets réclamant une démocratisation du régime. Les revendications exprimées lors des toasts devinrent de plus en plus radicales, jusqu’à mettre en avant la souveraineté du peuple, autrement dit le suffrage universel et la république.
Les ouvriers imposent la république
La campagne des banquets contribua à répandre une agitation politique dans les faubourgs populaires. Des travailleurs, des étudiants, de plus en plus exaspérés, se massaient autour des salles et reprenaient la revendication de la république, en y mettant cependant un contenu à eux. Pour les ouvriers, elle devait évidemment être sociale, garantir le droit au travail et des salaires permettant de vivre.
Devant la radicalisation des banquets, le roi décida d’interdire celui organisé le 22 février dans la capitale. Il pensait disposer de la force et nomma Bugeaud à la tête des troupes rassemblées à Paris, un général déjà responsable de la répression des révoltes de 1834. Mais dans les heures qui virent la confrontation des troupes avec le petit peuple, l’indécision allait faire place à la fraternisation.
Le 22 février, des groupes d’ouvriers acclamaient les soldats, leur rappelant leur appartenance au peuple.
Le 23, une fusillade éclata. Cinquante-deux manifestants tombèrent. Le tocsin sonna dans plusieurs églises, appelant la population à s’armer et à se défendre. Les manifestants, majoritairement ouvriers, érigèrent des barricades, étalèrent sur le sol de la vaisselle cassée pour bloquer les cavaliers, pillèrent les armureries et obtinrent des armes venant des troupes. Devant l’insurrection, et constatant l’incapacité des troupes à en venir à bout, Louis Philippe dut abdiquer.
Les députés républicains constituèrent immédiatement un gouvernement provisoire, puis se rendirent à l’Hôtel de Ville devant lequel la population s’était massée. Les nouveaux ministres cherchaient déjà les formules qui auraient pu leur éviter de trancher, sous la pression des masses, la question du futur régime. Celles-ci devenaient menaçantes et les barricades étant toujours hérissées, le poète Lamartine, républicain connu, ministre du nouveau gouvernement, dut se résoudre à proclamer la république.
Drapeau rouge ou drapeau tricolore
Pour calmer les insurgés, Lamartine manœuvra en tenant des discours prônant la concorde entre les classes, s’opposant à la volonté exprimée par une partie des insurgés de faire du drapeau rouge le symbole de cette république nouvellement proclamée, il imposa le drapeau tricolore, auréolé selon lui de la « gloire et la liberté de la patrie », déclarant : « Je repousserai jusqu’à la mort ce drapeau de sang que vous nous rapportez .»
Ce choix du drapeau avait un sens de classe. En défendant le drapeau tricolore, Lamartine défendait la république bourgeoise. Les ouvriers, eux, reconnaissaient dans le drapeau rouge le symbole de leurs luttes. Le discours de Lamartine était la première faille dans la fausse unanimité qui dominait cette révolution de février.
La faille allait s’élargir dans les semaines et les mois suivants. Les ouvriers ne pouvaient accepter la confiscation de leur révolution par la bourgeoisie. Ils ne pouvaient renoncer à leur revendication principale, le droit au travail, et à leurs aspirations sociales. Dans l’affrontement de classe qui se préparait, la bourgeoisie disposait d’une longueur d’avance. La république qu’elle voulait était la sienne. Pour l’imposer il lui fallait désarmer les ouvriers et briser leur volonté de lutte.
Pour en finir avec les travailleurs en armes, le gouvernement fit d’abord arrêter les chefs ouvriers Barbès et Blanqui après une manifestation qui avait envahi l’Assemblée. Le général Cavaignac reçut les pleins pouvoirs.
La bourgeoisie prend l’offensive
Le gouvernement provisoire prétendit s’attaquer à la misère en créant les Ateliers nationaux chargés des travaux publics, où les chômeurs trouvaient à s’embaucher. Mais, le 21 juin, les ouvriers de moins de 25 ans qui y travaillaient furent contraints de s’engager dans l’armée, et les plus âgés devaient se préparer à partir en province.
Face à cette provocation gouvernementale, les ouvriers parisiens se soulevèrent aux cris de « La liberté ou la mort », dressèrent des barricades dans une grande partie de Paris. Puis quatre jours durant, du 23 au 26 juin, ils affrontèrent les armes à la main l’armée, les gardes mobiles et la garde nationale. La répression fit plus de 3 000 morts parmi les ouvriers. Écrasée, la classe ouvrière avait toutefois montré qu’elle n’était pas seulement la classe souffrante des nouveaux bagnes industriels dont la bourgeoisie commençait à couvrir l’Europe. Elle n’était plus non plus une simple masse de manœuvre que la bourgeoisie pouvait utiliser pour s’imposer au pouvoir. Pour les militants ouvriers de l’époque, et notamment pour Marx et Engels qui quelques jours avant la révolution de février avaient lancé le Manifeste du parti communiste, juin 1848 ouvrait une ère nouvelle. La classe ouvrière était désormais, et est restée, la seule classe véritablement révolutionnaire, la seule capable de transformer la société. le 19-07-2021 |
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Sonjé: Mars 1948, répression sanglante des ouvriers agricoles du Carbet |
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En 1848, au lendemain de la seconde guerre mondiale, la population ouvrière de Martinique est en proie à une situation de délabrement économique et sociale considérable, situation qui a pour corollaire, des conditions de travail pénibles et une activité salariée très peu rémunérée’.
Ce contexte à sa traduction dans l’organisation de la société qui étale clairement son ordre inégalitaire. Il existe un important clivage entre la minorité béké possédante au flanc duquel se trouvent: des fonctionnaires, artisans, commerçants et les professions libérales et la grande majorité de la population ouvrière pauvre et démunie. L’état sanitaire des plus pauvres ne dément pas la misère subie. La population pauvre se compose de familles nombreuses, vivant entassées dans des cases d’une à deux pièces, dans des quartiers populaires qui ont des allures de taudis, les infrastructures sanitaires sont absentes. Tandis que pour l’autre classe sociale, c’est l’opulence d’une caste de béké propriétaire de tout qui se montre.
Sur ce tableau, fait de tensions sociales, arrive en 1947 le préfet Pierre TROUILLÉ décoré Commandeur de la Légion d'honneur, et de la Croix de guerre, décoration militaire française destinée à distinguer des personnes pour fait de guerre.
C’est ce TROUILLÉ préfet, homme d’armes, qui devient le premier préfet d’une Martinique, tout juste élevée au rang de département français (le 19 mars 1946).
Les faits qui sont connus sur le déroulement des évènements du Carbet, rapportent que sur l’habitation LAJUS, un domaine appartenant à Jaques Bailly, les coupeurs de cannes de la plantation, qui depuis janvier ne sont payés que partiellement, demandaient au 1er mars que les dispositions, prises un an auparavant pour la coupe de la canne soient mises en application, dans les pièces encombrées d’herbes hautes et de lignes, ce que refusera BALLY l’usinier.
Ce refus va entraîner ; le lundi 1er mars, la grève immédiate des ouvriers agricoles de la plantation, et BALLY demandera qu’interviennent les forces de l’ordre, leur enjoignant, de surcroit, de ne pas hésiter à faire usage de leurs armes à feu sur les grévistes.
Le jeudi 4 mars, après trois jours de grève où chacun campaient sur ses positions, BAILLY change de tactique et invite ses ouvriers à venir percevoir le montant du rappel du mois de janvier, qu'ils avaient réclamé à l’habitation LAJUS.
Le syndicat se concerte, pense à un piège, mais il ne peut empêcher les travailleurs grévistes d’aller recevoir le salaire qui leur est dû.
A 18 heures l’opération achevée, les ouvriers regagnent le bourg, ils cheminent le long de la route, quand ils croisent une jeep provenant de Saint-Pierre et ayant à son bord environ une dizaine de gendarmes.
Les gendarmes stoppent leur véhicule en arrivant à hauteur d’un gréviste et de son épouse restés en arrière du groupe, et s’acharnent à coups de crosses sur André Jacques. Ils se livrent à un passage à tabac en règle, Yvonne Jacques, l’épouse, tente de venir en aide à son mari, elle se fait tirer dessus, qui l’atteint à la jambe.
Le bruit des déflagrations alerte les ouvriers qui rebroussent chemin et interviennent pour prêter assistance à leurs camarades. A ce moment-là, c’est le frère du molesté, Henry Jacques tente de désarmer le tireur, mais il est mis en joue par les gendarmes et abattu. Ces évènements ont été relatés dans le journal Justice qui dira que : « Ce soir-là, les balles ont fusées au Carbet tuant trois personnes, les deux frères Jacques et Mathurin Dalin et blessant grièvement deux autres personnes, madame Jacques et André Balmer ».
La dénonciation du Journal Justice, hebdomadaire du Parti Communiste Martiniquais, vexera le préfet TROUILLÉ qui fera une déclaration radiodiffusée pour dire: « qu’il affirme que les gendarmes du Carbet ont fait feu pour se défendre et parer les coups de pierres que les grévistes leur lançaient ».
Pour enfoncer son clou, le préfet TROUILLÉ intentera un procès au journal Justice, pour son article du samedi 6 mars, et fera en sorte que les journalistes soient condamnés pour « diffamation » à six mois de prison et le journal à 100 000 francs d’amende. Tel sera l’épilogue de cette affaire sanglante.
Mais au-delà du dénuement, les évènements de l’habitation LAJUS au Carbet vont marquer l’histoire des luttes ouvrières en Martinique. En rappelant les noms, des deux frères Jacques et de Mathurin Dalin, comme étant les trois victimes de la tuerie du Carbet. Un crime de classe opéré par les forces coloniales, au profit des intérêts privés des usiniers. le 22-03-2020 |
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En Guadeloupe le 14 février 1952, la tuerie du moule (lu dans Combat Ouvrier) |
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Ce jour-là donc, la soldatesque coloniale assassinait quatre personnes et en blessait quatorze autres. Elle l'a fait pour se venger, car les ouvriers agricoles en grève avaient, à Blanchet, osé mettre en déroute les CRS.
En effet, il faut savoir que les ouvriers agricoles des champs de canne à sucre qui avaient entrepris une grève générale depuis la mi-janvier, luttaient pour empêcher l'ouverture de la récolte cannière que les usiniers blancs voulaient démarrer pour un salaire de 76F/heure, alors que les ouvriers réclamaient 100F/heure.
Les patrons devaient aussi aux planteurs les ristournes sur les cannes livrées en 1950 et 1951. C'est le gouvernement PLEVEN qui avait fixé ce salaire minimum en Guadeloupe alors que la Chambre de Commerce évaluait l'augmentation du coût de la vie entre 1938 et 1950 à plus de 187%. Les salaires ouvriers, eux n'avaient pas changé durant la même période. La grève s'est vite étendue.
L'ensemble des syndicats: la CGTG, la CGTC, Syndicat Autonome, celui des médecins hospitaliers, le syndicat des enseignants et d'autres …, outrés par la situation se sont regroupés en cartel afin de populariser la grève.
Le conseil général présidé alors par NININE (ex maire de Petit Bourg) refusa de voter le budget du préfet si les revendications des ouvriers n'étaient pas satisfaites. Certains maires de gauche interdirent le passage dans leur commune des «chars» (les gros camions) transportant la canne. Ces soutiens aux ouvriers en lutte renforcèrent la détermination des grévistes. Toutes les habitations sucrières (les propriétés) furent bloquées de Ste Rose à Moule en passant par Capesterre B/E, Petit Bourg, Beauport, Etc. Les CRS stationnaient dans les champs et s'affrontaient aux grévistes à coup de grenades lacrymogènes d'un côté, de conques de lambi, de bâtons et de pierre de l'autre.
Mais voilà, après la déroute des CRS à Blanchet, ils occupèrent la ville, le 11 février sillonnant les rues, invectivant et insultant les femmes. Ce siège dura jusqu'au 14 février.
Ce jour-là, au petit matin , les CRS arrêtèrent un jeune Moulien du nom de Abouna, ce qui provoqua un ras le bol de la population qui érigea des barricades à la sortie du boulevard Rougé. Vers 11 heures les fusillades éclatèrent. Les CRS tirèrent sur tout ce qui bougeait sans sommation. Quatre personnes furent tuées : Constance Dulac, Justinien Capitolin, Edouard Dernon, et François Serdot .
Cette tuerie du Moule restera gravée à tout jamais dans la mémoire collective.
A la suite de cette tuerie, le salaire horaire a été fixé par l'administration coloniale à 88F.
Soulignons qu'au cours de ces événements l'administration coloniale représentée par le préfet d'alors, VILLEGER, le gouvernement colonialiste français de René PLEVEN a choisi sans sourciller le camp des patrons.
le 17-02-2020 |
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Sonjé - Il y a 25 ans , Le 18 janvier 1995 commençait la grève des banques. (Lu dans Combat Ouvrier ) |
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Parmi les conflits sociaux de différente importance qui ont eu lieu à la Martinique depuis quelques années, la grève des employés de banque est un de ceux qui ont marqué l’opinion martiniquaise durant tout son déroulement, bien qu’elle n’ait concerné que huit cents grévistes et qu’elle n’ait pas été vraiment couronnée de succès.
Il faut dire, pour relativiser les faits, que la Martinique est une petite île, de moins de quatre cent mille habitants, isolée à plus de six mille kilomètres de Paris, dans l’archipel des Petites Antilles, près de l’Amérique du Sud, quoique juridiquement un département français. Les événements locaux y ont donc toujours beaucoup plus de retentissement encore que n’importe où en métropole.
Puis, il s’agissait d’employés de banque qui, jusque-là, étaient vus comme une catégorie sociale à part des autres travailleurs et s’en sentaient eux-mêmes un peu différents. Ils étaient plus liés à leur entreprise et se croyaient mieux considérés.
Surtout, la grève a marqué par sa durée : 55 jours, du 18 janvier au 14 mars 1995 et par ses répercussions économiques, car il n’était plus possible de se faire payer le moindre chèque dans les banques en grève (presque toutes), ni de créditer un compte, ni de faire certains virements.
Enfin, et ce n’est pas le moindre aspect, une solidarité active fut organisée par les autres centrales syndicales et syndicats de l’île, pour répondre à la mobilisation patronale contre les grévistes. Il y eut, de la part des syndicats, des appels à la solidarité auprès des autres catégories de travailleurs, à deux grèves générales, l’une de deux jours et l’autre d’une journée, ainsi qu’à des manifestations. Cela au nom de la solidarité, mais aussi en posant des revendications pour les autres catégories de travailleurs pour opposer un front uni des travailleurs au front uni patronal.
Le départ de la grève
Les négociations salariales annuelles obligatoires, patronat-syndicats, se terminèrent, fin 1994, par un échec dans les banques faisant partie de l’Association française des banques (l’AFB, dont le siège est à Paris), l’équivalent d’un syndicat patronal à l’échelle nationale (rappelons que la Martinique est, juridiquement, un département français).
Les directions bancaires locales se réfugiant derrière les décisions de l’AFB à l’échelle nationale, prétendaient ne rien pouvoir donner et signer d’autre que ce qui était concédé par l’AFB. Cela choqua d’ailleurs beaucoup les employés de voir qu’il ne servait à rien de négocier à la Martinique puisque les décisions étaient prises à plus de 6000 km d’eux. C’est ce qui explique que les syndicats revendiquaient que l’AFB locale ait le pouvoir de signer un accord dans le cadre de la négociation.
Toujours est-il que les syndicats d’employés de banque constituèrent une intersyndicale et appelèrent à la grève pour le 18 janvier 1995. Dans les banques appartenant à l’AFB : la Banque des Antilles Françaises (Crédit Lyonnais), la Société Générale de Banque des Antilles (Société Générale), la Banque Foncière Commerciale, le Crédit Martiniquais et des établissements financiers n’appartenant pas à l’AFB comme l’Institut d’émission des DOM, la SODERAG et la SODEMA, la grève fut totale et, immédiatement, des piquets de grève occupèrent les portes jour et nuit.
Par contre, les employés du Crédit Agricole n’étaient pas en grève et ne participèrent à des actions qu’une journée ou deux car le CA n’était pas membre de l’AFB et avait fait quelques concessions lors des négociations antérieures. Pas en grève non plus, l’établissement qui gérait les services de la Carte Bleue et qui alimentait les distributeurs de billets (avec certaines limitations), ni les Chèques Postaux, ni les services de la Poste (mandats). Bien qu’officiellement la grève ait été dirigée par une intersyndicale, le seul syndicat réellement représentatif dans ce milieu était le SMBEF (Syndicat Martiniquais des Banques et Établissements Financiers) qui recueille 95 % des suffrages aux élections professionnelles et qui est un syndicat indépendant des principales centrales syndicales de l’île et un peu influencé par les idées nationalistes.
En dehors de ce syndicat, la CDMT (ex-CFDT) et FO n’ont un peu d’influence que dans un établissement chacune. Cependant, une militante syndicale de la CDMT, très connue dans les banques, avait un crédit personnel très important.
Les revendications posées par l’intersyndicale étaient :
14 points d’indice pour tous, soit 210 F nets mensuels d’augmentation,
le pouvoir, pour l’AFB locale, de signer dans le cadre de la négociation,
le paiement des jours de grève,
l’implication plus grande des banques martiniquaises dans l’économie locale,
la préretraite pour les salariés âgés de 55 ans qui le demandaient,
le calendrier des « jours flottants » de fermeture pour 1995.
Le front unique des médias, des patrons et des politiciens
Dès le début du mouvement, les employés de banque étaient présentés par l’ensemble des médias officiels coalisés contre la grève, comme des « privilégiés », qui ne se gênaient pas pour mettre en difficulté la population.
Puis, tandis que les dirigeants des banques refusaient de négocier, toutes les associations patronales : le Centre patronal, les syndicats de PMI et de PME, l’Association des planteurs, le Syndicat des patrons du bâtiment, multiplièrent les déclarations contre les grévistes. Pour eux et les médias, les grévistes « prenaient la population en otage » ainsi que « l’économie de la Martinique ». Ils achetèrent des panneaux publicitaires dans les journaux où des spots télévisés qui représentaient l’agonie de la Martinique et se terminaient par un électrocardiogramme dont le tracé devenait plat et les bruits du coeur disparaissaient ! Ils firent distribuer, à plusieurs reprises, des milliers de tracts dans les boîtes aux lettres des cités de l’agglomération de Fort-de-France.
Ils mentirent effrontément en annonçant que le plus petit salaire dans les banques était de 12 000 francs par mois, sans compter les « multiples avantages » dont auraient bénéficié les employés de banque.
On vit aussi, par exemple, Chalono, secrétaire régional du RPR appeler les commerçants et la population à une manifestation de protestation, qui ne réunit qu’une quarantaine de personnes, affolées parce qu’elles étaient noyées parmi des centaines de travailleurs goguenards, et pleurant sur le faible nombre de policiers pour les protéger. Il y eut aussi une « journée des chemises blanches », le 17 février, où l’Union des consommateurs avait demandé à tous ceux qui s’opposaient à la grève, de porter ce jour-là une chemise blanche, manifestation qui fut aussi un échec retentissant.
Il faut dire que les réactions patronales sont toujours particulièrement hargneuses vis-à-vis des mouvements grévistes car ce milieu est essentiellement composé de « békés » (blancs descendants des anciennes familles esclavagistes) ou de métropolitains, particulièrement méprisants, voire racistes, envers les travailleurs de couleur et qui constitue en Martinique un lobby colonial puissant.
Les politiciens de gauche, ceux du PPM (Parti Progressiste Martiniquais) d’Aimé Césaire et ceux de la Fédération Martiniquaise du Parti socialiste, qui se partagent la direction des deux assemblées locales : Conseil régional et Conseil général, gênés par la durée de la grève, ne sont pas restés en reste sur ceux de droite. Mais, eux, ont tenté de jouer les négociateurs-conseilleurs auprès des grévistes pour ramener au plus vite « la paix sociale ». On a même entendu le secrétaire général du Parti communiste martiniquais, Georges Erichot, se prononcer à la télévision contre le paiement des jours de grève. Il expliqua qu’il s’agissait d’une question de dignité pour les travailleurs car une grève nécessite que l’on soit prêt à des sacrifices. Comme quoi la dignité n’est pas ce qui l’étouffe le plus.
Les réactions de la population
Dans un premier temps, la population fut influencée par la campagne démagogique des médias et des patrons. Ce fut renforcé par le fait que les employés de banque étaient souvent, et faussement, considérés comme des privilégiés. Peut-être par une sorte d’amalgame fait entre eux et la banque, synonyme de richesse.
Il est vrai aussi que, jusqu’à cette grève, les employés de banque ne se distinguaient pas particulièrement par leur rapprochement avec les luttes des autres catégories de travailleurs. Il y eut aussi, pour beaucoup de salariés, l’inquiétude de ne pas pouvoir percevoir le salaire du mois de janvier. De même, la difficulté d’avoir de l’argent liquide toucha en priorité les catégories les plus défavorisées, ceux qui n’ont pas de chéquiers ou de cartes bancaires.
Cela ne fut pas vraiment compensé par le fait que l’administration fit en sorte que les allocations familiales soient versées à tous les allocataires par mandat postal et que le Trésor public fasse des avances de 3 000 F à tous les fonctionnaires.
Les petits commerçants qui, à la Martinique, sont souvent de tout petits commerçants, furent aussi très touchés par le manque de liquidités de leur clientèle habituelle.
Réaction des syndicats des autres branches professionnelles
Pour ramener une partie de l’opinion populaire du côté des grévistes, la CGTM (la CGT de la Martinique), l’une des principales centrales, qui n’a pas de syndicat dans les banques mais qui avait tissé de nombreux liens avec les grévistes, organisa diverses réunions de travailleurs de la CGTM de différents secteurs d’activité et y invita des employés de banque grévistes ou des militants des syndicats des banques à venir y parler.
C’est ainsi qu’ils ont expliqué directement les raisons de la grève à l’usine d’ananas de Gros-Morne, au Centre hospitalier de Fort-de-France, à l’Hôpital du Lamentin, à l’usine à sucre du Galion, sur les chantiers, pour ne citer que ces entreprises-là. Ce sont environ 1600 travailleurs de trente entreprises ou secteurs d’activité qui furent touchés par ces réunions organisées par les militants de la CGTM dans un premier temps.
Et, à chaque fois, les grévistes furent reçus chaleureusement par les travailleurs qui étaient heureux d’être informés et parfois surpris d’apprendre leur véritable situation. Ils apprirent notamment que le salaire mini mum brut était de 7 691,09 F. Rien de comparable donc avec ce que certains cadres et autres directeurs empochent, c’est-à-dire des salaires variant entre 70 000 et 120 000 F, sans compter la location de villas de 15 000 à 16 000 F par mois, le paiement d’un jardinier, les frais de réception entre 7 000 et 10 000 F par mois, les petits caprices de monsieur ou madame concernant le mobilier et jusqu’aux tickets de stationnement !
Toutes ces informations firent donc contrepoids à la campagne des patrons.
C’est ainsi que pendant plusieurs jours, 300 à 400 travailleurs de diverses branches sont restés mobilisés durant les négociations devant la préfecture dans une ambiance chaleureuse où les slogans succédaient aux chants et au son des tambours. Puis la CGTM proposa aux autres centrales syndicales de la Martinique de constituer une intersyndicale et d’appeler l’ensemble des travailleurs d’abord à deux journées de grève générale les 9 et 10 février qui seront suivies par une autre, le 23 février. Les journées de mobilisation générale des centrales syndicales
Le matin du 9 février, la grève ne fut certes pas totale mais beaucoup de travailleurs ne se rendirent pas au travail. Dans un tract largement distribué, la CGTM écrit notamment : « front uni et solidarité des travailleurs avec les grévistes des banques contre le front patronal ». Et après avoir souligné les revendications des grévistes, elle "rappelle les revendications générales de l’ensemble des travailleurs :
pas de SMIC au rabais (le SMIC en Martinique est inférieur au SMIC en France).
rattrapage général des salaires par rapport au coût de la vie par une augmentation de 1000 F pour tous. création d’emplois à temps complet et durables".
Environ 3000 personnes se retrouvèrent à la Maison des syndicats ce jeudi matin et une manifestation importante de travailleurs enthousiastes se déroula dans les rues de Fort-de-France. A l’approche de la manifestation, les rideaux métalliques des magasins de Fort-de-France se fermèrent, ce qui donna à des groupes de manifestants l’occasion de les secouer. Le lendemain, des manifestants dressèrent des barricades à l’entrée des principales zones du Lamentin. D’autres, mais beaucoup moins que la veille (environ 500), se retrouvèrent à la Maison des syndicats.
Mais l’intersyndicale des banques, comme tout au long de la grève du reste, ne réclamait que la reprise des négociations et voulait exiger du préfet qu’il fasse pression sur les patrons des banques en ce sens. Cette seule perspective donnée aux grévistes limitait par là-même les possibilités de créer, sur le terrain, le rapport de forces suffisant pour faire céder les directions des banques et faire une pression suffisante sur l’ensemble du patronat.
Et dans les jours qui suivirent, les patrons des banques tablèrent sur le pourrissement du mouvement et firent traîner chaque négociation.
Le 13 février, les syndicats ne trouvèrent pas les patrons en face d’eux pour la négociation prévue ce jour-là. Les employés de banque et les travailleurs en général prirent cette absence pour une provocation à laquelle il fallait répondre.
Une nouvelle journée de mobilisation générale fut préparée par les centrales syndicales de l’île. La CGTM joua, sur le terrain, un rôle déterminant, plus militant que les autres syndicats. Le 15 février, 300 à 400 travailleurs se rassemblèrent pour protester. Les centrales syndicales fixèrent au 23 février la date de la nouvelle journée de « grève générale ».
Le 21 février, il y eut un nouveau round de négociations. Une centaine de grévistes et quelques sympathisants restèrent devant les grilles de la préfecture (siège des négociations) gardée par des gardes mobiles métropolitains. Une fois de plus, les négociations n’aboutirent pas et les patrons voulurent partir sans fixer un nouveau rendez-vous. Un groupe de grévistes voulut les en empêcher et se maintint devant les grilles de la préfecture. Ce fut alors l’accrochage avec les gardes mobiles qui utilisèrent matraques et grenades lacrymogènes. Les manifestants ripostèrent par des jets de pierres. Il s’ensuivit une manifestation de rues de plusieurs centaines de personnes. Comme souvent dans ce pays de type colonial, la vue de gardes mobiles blancs matraquant des travailleurs noirs suscita colère et réprobation parmi les travailleurs et une grande partie de la population. Il n’en fallut pas plus pour que les radios officielles, dès le lendemain, tentent d’effrayer la population en prédisant des troubles violents à l’occasion du carnaval qui approchait. Les grévistes et leurs syndicats organisèrent une marche de protestation sur une partie de l’autoroute à l’entrée de Fort-de-France.
Ils bloquèrent aussi, sans doute trop tard et ce fut peut-être l’erreur stratégique majeure qui valut au mouvement de ne pas l’emporter, le fonctionnement d’une société de traitement de chèques et d’une société de traitement de cartes bancaires. Tous ces incidents activèrent la préparation de la « grève générale » du 23 février appelée par les centrales.
Ce jour-là, il y eut près de 1500 personnes dans les rues. Cette fois, le préfet mit ses gardes mobiles en faction autour de la préfecture, avec des barrières Vauban pour contenir l’éventuelle colère des grévistes. Ceux-ci restèrent en effet durant plusieurs heures face aux grilles de la préfecture. Au cours de la manifestation, le préfet reçut les délégations syndicales et s’engagea à faire pression sur les patrons banquiers pour de nouvelles négociations avec le patronat, ainsi que sur un calendrier de négociations par branches d’activité, négociations en panne depuis une dizaine d’années en Martinique.
Cette troisième journée de mobilisation générale en soutien à la grève des banques fut la dernière. Il y eut moins de grévistes que les 9 et 10 février, mais néanmoins, bon nombre de travailleurs avaient arrêté le travail.
Ainsi, à l’EDF, dans certaines entreprises du commerce, à la DDE (Direction Départementale de l’Équipement), dans les hôpitaux, chez les ouvriers agricoles, à la poterie des Trois-Ilets, dans la métallurgie, à la Sécurité sociale, chez les dockers, un certain nombre de travailleurs avaient effectivement observé le mot d’ordre de « grève générale ». Un certain nombre d’enseignants aussi.
Ce furent en majorité des sections de la CGTM. Les autres centrales, en effet (CDMT, CSTM, CGTM-FSM, FEN, FSU, UGTM), si elles avaient appelé à la grève générale, n’ont cependant pas mis tout leur poids dans la balance pour mobiliser leurs syndiqués et les travailleurs. Même si une participation active de nombre de militants de la CSTM et de l’UGTM fut notable et efficace, certaines freinaient en pratique le mouvement, par conservatisme social.
La fin de la grève et ses enseignements
Ce n’est que le 14 mars qu’un accord fut finalement signé entre banquiers et intersyndicale.
Entre temps, cette dernière avait accepté de baisser sa principale revendication : celle des salaires, à 10 points d’indice, au lieu des 14 demandés au départ. Les 10 points obtenus correspondaient à une augmentation mensuelle de moins de 200 F, payable en deux fois : une moitié à partir de janvier 1995 et l’autre moitié en décembre 1995 (c’est-à-dire ne prenant effet qu’en 1996). Le paiement des jours de grève ne put être obtenu, à l’exc eption d’une prime de « reprise » de 500 F pour tous et un étalement des retenues de salaire sur trente mois (mais non sur 18 mois comme le voulaient les banquiers au départ).
Les grévistes n’obtinrent donc pas vraiment satisfaction.
Pour ce faire, il aurait fallu qu’ils aient eu la politique et la capacité de créer un rapport de forces encore plus important pour gagner : le blocage effectif de toutes les banques et de toutes les activités financières pour paralyser l’économie patronale, au lieu de gêner surtout la population la plus pauvre. Il aurait fallu qu’ils s’adressent d’eux-mêmes aux autres travailleurs afin d’élargir leur mouvement à d’autres catégories.
Une telle orientation supposait effectivement des militants pour la mener et l’expliquer de l’intérieur du mouvement. Cependant, tous les biens ne sont pas matériels !
Les employés de banque ont en particulier découvert qu’ils étaient plus près des autres travailleurs que de leurs chefs d’agences et les autres travailleurs ont, une fois de plus, fait l’expérience de la solidarité et du front unique entre branches professionnelles, même lorsqu’ils ne sont pas directement concernés.
24 juin 1995 ( mise en ligne le 04-01-2020) |
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Sonjé - Juin 1983 : L’occupation des terres de "Providence" au Morne Rouge |
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Quatorze jeunes agriculteurs . Des jeunes femmes, des jeunes hommes du Morne Rouge . La plupart ont moins de 30 ans . Ils sont pères et mères de famille. Ils ont reçu une formation agricole . Certains sont titulaires du Brevet Professionnel Agricole . Ils ont tous une pratique efficace et sérieuse de l’agriculture . Seulement….ils n’ont pas de terre .
L’habitation PROVIDENCE est située à Savane Simonet au Morne Rouge . Elle a une superficie d’environ une centaine d’hectares . Des terres totalement laissées en friche depuis quelques années par leur propriétaire Luc PINGRAY .
En juin 1983, les jeunes agriculteurs décident d’occuper et de mettre en culture ces terres . Leur objectif est de produire des cultures maraîchères et vivrières à destination des marchés et plus particulièrement du Grand Marché Itinérant . Il s’agit pour eux certes de nourrir leur famille en échappant à la précarité des djobs mais aussi de s’attaquer à la dépendance alimentaire du pays à l’égard des lobbies commerciaux békés et français . Ils mettent en place un Comité d’Occupation qui leur permet d’organiser collectivement l’exploitation de la terre . L’énergie de tous est rassemblée dans des « unités de travail » qui donnent toute sa valeur au travail collectif. Au début, toutes les parcelles sont collectives et leur exploitation permet de financer les travaux indispensables comme le défrichage, les traces, les labours…etc. Plus tard, des parcelles individuelles seront définies pour assurer aux familles des occupants les moyens de survivre décemment .
Ils rejoignent ainsi le mouvement des occupations de terre qui s’étend, dans les années 80, sur le territoire de la Martinique, entre autres à Sainte-Marie, Ducos, Robert, Rivière Pilote pour ne citer que les plus importantes .
Par ailleurs, les occupants de PROVIDENCE demandent au préfet de la Martinique l’application de la loi du 2 août 1961. Cette loi autorise « la mise en valeur agricole des terres incultes, laissées à l’abandon et des terres insuffisamment exploitées de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane ». Elle sera complétée par la loi du 9 janvier 1985 . Après enquête et procédure, quand le propriétaire renonce à mettre en valeur la terre, le préfet donne l’autorisation d’exploiter à des agriculteurs dans le cadre d’un bail rural après examen par la Commission d’Aménagement Foncier.
Le 4 avril 1985, le préfet informe M. PINGRAY que ses terres en friches font l’objet d’une procédure . Les occupants de PROVIDENCE recevront copie de cette lettre le 22 juillet 1991 !!!
PINGRAY ne met pas en valeur les terres et refuse toute négociation avec les occupants .
Le préfet se dit prêt à accorder le droit d’exploiter aux occupants, s’ils cessent….d’occuper. Il les accusent de « troubler l’ordre public ».
Dès 1987, le propriétaire entre en conflit ouvert avec les occupants . Il fait appel à des hommes de main qui cultivent à PROVIDENCE . Ce sont des dealers qui répandent la drogue parmi les jeunes de la commune ; ils bénéficient de l’indulgence surprenante des autorités . Les plantations des occupants sont saccagées, hangar détruit, bétail volé , clôtures arrachées… Des menaces de mort sont lancées…..des coups de feu sont tirés . Les occupants déposent plainte à la gendarmerie . En vain . Les plaintes sont inexistantes . Les occupants ne sont pas reconnus comme victimes .
Le propriétaire de son côté, les assigne , 12 juin 1990 , devant le Tribunal de Grand Instance pour obtenir leur expulsion . Il sera débouté par le TGI le 31 mars 1992 .
Le 19 juin de la même année, PINGRAY se rend à PROVIDENCE après avoir prévenu les gendarmes du Morne Rouge qu’il « va faire un cas » . Armé d’une 22 long riffle, il menace quatre agricultrices , puis il vise à la tête un agriculteur, Jean-Claude VITALIEN qui parvient à esquiver les balles à deux reprises , puis il le blesse à la cuisse à quelque millimètres de l’artère fémorale……Les gendarmes l’arrêtent . Le tribunal correctionnel de Fort de France le jugera pour avoir « volontairement porté des coups » avec une arme à feu et le condamnera à une peine de quelques mois …avec sursis !
Le soutien populaire à l’occupation de Providence se manifeste depuis le début et il se renforce suite à ces circonstances tragiques . Dès le début des personnes ont manifesté leur solidarité avec les occupants. . Un « Comité de Soutien des Occupants de Providence » rassemble alors des organisations syndicales, politiques, professionnelles, culturelles ; parmi elles citons l’ASSAUPAMAR, l’OPAM , le CERCLE FRANTZ FANON, le PKLS, et évidemment la CGTM . Pour toutes ces organisations, les occupants ne sont pas « des voleurs de terres » ; « ils veulent participer …au développement d’une agriculture capable de nourrir les Martiniquais ». Prises de paroles publiques, contacts avec l’administration préfectorale pour obtenir l’application de la loi sur les terres incultes, organisation de galas à portée militante et financière, et aussi un contact direct avec les agriculteurs par la participation fréquente à des koudmen. …. La radio RFA met en onde une émission « La voix des occupants de PROVIDENCE » Il a fallu attendre le décès du propriétaire de PROVIDENCE : les occupants ont pu entrer en négociation avec ses héritiers . En 2003, la loi sur les terres en friches est enfin appliquée par le préfet ; le droit d’exploiter est obtenu sans qu’il soit nécessaire de « cesser d’occuper » ……
Une dizaine des ex-occupants ont formé un GIE (Groupement d’Intérêt Economique) qui bénéficie aujourd’hui sur les terres de PROVIDENCE d’un bail à ferme à tacite reconduction .
Résistance . ce mot donne tout son sens à ces vingt ans de luttes par lesquelles les agriculteurs de PROVIDENCE ont su faire respecter leur droit à la terre comme garant de leur propre survie . Ni les reculades de l’administration, ni ses hésitations à faire appliquer la loi, ni les menaces de mort, ni les coups de feu, ni les blessures et la tentative d’assassinat n’ont entamé leur détermination à rendre productive une terre abandonnée , à en faire par leur travail d’agriculteur la source de leur survie et de celle de leurs familles , plus largement un garant de l’autonomie alimentaire du pays . Parce qu’ils ont résisté , ils ont contesté la terre comme objet de trafic florissant et partiellement ils ont mis en pratique le principe libérateur : « LA TERRE A CEUX QUI LA TRAVAILLENT ». le 25-11-2019 |
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Sonjé : Extraits du texte « Les bossales ou la naissance d’un peuple » |
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Imaginons un navire il y a trois siècles, au XVIIIème siècle – dit « siècle des Lumières » - des hommes, des femmes, des enfants, arrachés à leur Afrique natale, étaient débarqués sur le port de Saint-Pierre .Vendus, réduits en esclavage, ils sont nos ancêtres, à nous , travailleurs et peuple de la Martinique d’aujourd’hui .
« Imaginons un navire. Il entre lentement dans la baie de Saint-Pierre, quelque peu éprouvé par le long voyage à travers l’Atlantique. Le capitaine est satisfait. Il a mené à bon port sa cargaison d’hommes, de femmes, d’enfants qu’il a acquise, en échange de quelques perles de verres, objets d’Europe, fusils, tonneaux de poudre, sur les côtes de Guinée, ou bien du côté de Gorée ou plus au sud sur les côtes d’Angole . Peu importe le lieu ; dans tous les cas, en Afrique dite « noire ». Deux cent trente « têtes de noirs » . « 77 nègres, 73 négresses, 19 négrillons, 30 négrittes, 5 enfants à la mamelle ». Bien sûr il y a eu des pertes : « 2 nègres et 1 négrillon ,morts à la côte, 4 négrittes qui se sont sauvées à la côte, 1 nègre, 3 négresses et 4 négrillons morts dans la traversée, 7 nègres tués à la révolte. Le capitaine gardera pour lui, «3 nègres et 1 négrillon », et le second aura « 2 nègres » . Les affaires ne se présentent pas trop mal .
La vente n’aura pas lieu aussitôt. Il est indispensable de rendre la marchandise présentable . L’enchaînement à fond de cale, l’entassement des corps dans le sang et les vomissures ne sont pas fait pour donner un bon aspect . On va procéder à un « rafraîchissement » de la cargaison et lui donner ce qui lui a fait défaut pendant le voyage : nourriture fraîche et abondante, bains, soins des plaies purulentes et même « purgation douce » .
Le marché se tient d’habitude sur la place face à la baie – plus tard place Bertin dont les Pierrotins sont si fiers . Pour la dame békée, accompagnée d’enfants, c’est une occasion de promenade . Imaginons la robe claire, l’ombrelle aérienne, les enfants turbulents . Peut-être trouvera-t-elle aujourd’hui, la « négritte » gracieuse qu’elle saura dresser aux complications sans fin de son service . Son époux, lui , cherche du robuste, la main d’œuvre qui assurera un bon rendement à ses terres plantées en cannes à sucre, caféiers, tabac ou indigo…Les terres que le Roi a bien voulu lui concéder gratuitement, à lui ou à ses pères, moyennant la promesse de les faire fructifier et de s’enrichir. Pour laplus grande gloire du royaume de France . Pour le plus grand profit de ceux qui,de leurs sombres cabinets de Nantes, La Rochelle, Bordeaux , téléguident les opérations de traite et convertissent les captifs africains en livres de sucre, de tabac, de café, de cacao… qui à leur tour se changeront en espèces sonnantes et trébuchantes .
Dans la foule, il y a aussi les négociants, à la fois commis des précédents et banquiers coloniaux et aussi de simples marchands, des artisans .Ils importent et exportent, achètent et vendent biens et services, choses et gens . La ville grossit de leur art et de leur commerce .
Il y a aussi ceux dont la mission est de surveiller, de réprimer, de diriger l’organisation de la société coloniale . Ils sont les envoyés d’un roi lointain et tout puissant dans son royaume, dit-on . Hauts fonctionnaires, magistrats, gratte-papiers . Soldats aussi .
Il en est d’autres vêtus de robes brunes ou blanches . Ils parlent de Dieu et du péché . Eux aussi, règlementent et surveillent . Parfois ils exploitent des cultures coloniales pour la plus grande prospérité de leur ordre religieux et de l’Eglise Catholique, apostolique, romaine . Cependant il arrive à certains d’entre eux de douter : la conversion des Africains à la foi chrétienne justifie-t-elle vraiment leur esclavage ?
Tous ici ont besoin de ces hommes, de ces femmes venus d’Afrique, lamentables, prostrés, voués au marchandage .
Le navire tangue doucement dans le port . On fait remonter les hommes de la cale aux vomissures . Les femmes et les enfants sont déjà sur le pont ; leur « fragilité naturelle » les a préservés des chaînes et de la cale ; ils n’en n’ont été que plus disponibles aux caprices sexuels de l’équipage … Après des jours et des nuits d’océan, tous fouillent du regard la terre qui s’étend devant eux, en quête d’une échappée . La ville-port grouille de monde .
Au-delà, des bois, une montagne . Où ? Quand ? Tout de suite, alors qu’on est saisi par le vertige de la terre ferme après tant de jours de roulis . Mais la fuite est vaine . Les négriers ne lâchent pas de si précieuses proies et les veulent vivantes . La mort est interdite à l’homme – marchandise ; il n’a droit seulement qu’au fouet, au carcan, aux chaînes plus lourdes et à la réputation dangereuse d’être rebelle .
L’homme – marchandise comprend que plus jamais il ne s’appartiendra, que la nouvelle existence qui commence n’est ni vraiment la vie, ni vraiment la mort. L’esclavage . Le voyage est terminé . Tout est dit . Il faut suivre cet homme qui est le maître et devenir l’homme-outil ,l’esclave . (…)
Il était Peul. Elle était Bambara, Wolof ou Sénoufo .Ils ne sont plus que les bossales, les nouveaux . Disparus le clan, le village, la famille, la terre . Disparu tout ce qui réveille l’amour et la haine, les terreurs familières, les joies, les chagrins . Tout cela « rouges souvenirs », brûlures vivantes . Dehors le vide, l’absence à soi-même, l’absence aux autres – peut-être les débuts d’une fraternité de misère trop neuve, trop précaire, trop fragile – des solitudes sans mémoire, parallèles . Le chemin est devant et ne va nulle part. (…) . Le retour est impossible . L’île est forteresse . L’île est prison . Et il faudra du temps à ces hommes de la terre pour apprendre que la mer aussi peut-être passage de liberté .
Renoncer à son humanité, devenir l’homme-chose, la propriété d’un autre, c’est l’exigence fondamentale que le maître impose à son esclave . Seule une résistance quotidienne, multiple, obstinée sauvera ce qu’il y a d’humain en lui, en elle .»
(Extraits du texte « Les bossales ou la naissance d’un peuple » de M.C. Permal, publié dans l’ouvrage collectif « ESCLAVAGE. Libérations, abolitions, commémorations ». Editions Carnets Seguier) L’esclavage, dans les colonies des pays européens de l’Amérique, a été la forme extrême de l’exploitation capitaliste des travailleurs .
La lutte des classes est au cœur de la société esclavagiste . Elle en tisse l’histoire . L’opposition maître- esclave s’y manifeste ouvertement . Aucun discours ne la dissimule .
Trois mots la décrivent : TRAVAIL , VIOLENCE , LIBERTE .
Le TRAVAIL : source de pouvoir pour le maître , source d’aliénation pour l’esclave .
La VIOLENCE : moyen de domination pour les maîtres, moyen de lutte pour les esclaves .
La LIBERTE : les esclaves combattent pour la conquérir et rétablir leur existence d’être humain . La liberté des maîtres passe par la domination ,l’asservissement et l’exploitation de ces hommes et de de ces femmes privés par eux de leur humanité .
Le 22 mai 1848 . La grande révolte des esclaves de Martinique atteint Saint-Pierre. Enfin un triomphe : l’esclavage est aboli le lendemain . La liberté est conquise . le 29-07-2019 |
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SONJE : Le décret du 27 avril 1848, le Gouvernement provisoire de la IIème République française abolit l’esclavage dans toutes les colonies françaises. |
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Chaque année, le 22 mai est pour nous un jour de fête. Nous commémorons avec émotion et fierté la grande révolte du 22 mai 1848. Ce jour- là, dans Saint-Pierre en flammes, nos ancêtres ont conquis leur liberté sur la terre de Martinique et ont obligé le gouverneur de la colonie à prendre, le 23 mai, l’arrêté d’émancipation qui énonce : «article 1 - l’esclavage est aboli à partir de ce jour à la Martinique » ; C’est le décret du 27 avril 1848 qui, sur le plan du droit français, justifie cette décision. Elle le rend applicable en Martinique. Il a été pris par le Gouvernement provisoire de la IIème République, cette république née d’une insurrection qui, le 24 février 1848, obligea le roi Louis-Philippe à abdiquer. Ce gouvernement provisoire comprend des abolitionnistes comme Lamartine, Arago et surtout Victor Schoelcher qui est sous-secrétaire d’Etat à la Marine et aux Colonies. Pour eux, « l’esclavage est un attentat contre la dignitéhumaine » et « une violation du dogme républicain : liberté, égalité, fraternité ». Il y a donc une contradiction fondamentale entre l’esclavage et la république. Le 4 mars un premier décret avait affirmé que « nulle terre de de France ne peut plus porter d’esclaves ».
Article 1 : « L’esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises, deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune d’elles ». « A partir de la promulgation du présent décret dans les colonies, tout châtiment corporel, toute vente de personne non-libre, seront absolument interdits » .
L’esclavage est aboli. L’émancipation est générale et s’impose à tous les Français « même en pays étranger ». Dès lors le commerce des êtres humains et les sévices corporels sont interdits et selon le gouvernement provisoire ces interdictions suffisent à mettre fin à la domination des maîtres et à la servitude des esclaves.
Cette fois, l’abolition sera définitive Elle ne sera jamais remise en question comme le fut la première abolition, celle de 1794 votée par la Convention, quand Napoléon Bonaparte rétablit l’esclavage en 1802. Après avoir affirmé le principe de la liberté, le gouvernement provisoire en règlemente les limites. Dans 11 autres décrets, il définit les mesures favorables à la mise en place de l’affranchissement de tous les esclaves dans la paix sociale et le maintien de l’ordre colonial.
Voici quelques-unes de ces mesures les plus significatives.
L’indemnisation des anciens maîtres . Oui , posséder un être humain est illégitime mais pendant plus de deux siècles la propriété humaine a été instituée par l’Etat français- monarchique ou républicain , autorisée par des lois, reconnue par l’Eglise catholique…. Les maîtres, dit-on, n’ont fait qu’appliquer la législation en vigueur. Ils ne sont pas légalement responsables. Ils doivent donc être dédommagés. « L’Assemblée nationale règlera la quotité de l’indemnité accordée aux colons ». C’est au nom du droit de propriété que le principe de l’indemnisation est reconnu. Indemnisés, les colons le seront généreusement et leur pouvoir économique en sortira renforcé dans la nouvelle société coloniale ….
Mais le principe même de l’indemnisation des anciens maîtres est en soi un scandale. Les anciens maîtres sont-ils des victimes de la fin de l’esclavage ?
Les vraies victimes de l’histoire ne sont-ils pas les anciens esclaves eux-mêmes ? Quels dédommagements pourraient réparer la déportation, les violences physiques et morales, le travail forcé, les conditions de vie et de travail imposées à des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants pendant des siècles par ces mêmes maîtres ? …. C’est ainsi qu’on a réduit la conquête de la liberté à un marchandage.
La citoyenneté des nouveaux libres . Le suffrage universel masculin est adopté. Les nouveaux libres peuvent exercer leur droit de vote dans leurs communes, leurs cantons. De plus « les colonies purifiées de la servitude(…) seront représentées à l’Assemblée Nationale ». Ceux qui n’avaient pas le droit d’être maîtres d’eux-mêmes auront désormais celui de décider du destin de leur pays, de la France. C’est un droit bien formel. Quelle prise donne-t-il sur l’existence même des individus qui en « bénéficient » ? sur la colonie dans laquelle ils vivent ?
La liberté du travail . Les anciens maîtres restent des capitalistes, propriétaires des moyens de production, la plupart propriétaires de la terre. Ils deviennent les patrons de travailleurs libres, les anciens esclaves : ouvriers et ouvrières agricoles sur les habitations, ouvriers industriels dans les usines à sucre naissantes et les distilleries. Désormais le travail est libre : pas d’association forcée malgré les vœux de certains békés qui craignent de voir leur main d’œuvre disparaître … « Le nègre se livrera au travail s’il y trouve profitconvenable » donc un salaire acceptable. Ainsi le consentement mutuel devient la loi : patron et travailleur sont liés par le contrat de travail. En droit, le travail est libre et… obligatoire. Chaque travailleur doit être en possession d’un livret qui indique qu’il a un emploi, un métier ou qu’il exploite un lopin de terre ; sinon il est considéré comme un vagabond, un mendiant. Arrêté par les forces de l’ordre, il est condamné à travailler dans les ateliers de discipline au bénéfice de l’Etat. Par ailleurs, un bon travailleur doit être récompensé par de l’argent mais aussi par un lopin « de bonnes terres arables ».
Les conflits entre patrons et travailleurs. Ni maître, ni esclave . Les conflits sont réglés par des tribunaux présidés par des juges de paix et constitués de jurés tirés au sort « sur les listes électorales des communes du canton » ennombre égal d’employeurs et de travailleurs. Le but : rechercher la conciliation. Mais ces tribunaux jugent aussi les troubles à l’ordre public et sur les lieux de travail : tout rassemblement de travailleurs, toute demande collective d’augmentation de salaire, tout arrêt de travail collectif sont des délits sanctionnés par des amendes ou des peines de prison. La solidarité de classe est un crime ; juridiquement et pratiquement, le travailleur se trouve seul face à la toute- puissance du patron.
« La jouissance coutumière de la case et du jardin » . Sur les habitations des esclaves pouvaient bénéficier de cette coutume. Le décret du 27 avril affirme que les cases, les jardins, les arbres de l’habitation sont la propriété privée du colon. Donc les travailleurs ne peuvent en bénéficier que dans le cadre du contrat d’association, comme contrepartie à l’accomplissement d’un travail sur l’habitation. Sinon ils sont des occupants sans titre et peuvent être expulsés par la police. Ils n’ont aucune garantie légale et dépendent du bon vouloir du propriétaire.
La subsistance et l’entretien des personnes âgées, des malades et des orphelins. Avant l’abolition, l’esclave était «la chose » du maître. Il en était totalement dépendant. Le maître avait le devoir, prévu par le Code Noir, de le prendre en charge quand il était malade ou trop âgé pour travailler. Les orphelins aussi étaient à sa charge. Après l’abolition, les anciens maîtres sont libérés de toute obligation envers leurs anciens esclaves. Le travailleur est un individu libre, complètement responsable de lui-même et de sa famille ; responsabilité qu’il doit assumer grâce à son salaire. Pour ceux qui ne peuvent travailler, le décret prévoit que l’ensemble des travailleurs valides de l’habitation doit fournir au patron un supplément de travail équivalent à leur entretien et à leur subsistance. Le devoir d’assistance passe donc du patron aux travailleurs.
« la société doit l’éducation gratuite à tous ses membres ». Décret sur l’organisation de l’enseignement dans les colonies françaises : « Aux colonies où l’esclavage est aboli par décret de ce jour, il sera fondé dans chaque commune une école élémentaire gratuite pour les filles et une école élémentaire gratuite pour les garçons. » L’école sera obligatoire pour tous de six à dix ans. On y donnera des livres qui montreront « les avantages et la noblesse des travaux agricoles ». Et on incitera les enfants nouveaux libres à s’estimer heureux de quitter l’école pour devenir « ti band » dès l’âge de 10 ans et de prendre la succession de leurs parents dans les cannes du béké quand ils en auront la force. Certes on prévoit la construction de collèges communaux, d’un lycée en Guadeloupe – seulement – et d’une école normale des arts et métiers dans chaque colonie. Combien d’enfants d’amarreuses et de coupeurs de cannes y ont eu accès dans les années qui suivirent… ? Ecole obligatoire. « Tout père, mère… qui…aura négligé d’envoyer sesenfants à l’école sera passible d’un à quinze jours de prison ». L’instruction devait transformer les nouveaux libres et leur permettre de « mériter leur liberté » en devenant des « citoyens responsables » et surtout des «travailleursdociles » L’instruction devait permettre aux nouveaux libres de s’intégrer à l’ordre colonial et d’accepter une forme nouvelle d’exploitation : le salariat .L’école est indispensable à la réussite du contexte colonial d’après l’esclavage . La domination culturelle qu’elle impose doit garantir la paix sociale. Les révolutionnaires français de 1848 ont voulu concilier ORDRE et LIBERTE dans la société coloniale où le souci de maintenir à tout prix l’ordre par la loi, par l’instruction, la force a mené à des formes nouvelles d’exploitation. Effrayés par la violence des exigences de liberté des esclaves, ils ont parlé de sécurité, de travail. En mettant en avant le caractère formel de leur idée de la liberté, ils ont – consciemment ou non- choisi leur camp : celui du capital. Ils ont défendu le grand principe de toute colonisation : la prospérité des colonies pour le plus grand profit de la bourgeoisie de leur métropole. Désormais, les travailleurs de la Martinique ne seront plus vendus, ni châtiés : le décret du 27 avril 1848 l’interdit. Mais ils ne se contenteront pas de cette définition bien négative de la liberté. Leurs luttes contre toutes les formes d’exploitation témoignent de leur volonté de donner sens et contenu à leur liberté. C’est à eux de proclamer qu’ils sont libres et égaux en droit et d’exiger pour tous une liberté pleine et entière dans une société sans classe. Aujourd’hui, si le décret du 27 avril 1848 qui reste dans l’ombre de l’insurrection du 22 mai, est mis en lumière et est commémoré par le gouvernement Macron au Panthéon, c’est sans doute pour chercher à mettre au second plan la lutte des esclaves, et celle des ouvriers français de la révolution de février 1848. Car s’il est vrai que les abolitionnistes ont joué un rôle certain dans le processus de libération des esclaves, il n’est pas moins vrai décret du 27 avril qui arriva le 3 juin en Martinique n’a pas été déterminant. De surcroit, dans la période d’attente entre le 27 avril et le 22 ami, ceux qui eurent raison, ce sont ceux qui menèrent les esclaves à la révolte contre l’ordre esclavagiste conduira, car force est de constater que dès le 15 mai à une répression féroce s’abattra sur mouvement ouvrier en France et renversera dès le mois de juin le gouvernement provisoire de 1848.
Alors pour nous les exploités du capitalisme, ce sont à coup sûr, les insurgés du 22 mai qui montrent la voie de la liberté. Car leur combat ouvre aux luttes d’aujourd’hui, dans l’intérêt des esclaves modernes que sont les salariés, les travailleurs, qui se doivent de se forger la force qui demain renversera les bourgeois exploiteurs .
D’ailleurs, la conclusion de Marx, (Les Luttes de classes en France) sera de dire que la défaite de juin 1848, est salutaire pour le mouvement ouvrier français qui prendra dès lors conscience de la nécessité de conduire ses luttes pour ses propres intérêts de classe.
le 21-04-2019
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SONJE : La tuerie du 24 mars 1961 au LAMENTIN |
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Au nom de l’ordre et de la force publique, Au nom de l’autorité qui nous régente, Au nom de la loi et au nom de la France, Une poignée d’assassins vient de creuser trois tombes, D’un coup, dans notre sol lamentinois . Crime plein de lâcheté et plein d’horreur ! Crime policier, crime raciste, crime politique……… C’est ainsi que Georges GRATIANT, maire communiste du LAMENTIN , crie son indignation devant les tombes des trois jeunes assassinés par une troupe de policiers et de gendarmes, un vendredi 24 mars 1961 en plein bourg du LAMENTIN, devant la mairie . Elle avait 24 ans . Elle s’appelait Suzanne MARIE-CALIXTE. Elle était couturière . Aux environs de 20 heures, elle sortait de la messe . Une salve de mitraillette l’a tuée «d’une balle sous le bras », «sortie par la tête » . Alexandre LAURENCINE avait 21 ans, Edouard VALIDE, 26 ans . Ils étaient ouvriers agricoles sur l’habitation de Roches Carrées. Ils participaient au mouvement de grève marchante des ouvriers agricoles lancé par l’ UD-CGT. Avec leurs camarades , ils attendaient sur cette place du LAMENTIN la libération de deux grévistes violemment interpelés et embarqués . Ils ont été, eux aussi, tués par une salve de mitraillette … dans le dos. Sur le sol gisaient vingt-six blessés . Pourquoi cette fusillade ? Pour protéger Roger AUBERY . Il est un des békés propriétaires de l’usine du Lareinty . Provocateur, insultant, refusant tout dialogue, il a surgi sur la place au volant d’une jeep à deux reprises. Indignés par tant d’arrogance, les grévistes renversent la jeep ; une arme à feu en tombe. AUBERY s’est réfugié dans une maison pour échapper à la colère populaire . Il en sort le soir, protégé par les gendarmes . La foule moqueuse mais pacifique s’approche . C’est alors que les gendarmes tirent les salves de mitraillette. Le peuple s’enfuit . Sur le sol de la place de la mairie, des blessés , des morts ……… Les pouvoirs publics ont choisi leur camp . Ordre de tirer sur les grévistes a été donné . Le préfet justifiera la violence des gendarmes par « la légitime défense » contre des « agitateurs » .Pour le pouvoir, le peuple des travailleurs en grève, ne vaut pas un patron d’usine . Le pouvoir judiciaire lui aussi a choisi son camp . et condamnera Georges GRATIANT pour son discours « Sur trois tombes » parce qu’il dénonce les crimes « d’assassins officiels », «d’une gestapo qui assassine dans le dos » . Dès les premiers jours de février 1961, l’Union Départementale de la CGT a lancé un appel à la mobilisation des ouvriers agricoles . Elle a organisé et encadré la traditionnelle grève marchante qui a cheminé , d’usine en habitation, des usines de Soudon et du Lareinty , jusqu’au MACOUBA, en passant RIVIERE SALEE, FRANCOIS, TRINITE . Le but : aller d’usine en habitation pour débaucher les non grévistes, faire en tout lieu le point sur la réalité du combat , le renforcer en rassemblant les grévistes et consolider la conscience de classe grâce aux cadres de l’AD-CGT – comme Renoult VALBON, secrétaire de la Fédération des Ouvriers Agricoles ,Victor LAMON, Walter GUITEAUD, Philibert DUFFEAL . Après la tuerie du LAMENTIN, la grève continue et le mouvement populaire de protestation s’amplifie . Des manifestations et des grèves de solidarité avec les ouvriers agricoles s’organisent . L’UDI-CGT joua à ce niveau un grand rôle en coordonnant l’action des syndicats qui la constituaient . Pour le représentant de l’Etat, l’ordre social doit être rétabli. Pour les patrons, il est urgent – fin mars – de récolter la canne . Pour l’un comme pour les autres , « les ouvriers du sucre » doivent reprendre leur travail et se remettre à servir les intérêts des « capitalistes du sucre ». Les ouvriers agricoles exigent, eux, une revalorisation de leurs salaires qui sont misérables . L’ augmentation d’abord promise de 4% ne leur suffit pas . Ils réclament aussi un alignement de leurs allocations familiales sur celles des autres catégories de travailleurs – notamment des fonctionnaires – de façon à ce que les mêmes chances de vie décente soient données à TOUTES les familles. Ils obtiendront une augmentation de 8% de leurs salaires et de 6% de leurs allocations familiales . La grève prendra fin au début du mois d’avril 1961. Un évènement dans la longue liste des crimes commis contre la classe ouvrière martiniquaise sans jamais entamer sa détermination à lutter contre toute forme d’exploitation . Nous en sommes témoins jusqu’à présent . le 07-04-2019
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Sonjé : Février le mois des luttes historiques |
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La grève marchante de février 1900 Du 05 au 13 février 1900 : Grande grève des travailleurs de la canne « Grève marchante. De Basse-Pointe à Trois Rivières Revendications: augmentation de salaire (de 1f à 1.50f ou 2f) 07 février: Fusillade du François: 10 morts – 12 blessés graves. La grève continue. Négociation: obtention de + 25% d’augmentation de salaire. Ce qui est nouveau: une très forte mobilisation - l’action solidaire des ouvriers d’usine et des ouvriers agricoles - les travailleurs prennent en charge leur propre défense. L’ensemble de la classe ouvrière s’organise, de nouveaux syndicats sont créés. En face, la répression se renforce.
La marche de la faim » Février 1935: «La marche de la faim » des ouvriers de la canne. Contre la baisse de 20 % des salaires décidée par le gouverneur à la demande des usiniers Arrestation de SURENA, fondateur du syndicat des employés d’usine. Licencié pour militantisme Rassemblement des travailleurs de la canne à Fort-de-France le 11 février. Charge des gendarmes à cheval: des blessés. Négociation: salaire de 1934 maintenu pour les travailleurs effectuant 6 jours de travail, baisse de 15% pour les autres.
Février 1974 grève des ouvriers agricoles Mouvement social impliquant l’ensemble des travailleurs martiniquais. Grève des ouvriers agricoles qui s’étend de Grand Rivière à Rivière-Pilote, appuyée par l’UPSOA (Union Patriotique de Soutien aux Ouvriers Agricoles) Revendications: salaire journalier de 50 F Grève générale à partir du 12 à l’appel de l’intersyndicale. 14 Février: intervention des gendarmes, à l’appel du béké Fabre, contre un groupe de grévistes, à CHALVET. 1 mort, Ilmany. Des blessés. 15 février: découverte du cadavre torturé à mort de Marie-Louise, 19 ans. Négociations : augmentation de salaire (35.50 f) pas d’alignement sur le SMIC français.
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Le 8 mars une journée de lutte ! |
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C’est en août 1910, lors de la Seconde Conférence internationale des femmes socialistes, que Clara Zetkin, militante du Parti social-démocrate allemand, proposa d’organiser chaque année une journée de lutte pour les droits des femmes, notamment pour le droit de vote pour lequel les suffragettes menaient des combats acharnés en Angleterre mais aussi pour les droits des femmes au travail et l’égalité des salaires. L’année suivante, en mars 1911, un million de femmes et d’hommes manifestèrent pour l’égalité des droits au travail dans plusieurs pays européens. En Russie, en 1913 et 1914, alors que le prolétariat féminin s’était éveillé à la lutte, des grèves et manifestations d’ouvrières eurent lieu en particulier contre les intoxications dues aux produits chimiques dont elles étaient victimes depuis des années. La déclaration de guerre mit un coup d’arrêt à cette mobilisation des femmes ouvrières. Mais le 8 mars 1917, alors qu’elles formaient plus de 50 % du prolétariat du fait de la mobilisation des hommes sur le front, les ouvrières russes de Petrograd décidèrent de faire grève et de manifester pour « le pain et la paix », donnant le coup d’envoi de la révolution russe. C’est pour commémorer cette lutte des ouvrières que la Journée internationale des femmes fut fixée le 8 mars par le gouvernement soviétique en 1921. Aujourd’hui, en France, des organisations féministes, syndicales et associatives appellent à se rassembler jeudi 8 mars dès 15 h 40 car, selon leur terme « ce 8 mars à 15 h 40, comme tous les jours, c’est l’heure à laquelle les femmes ne sont plus rémunérées par rapport à leurs collègues masculins ». L’appel à manifester dénonce aussi les violences sexistes, sexuelles et conjugales contre les filles et les femmes, qu’elles s’exercent dans la famille, au travail ou dans les espaces publics. |
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|  | Il y a 30 ans, deux ouvriers agricoles grévistes étaient assassinés à Chalvet au Lorrain En Martinique, le 14 et le 16 février 1974, étaient des journées noires. Renord Ilmany, ouvrier agricole gréviste de 55 ans était assassiné par les gendarmes au lieu-dit Chalvet sur la commune de Basse-Pointe. Une embuscade avait été tendue contre les grévistes regroupés sur l’habitation Fonds Brulé au Lorrain. Une dizaine de camions de gendarmes poursuivaient les grévistes qui regagnaient en groupe la commune de Basse-Pointe. Un hélicoptère crachait sur eux des grenades lacrymogènes. C’est à ce moment que les ouvriers, accompagnés de jeunes militants, ont été pris en chasse par les gendarmes qui ont tiré. Plusieurs ont été blessés, Omer Cyrille, Guy Crétinoir, Rasroc, François Rosaz. Renord Ilmany est tué. Dans cette tuerie, un autre ouvrier trouvera la mort. Un jeune ouvrier maçon, gréviste, Georges Marie-Louise, sera retrouvé deux jours plus tard, gisant mort à l’embouchure de la rivière Capot également dans la commune du Lorrain, probablement après avoir été frappé à mort par les mebres des forces de répression, gendarmes ou autres. La soldatesque s’était une fois encore déchaînée contre des travailleurs en grève pour défendre leur pain et leurs droits.
La situation sociale en 1974
La situation des classes laborieuses s’était dégradée. Dans les années 70, les dernières usines à sucre avaient cessé de fumer. Pour les possédants, les békés, la canne ne permettait plus de faire suffisamment de profits. Après avoir touché des millions de subventions de l’Etat, ils avaient fermé les usines à sucre et investi dans l’import-export. De grands super-marchés apparaissaient. Des masses d’ouvriers agricoles perdaient toutes ressources, surtout les plus âgés. Les plus jeunes avaient pu trouver un emploi dans le bâtiment ou sur les plantations de bananes qui avaient pris la place des champs de cannes.
Les années 70 sont aussi marquées par des hausses de prix importantes. Les capitalistes ont décidé de faire payer la crise du pétrole aux masses laborieuses. Le gouvernement français à leur service, fait marcher la planche à billet. Le passage au nouveau franc complique encore les choses pour les travailleurs et rend le coût de la vie de plus en plus élevé. Tout est cher: l’essence, les transports, les marchandises de première nécessité, huile, pain, farine, poisson. La misère s’installe dans les foyers des travailleurs. Parallèlement, on assiste à une recrudescence de l’arrogance des patrons, et de l’administration coloniale qui voudraient imposer à la population ce recul social. Alors, les escarmouches de type raciste se multiplient entre patrons békés et travailleurs et chômeurs. En Martinique, le Conseil Général dirigé par Emile Maurice et sa majorité de droite suit fidèlement cette politique.
Les travailleurs ne se laissent pas faire
Dès la fin de l’année 1973, on assiste à une multiplication des conflits. Les travailleurs revendiquent des augmentations de salaire importantes pour compenser les hausses des prix. Ils refusent le saupoudrage et les miettes acceptées trop souvent par les directions syndicales. Les salariés du journal France-Antilles dressés contre leur patron Hersant font grève depuis deux mois. Les ouvriers du Bâtiment sont à leur troisième semaine de grève illimitée. Ils exigent 25% d’augmentation sur leur salaire. Après le 28 décembre 1973, les salariés de l’ex-SPEDEM, aujourd’hui EDF Martinique, se préparaient eux aussi à rentrer en grève, suite à une entourloupette du préfet de l’époque, le dénommé Orsetti, qui renvoyait une négociation prévue sur leurs revendications à la fin du mois de janvier. Ils rentrent en grève non-limitée le 7 février. Lorsque l’administration décide début janvier d’augmenter le tarif des cantines, les collégiens des CET, fils et filles de travailleurs, vont eux aussi descendre dans les rues pour refuser les augmentations. Ils auront le soutien de leurs parents et de l’ensemble de la population et se trouveront bien souvent au coude à coude avec les grévistes, notamment ceux du bâtiment, dans les manifestations. Les ouvriers agricoles eux aussi sont en grève depuis le 17 janvier 1974, pour des augmentations de salaire . Ils réclament notamment la suppression du SMAG qui est le salaire minimum garanti dans l’agriculture, plus bas que le SMIG et veulent un salaire de 35.46F pour huit heures de travail. Sur certaines plantations, ils sont aidés par de jeunes militants issus du mouvement nationaliste.
Préparation de la grève générale du 12 Février
Devant l’ampleur des mouvements sociaux, les directions syndicales de l’époque, la CGTM, la CGTT-FO, et CFTC ont lancé un mot d’ordre de grève générale illimitée à partir du 11 février. Elles ont mis sur pied une plate-forme de revendications en 12 points dont l’alignement du SMIC et les allocations familiales sur ceux de la France. Mais ces directions, apparaissaient plutôt timorée à beaucoup de travailleurs. Elles ne semblent pas prêtes à faire réellement du 12 février un succès pour arracher les revendications ouvrières, elles ne se montrent pas présentes aux côtés des grévistes. Pourtant dans les secteurs en lutte, la détermination des travailleurs est grande et les grèves se sont radicalisées face à l’arrogance patronale (coupures d’électricité, débauchages sur les chantiers, riposte à coups de pierre aux interventions policières dans les manifestations). Alors, des jeunes travailleurs, certains d’entre eux politisés, appelleront leurs camarades à prendre leur mouvement en main et à mettre en place des «comités de grève» pour garder le contrôle du mouvement jusqu’à la satisfaction des revendications. Et les travailleurs des secteurs en lutte se rejoignent à la Maison des Syndicats, ou encore dans les manifestations, lors des débauchages.
Succès de la grève du 12 Février et du 13 février
Le 12 février, environ 5000 travailleurs de tous les secteurs, se retrouvent dans les rues de Fort de France pour réclamer des augmentations de salaires, fustiger les patrons et le gouvernement. Les jeunes des collèges et des lycées sont également dans les rues. Fort de France est ville morte. En fin de journée, la grève est reconduite après une assemblée générale des travailleurs à Fort de France. Le lendemain, la situation est tendue. Après plus de deux mois de grève pour certains secteurs, l’heure n’est pas aux défilés-promenade. Des grévistes se répandent par petits groupes dans les rues de Fort de France. Ils obligent les magasins qui ont ouvert leurs portes à baisser les rideaux pour respecter la grève. Au soir du deuxième jour, la grève générale n’est pas arrêtée.
Mais les directions syndicales tirent en arrière. Elles craignent d’être débordées par la base, trop déterminée. Les partis politiques tels le PCM ou le PPM, iront jusqu’à faire chorus avec l’administration en dénonçant dans leur presse ou dans des communiqués, les «agitateurs gauchistes» .
La tuerie de Chalvet
C’est dans ce contexte, que la préfecture avec à sa tête le préfet Orsetti et à la demande du patronat de la SICABAM (organisation des planteurs békés de l’époque), décidera de mettre un coup d’arrêt sanglant à cette grande mobilisation ouvrière. C’est dans les champs de banane au Lorrain qu’ils frapperont.
Fin de la grève générale
Choqués par l’assassinat d’un gréviste de l’agriculture, des masses de travailleurs, des grévistes, des politiciens, et aussi des gens «de tous les horizons sociaux», se regrouperont pour célébrer ses obsèques. Ils se retrouveront dans la même émotion au moment des obsèques du jeune Marie-Louise. La grève générale n’était plus à l’ordre du jour. La répression policière scélérate avait été orchestrée par les possédants et leur pouvoir pour casser le mouvement ouvrier. Les mobilisations ouvrières continuèrent néanmoins plusieurs jours encore même si elle n’étaient plus aussi massives. C’était le cas des employés de l’entreprise Figuères chargée du ramassage des ordures ménagères à Fort de France, de ceux des boulangeries, ou des banques et des hôpitaux. Et le 19 février 1974, le quotidien France-Antilles qu’on ne pouvait soupçonner de quelconque sympathie pour les grévistes titrait encore «situation confuse sur le front social». Le 21 février 1974, un accord fut signé dans la banane. Les patrons bananiers acceptaient de payer la journée de travail de huit heures à 39.50F. Avec leurs frères les plus exploités, les travailleurs de Martinique avaient fait reculer le patronat béké de l’agriculture. Dans d’autres secteurs, tels le bâtiment ou à la SPEDEM, des revendications importantes furent arrachées. Les patrons et tous ceux qui sont à leur service, leur avaient fait lourdement payer ces avancées. Cette page écrite du sang des ouvriers fait aujourd’hui partie de leur histoire et de leur quête de respect et de dignité pour une vie meilleure.
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SONJE : Le grand mouvement social de Février 2009 en Martinique . |
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« Travayè Matinik, la vi-a vini tro rèd pou nou . Annou mobilizé » Les syndicats de travailleurs lance cet appel à la grève générale pour le 5 février. Depuis un an, réunis en intersyndicale, ils préparent cette mobilisation . Ils sont solidaires du grand mouvement de protestation qui s’amplifie de jour en jour en Guadeloupe . Ils dénoncent eux aussi les bas salaires, les emplois précaires, la hausse des prix des produits de première nécessité . Comme le Guyanais, ils s’opposent au prix trop élevé des carburants . A l’appel de la CGTM, un comité de suivi, composé de syndicats et d’ organisations d’usagers, revendique un contrôle populaire sur la formation des prix des carburants . Dans les communes de Martinique, dès les premiers jours de décembre, les syndicats organisent des rencontres pour convaincre l’ensemble de la population à la nécessité de lutter pour une vie meilleure . Sonjé 5 février. A Fort-de- France, la foule des manifestants est immense – environ 20000 . De la cour de la Maison des Syndicats , ils se répandent sur le boulevard Général de Gaulle, le bord de mer et les rues du centre ville . Les magasins sont tous fermés . Les drapeaux rouges claquent dans le vent de cette matinée ensoleillée . Les tambours rythment la marche Aux travailleurs en grève se sont joints les retraités, les chômeurs, les agriculteurs, les pêcheurs, des jeunes, étudiants ou non, les artisans, les patrons des TPE… Le soir même le préfet décide d’organiser des négociations . Une première rencontre réunit les représentants des syndicats et ceux des organisations patronales ainsi que les élus du Conseil général et du Conseil Régional, les députés et sénateurs martiniquais . A l’initiative de la CGTM , la grève générale sera cependant reconduite . Bientôt le gouvernement enverra son secrétaire d’Etat à l’Outre-Mer et… des escadrons de gendarmerie . Le K5F - « Collectif du 5 février » - s’est constitué . Il regroupe toutes les organisations syndicales et toutes les associations qui se reconnaissent dans le mouvement . A la préfecture, le K5F est au cœur des négociations . Il est reconnu et respecté par les manifestants : présence autour de la préfecture , parfois haies d’honneur au départ et au retour à la Maison des syndicats . La mobilisation est exceptionnelle et pendant trente-huit jours le restera . La grève générale s’étend à tous les secteurs économiques : les stations-service, les supermarchés, les administrations, les établissements scolaires et de santé, les mairies……. Des barrages bloquent les entrées des zones du Lamentin, des Mangles, de Ducos…. Le mouvement s’élargit .On voit dans les manifestations des médecins, des avocats, des intellectuels, des artistes et même des militants chrétiens ; l’église catholique en la personne de son archevêque dénonce la « pwofitasion » . Les partis de gauche bien que demandant un retour « à la normale », affichent leur solidarité en s’impliquant dans les négociations . En fait participent au mouvement tous ceux qui veulent lutter contre les injustices, les inégalités, l’exploitation quibénéficient tant à l’Etat français et aux capitalistes locaux, surtout békés . . Sonjé . la chanson du mouvement entonnée tout au long de ces marches : Matinik sé ta nou Matinik sé pa ta yo An bann pwofité vlé Nou ké fouté yo déwo . Des militants des mouvements patriotiques brandissent le drapeau noir-vert-rouge dans les cortèges. Ils associent la lutte pour la décolonisation et l’indépendance du pays au combat contre l’exploitation capitaliste . Une nouvelle vie prend forme . « Nous n’avons jamais été si vivants » dit-on . Les denrées alimentaires sont rares. Les agriculteurs organisent sur tout le territoire des petits marchés et même distribuent gratuitement des légumes et des fruits aux personnes les plus démunies . Les voisins s’entr’aident . La solidarité s’impose comme une évidence . On redécouvre une manière de consommer et d’échanger d’avant la grande distribution . Dans les rues, dans les lieux publics , des débats s’installent, souvent contradictoires, même houleux sur tous les thèmes qui tissent l’existence sociale des Martiniquais, aussi bien la culture que l’économie, l’enseignement que la santé, la politique que l’art … Des paroles libres et riches qui entr’ouvrent les portes d’une société nouvelle, débarrassée de l’exploitation capitaliste. Le 14 mars, un accord global est conclu entre le K5F , le préfet, le patronat, les collectivités . La grève est suspendue . Une augmentation de 200€ est accordée pendant trois ans à tout salarié ayant un salaire inférieur au montant brut du SMIC . Les prix de 400 produits de première nécessité seront baissés de même que les tarifs de l’électricité, de l’eau et les frais bancaires . Ces baisses seront régulièrement contrôlées par des comités de contrôle des prix . Certes, tout ce qui était revendiqué n’a pas été gagné . Un peu plus cependant que les miettes habituellement octroyées . Devant la puissance du mouvement social, le gouvernement et les patrons ont été obligés de céder. Encadrés par leurs organisations syndicales, les travailleurs ont sensibilisé et entraîné dans la lutte l’ensemble des couches populaires . Ainsi, vie et forme ont été données au mot d’ordre TOUS ENSEMBLE . Depuis Février 2009, nous avons une conscience plus grande qu’une société martiniquaise libérée de la « pwofitasion » est possible et que les classes populaires sont les seules à pouvoir la penser, la vouloir et la construire. « Sé Pou La Viktwa Nou Ka Alé » le 28-01-2019 |
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La grève générale de février 1974 en Martinique. (Lu dans Combat-Ouvrier)
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La grève générale commencée le 11 février 1974 est une page importante de l'histoire du mouvement ouvrier en Martinique. Si les 14 et 16 février l'assassinat par les forces de répression de deux ouvriers agricoles à l'habitation Chalvet au Lorrain marqua la fin de la montée de la grève, celle-ci se solda néanmoins par des reculs patronaux, surtout du patronat béké de l'agriculture, sur les revendications des grévistes. La situation sociale en début 1974 Depuis les années 1960, une grave crise touchait la filière canne à sucre. Pour les possédants békés, la canne ne permettait plus de faire suffisamment de profits. Les usines fermaient. Sur 12 sucreries en 1962, il en restait 2 en 1974. Des 62 rhumeries de 1962, il n'en restait plus que 20. Le chômage augmentait. De 1967 à 1974, on dénombrait 5000 chômeurs de plus. Dans les années 70 les prix flambaient. Les capitalistes décidèrent de faire payer aux travailleurs les conséquences du «choc pétrolier» de 1973. Le gouvernement fit marcher la planche à billets. Tout était cher : l’essence, les transports, les marchandises de première nécessité, huile, pain, farine, poisson. Pour les travailleurs, la misère croissait. La riposte des travailleurs En réponse, à la fin de l’année 1973, il y eut une multiplication des conflits, au cours desquels les travailleurs revendiquaient des augmentations de salaire importantes. Le 10 janvier, une grève du bâtiment démarra et les ouvriers élurent le jour même un Comité de grève. Ils exigeaient 25% d’augmentation sur leur salaire. Des équipes de débauchage sillonnèrent les routes de Martinique. La reprise du travail fut décidée sur un protocole d'accord prévoyant 14% d'augmentation. Ces 14% avaient été arrachés par la lutte mais des remous parmi les travailleurs témoignaient d'une certaine méfiance vis-à-vis des directions syndicales qui avaient pesé dans le sens de la fin de la grève. Les grévistes avaient participé à plusieurs manifestations dans Fort-de-France dont, le lundi 14, une manifestation commune des lycéens, des élèves de CET (Collèges d'Enseignement Technique) et des grévistes de France-Antilles en lutte depuis plus de deux mois contre leur patron rapace, Hersant. Les lycéens et élèves des CET étaient en grève depuis le 7 janvier pour protester contre l'augmentation des prix de la pension et de la demi-pension. Les manifestants défilèrent aux cris, entre autres, de «A bas le gouvernement colonialiste». Le 17 janvier, les ouvriers agricoles des plantations de Basse-Pointe, Macoumba et du Lorrain se mirent aussi en grève. Ils réclamaient la suppression du SMAG (Salaire minimum garanti dans l’agriculture) plus bas que le SMIC et un salaire minimum de 35,46F pour 8h de travail au lieu de 29,55F. Sur certaines plantations, de jeunes militants issus du mouvement nationaliste : Groupe Septembre 70, GAP (Groupe d’Action Prolétarienne) ou du GRS (Groupe Révolution Socialiste), étaient à leurs côtés. Les salariés de la SPEDEM (Société de production d'électricité de la Martinique), aujourd’hui EDF-Martinique, entrèrent également en grève illimitée le 7 février. Ce conflit couvait depuis le 28 décembre 1973, suite à une entourloupe du préfet Orsetti, qui renvoyait une négociation sur leurs revendications à fin janvier. Vers la grève générale La grève des ouvriers agricoles prit de l'ampleur, notamment dans le Nord. Devant l’ampleur des mouvements sociaux, la CGTM -centrale syndicale influencée à l’époque par le PCM (Parti Communiste Martiniquais)- FO et la CFDT, lancèrent un mot d’ordre de grève générale illimitée à partir du 11 février. Elles le lancèrent malgré le fait qu'elles s'étaient empressées d'en finir avec la grève du Bâtiment, malgré le fait qu'elles avaient jusque là tout fait pour que les luttes déjà déclenchées ne se rejoignent pas. Les directions de ces syndicats apparaissaient plutôt timorées à beaucoup de travailleurs qui ne voulaient plus se contenter des miettes données lors des accords qu’elles signaient avec le patronat. Elles ne semblaient pas prêtes à faire réellement de leur appel un pas important pour imposer la plate-forme revendicative en 12 points mise en avant, dont l’alignement du SMIC et des allocations familiales sur ceux de la France. En fait les directions syndicales lancèrent cet appel pour ne pas être dépassées et pour tenter de mieux contrôler le mouvement. Pourtant, les travailleurs en lutte sauront prendre les directions syndicales au mot et aller vers un mouvement vivant. En effet, la détermination était grande et, dans les secteurs en lutte les grèves se durcissaient face à l’arrogance patronale (coupures d’électricité, débauchages sur les chantiers, riposte à coups de pierre aux interventions policières dans les manifestations). De jeunes travailleurs, dont certains proches de Combat Ouvrier, appelaient leurs camarades à mettre en place des «comités de grève» pour prendre le mouvement en main, en garder le contrôle et aller le plus loin possible vers la satisfaction des revendications. Nombreux étaient les travailleurs qui se rejoignaient à la Maison des Syndicats, ou encore dans les manifestations, lors des débauchages. Et, au matin du 12 février, la grève générale fut vraiment à l'ordre du jour. La fin de l'année 1973 et début 1974, ont été une période d'effervescence marquée par des grèves déterminées, et plus généralement une agitation contagieuse parmi les jeunes et les travailleurs, frappés par le chômage et la hausse des prix. Devant l'ampleur des mouvements sociaux, la CGTM, centrale syndicale influencée à l'époque par le PCM (Parti Communiste Martiniquais), FO et la CFDT, lancèrent un mot d'ordre de grève générale illimitée à partir du 11 février, appel ensuite reporté au 12. Succès de la grève des 12 et 13 février Le mardi 12 février, une grande manifestation de plus de 5000 travailleurs de tous les secteurs parcourut les rues de Fort-de-France pour réclamer des augmentations de salaires et fustiger les patrons et le gouvernement. Les jeunes des collèges et des lycées étaient là également. Fort-de-France était ville morte. En fin de journée, la grève fut reconduite après une assemblée générale des travailleurs à Fort-de-France. Le lendemain, la situation était tendue. Après plus de deux mois de grève pour certains secteurs, l’heure n’était pas aux défilés-promenade. La grève était active. Des groupes de grévistes obligeaient les magasins qui avaient ouvert leurs portes à baisser les rideaux pour respecter la grève, ils sillonnaient les rues de Fort-de-France y affrontant durement la police. Il y eut des blessés. Mais le but fut atteint : au soir du deuxième jour, la grève générale n’était pas arrêtée. Alors, craignant d’être débordées par la base déterminée, les directions syndicales tirèrent en arrière. Le jeudi 14, elles tentèrent une reprise en main du mouvement, elles organisèrent réunion sur réunion où souvent la reprise du travail était proposée. Les partis politiques tels le PCM ou le PPM, étaient à l'unisson avec l’administration en dénonçant dans leur presse ou dans des communiqués, les «agitateurs gauchistes». Le nombre de grévistes déterminés à continuer le mouvement était si grand que, finalement, la poursuite de la grève était annoncée. La tuerie de Chalvet C'est dans ce contexte que la préfecture avec à sa tête le préfet Orsetti et à la demande du patronat de la SICABAM (organisation des planteurs békés de l’époque), décida de mettre un coup d’arrêt sanglant à cette grande mobilisation ouvrière. C’est dans les champs de banane au Lorrain qu’ils frappèrent, le 14 février. Car sur les plantations, la grève des ouvriers agricoles, commencée en janvier, se développait aussi. Selon la tradition des grèves marchantes, les grévistes se déplaçaient de plantation en plantation, dans les communes du Nord-Atlantique, notamment au Lorrain et à Basse-Pointe. Une embuscade fut tendue contre les grévistes regroupés sur l’habitation Fond Brûlé. Une dizaine de camions de gendarmes poursuivirent les ouvriers agricoles grévistes qui regagnaient en groupe la commune de Basse-Pointe. Un hélicoptère cracha sur eux des grenades lacrymogènes. C’est à ce moment, au lieu-dit Chalvet, que les ouvriers, accompagnés de jeunes militants, furent pris en chasse par les gendarmes. L'adjudant chef Frappier commanda le feu, à balles réelles. Plusieurs ouvriers furent blessés: Omer Cyrille, Guy Crétinoir, Rastoc, François Rosaz. Ilmany dit Renor, gréviste de 55 ans, fut tué. Le 15, choqués par l’assassinat d’un gréviste de l’agriculture, des milliers de travailleurs, Comité de grève des travailleurs agricoles en tête, participèrent à une grande manifestation organisée à Fort-de-France par les organisations syndicales et les partis. Des cris : "Orsetti assassin", "Ilmany nous te vengerons", "à bas la répression coloniale", se firent entendre. La dispersion commença, devant la Maison des syndicats, lorsqu'il fut annoncé que la Préfecture, voulant éviter une nouvelle manifestation lors des obsèques, refusa de restituer le corps. Une délégation, accompagnée de 2000 manifestants, demanda, et obtint, l'annulation de cette décision. Les mêmes cris hostiles à l'ordre colonial se firent entendre le lendemain au Lorrain où des masses de travailleurs, des "officiels", des grévistes, et d'autres "gens du peuple", se regroupèrent pour célébrer l'enterrement. Deux heures avant, le corps d'un jeune homme de 19 ans, ouvrier maçon, gréviste, Georges Marie-Louise, fut découvert abandonné sur une plage de Basse Pointe, à l’embouchure de la rivière Capot non loin de Chalvet, probablement après avoir été frappé à mort par les membres des forces de répression, gendarmes ou autres. Personne ne l'avait revu après la fusillade. Fin de la grève générale Les obsèques du jeune Marie-Louise furent suivies avec la même émotion. Mais la grève générale n’était plus à l’ordre du jour. La répression policière scélérate, orchestrée par les possédants et leur pouvoir pour stopper le mouvement ouvrier montant, avait en partie atteint son but. D'ailleurs les assassins ne furent pas inquiétés. Les mobilisations ouvrières continuèrent néanmoins plusieurs jours encore même si elles n’étaient plus aussi massives. C’était le cas des employés de l’entreprise Figuières chargée du ramassage des ordures ménagères à Fort-de France, de ceux des boulangeries, ou des banques et des hôpitaux. Le 19 février 1974, le quotidien France-Antilles qu’on ne pouvait soupçonner de quelconque sympathie pour les grévistes titrait encore «situation confuse sur le front social». Le 21 février 1974, un accord fut signé dans la banane. Les patrons bananiers acceptèrent de payer la journée de travail de huit heures à 39,50F. (soit 25 % d'augmentation environ), mais le SMAG (salaire minimum garanti dans l’agriculture) fut maintenu. Il fut supprimé en 1976 à la suite de nouvelles grèves des ouvriers agricoles de la banane. Les travailleurs de Martinique, en particulier les plus exploités, firent notablement reculer le patronat béké de l’agriculture. Dans d’autres secteurs, tels le bâtiment ou à la SPEDEM, des revendications importantes furent arrachées. Les patrons et tous ceux qui sont à leur service, avaient fait lourdement payer ces avancées. La soldatesque s’était une fois encore déchaînée contre des travailleurs en grève pour défendre leur pain et leurs droits. Mais ceux-ci n'avaient pas plié. A l’issue de cette grève, la CGTM influencée à l’époque par le PCM, vit son influence syndicale diminuer notamment dans le milieu agricole où l’UTAM (Union des Travailleurs Agricoles Martiniquais) syndicat dirigé par des jeunes intellectuels nationalistes va s’implanter. Face à l’exaspération des masses et la montée des luttes, la politique menée par la CGTM apparut à de nombreux travailleurs comme timorée et pour mener leurs luttes ces derniers ont certaines fois «débordé» les limites syndicales. Cette grève fut une de ces répétitions générales qui forgent la conscience ouvrière et sa détermination nécessaire pour gagner des combats.
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Le six décembre 1998, Marcel MANVILLE , avocat militant martiniquais, mourrait …..Il y a 20 ans. |
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Ce jour de décembre 1998, Marcel MANVILLE attend devant la Chambre d’Accusation du Palais de Justice de Paris. Il va plaider, au nom de leurs familles, la cause des centaines d’Algériens qui, le 17 octobre 1961, manifestaient pacifiquement pour l’indépendance de leur pays et qui ont été massacrés par la police de Paris. Tout à coup son cœur lâche. Il s’effondre. Sa robe est ensanglantée. Il est mort…. Il avait 76 ans. Avocat et militant communiste, jusqu’aux dernières minutes de sa vie, il a proclamé sa volonté constante de lutter aux côtés des opprimés, des exploités, travailleurs, colonisés. En Martinique, en Guadeloupe, en Guyane mais aussi en France, en Algérie, en Palestine…..partout où les droits des êtres humains et des peuples étaient niés, écrasés…… Il a écrit quelques années avant sa mort : « C’est ainsi qu’au cours de ma carrière, je n’ai jamais dévié de ce choix fondamental : défendre l’homme menacé où qu’il se trouve et répondre présent à chaque fois que ma patrie, la Martinique, et mes compatriotes étaient en danger. » Ce « choix fondamental » orienta la carrière militante et professionnelle de Marcel MANVILLE. Voici quelques épisodes de ce long combat pour la liberté et la justice des hommes, des femmes, de leurs peuples. « Hitler nou ka roulé ou anba morn la » chantait-il avec ses amis Frantz FANON et Pierre MAUZOLLE, quand, en 1943, ils se sont engagés dans un bataillon de volontaires, et ont quitté la Martinique déjà libérée pour participer avec les Forces Françaises Libres à la libération de la France de la domination monstrueuse de l’Allemagne nazie. Ses engagements aux côtés des travailleurs donnent tout son sens à sa carrière professionnelle. Ils lui ont permis de comprendre la puissance de l’exploitation dont les travailleurs sont victimes. Il a été l’avocat de la CGT française et de la CGTM de Martinique. On sait qu’aux Prudhommes, il n’a jamais défendu de patron. En 1951, jeune avocat, il participe à la défense des « 16 de Basse-Pointe », ouvriers agricoles martiniquais accusés sans preuve d’avoir tué à coups de coutelas leur patron qui les menaçait de son révolver. Ils seront acquittés. Manville parlera de « la révolte des pauvres contre le désordre colonial établi ». Il a manifesté sa solidarité avec les agriculteurs martiniquais en soutenant le mouvement d’occupation des terres en friche et plus particulièrement il a plaidé en 1983 en faveur d’un occupant des terres en friche de Providence au Morne Rouge, blessé par balle par le propriétaire e ces terres. Conscient du désarroi des émigrés martiniquais et guadeloupéens envoyés par les pouvoirs publics dans la région parisienne dans le cadre du dispositif BUMIDOM, il prit l’initiative, avec un groupe de militants, de les organiser en associations, regroupées ensuite dans le « Rassemblement de l’Emigration Antillaise. » (REA). Ainsi les Antillais exilés purent surmonter des conditions de vie et de travail très difficiles, et sortant de leur isolement trouver des moyens d’organiser lutte et solidarité. Anticolonialiste, patriote martiniquais, il participa en 1963 à la défense des membres de l’OJAM (Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste Martiniquaise). Ils étaient accusés de préparer des attentats en France et de monter un complot contre l’Etat français. En fait, ils avaient diffusé un manifeste qui affirmait leur volonté de lutter pour « une Martinique martiniquaise » « libre et indépendante ». Ni complot, ni projet d’attentat. Acquittement de 13 accusés. Condamnation avec sursis pour les 5 autres. Au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, Marcel MANVILLE a participé à la libération de l’Algérie du pouvoir colonial français. En tant que membre du collectif d’avocats, il a été chargé de la défense des militants du Front de Libération Nationale (FLN) devant les tribunaux français. Des procès qui se succèdent dans une Algérie en guerre totale ; des combats sans merci entre l’Armée de Libération Nationale (ALN) et l’armée française . ……… Et au bout l ’indépendance le 18 juillet 1962. Marcel MANVILLE, patriote martiniquais, anticolonialiste, militant communiste, soutien inconditionnel des travailleurs, défenseur des droits humains, internationaliste. Il écrivait en 1992 : « …savoir que la liberté s’arrache et qu’ilfaut s’armer de courage et de patience avant de voir se lever le jour ». |
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Brève histoire du 1er mai |
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Le 1er mai est le seul jour férié, chômé et payé, reconnu par le Code du travail. Quelle est l’origine de cette fête qui n’est pas celle du travail, ni celle du muguet ! Le 1er Mai a commencé à Chicago en 1886. « A partir d’aujourd’hui, nul ouvrier ne doit travailler plus de 8 heures par jour ! 8 heures de travail ! 8 heures de repos ! 8 heures d’éducation ! » C’est ce qu’ont décidé les ouvriers américains durement confrontés à l’exploitation capitaliste, exacerbée encore par la crise de 1884. Chômage, misère, conditions de travail et de vie déplorables Les organisations ouvrières, regroupées dans l’American Federation of Labor (AFL), décident que cette journée de mobilisation serait fixée au 1er mai. Pourquoi cette date ? Selon l’usage, c’était le « Moving day », le jour des renouvèlements des contrats de travail. L’AFL réclame au patronat américain que les nouveaux contrats soient fondés sur la journée de 8 heures. Ce 1er mai 1886, jamais ils n’avaient été si nombreux. Jamais non plus, on avait vu autant de manifestations appelées partout sur le même mot d’ordre unificateur : la journée de 8 h ! Plus de 5000 grèves, 200 000 manifestants dans les grandes villes industrielles… Le 1er Mai, symbole du combat ouvrier internationaliste : « Solidarity of Labor » En 1889, la II ème Internationale, en congrès à Paris, reprend l’initiative de l’AFL : le 1er Mai sera un jour de mobilisation et de lutte INTERNATIONALISTE. Le 1er mai 1890, la classe ouvrière se rassemble au grand jour, de Paris à Stockholm, Londres, New-York, Prague, Barcelone, Vienne… L’organisation, la discipline des masses frappent d’effroi la bourgeoisie. A Paris, 100 000 manifestants, se rassemblent sur les revendications : journée de 8 heures, limitation du travail des enfants et des femmes, repos d’un jour par semaine, suppression du travail de nuit…. Certains 1er Mai sont inscrits dans l’histoire du mouvement ouvrier. Le 1er mai 1891, à Fourmies, dans le Nord, la troupe tire sur la foule faisant 9 morts et 35 blessés. Les 1ers mai suivants, les manifestants portent à la boutonnière la fleur d’églantine cintrée d’un ruban rouge. Plus tard, elle sera remplacée par le brin de muguet. Le 1er mai 1906 la CGT (créée en 1895) et le parti socialiste SFIO, décident du cadre du 1er mai 1906 : « A partir du 1er mai 1906, nous ne travaillerons plus que 8 h par jour » lit-on sur la banderole accrochée à la façade de la Bourse du travail à Paris. Ce fut certainement la plus grande manifestation organisée par la jeune CGT en faveur des 8 heures. Le 1er mai 1919, en France, les travailleurs et leur syndicat, la CGT, fêtent la victoire d’une revendication décidée 30 ans plus tôt : la loi sur la journée de 8 heures et la semaine de 48 h (8 x 6) obtenue en avril. Le 1er mai 1936, le mouvement syndical fête l’unité retrouvée. Les grèves avec occupations d’usine commencent le 11 mai et la victoire électorale du Front populaire n’empêche pas la mobilisation jusqu’aux accords Matignon. En 1941, le maréchal Pétain récupère le 1er mai pour en faire « la fête du travail », un jour férié, chômé mais non payé tandis que la CGT est dissoute et que s’applique la Charte du travail (association capital/travail niant la lutte de classe). En 1947, le 1er Mai, est inscrit dans le Code du travail comme jour férié, obligatoirement chômé et payé. Mais le 1er mai n'appartient qu'aux salariés !!! |
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Du 15 avril au 6 juillet 1993 : POTERIE DES TROIS ILETS |
|  | 82 jours de grève – les travailleurs, organisés par la CGTM , revendiquent une augmentation de salaire refusée par l’employeur – entrée en grève - marches et barrages sur les routes . Devant le refus de conciliation et l’arrogance du patronat, la CGTM menace de déclencher une grève générale le 6 juillet . Le même jour la conciliation s’effectue à la préfecture . F de la grève . |
SONJE : le 8 février 1900 Le massacre du François : l’armée française, aux ordres des usiniers, tire sur les ouvriers grévistes. . . 10 morts . 12 blessés. |
|  | L’ouvrier OUKA travaillait alors à l’usine du François . Voici son témoignage . Georges E. MAUVOIS l’a recueilli en 1959 . Il a été publié dans « Les Cahiers du Patrimoine » en novembre 2009 . « J’avais alors 16 ans. J’étais apprenti tourneur . La récolte venait de commencer (depuis huit jours à peine) . Sachant que la grève allait descendre du Nord, M. LIOTTIER, l’administrateur, avait fait venir des soldats (une trentaine) . Il les hébergeait dans sa maison (cette maison existe encore – elle se trouve entre l’usine et le bourg du François…) Le groupe des grévistes était passé à l’usine du Robert et y avait « tué le feu » (c’est-à-dire éteint les foyers alimentant les installations) . Lorsqu’ils se rassemblèrent au débarcadère (à 300m. de l’usine du François …) le maire M. Clément (…) alla les trouver pour les dissuader de venir à l’usine : « Pa antré,yo ké tjwé zot » . Les grévistes voulaient « tuer le feu » également à l’usine du François ; ils refusèrent de suivre le conseil de M. Clément et se dirigèrent vers l’usine. L’usine marchait. Les travailleurs, à l’intérieur, étaient occupés à leur travail. … J’accompagnais M. Liottier, ainsi que Sébastien, garçon de bureau . Nous tenions dans l’usine près de l’entrée à côté de la bascule . Je regardais venir les grévistes . Ils étaient nombreux, plus de 50 . Ils venaient de la route et pénétrèrent sur le terrain de l’usine. Un train de wagons chargé de cannes venait d’entrer dans la cour ; il s’arrêta et n’alla pas au pesage . Le lieutenant Kahn avait aligné ses hommes un peu en avant de nous (16 hommes), fusils en joue. Il avait un révolver d’ordonnance. Les grévistes avançaient en groupe. Devant eux marchait un vieux Congo qui les conduisait . Il les précédait de 5 ou 6 mètres . Ce Congo, un petit homme court et costaud , paraissant avoir 60 ans environ, était du François … Il avait un bout de coutelas et l’agitait en criant au lieutenant : « Sé dé fran nou lé ! sé dé fran nou ka mandé ! ». Il avançait sans peur suivi des autres grévistes … Le lieutenant Kahn donna l’ordre à ses hommes de reculer : « En arrière…trois …six… neuf… ! » Ils reculèrent et se trouvèrent alors à 2 ou 3 mètres de l’usine . Au mot « neuf » le lieutenant Kahn tira un coup de révolver dans le ventre du Congo qui se trouvait environ à 2 mètres de lui . On vit sortir les boyaux de l’homme . Aussitôt les fusils tirèrent . Je voyais tomber les grévistes ; je croyais qu’ils étaient étourdis, en réalité ils mouraient . Les autres grévistes prirent la fuite et se jetèrent dans le champs de goyaviers qui se trouvait de l’autre côté de la route… M .Clément qui se trouvait dans la direction des coups de feu fut sauvé grâce au gendarme Erimbrand qui le fit se jeter à terre . Ti Paul, le cocher de M.Clément, reçut une balle qui lui défonça la tête . Un des grévistes s’était couché lui aussi et un moment après , croyant que s’était fini, il se leva et se mit à courir . On le mit en joue et on tira sur lui . L’homme, un gréviste du Nord, tomba mort, les deux mains en avant comme pour faire un plongeon . Parmi le groupe de grévistes, se trouvait un chabin tout court … Il portait un bonnet. Il semble être un de ceux qui conduisaient les grévistes . Pendant que les coups de feu partaient, il agitait son bonnet sans fuir . Pyès kout fizi pa té ka antré anlè-y . Un soldat lui enfonça sa baïonnette dans la cuisse ; il réussit à se retirer . Aux coups de feu, les ouvriers de l’usine s’arrêtèrent de travailler et accoururent regarder en criant : « Mi yo ka tjwé moun ! » Un appel de trompette fut lancé du groupe des soldats . Aussitôt arrivèrent 15 autres soldats restés jusque là chez M. Liottier . Tout le monde se mit en position pour tirer, mais les grévistes s’étaient retirés . Les 15 soldats auteurs de la fusillade rentrèrent alors chez M. Liottier . L’usine continua de marcher… L’abbé Toué et un autre vinrent pour donner l’extrême-onction aux mourants . Les morts furent ensuite exposés au presbytère ; Beaucoup de gens se rendirent dans l’après-midi à l’usine, en curieux . Dans la soirée et durant la nuit beaucoup des communes du Nord, parents et amis des victimes, vinrent au François et circulèrent dans les rues, en lançant des imprécations . Les habitants du François craignant qu’on mît le feu à la ville . » Et plus tard, une biguine : Manman ! La grève baré mwen Malgwé tou sa yo fè Mussieu Michel pa lé baye dé fran Wé ! wé ! wé ! (bis)
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SONJE:Octobre 1947 une ordonnance crée la caisse de Sécurité Sociale de Martinique |
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L’ordonnance du 17 octobre 1947 instaure la sécurité sociale dans les départements d’Outre-Mer, deux ans après la Métropole. Pourtant, ce n’est qu’en 1949 que fût créé la CGSS, chargée d’assurer la mise en place de la sécurité sociale à la Martinique. Mais la lutte pour la protection sociale commence dès la fin du XIXème siècle. En 1890, les sénateurs Alexandre ISAAC de Guadeloupe et Vincent Allègre de la Martinique, proposent une assimilation en vue de l’extension de la protection sociale.
Après des années d’esclavage, les revendications sur les conditions de travail et les salaires se font pressantes, notamment dans le milieu ouvrier. C’est la naissance du mouvement ouvrier en Martinique qui fera sa première démonstration durant la première grande grève connu sur le nom de la grève des ouvriers du François. La grande grève de 1900.
Ce fut ensuite la guerre de 1938 à 1943. La Martinique, alors coupée du reste monde est soumise à la privation. Après la guerre, le constat est affligeant: aucune protection sociale, dérive des mœurs politiques et l’économie basée sur la culture de la canne à sucre en faillite.
1946, c’est l’ère de la départementalisation qui s’ouvre c’est d’abord une loi sociale, d’égalisation des droits sociaux.. Le 19 mars 1946, la Martinique devient département d’Outre-mer. L’Art.2 déclare que « les lois et décrets actuellement en vigueur dans la France métropolitaine et qui ne sont pas encore appliqués à ces colonies feront, avant le 1er janvier 1947, l’objet de décrets d’application à ces nouveaux départements ». L’institution de la Sécurité sociale dans les départements d’Outre-mer est alors d’actualité.
Cependant, il faudra attendre 10 mois pour obtenir le décret du 17 octobre 1947 qui prévoit l’extension des lois sociales dans les nouveaux départements. Il déclare également la mise en place officielle de la Sécurité Sociale à la Martinique.
Le 29 novembre 1948, dès sa mise en place, à la Maison du Peuple aujourd’hui Maison des syndicats, le conseil d’administration de la CGSS Martinique, est présidé par Victor Lamon, secrétaire général de la CGT et pionniers des luttes pour la protection sociale vote une motion, à l’unanimité qui demande l’accélération de l’application effective de l’assurance maladie et du régime de prestations familiales. Ces prestations devant être servies aux mêmes taux qu’en France, avec possibilité pour la Caisse Générale de Sécurité Sociale d’orienter les prestations vers les besoins les plus urgents.
La CGSS Martinique ouvre effectivement ses portes à la Maison des Syndicats en 1949. Toutefois, la mise en place des prestations en Martinique est lente et progressive. L’alignement avec la Francene sera effectif qu’en 1956, en ce qui concerne la mise en place des prestations sociales.
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Sonjé: Octobre 1967-octobre 2017, ily a 50 ans, l'armée bolivienne assassinait Ché Guevara |
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Il y cinquante ans, le 9 octobre 1967 Ernesto " Che " Guevara le guérilléro « héroïque » mourrait, assassiné par l'armée bolivienne, il avait 49 ans. D’abord fait prisonnier, la veille, par des soldats boliviens accompagnés d'un cadre de la CIA, il était ensuite était abattu dans le dos par un sous-officier dans le village de La Higuera, dans la région où, onze mois auparavant, le " Che " avait entamé une guérilla. Cinquante ans après, le révolutionnaire mort au combat reste un mythe, symbole de la résistance à l'impérialisme américain, d'abord en Amérique latine, mais aussi dans les milieux altermondialistes ; une icone suffisamment durable pour que les commerçants du monde capitaliste en aient fait un sujet de poster ou de T-shirt. Né dans une famille de grands propriétaires argentins ruinés, où l'on cultivait des idées libérales, sa jeunesse fut celle d'un anticonformiste curieux et ne tenant pas en place. Étudiant en médecine, il s'intéressait à la littérature et aux civilisations pré-colombiennes. Au cours de ses voyages, il découvrit l'extrême misère des plus déshérités du continent, les paysans d'origine indienne, mais aussi la violence des affrontements sociaux qui découlait du fait que c'était le plus souvent l'armée qui tranchait les débats politiques, avec le soutien, parfois armé, des dirigeants des États-Unis, qui intervenaient sans vergogne sur un continent considéré comme leur arrière-cour. En 1953, en Bolivie, quelques mois après la révolution de 1952 le " Che "manifesta sa sensibilité au racisme du nouveau régime vis-à-vis des indiens. En 1954, au Guatemala, il assista impuissant au renversement du régime du général Arbenz par des troupes aux ordres de la compagnie américaine United Fruit. Le " Che " expliqua plus tard que c'est là qu'il était devenu partisan de la lutte armée. En 1956, au Mexique, Guevara se lia aux révolutionnaires qui, autour de Fidel Castro, se préparaient à déclencher une guérilla à Cuba contre la dictature de Battista. C'est au cours de trois années de guérilla dans la Sierra Maestra, qui allait déboucher sur le succès de la révolution cubaine, qu'il vit de près le monde paysan et sa sensibilité au thème de la réforme agraire. Mais il continua aussi à se méfier des militants des villes qui, pour lui comme pour Castro, devaient rester une force d'appoint subordonnée aux guérilleros. En 1965, Guevara reprit la guérilla, au Congo d'abord puis en Bolivie l'année suivante. Pour lui, il fallait " créer un, deux ou trois Viêt-nam ", un " internationalisme " qui était plutôt un inter-nationalisme : faire que dans différentes régions du monde, à l'imitation du combat du peuple vietnamien, se multiplient les foyers de lutte contre l'impérialisme américain. Dans son « Journal de Bolivie » Guevara y montre aussi que jusqu'au bout, il considéra la classe ouvrière au mieux comme une force d'appoint à la guérilla. Lorsque l'armée bolivienne réprima dans le sang le 24 juin 1967 un mouvement de protestation des mineurs, il écrivit que " le massacre dans les mines éclaircit considérablement le panorama pour nous ". Et dans une adresse à ces mineurs, il estimait qu'" il ne faut pas persévérer en des tactiques fausses, héroïques sans doute, mais stériles ", invitant les mineurs à le rejoindre : " Ici, nous transformerons la déroute en triomphe et la plainte des veuves prolétariennes en un hymne de victoire ". Le sort tragique de Guevara fut celui de beaucoup d'hommes et de femmes d'Amérique latine. Comme Guevara, même quand ils se réclamaient du socialisme, ils ne comptaient nullement sur la classe ouvrière pour transformer la société. C’était à l'appareil militaire de la guérilla de diriger la révolution, pas aux masses populaires. Le " Che " était un révolutionnaire désintéressé et tant mieux si de nos jours encore, son combat impose à beaucoup la volonté de lutter contre le capitalisme et l'impérialisme. Mais son combat comportait des limites et ces limites n'étaient rien d'autre que les limites sociales et nationales qu’il avait lui-même tracées. D’ailleurs, faute d’un mouvement de masse, Guevara resta isolé en Bolivie, ce qui causa sa perte. Aussi, même si pour des millions d’hommes en Amérique latine, le nom du Che a longtemps évoqué, et évoque toujours, le combat d’un homme contre l’oppression, il n’empêche que le « Ché » n’aura jamais cherché à élargir son combat en appelant, et en aidant, les travailleurs du monde entier à se soulever, comme l'avait tenté, par exemple, la révolution russe à ses débuts en 1917. Seul le prolétariat, concentré près des lieux de pouvoir, tenant une place essentielle dans l’économie capitaliste moderne, peut non seulement renverser la bourgeoisie mais construire un système économique rationnel dépassant les frontières. Son ignorance des idées communistes et des traditions du mouvement ouvrier rendait vaines les tentatives révolutionnaires de Guevara. Le souvenir du combat de Guevara doit aussi être l’occasion de tirer les leçons de son échec. Aujourd’hui comme alors, le prolétariat mondial est la force sociale susceptible d’offrir à l’humanité les moyens de dépasser les ornières nationales, pour construire à l’échelle du monde une société débarrassée de toute forme d’exploitation et d’oppression. |
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Sonjé: Il y a 100 ans, la Révolution russe, les travailleurs créent un État ouvrier |
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En octobre 1917, il y a un siècle, les travailleurs russes prennent le pouvoir et érigent un État ouvrier révolutionnaire qui durera un peu plus de six ans. Nous reviendrons dans notre numéro de fin octobre sur la révolution d’Octobre et l’insurrection, et entretemps sur des épisodes de cette révolution.
Un État ouvrier, comment est-ce possible ? Beaucoup de travailleurs et en général même beaucoup de gens ne croient pas que ce sont les travailleurs qui ont pris le pouvoir, mais un parti, le parti bolchévik avec des chefs : Lénine et Trotsky. Ces derniers instaurèrent, pensent-ils, une dictature. Et dans la période présente que nous vivons, qui n’est pas une période révolutionnaire, beaucoup de gens ne croient pas ou plus en la révolution ouvrière.
Pourtant si ce n’étaient les travailleurs, les masses qui s’étaient armés et avaient construit leurs propres organes de pouvoir, les soviets (les conseils ouvriers), ni le parti bolchévik ni ses chefs n’auraient pu jouer aucun rôle car ce sont les ouvriers, les opprimés, qui ont choisi le parti bolchévik et ses dirigeants. Léon Trotsky, dans l’introduction à son Histoire de la Révolution russe explique bien le phénomène révolutionnaire.
Lisons ses lignes : « Le trait le plus incontestable de la Révolution, c'est l'intervention directe des masses dans les événements historiques. D'ordinaire, l'État, monarchique ou démocratique, domine la nation ; l'histoire est faite par des spécialistes du métier : monarques, ministres, bureaucrates, parlementaires, journalistes. Mais, aux tournants décisifs, quand un vieux régime devient intolérable pour les masses, celles-ci brisent les palissades qui les séparent de l'arène politique, renversent leurs représentants traditionnels, et, en intervenant ainsi, créent une position de départ pour un nouveau régime. Qu'il en soit bien ou mal, aux moralistes d'en juger.
Quant à nous, nous prenons les faits tels qu'ils se présentent, dans leur développement objectif. L'histoire de la révolution est pour nous, avant tout, le récit d'une irruption violente des masses dans le domaine où se règlent leurs propres destinées. Dans une société prise de révolution, les classes sont en lutte. Il est pourtant tout à fait évident que les transformations qui se produisent entre le début et la fin d'une révolution, dans les bases économiques de la société et dans le substratum social des classes, ne suffisent pas du tout à expliquer la marche de la révolution même, laquelle, en un bref laps de temps, jette à bas des institutions séculaires, en crée de nouvelles et les renverse encore. La dynamique des événements révolutionnaires est directement déterminée par de rapides, intensives et passionnées conversions psychologiques des classes constituées avant la révolution.
C'est qu'en effet une société ne modifie pas ses institutions au fur et à mesure du besoin, comme un artisan renouvelle son outillage. Au contraire : pratiquement, la société considère les institutions qui la surplombent comme une chose à jamais établie. […] Il faut des circonstances absolument exceptionnelles, indépendantes de la volonté des individus ou des partis, pour libérer les mécontents des gênes de l'esprit conservateur et amener les masses à l'insurrection. » Ces circonstances exceptionnelles sont ce qui caractérise toute révolution.
Dans sa brochure Les leçons d’Octobre Trotsky ajoute d’ailleurs : « Sans l'étude de la grande Révolution française, de la Révolution de 1848 et de la Commune de Paris, nous n'aurions jamais accompli la révolution d'Octobre, même avec l'expérience de 1905 : en effet nous avons fait cette expérience en nous appuyant sur les enseignements des révolutions antérieures et en continuant leur ligne historique.
29-09-2017 |
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Le retour de Lénine et les thèses d’avril |
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La révolution de Février a abouti à la fin du pouvoir tsariste et à l’installation d’un gouvernement provisoire comprenant des représentants socialistes (mencheviks) et socialistes-révolutionnaires. Les soviets, les conseils ouvriers qui se sont créés durant la révolution, lui accordaient leur soutien, avec l’accord de la direction du Parti bolchevik. Lénine, arrivé le 3 avril (16 avril selon notre calendrier) de son exil de Suisse, va immédiatement combattre cette politique. L’arrivée de Lénine est ainsi décrite par l’historien Soukhanov, alors menchevik : « Devant la gare de Finlande, la foule remplissait toute la place, laissant à peine passer les tramways. Une magnifique bannière portant l’inscription « Comité central du POSDR (Bolcheviks) », brodées en lettres d’or, dominait d’innombrables drapeaux rouges sous lesquels s’étaient rangées des unités militaires avec leur orchestre. (…) Dans la gare c’était également la cohue : délégations, drapeaux, bannières où l’on exigeait des laissez-passer. (…) Sur le quai, les préparatifs étaient encore plus éclatants : militaires alignés prêts à présenter les armes, drapeaux suspendus, arcs de triomphe rouge et or, inscriptions de bienvenue, mots d’ordre révolutionnaires. » « Vive la révolution socialiste mondiale » Lénine répond ainsi au discours du délégué du soviet de Petrograd venu l’accueillir : « Chers camarades, soldats, marins et ouvriers ! Je suis heureux de saluer en vous la révolution russe victorieuse, de vous saluer en tant que détachement d’avant-garde de l’armée prolétarienne mondiale… La guerre de rapine impérialiste est le commencement de la guerre civile dans toute l’Europe… L’heure n’est pas loin où, à l’appel de notre camarade Karl Liebknecht, les peuples tourneront les armes contre leurs exploiteurs capitalistes… L’aube de la révolution socialiste mondiale luit… En Allemagne, tout est en ébullition… D’un moment à l’autre, chaque jour, on peut s’attendre à l’écroulement de tout l’impérialisme européen. La révolution russe que vous avez accomplie en a marqué les débuts et a posé les fondements d’une nouvelle époque. Vive la révolution socialiste mondiale ! » Ce discours annonce déjà le programme que Lénine va proposer dès le lendemain sous le nom de Thèses d’avril. Il y réaffirme qu’il ne faut accorder aucun soutien au gouvernement provisoire et « démontrer le caractère entièrement mensonger de ses promesses, notamment de celles qui concernent la renonciation aux annexions ». Pour lui, il faut démasquer le caractère impérialiste de la politique du gouvernement provisoire, au lieu de propager l’illusion que ce gouvernement de capitalistes pourrait en changer. Il faut « reconnaître que notre parti est en minorité et ne constitue pour le moment qu’une faible minorité dans la plupart des soviets des députés ouvriers, en face du bloc de tous les éléments opportunistes petits-bourgeois, tombés sous l’influence de la bourgeoisie et qui étendent cette influence sur le prolétariat, (...) expliquer aux masses que les soviets des députés ouvriers sont la seule forme possible de gouvernement révolutionnaire.(...) Notre tâche, tant que ce gouvernement se laisse influencer par la bourgeoisie, ne peut être que d’expliquer patiemment, systématiquement, opiniâtrement aux masses les erreurs de leur tactique, en partant essentiellement de leurs besoins pratiques. » Les thèses provoquent une crise au sein de la direction du Parti bolchevik, où Lénine se retrouve isolé. Le journal du parti, la Pravda, écrit : « Pour ce qui est du schéma général du camarade Lénine, il nous paraît inacceptable dans la mesure où il présente comme achevée la révolution démocratique bourgeoise et compte sur une transformation immédiate de cette révolution en révolution socialiste. » La discussion au sein du Parti bolchevik se poursuit pendant des jours, et c’est finalement l’adhésion des ouvriers, de la base du parti, qui permet à l’orientation définie par Lénine de l’emporter. « Tout le pouvoir aux soviets ! » Quelques jours plus tard, dans un discours prononcé devant des soldats, Lénine traduisait de manière concrète ce programme révolutionnaire résumé par le slogan « Tout le pouvoir aux soviets ! » « Camarades soldats ! La question de l’organisation de l’État est maintenant à l’ordre du jour. Les capitalistes, qui détiennent aujourd’hui le pouvoir, veulent une république parlementaire bourgeoise, c’est-à-dire un régime sans tsar, mais où le pouvoir reste aux mains des capitalistes qui gouvernent le pays au moyen des vieilles institutions : police, corps de fonctionnaires, armée permanente. Nous voulons une autre république (…). Les ouvriers et les soldats révolutionnaires de Petrograd ont renversé le tsarisme et complètement nettoyé la capitale de toute police (…). La révolution une fois commencée, il faut la consolider et la continuer. Ne laissons pas rétablir la police : tout le pouvoir dans l’État, depuis la base jusqu’au sommet, aussi bien dans le village le plus reculé que dans chaque quartier de Petrograd, doit appartenir aux soviets de députés des ouvriers, soldats, salariés agricoles, paysans, etc.(…) Seul ce pouvoir, seuls les soviets de députés soldats et paysans peuvent trancher la grande question de la terre autrement que dans l’intérêt des gros propriétaires fonciers, et non bureaucratiquement (…). Les comités paysans doivent la confisquer sans délai (…). Toute la terre doit appartenir à l’ensemble du peuple et ce sont les soviets locaux des députés paysans qui doivent en disposer. Pour que les paysans riches – qui sont eux aussi des capitalistes – ne puissent léser et tromper les salariés agricoles et les paysans pauvres, ceux-ci doivent se concerter, s’unir, se grouper à part, ou bien former leurs propres soviets de députés des salariés agricoles. Ne laissez pas rétablir la police ; n’abandonnez ni le pouvoir ni l’administration de l’État à des fonctionnaires non élus, non révocables, bourgeoisement rétribués. Unissez-vous, serrez vos rangs, organisez-vous vous-mêmes, sans vous fier à personne, en ne comptant que sur votre intelligence et sur votre expérience, et alors la Russie pourra se mettre en marche d’un pas ferme, régulier et sûr pour libérer notre pays et toute l’humanité aussi bien des horreurs de la guerre que de l’oppression du capital. Notre gouvernement, qui est un gouvernement de capitalistes, poursuit la guerre dans l’intérêt des capitalistes. (…) Les capitalistes de tous les (…) pays font la guerre pour le partage des bénéfices capitalistes, pour la domination mondiale (…). Il n’est qu’un moyen de sortir de cette guerre effroyable et de conclure une paix qui soit vraiment démocratique (…) : le passage de tout le pouvoir aux soviets des députés ouvriers et soldats. Les ouvriers et les paysans pauvres, qui n’ont aucun intérêt à sauvegarder les bénéfices du capital et à piller les peuples faibles, pourront vraiment réaliser ce que les capitalistes ne font que promettre, à savoir : mettre fin à la guerre par une paix durable qui garantira la liberté à tous les peuples sans exception. » |
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SONJE : en février 1917 débutait la Révolution Russe |
|  | Nous sommes le 23 février 1917 à Petrograd, capitale de l’Empire Russe. Il y a juste 100 ans. La première guerre mondiale sévit sur tous les peuples. C’est aussi la « Journée Internationale des Femmes », le 8 mars du calendrier occidental. Des milliers de femmes et d’hommes envahissent les rues de Petrograd. Les femmes sont les plus nombreuses ; elles prennent la tête du cortège. Tous sont blêmes comme la misère, ils ont faim et froid; la température est de 40; leur pays est en guerre depuis 3 ans. Ils réclament « DU PAIN », « LA PAIX ». Ils dénoncent ainsi cette guerre qui a fait déjà plus de trois millions de morts et cinq millions de blessés, pour l’empire russe une accumulation de défaites, cette guerre qui appauvrit les villes où les produits de première nécessité manquent, des cartes de rationnement sont instituées et font l’objet de spéculations, où le chômage se développe, où la bourgeoisie s’enrichit dans l’industrie de l’armement. Dans les campagnes aussi la situation est catastrophique; les récoltes sont mauvaises, la famine menace, les transports désorganisés entravent le commerce des paysans avec les villes et surtout les hommes valides sont envoyés au front. Ces manifestants crient aussi « A BAS L’AUTOCRATIE »; ils s’opposent au pouvoir absolu et sans partage du tsar Nicolas II, commandant en chef des armées, souverain cruel satisfait quand la troupe tire sur les ouvriers. Pour lui la guerre est « démocratique » et lui qui se dit « petit père du peuple » en est le guide. C’est ainsi qu’il prétend ne pas avoir de compte à rendre à la Douma qui est l’assemblée qui réunit les députés de l’empire. Ce 23 février, l’initiative du mouvement vient des ouvrières de plusieurs usines du textile qui dès le matin se mettent en grève. Elles parviennent à débaucher les ouvriers des usines métallurgiques; d’autres travailleurs des autres secteurs industriels de Petrograd entrent à leur tour en grève et se joignent à eux. La manifestation enfle. Le mouvement vient de la base; les organisations révolutionnaires n’ont pas fait d’appel à la grève; elles estiment que le moment n’est pas venu; elles ne se sentent pas assez fortes pour diriger le mouvement ce jour-là, le climat est très tendu parmi les ouvrières et les ouvriers et le travail de conscientisation auprès des soldats chargés par le pouvoir de maintenir l’ordre n’est pas assez avancé pour éviter des affrontement meurtriers. Mais surpris et impressionnés devant l’immensité du cortège et la détermination des manifestants, leurs dirigeants prennent la tête du mouvement. Le lendemain, le 24 février, toutes les usines sont en grève et les manifestations se poursuivent dans toute la capitale. Drapeaux rouges et hymnes révolutionnaires. Mais la police attaque … Le 25, la grève est générale. Les Bolchéviks qui sont la tendance révolutionnaire du Parti social-démocrate prennent la tête des manifestants. Ils vont vers le centre de la ville où sont concentrés les organes du pouvoir impérial. La police montée intervient. Le régiment des Cosaques, habituellement fidèle au pouvoir s’interpose et protège les travailleurs. Il y aura quand même de nombreux morts parmi les manifestants et des leaders révolutionnaires seront arrêtés par l’Okrana (police politique). Le 26, c’est l’insurrection. Les ouvriers en grève atteignent le centre de la capitale. Les soldats, chargés du maintien de l’ordre, refusent de tirer sur les manifestants et retournent leurs armes contre la police. Ce sont leurs officiers qui utilisent eux-mêmes les mitrailleuses: 150 morts parmi les travailleurs .Le gouvernement proclame l’état de siège et renvoie la Douma. Le 27 février, l’arsenal est pris d’assaut. Les manifestants reçoivent des armes et marchent sur le Palais d’Hiver (résidence du tsar et du gouvernement); ils l’occupent sans rencontrer de résistance. Le tsar est absent. Au Palais de Tauride, siège du parlement, la Douma refuse sa dissolution et des députés créent un « comité provisoire ». Le député socialiste modéré Kerensky accueille les manifestants et proclame l’alliance du peuple et de l’assemblée. Dans la ville les soviets qui sont les conseils d’ouvriers et de soldats se multiplient. Le Soviet des Délégués Ouvriers et Soldats de Petrograd est formé par des militants mencheviks (minoritaires dans le Parti Social -Démocrate ). Il devient en fait l’état-major de l’insurrection. Le 02 mars, sous la pression de la Douma, de la famille impériale, des chefs de l’armée, le tsar Nicolas II abdique au bénéfice de son frère le grand-duc Michel qui abdique à son tour. La République est proclamée le 03 mars 1917. La fin de l’empire russe est suivie d’une immense explosion de joie. Tout le monde porte le brassard rouge et même le Saint-Synode, instance suprême de l’Eglise orthodoxe, bénit la révolution. L’Okrana est supprimée et ses membres sont envoyés au front. La Douma met en place un Gouvernement Provisoire. Il a pour tâche la formation d’un régime parlementaire et le rétablissement de l’ordre. Et il devra préparer la convocation d’une assemblée constituante. Cependant, le Gouvernement Provisoire compte bien poursuivre la guerre et incite les soldats à se battre jusqu’à la victoire.
De son côté le Soviet de Petrograd poursuit ses tâches à portée immédiate par la création de deux commissions: la commission de ravitaillement qui lance un appel à la population pour nourrir les soldats révoltés et la commission militaire qui est chargée de coordonner la défense de la révolution. Enfin un comité exécutif est mis à sa tête qui impulse et coordonne les actions des soviets. Il appelle à la formation de soviets. Des assemblées populaires se mettent en place dans tout le pays, à tous les échelons de la société. Elles sont des lieux de débats et de décisions sur les grandes questions d’organisation et de survie dans les usines, et à la ville comme à la campagne. Au Soviet de Petrograd toutes les tendances socialistes sont représentées. Les Révolutionnaires Socialistes et les Menchéviks du Parti Social-démocrate sont majoritaires. Les Bolchéviks eux constituent une minorité très active.
Après l’élimination de l’Empire Russe, de son autocratie, de la domination économique et sociale de sa noblesse, de ses institutions oppressives, deux pouvoirs s’installent à la tête de la Russie. Le gouvernement provisoire au service de la bourgeoisie pour un développement du capitalisme industriel dans le cadre politique d’une démocratie parlementaire et le soviet des députés ouvriers de Petrograd que rejoindront ensuite les délégués des soldats. En février 1917, le Soviet de Petrograd procède directement de la classe ouvrière dont il assume la détermination, l’intelligence et aussi les hésitations et les contradictions. Les soviets qui se mettent en place à travers le pays sont l’émanation du peuple. Ils sont dans le prolongement de ces manifestations des ouvrières et des ouvriers courageux, solidaires, conscients d’être des acteurs principaux de leur propre histoire. Tout en faisant de la lutte des classes le cœur de leur action, ils sont prêts à inventer, dans le bouillonnement des idées qui suit les journées de février, les conditions d’une société nouvelle. Nous sommes en avril, c’est le retour d’exil de Lénine et Trotsky ces deux dirigeants, donneront au mouvement bolchevik un nouvel élan. Dans les semaines qui suivront un second gouvernement provisoire sera formé avec Kérinski à la tête du ministère de la guerre. Une nouvelle période de crise va s’ouvrir, elle connaitra son épilogue au mois d’octobre. ……Bientôt la suite du texte jusqu’aux évènements d’Octobre.
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Sonjé:Mars 1951 : les luttes et la fusillade de la Chassaing. |
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Tout au long de l’histoire du mouvement social en Martinique, le syndicat des ouvriers agricoles a souvent joué les premiers rôles à travers sa démarche revendicative et sa combativité. L’histoire de ces luttes, pour la défense de ses intérêts matériels, s’est constamment répétée sur de longues périodes de l’histoire du mouvement ouvrier. Pour comprendre l’année 1951 et ces manifestations dans la pleine du Lamentin, où se situe le quartier Chassaing, il faut d’abord analyser le contexte des deux années, 1948 et 1950, qui vont précéder les évènements de la Chassaing à Ducos. En 1948, plusieurs évènements mettront sur le devant de la scène la lutte des ouvriers. Ce sera le cas au Carbet où une répression sanglante frappera des ouvriers agricoles de la distillerie Lajus. Les ouvriers réclament l’application des accords de 1947 pour le salaire des coupeurs de cannes les patrons ne veulent rien entendre. La situation va dégénérer et au cours des affrontements avec les gendarmes les ouvriers laisseront 3 morts (les frères JACQUES et DALIN) et 2 blessés graves et plusieurs blessés légers sur le carreau. C’est également l’année des évènements de Basse-Pointe, où les ouvriers agricoles des habitations : Leyritz, Moulin l’Etang, Emma, se mettent en grève contre l’arbitraire du géreur Guy de Fabrique des propriétés de Despointes De Fabrique désarmé de son révolver sera tué. Il y aura 24 prévenus, 7 arrestations et 4 ouvriers seront emprisonnés ces évènements connaitront leur épilogue au procès de Bordeaux en août 1951, où les 16 seront acquittés. Ces évènements seront connus plus tard comme « l’affaire des 16 de Basse-Pointe ». En 1950 c’est l’année d’un troisième évènement de grande ampleur. C’est la grande grève organisée par le Cartel des fonctionnaires en Martinique et en Guyane, qui rapidement, s’étendra également en Guadeloupe. En Martinique, plus de 2000 fonctionnaires feront la grève et de nombreuses manifestations de soutien viendront appuyer le Cartel. Le gouvernement d’ailleurs va vite céder aux revendications concernant la majoration de traitement, le même taux d’allocation familiales qu’en France et l’indemnité de résidence. Le 3 Mars 1951 les ouvriers agricoles de la zone du centre, notamment à l’appel de leur syndicat, refusent les salaires qui leurs sont servis et qui ne respectent pas la nouvelle grille de rémunération fixée par la Commission de Conciliation de l’Agriculture. Ils seront des milliers à s’engager dans une grève marchante dans la zone du centre (Lamentin, Ducos, Saint Esprit, Rivière Salée) pour faire respecter leur volonté au patronat. Le 7 mars, un groupe qui allait en direction du bourg de Ducos est encerclé par les gendarmes au quartier La Chassaing à Ducos qui les agressent en utilisant des gaz lacrymogènes et leurs armes à feu. 2 ouvriers sont blessés Emile AMANT et Georges RAYMOND et la police procédera à 23 arrestations. Bien que la répression poursuive sa traque devant les tribunaux, dans un procès en correctionnelle, 21 des 23 prévenus écoperont de peine allant de 1 à 8 mois de prison ferme. Cependant, les ouvriers ne baisseront pas les bras, des mouvements de grève se développeront et donneront lieux à d’autres affrontements au François au Robert et au Saint-Esprit notamment. Et ces manifestations quasi permanentes des ouvriers traduisent bien l’état d’esprit des travailleurs pour la période, tant le coût de la vie, les conditions de travail les conditions d'existence, tout comme le chômage n’a jamais cessé d’empirer. Alors que la classe ouvrière végète misérablement les usiniers, les gros propriétaires fonciers et des gros négociants n’ont jamais cessé de s’enrichir de la misère des couches sociales qui souffrent. C’est aussi dans ce contexte de l’année 1951, que se déroulent les élections législatives de juin où CESAIRE, BISSOL (communistes) et VERY (socialiste), se font élire sur un programme qui revendique vouloir « Barrer la route à la misère, au colonialisme et à la guerre, et exiger l’application intégrale du régime de la sécurité sociale et des prestations familiales, la parité des salaires et des soldes avec les ouvriers et les fonctionnaires de France…… » Alors oui, 1951 restera une année importante pour le mouvement agricole, puisqu’elle sera marqué par le Congrès de la fédération des syndicats agricoles de Martinique qui va s’engager à lutter pour la signature de la Convention Collective de l’Agriculture, Convention qui verra le jour l’année suivante. |
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SONJE : FEVRIER 74 « An nou pran douvan avan yo tchoué nou ». |
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Ecoutons cette ouvrière agricole de la banane. Elle était gréviste, membre du comité de grève et elle raconte la terrible journée du 14 février 1974. (Témoignage traduit du créole, recueilli en 1991 par Serge Aribo et publié dans le N° des CAHIERS DU PATRIMOINE intitulé « Révoltes et luttes sociales en Martinique »). « Les temps étaient difficiles. Les békés avaient augmenté les tâches dans la banane, mais ils n’avaient pas augmenté les salaires .Nous touchions 28 francs – par jour, nous demandions 35F46. Lorsque la grève a démarré, le patron a embauché des ouvriers extérieurs à l’habitation. Nous étions obligés d’aller débaucher les gens. Lorsque le patron a vu que vraiment c’était la grève, il a fait appel à des gendarmes mobiles qui était debout là, dans chaque pièce de bananes. Nous continuons à débaucher les ouvriers. Un jour, nous nous dirigions vers Charpentier. Arrivés là, nous trouvons un grand nombre de gendarmes qui nous attendent. Le camarade ILMANY est là, effectivement avec nous, mais nous n’avons pas vu le jeune camarade du Marigot, MARIE-LOUISE. A Charpentier, M. de Meillac nous demande ce que nous faisons là. Nous lui répondons qu’aujourd’hui nous ne travaillons pas, nous voulons nos 35 F 46 .Il se lamente en se demandant ce qu’il va bien pouvoir faire de sa récolte .Nous lui rétorquons que nous ne sommes pas responsable de sa banane ; nous sommes de pauvres gens, s’il ne signe pas d’accord, il n’y aura pas de travail. Les gendarmes sont arrivés. Ils ont tenté de nous intercepter sur le pont, mais comme nous étions là en force, nous avons foncé quand même .Nous avons rejoint le hangar central de Fond Brûlé, puis l’allée Coco ; nous avons suivi de nombreuses traces, nous sommes montés par Vallon, nous sommes descendu par Bon repos. Enfin nous sommes arrivés à Vivé. C’est à nouveau là que nous sommes tombés nez à nez avec les gendarmes. Sur la route de Chalvet, j’ai compté quatorze cars de légionnaires, tous armés. Nous avons dit aux camarades : « Il faut nous armer de courage et tenir bon ». Nous avons décidé de nous cacher du côté de l’allée Raisin, mais les gendarmes nous ont encerclés. La route qui rejoint Lorrain à Basse-Pointe était complètement barrée par les cars de gendarmes .A ce moment-là nous avons vu un hélicoptère qui lâchait du gaz lacrymogène sur nous .Nous ne pouvions pas respirer .J’ai mis mon mouchoir sur mon visage .Arrivés près des arbres à pain de Chalvet, nous avons vu gisant par terre, le camarade Rastocle, le camarade François, le camarade Robert .Nous étions atterrés, nous ne comprenions pas .Si les camarades ne s’étaient pas dispersés, je me demande combien d’ouvriers seraient morts ce jour-là . »…. Ce jour-là , à Chalvet , les gendarmes ont tué Rénor ILMANY, un ouvrier agricole originaire du Lorrain et ont blessé grièvement quatre camarades . Deux jours plus tard, on trouvera le cadavre tuméfié, marqué, visiblement torturé de Georges MARIE-LOUISE ; il gisait près de l’embouchure de la rivière Capot . Ce jeune homme de 19 ans, lui aussi du Lorrain, participait depuis plusieurs jours à la grève marchante ; les meurtriers de l’un et de l’autre ne furent jamais inquiétés er ce malgré la concordance des témoignages … Ce n’est pas la première fois dans cette région du Nord de la Martinique que « les forces de l’ordre » exercent leur violence hautement sophistiquée contre des travailleurs armés de coutelas et de bâtons et surtout de leur détermination à résister . Mais c’est la première grève dans le nouveau secteur de la banane. La banane est la nouvelle spéculation coloniale. Elle remplace peu à peu la canne dont les profits depuis les années 60 paraissent insuffisants aux grands propriétaires d’habitations et d’usines. Les usines sucrières ferment ; en 1974, il n’en reste plus que deux sur les douze que comptait le pays en 1962. De même seulement 2/3 des distilleries sont en activité … Dans le même temps le chômage augmente ; les ouvriers agricoles sans emploi quittent les habitations pour s’installer dans les bidonvilles qui entourent Fort-de-France où ils vivent de djobs. Les prix des denrées indispensables augmentent, le pouvoir d’achat est en chute libre aussi bien à la campagne qu’à la ville. Beaucoup émigrent vers la France, pilotés par le BUMIDOM qui leur promet assistance et formation et en fait leur offre d’échanger « leur misère au soleil » contre la grisaille, le racisme, les emplois sans avenir… Dans les bourgs de Martinique et en ville, la riposte des travailleurs à cette situation s’est organisée dès le mois d’octobre 1973. La CGTM mène une campagne contre la vie chère. Ses revendications, de plus, s’articulent autour des points suivants : - l’égalité de droits avec les travailleurs de France : les mêmes lois régissant le travail, la même protection sociale, le même montant du SMIC, les mêmes échelles de rémunération, les mêmes droits aux congés payés… - L’amélioration et la sécurisation des conditions de travail – en particulier sur les habitations où les travailleurs sont victimes de produits dangereux autorisés ici, interdits en France . - L’opposition aux licenciement et pour l’application stricte de la législation française dans ce domaine. - La lutte contre la discrimination raciale qui sévit en Martinique aussi bien dans l’administration que dans le secteur privé. - la relance de l’industrie sucrière qui devrait – aux yeux de ses dirigeants, enrayer le chômage et l’émigration. Dès janvier 1974, les grèves et les manifestations se multiplient : dans le bâtiment où les travailleurs obtiennent 14% d’augmentation de salaire, à la SPDM (électricité) en grève illimitée…. Et même dans les lycées contre l’augmentation des pensions et demi-pensions. Pendant ce temps la grève des ouvriers agricoles s’étend de Grand Rivière à Rivière Pilote. Des comités provisoires de grève se créent par secteurs géographiques. A la tête du mouvement pas d’organisation syndicale déclarée. Cela est nouveau dans ce qui fut longtemps le terrain de lutte de prédilection de la CGTM. IL est animé par des groupes d’intellectuels révolutionnaires, ayant parfois vécu les événements de 68 en France et inspirés par les mouvements troskystes , maoistes, patriotiques : le GRS ,le GAP, Septembre 70… Ils constituent l’UPSOA (Union patriotique de Soutien avec les Ouvriers Agricoles) . Leur but est de populariser la lutte des travailleurs de la banane et d’en organiser le soutien politique et financier. Sur le plan politique, ils opposent le mot d’ordre d’indépendance à celui d’autonomie du PPM et du PCM. L’Intersyndicale (CGTM, FO, CFDT) appelle à la grève générale pour le 12 février. Une grande manifestation rassemble à Fort-de-France plus de 5000 personnes – travailleurs, lycéens, fonctionnaires, dockers… Le mouvement s’amplifie et se durcit : coupures d’électricité, débauchages et piquets de grève, affrontements avec la police , ville morte …. En grève depuis un mois, les ouvriers de la banane se joignent au mouvement, bien que leurs leaders soient reçus avec réticence par les organisations syndicales, dont les dirigeants appartiennent aux partis autonomistes. Le 13 février une commission paritaire se met en place et les négociations commencent sur les augmentations de salaire. C’est là que survient la journée terrible du 14 février dont notre camarade ouvrière agricole nous a fait le récit. L’indignation est à son comble dans la population martiniquaise. Les plus âgés se souviennent des répressions meurtrières lors des grandes grèves des travailleurs de la canne : la fusillade du François en 1900, celle de Bassignac en 1923, la charge de gendarmes à cheval lors de la Marche de la Faim en 1935, , la fusillade du Carbet en 1948, celle du Lamentin qui fit trois morts et vingt-cinq blessés le 24 mars 1961… et tant d’autres actes de répression à l’encontre de ceux qui revendiquent le droit à une vie décente . Et les plus jeunes prennent conscience que les travailleurs sont une force quand ils s’unissent : «Sé les travayé yo mim ké libéré co yo ». Cette force, tous les tenants de l’ordre établi – préfet, patrons, partis politiques ... etc - sont bien obligés de la reconnaître. C’est une force avec laquelle il faut négocier, si l’on veut que reviennent le travail et cette « paix sociale » si favorable aux profits. Le 21 février, un accord entre le patronat et les organisations syndicales est signé . Des revendications importantes sont satisfaites dans différents secteurs. Retenons ici que la journée de travail des ouvriers de la banane est portée à 35 francs 50 . C’est mieux que 28 francs mais moins bien que 50 francs qui correspond au SMIC de France. Depuis 1974, les choses ont évolué. Aujourd’hui, d’immenses zones dites « industrielles » et autres centres commerciaux concentrent l’essentiel de l’activité économique du pays dans le centre. Les luttes se déploient surtout dans les secteurs tertiaires ; elles n’en sont pas moins âpres, elles sont organisées, avec des objectifs précis et une combativité efficace. Par ailleurs les zones exclusivement agricoles se dépeuplent, de nombreuses terres restent en friche ; mais le secteur agricole témoigne toujours de la combativité des travailleurs face à la précarisation, aux bas salaires, à la pollution qui caractérisent les habitations bananières. Plus récemment, les événements de Février 2009 nous ont rappelé que la lutte des classes forme la trame de la société martiniquaise. Latente par moment, elle ressurgit quand l’injustice est trop flagrante pour nous rappeler que les intérêts des patrons et ceux des travailleurs sont inconciliables, même si temporairement on trouve des solutions négociées. Le semblant de paix sociale ainsi obtenu n’est que provisoire. La dignité et le droit à une vie décente sont toujours à reconquérir.
Le combat des ouvriers agricoles en février 1974 a toute sa place dans la liste des grandes mobilisations du mouvement ouvrier en Martinique. D’abord parce qu’au bout de ce combat, il y a eu des résultats et qu’ensuite à partir de cette situation vécue par le monde agricole se construira un mouvement de mécontentement encore plus large. Puisque se mettront en lutte les ouvriers des villes, les étudiants, les lycéens, les travailleurs des banques, du bâtiment, de l’électricité, du port de la presse écrite, qui rejoindront la lutte pour réclamer eux aussi l’amélioration de leur condition de vie. Il faut donc retenir que malgré la violence de la répression policière, malgré les campagnes de désinformation des organes de presse à la solde du patronat, malgré le coup d’arrêt sanglant de la tuerie de Chalvet, la mobilisation ouvrière imposera un recul au patronat béké de l’agriculture. Et qu’aussi, dans d’autres secteurs des revendications importantes seront arrachées. Alors oui, les patrons et l’administration en frappant aussi lourdement ceux qui se sont battus, livrent du même coup à tous les travailleurs, le message du prix à payer pour conquérir le respect et la dignité pour une vie meilleure.
17-02-2016
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La grève générale de février 2009, 8 ans après. |
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Les différentes grèves et mobilisations qui se sont déroulées contre la vie chère en 2009 et qui ont duré 35 jours en Martinique, ont été provoquées par une situation sociale intolérable supportée par la population. En Martinique, durant toute l’année 2008, les syndicats CGTM, CDMT, CSTM, UGTM, CFTC, UNSA, CFDT, et la CGTM-FSM regroupés en intersyndicale ont cherché à informer le maximum de travailleurs sur la situation sociale et à les sensibiliser sur l’augmentation des prix des produits de premières nécessités, et sur l’idée d’une mobilisation contre la vie chère. C’est sur cette base que cette intersyndicale appelait à son tour tous les travailleurs à une grève générale le 5 février 2009, pour exiger une augmentation des salaires et des minima sociaux de 354 euros nets, contre les emplois précaires et contre la vie chère. En effet, de plus en plus de travailleurs et de gens disaient «la Guadeloupe est mobilisée contre la vie chère et pourquoi pas nous ? ». Le jeudi 5 février 2009, plus de 10 000 manifestants, venus des entreprises mais aussi des quartiers populaires, ont répondu à l’appel de l’intersyndicale. À la fin de la manifestation et devant le fort ras-le-bol exprimé par les milliers de manifestants, la secrétaire générale de la CGTM, Ghislaine Joachim-Arnaud, a fait voter la reconduction du mouvement dans le cortège syndical CGTM regroupant toujours un nombre important de manifestants. Un point de rendez-vous fut donné pour le lendemain. Le soir de la mobilisation, au cours d’une assemblée générale, l’intersyndicale s’est transformée en Collectif du 5 février. Le vendredi 6 février, un groupe de militants accompagnés de travailleurs et manifestants venus de la population a fait des débauchages et prises de parole dans toute la zone industrielle de Lamentin. C’est ainsi que démarrait la grève générale qui a duré 35 jours. Durant tout le mouvement, les gros capitalistes békés, et les autorités locales et gouvernementales ont cherché par tous les moyens à jouer le pourrissement du conflit. Mais leur objectif n’a pas été atteint. Chaque jour la population se retrouvait de plus en plus nombreuse, plus importante que jamais dans le passé, pour manifester contre la vie chère et ce malgré la présence des forces de l’ordre venues de France en renfort. Finalement, un accord portant sur les salaires et sur la baisse de 400 produits de première nécessité a été signé le mercredi 11 mars entre les organisations syndicales du Collectif du 5 février et les organisations patronales. La grève générale a arraché une augmentation de 200 euros nets, en partie payée par l’État et les Collectivités et en partie par les patrons, valable pour 3 ans. Sur les baisses de prix aussi, la mobilisation d’une partie de la population a continué durant plusieurs mois, notamment sous forme de comités de contrôle des prix, pour obliger les grandes surfaces appliquer les «prix BCBA» correspondant aux accords signés. Ce fut la plus grande grève des soixante dernières années en Martinique. Elle a suscité des soutiens et encouragements dans de nombreuses entreprises et Régions, en France et plus loin encore. Les travailleurs et la population laborieuse ont pu arracher des mains des «profiteurs» certaines améliorations de leurs salaires et conditions de vie. Mais la victoire fut aussi morale. Même si la force du mouvement n’a pas permis d’aller plus loin, et malgré le déchainement de commentaires contre la grève orchestré par le patronat et tous ses suppôts, ils ont pu faire l’expérience que la grève générale et massive est un moyen de lutte efficace contre les inégalités et contre l’exploitation.
02 fevrier 2017
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Février 1923, la grève des ouvriers de la canne, la fusillade de Bassignac . |
|  | Ce 29 janvier 1923, la campagne sucrière a déjà commencé . Mais ce matin-là les ouvriers de la canne du Lorrain, refusent de reprendre le travail . Ils se répandent, en bandes, coutelas en main, d’habitations en habitations, vers le nord et vers le sud, de Macouba jusqu’à Trinité . Ils entraînent leurs camarades coupeurs de cannes et amarreuses à quitter les champs , leurs camarades ouvriers des usines du Lorrain, de Sainte-Marie à abandonner leurs postes de travail . Les usines s’arrêtent. Les pièces de cannes flambent ; ne suffit-il pas d’y lancer des bougies allumées …. ? Les patrons n’ont rien voulu entendre de leurs revendications , les demandes d’augmentation de salaire sont restées sans réponse . Et pourtant dans une journée, la tâche du coupeur, c’est 1000 coups de coutelas et 5 kms de longueur de cannes coupées placées bout à bout ; les nouvelles espèces de cannes sont très dures et la journée de travail qui, avant, se terminait à 14 heures, ne s’achève pas avant 17 heures . Que demandent-ils ? simplement que pour une tâche, le salaire du coupeur qui est de 3 francs passe à 4,5 francs et pour une amarreuse de 2,30 francs à 3,50 francs. Les ouvriers agricoles vivent dans une grande misère . Les planteurs de cannes se sont saisis de terres jusque là consacrées aux cultures maraîchères et vivrières. « Les vivres et les légumes du pays (manioc, bananes, ignames, patates, choux…etc ) la volaille, les œufs, le lait et la viande de boucherie se sont raréfiés sur les marchés locaux. » admet un rapport sur l’agriculture de l’époque . Les prix des denrées de première nécessité importées sont en augmentation vertigineuse du fait des tarifs du transport et de la rapacIté des intermédiaires . Depuis la fin de la Première Guerre Mondiale, les patrons pratiquent une politique de bas salaires qu’ils justifient par les baisses du marché et les incertitudes du climat . Des périodes des prospérité pourtant arrivent du fait de l’extension des cultures de la canne et l’augmentation du prix du rhum et du sucre . Mais les ouvriers agricoles n’en bénéficient pas .Pour eux la situation n’a pas vraiment changé depuis l’abolition de l’esclavage, il y a 75 ans... A Sainte-Marie, le directeur de l’usine, effrayé par l’ampleur de « la grève marchante » demande au gouverneur de la colonie et obtient de lui la protection des gendarmes . Il refuse toute négociation avec les ouvriers . Il refuse même l’entremise de la municipalité ; elle paraît pourtant l’intermédiaire idéal : le maire est le dirigeant du Parti Socialiste Joseph Lagrosillière – souvent appelé « Papa Lagro » par les travailleurs tant il semble leur être proche et les soutenir dans leurs luttes et par ailleurs il a signé 4 ans auparavant le fameux pacte de Sainte-Marie avec les « békés progressistes ». La médiation de l’inspecteur du travail échoue elle aussi . « Les gens de l’ordre », sorte de milice patronale, se font menaçants, prêts à attaquer les grévistes . Les heurts entre ouvriers et gendarmes se multiplient . Le 9 février, une soixantaine de grévistes quitte le Morne des Esses et se dirige vers Trinité ; ils veulent atteindre Bassignac où le travail n’a pas cessé . A leur tête les plus combatifs, GENIUS LAPIERRE, dirigeant syndical des ouvriers agricoles de Sainte-Marie et aussi CORNELIUS NIGER, ANTOINE GUILLAUME … Souvenons-nous de ces hommes , ils ont construit eux aussi notre histoire…. Arrivés à l’habitation Ressource, les grévistes entrent en contact avec les travailleurs toujours au travail . Soudain les gendarmes surgissent . Ils tirent en l’air . Les « gens de l’ordre » attachés à l’habitation, font feu sur le groupe de travailleurs qui s’enfuit . C’est alors qu’un géreur hurle à l’intention des gendarmes « Brûlez-les ! » . Les gendarmes tirent dans le dos des ouvriers sans armes . Deux morts, trois blessés … Les morts sont Flavius DANTE et Laurence MARCLAY – elle avait 19 ans et était, dit-on, enceinte ….C’est le 10 février… On apprend plus tard, qu’ils ont été enterrés à la hâte, à Trinité lors d’une cérémonie où des personnalités ont pris la parole : Manville, un dirigeant du syndicat des ouvriers, le procureur de la République et Lagrosillière… Il faut bien ramener le calme et … l’ordre capitaliste, l’ordre colonial . Dans la nuit, les grévistes de Saint-Marie déterrent Flavius DANTE et Laurence MARCLAY et à la lueur des flambeaux les ramènent à Sainte-Marie . Pendant quelques temps encore, les champs de cannes continuent de flamber . La grève continue et tente de s’étendre vers le sud . Mais les propriétaires des usines de Rivière Salée et de Génipa décident le lock-out . Et surtout le gouverneur de la colonie ordonne que des soldats et des marins soient présents autour des usines et des habitations . Face à eux ni les coutelas des grévistes, ni les incendies des cannes ne font pas le poids . Le mouvement s’essouffle, le travail reprend peu à peu. Dans le désarroi . On dit, on écrit même , que la grève de février 1923 est un échec . Certes les patrons ont refusé toute négociation ; les pouvoirs publics n’ont pas hésité à avoir recours à la violence la plus radicale pour étouffer le mouvement pour des revendications si justes et si modestes . Mais parlons plutôt d’une défaite, seulement un épisode de la longue lutte des travailleurs martiniquais contre l’exploitation capitaliste et pour la reconnaissance de leurs droits d’hommes et de femmes libres . Une défaite en attendant des victoires… 21-01-2017
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Martinique : Il y a 83 ans, l’assassinat d’André Aliker (lu dans Combat Ouvrier)
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Le journaliste André Aliker, fondateur du journal du Parti Communiste Martiniquais (PCM),"Justice", fut assassiné et son corps retrouvé sur une plage de Martinique le 12 janvier 1934. Ce n’était pas le premier meurtre commis en Martinique par les hommes de main des exploiteurs ou par les forces de répression au service du pouvoir. Mais cet assassinat a frappé les esprits d’une part à cause de la personnalité de la victime, d’autre part parce qu’il était l’illustration ultime des rapports de classe dans la société coloniale. ANDRÉ ALIKER, UN MILITANT COMMUNISTE C'est dès son retour du front pendant la guerre de 1914-1918 pour laquelle il s'était porté volontaire, qu'Aliker commença son combat contre l'exploitation capitaliste et colonialiste qui sévissait cruellement en Martinique. Il était membre du groupe communiste Jean Jaurès, l'ancêtre du Parti Communiste Martiniquais et son activité était centrée sur le journal dont il était le fondateur : "Justice". Par la suite, celui-ci restera l’organe de presse du Parti Communiste, fondé en 1935. Aliker en était le responsable, le principal rédacteur et diffuseur. Par ailleurs, il tirait sa subsistance d’un petit commerce de gros. Fils d’ouvriers agricoles, très proche de la population, il parcourait les quartiers les plus pauvres en diffusant son journal et discutant avec ceux qu’il rencontrait. Aliker était donc très connu pour ses idées et il était apprécié par ceux qu’il côtoyait et en particulier les travailleurs et la population pauvre. Cette activité militante, ce dévouement dans le combat des pauvres contre leurs exploiteurs, irritait la fraction la plus riche et influente de la société coloniale, les possédants blancs locaux, descendants des vieilles familles esclavagistes, les Békés. D’autant plus qu’en juillet 1933, le journal Justice avait révélé un scandale financier impliquant le possesseur d’une des plus grandes fortunes de l’île : Eugène Aubéry. Ce dernier mit en œuvre une stratégie graduelle pour faire taire Aliker et son journal. D’abord, une tentative de corruption qui fut bien sûr rejetée et rendue publique dans le journal. Ensuite, la banque réclama à Aliker le remboursement du montant des prêts qui lui avaient permis de monter son petit commerce. Cette tentative d’affamer le gêneur échoua également grâce à la solidarité de ceux, nombreux, qui le soutenaient. Un peu plus tard, l’imprimerie qui éditait le journal refusa de le réaliser, prétextant des problèmes financiers. Là aussi, une souscription permit le rachat de l’imprimerie et «Justice» continua à être publié. Une première tentative d’intimidation physique laissa Aliker roué de coups. Un peu plus tard, le 1 janvier 1934, il fut enlevé, embarqué dans un canot, puis jeté à l’eau au large. Il parvint à regagner la côte à la nage. Il déclara «après l’attentat du jour de l’an, je suis convaincu qu’Aubéry a mis ma tête à prix». Les plaintes déposées par Aliker suite à ces agressions furent classées sans suite Très peu de temps après, le 12 janvier 1934, son corps fut retrouvé, mort sur la plage de Fond-Bourlet, dans la commune de Case Pilote. Il avait été ligoté avant d’être jeté à l’eau, mort. Deux émigrés originaires de Sainte Lucie, Moffat et Mellon ainsi qu'une Martiniquaise soupçonnés d'avoir acheté la corde, furent arrêtés. La Martiniquaise fut mise hors de cause. Le 22 janvier 1936, les assassins présumés d'Aliker furent acquittés par la cour d'assises de Gironde. Néanmoins, jusqu'à nos jours, c'est bien Eugène Aubéry que la mémoire collective de la population de la Martinique retient comme ayant été l'assassin-commanditaire d'André Aliker. Le 31 janvier 1936, Marcel Aliker, le jeune frère d'André tenta d'abattre Eugène Aubéry au Lamentin, au pied de l'église lors des obsèques du Béké André Debuc, maire de la commune. Mais l'arme s'enraya. Jeté en prison, mais soutenu par l'opinion publique, Marcel Aliker fut acquitté. Le frère cadet, le populaire chirurgien Pierre Aliker, décédé récemment, le 5 décembre 2013 à l'âge de 106 ans s'est toute sa vie habillé de blanc en souvenir de l'assassinat d'André. Il fut le bras droit d'Aimé Césaire pendant toute la vie de ce dernier et dirigeant du PPM, Parti Progressiste Martiniquais, aux côtés de Césaire. EUGÈNE AUBERY ET LA SOCIÉTÉ COLONIALE L’affaire Aubéry fit éclater au grand jour les méthodes de l’administration coloniale : la collusion des riches avec la Justice, la toute-puissance des Békés qui non contents d’exploiter férocement les salariés, estimaient que leurs pratiques mafieuses d’enrichissement étaient au-dessus de toute loi. Eugène Aubéry était à l’origine géreur de l’usine du Lareinty, dont le béké Hayot était l’actionnaire majoritaire. Aubéry épousa l’héritière, Berthe Hayot. Il devint administrateur de la Société Anonyme Lareinty. Par des rachats successifs d’actions plus ou moins licites, il parvint à devenir le seul propriétaire, à la tête d’un domaine de 2 473 hectares, comprenant 24 habitations et l’usine sucrière. C’était la plus grosse fortune de la Martinique. Lors de la liquidation de la SA Lareinty, qui devenait propriété exclusive des Aubéry, elle fut largement sous-évaluée : 7 millions et demi de francs de l’époque, pour une valeur réelle estimée à 30 millions. Cette malversation financière fut découverte par un fonctionnaire nouvellement promu et indépendant des Békés. Aubéry fut dans un premier temps condamné à verser une forte amende, puis acquitté en appel. Mais le journal «Justice» avait révélé le scandale et publié des documents. Aubéry était donc publiquement convaincu de fraude fiscale et de corruption de magistrat : 200 000 francs avaient été versés au juge de la cour d’appel. L'ASSASSINAT D’ALIKER, UNE PAGE TRAGIQUE DU MOUVEMENT OUVRIER MONTANT A la suite du Krach boursier de 1929, les exploiteurs voulurent faire porter par les travailleurs le poids de la crise : baisse des salaires, augmentation des prix… ces derniers, déjà pressurés au-delà du supportable, ne pouvait l’accepter. L’exaspération et la frustration ressenties après le meurtre d’Aliker ne purent qu’alimenter leur révolte. La justice coloniale ne donna pas de suite à l’assassinat. 4 hommes furent arrêtés. Deux bénéficièrent d’un non-lieu, deux autres furent convaincus de complicité d’assassinat puis relaxés. Parallèlement le mouvement ouvrier progressait. L’année qui suivit, donc en 1935, les travailleurs agricoles de la canne déclenchèrent une grève mémorable. Marchant de plantation en plantation, ils arrivèrent dans la ville de Fort-de-France qu’ils occupèrent. Ils revendiquaient des augmentations de salaires, une diminution de la tâche et la baisse de prix des produits de base. Aubéry fut victime d’une tentative de lynchage. D’autres catégories de travailleurs se mirent aussi en grève : dockers, ouvriers du bâtiment. Le béké De Laguarrigue expédia le télégramme suivant au sénateur Lémery (le bras droit d’Aubéry) à Paris : «Toutes usines arrêtées par intervention bandes armées parcourant l’île. Marche bandes lundi sur Fort-de-France. Tentative lynchage Aubéry. Prison assaillie, meneurs relaxés crainte émeute, carence autorité. Clame depuis retour ancien salaire. Situation très grave. Avisez Ministère». Cette fois, les troupes coloniales n’osèrent pas tirer. D’autres carnages, d’autres assassinats, d’autres luttes ont marqué l’histoire de la Martinique et de la Guadeloupe. La départementalisation n’a pas mis fin aux survivances coloniales, même si l'époque de la canonnière et du racisme violent contre les Noirs et les Indiens a laissé place à des discours doucereux, hypocrites et un racisme rampant. Ce sont les combats menés par les travailleurs qui ont pour une grande part fait changer les choses. Pour en finir avec le colonialisme et l’oppression patronale, il faudra mener la lutte jusqu’à leur arracher le pouvoir. Ce sont des militants comme André Aliker qui en ont tracé le chemin. |
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Octobre 1917 : les travailleurs ont pris le pouvoir en Russie |
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Dans la nuit du 24 au 25 octobre 1917, des ouvriers, soldats et matelots révolutionnaires imposaient à la tête de la Russie le pouvoir des travailleurs, représentés par les Soviets (conseils ouvriers). Cette révolution qui a eu lieu il y aura bientôt 100 ans nous concerne aujourd’hui plus que jamais. La barbarie dans laquelle le capitalisme sous sa forme impérialiste a plongé le monde, les énormes inégalités entre l’infime minorité, la plus riche, et la masse des pauvres, la dégradation de la planète due à l’incohérence du système et à la rapacité de la classe capitaliste dominante… autant de raisons de penser que ce système doit être renversé. «Socialisme ou barbarie» écrivait Karl Marx. La barbarie, nous la voyons ou la vivons tous les jours, et cela peut devenir bien pire. Quant au socialisme ou au communisme, ces termes sont et ont été dévoyés pour désigner des partis et des États agissant à l’exact opposé de ce qu’ils signifient en réalité. Revenir sur le processus qui a conduit les travailleurs à prendre le pouvoir en Russie et à diriger l’URSS pendant plusieurs années est donc un exemple et un espoir pour les opprimés et les exploités du monde entier : oui, la prise du pouvoir par la classe ouvrière est envisageable autant que nécessaire. LES COMBATS QUI ONT PRÉPARÉ LA RÉVOLUTION D’OCTOBRE L’insurrection d’octobre 1917 fut l’aboutissement d’un mouvement révolutionnaire qui agitait la Russie, empire des tsars, depuis de nombreuses années. A la fin de XIXe siècle, des «terroristes», les Narodnikis, révoltés par l’injustice et la violence de ce régime féodal, organisaient des attentats politiques, dont l’assassinat du tsar Alexandre 2 en 1881. En 1905, une première révolution ouvrière constitua la «répétition générale» de celle de 1917. Les premiers organes révolutionnaires du pouvoir de la classe ouvrière : les Soviets (Conseils ouvriers), apparurent. Leurs représentants élus par les travailleurs des quartiers et des usines pouvaient être révoqués à tout instant. L’échec de cette première révolution entraina une répression, mais le Parti des travailleurs, le Parti Bolchévik, continua à se renforcer. La première guerre mondiale, dans laquelle la Russie était impliquée, rajouta à la misère des masses. Les soldats russes, comme tous ceux qui ont fait la guerre, vivaient des conditions épouvantables. La population affamée voulait du pain et voulait la paix. Les paysans qui s’échinaient sur les terres appartenant aux grands propriétaires voulaient la terre. En février 1917, la pression longtemps contenue éclata. Une manifestation de femmes, les ouvrières du textile de Saint Petersburg, fut l’étincelle. Les travailleurs de la ville s’engagèrent dans la lutte. Ils furent rapidement rejoints par les soldats. S’appuyant sur la première expérience de 1905, ces insurgés constituèrent des Soviets dans les usines, les quartiers. Cette première insurrection contraignit le tsar à abdiquer. La bourgeoisie, soucieuse de préserver ses intérêts, constitua un gouvernement provisoire. De leur côté, les ouvriers et soldats avaient leur propre pouvoir, les Soviets. Lénine et une minorité de révolutionnaires bolchéviks revendiquaient tout le pouvoir aux soviets, ils étaient convaincus que la prise du pourvoir politique par le prolétariat était possible et nécessaire, mais la majorité des travailleurs ne les suivaient pas encore. Le gouvernement provisoire de la bourgeoisie n’amena que déception pour les opprimés : il ne mit pas fin à la guerre, la population souffrit toujours de la faim, et la question agraire ne fut pas réglée. C’est ce qui engagea les masses ouvrières et paysannes, ainsi que les soldats, à soutenir la cause révolutionnaire du parti bolchévik, qui seul représentait leurs aspirations et leurs intérêts. Ce parti, dont Lénine et Trotsky étaient les dirigeants, joua un rôle décisif dans la révolution d’octobre. Durant les mois qui précédèrent octobre, les Bolchéviks se battirent pour obtenir la majorité dans les Soviets, face à d’autre partis, Cadets, Menchéviks, Socialistes révolutionnaires, représentant des idées petites-bourgeoises au sein de la classe ouvrière. Les Bolchéviks convainquirent les travailleurs de leur capacité à poursuivre la lutte jusqu’à la victoire. Ils convainquirent aussi l’armée et les paysans de rejoindre la révolution. OCTOBRE 1917 : LES TRAVAILLEURS PRENNENT LE POUVOIR C’est cette adhésion générale des opprimés qui permit la victoire de l’insurrection à Saint Petersburg et à Moscou, en octobre 1917. Le pouvoir de la bourgeoisie, qui ne bénéficiait plus d’aucun soutien populaire, tomba sans résistance majeure face à l’insurrection armée d’ouvriers, de soldats et de matelots révolutionnaires. Les premières mesures prises par le nouveau pouvoir furent la paix immédiate, l’abolition du droit de propriété des grands possédants sur la terre, le contrôle ouvrier sur la production. Le gouvernement des Soviets fut mis en place. Si les travailleurs de Russie ont pu renverser d’abord le pouvoir du tsar puis celui de la bourgeoisie pour mettre en place leur propre état, c’est qu’ils disposaient d’un instrument indispensable : un parti révolutionnaire, le Parti bolchévik, qui a su les conduire à la victoire. La combativité, la volonté révolutionnaire n’étaient pas un cas isolé particulier à la Russie. Dans plusieurs pays d’Europe, les travailleurs exploités, opprimés, qui exécraient la guerre, se soulevèrent dans cette période. Mais ils ne disposaient pas d’un tel parti organisé et expérimenté. Cette absence conduisit la révolution européenne à la défaite. A aucun moment, les révolutionnaires russes n’ont envisagé de construire la société socialiste dans les frontières de l’URSS. La révolution à l’échelle de l’Europe puis du monde était indispensable pour venir à bout de la vieille société capitaliste. L’échec des révolutions dans le reste de l’Europe entraina l’isolement de l’URSS. La bourgeoisie tenta de reconquérir le pouvoir avec l’aide des puissances capitalistes européennes, qui entrainèrent une «armée blanche» pour combattre l’armée rouge révolutionnaire dont Trotsky fut le principal dirigeant. La guerre civile dura plusieurs années. L’armée blanche fut défaite, mais le formidable effort qui fut nécessaire pour remporter la victoire entraina un essoufflement de la force révolutionnaire. De telles difficultés permirent à une caste bureaucratique dirigée par Staline d’accéder au pouvoir. Il organisa la mise à l’écart puis peu à peu l’élimination physique systématique de toute une génération de militants révolutionnaire, celle qui avait fait 1917. Lénine était mort en 1924. Trotsky fut exilé et finalement assassiné sur ordre de Staline en 1940. Mais près de 100 ans après, cette révolution reste un magnifique exemple pour les travailleurs du monde entier. Elle montre qu’ils ont la capacité de renverser l’oppression capitaliste pour offrir à l’humanité un avenir de justice et de progrès, une société véritablement communiste. Ils ne le feront pas dans les mêmes conditions que les révolutionnaires de 1917. Mais ils en sont capables. |
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Il y a 80 ans, Juin 1936 : la grève générale en France (lu dans Combat Ouvrier) |
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En juin 1936, sous le gouvernement de Front populaire de Léon Blum, des grèves avec occupation d’usine s’étendent. C’est un sursaut du mouvement ouvrier après la période de reculs et de démoralisation suivant la crise économique de 1929 et l’accession d’Hitler au pouvoir en 1933 en Allemagne. Les prémisses Le 6 février 1934 des ligues fascistes, Camelots du Roi, Croix de Feu, etc. ont tenté un coup de force autour de l'Assemblée Nationale, en protestation contre la révocation du préfet de police Chiappe, lié à l'extrême-droite. Il y a eu plusieurs dizaines de morts dans l'émeute place de la Concorde. Le gouvernement Daladier a démissionné le lendemain. Ces événements ont été un coup de semonce pour la classe ouvrière. Le 12 février 1934 un appel à la grève générale est lancé par la CGT (proche du Parti socialiste) et la CGTU (proche du Parti communiste). Les deux manifestations organisées à Paris ont fusionné près de la place de la Nation. À partir de ce moment, l'enthousiasme et l'esprit d'offensive sont revenus du côté des travailleurs. Les élections du 21 avril et du 3 mai 1936 donnèrent la victoire au Front populaire, la nouvelle alliance entre les Partis socialiste, communiste et radical, initiée après la chute du gouvernement du radical Doumergue, en automne 1934. Un mois après les élections, la présidence du Conseil a échu à Léon Blum, dirigeant du Parti socialiste. Le Parti communiste soutint le gouvernement de l'extérieur. Avant le scrutin, Jacques Duclos, un des principaux dirigeants du Parti communiste, avait fixé les limites à ne pas dépasser : « Nous n'entendons pas laisser accréditer l'idée que le gouvernement de demain détruira le régime capitaliste. Non, non et non. Ce n'est pas nous qui demanderons ces choses... ». Les sommets des partis de gauche, socialiste et communiste, ont donc choisi de ne rien changer. Derrière des phrases « de gauche », le statu quo a été maintenu et le patronat, dont le tout-puissant « Comité des Forges », n'avait rien à craindre de ce côté. Par contre, du côté des travailleurs, une vague de grèves sans précédent, qui culminera dans les premières semaines de juin 36, a éclaté dans tout le pays. Spontanément, comme un défi au droit de propriété bourgeois, les ouvriers ont occupé les usines. La grève Le dirigeant révolutionnaire Trotsky pourra écrire, le 9 juin : «Ce qui s'est passé, ce ne sont pas des grèves corporatives, ce ne sont même pas des grèves. C'est la grève. C'est le rassemblement au grand jour des opprimés contre les oppresseurs, c'est le début classique de la révolution ». Le mouvement, qui culmine dans les premières semaines de juin 36, a fait reculer patronat et gouvernement. Des patrons concédèrent des augmentations de salaire jusqu'à 35 %. Des négociations centrales se sont engagées entre représentants patronaux et syndicaux et, dans la nuit du 7 au 8 juin, sont signés, sous l'arbitrage du nouveau gouvernement, les accords Matignon. Les travailleurs ont obtenu la reconnaissance du droit syndical, le principe des contrats collectifs, les délégués ouvriers élus, et des augmentations de salaire entre 7 et 15 %. Dans la majorité des entreprises les travailleurs refusèrent d'évacuer et de reprendre le travail. Le gouvernement recula encore, au delà de ce qui avait été concédé à Matignon. Le 11 juin il a fait voter la loi instituant le droit aux congés payés, le 12 celle sur les 40 heures par semaine. Rien de tout cela ne figurait dans le programme du Front populaire, dicté par le Parti radical. Ces conquêtes ouvrières sont à mettre au crédit de la grève, et d'elle seule. Au lendemain des accords Matignon la direction de la CGT – réunifiée en mars 1936 – et celle du Parti communiste, ont pesé de tout leur poids pour obtenir la reprise du travail. Le 11 juin, Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, déclarait : « Il faut savoir terminer une grève... ». Le reflux dès lors a été enclenché. Mais la classe ouvrière avait écrit une page d’histoire indélébile qui a compté et qui comptera encore dans l’avenir. L’avortement provoqué de la révolution ouvrière Comme l’avait écrit Trotsky, la grève de juin 36 était déjà le début d’une révolution ouvrière en France. Une révolution qui n’eut pas lieu. À l’époque, le Parti communiste français, très influent dans la classe ouvrière, était totalement inféodé à la direction stalinienne qui, de Moscou, imposait ses ordres. La bureaucratie dirigée par Staline avait pris le pouvoir en URSS à partir de 1923. Le pouvoir ouvrier était vaincu sans pour autant que la bourgeoisie revienne au pouvoir en URSS. La bureaucratie stalinienne était une couche privilégiée parasitaire qui avait poussé comme une excroissance maladive sur le corps de la révolution ouvrière. Il s’est agi alors pour cette couche parasitaire de faire échouer, écraser par la bourgeoisie ou détourner toutes les révolutions ouvrières débutantes dans différents pays. Ce fut le cas en Allemagne, en Angleterre, en Chine, en France, en Espagne et ailleurs. La politique de Front populaire fut une manière d’enterrer la révolution en France. Le Parti communiste français fit tout pour que la montée et la colère ouvrières ne se transforment pas en révolution. Le Front populaire devait suffire à faire gagner quelques grandes avancées sociales comme les congés payés par exemple. Mais surtout, et les dirigeants staliniens français le dirent, il ne fallait pas remettre en cause le pouvoir de la bourgeoisie. C’est en ce sens que la politique de Front populaire fut une voie de garage. La bureaucratie stalinienne craignait que d’autres révolutions ouvrières finissent par remettre en cause son pouvoir de couche privilégiée en URSS et sa férule sur le mouvement ouvrier international. C’est aussi pour cette raison qu’elle élimina physiquement et méthodiquement des dizaines de milliers d’authentiques révolutionnaires dans les camps. Et parmi eux, tous ceux qui avaient préparé, organisé et mené la révolution d’octobre 1917 et la guerre civile contre les forces armées qui voulaient rétablir le pouvoir de la bourgeoisie en Russie et dans tous les États qui formèrent l’URSS |
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22 mai 1848. NEG PETE CHENN. Sonjé…….. |
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Chaque année nous nous souvenons de cette date. Chaque année, c’est une victoire que nous commémorons, celle des esclaves se libérant eux-mêmes. Ils se sont révoltés. Ils ont gagné : ils ont obtenu en quelques heures leur libération immédiate. Libération pour mettre un terme au travail forcé, aux mauvais traitements, à la faim, à l’extrême misère matérielle, à la soumission de toute vie personnelle aux volontés des maîtres , aux conversions forcées, à la surveillance permanente… . Se libérer pour cesser d’être la propriété des maîtres et le jouet de la violence radicale de l’exploitation. Sonjé… Ces révoltes, pendant ces deux siècles de traite et d’esclavage, ils n’ont cessé de les mener – sous forme éclatante et flamboyante mais aussi en contestant, jour après jour, dans la vie quotidienne, le système esclavagiste. Et ce sont ces luttes incessantes qui ont rendu indispensable à la « paix sociale » coloniale la décision d’abolir l’esclavage prise par le gouvernement français le 27 avril de la même année. Elles lui donnent tout son sens. Il nous reste à nous, militants syndicaux d’aujourd’hui, d’établir une continuité entre ces combats et les nôtres. C’est à nous maintenant de contester l’ordre social injuste et inégalitaire qui nous est toujours imposé et qui maintient aujourd’hui les travailleurs martiniquais dans la pauvreté et la précarité. L’exploitation capitaliste et la domination coloniale exercent toujours leur puissance sur nos vies. En 1848, l’esclavage a été aboli. C’est une étape fondamentale dans la conquête pleine et entière de notre dignité et de notre liberté. A nous de gagner les prochaines étapes ! Pour en savoir plus, voir exposé «22 mai 1848 : les esclaves se libèrent.
14-05-2016 |
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« Départements d’outre-mer » - Il y a 60 ans, la grève des fonctionnaires |
|  | Cet article est une contribution de nos camarades de Combat Ouvrier, organisation communiste révolutionnaire en Martinique et en Guadeloupe. C’est en mai 1953 que débuta une grève historique, qui dura 62 jours, simultanément dans les quatre récents « départements d’outre-mer » (DOM) de la France : la Guadeloupe et la Martinique en mer des Caraïbes, la Guyane « française » sur le continent sud-américain et l’île de La Réunion dans l’océan Indien. Ces quatre territoires sont ce qui reste aujourd’hui de l’immense empire colonial français, avec la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, la Polynésie française (dans le Pacifique), Saint-Pierre et Miquelon (dans l’Atlantique nord), Mayotte (dans l’océan Indien). Les « confettis de l’empire », a-t-on dit, mais de beaux restes quand même, puisqu’ils permettent à l’impérialisme français d’assumer une présence économique, politique et militaire sur tous les océans et dans toutes les parties du globe. Pour ne citer qu’un exemple, ces possessions permettent à la France d’être la deuxième puissance maritime au monde par la surface de ses eaux territoriales. De ces morceaux de l’ex-empire colonial français, seules La Réunion, la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique sont devenues juridiquement départements français, par la loi du 19 mars 1946, dite loi d’assimilation, avant Saint-Pierre-et-Miquelon (1976) – mais qui n’est plus un DOM aujourd’hui – et Mayotte (2011). Cependant, en 1953, bien qu’ils fussent départements français sur le papier, de nombreuses discriminations coloniales demeuraient dans ces territoires, par rapport aux départements de l’Hexagone. Les maigres droits sociaux acquis en « France métropolitaine » par les travailleurs en matière de Sécurité sociale, d’allocations et autres, n’existaient pas dans ces lointaines possessions. La grande pauvreté était bien plus importante dans les DOM qu’aujourd’hui. Les maladies dues au sous-développement, à la malnutrition, à la misère générale faisaient bien plus de victimes parmi les pauvres que dans la France hexagonale. L’impérialisme français restait fidèle à sa doctrine coloniale dont le principe directeur était que les colonies devaient rapporter le maximum d’avantages à la métropole et coûter le moins possible. Alors, pour ce qui est des quatre vieilles colonies d’outre-mer devenues départements, chaque mesure sociale, chaque avancée vers l’égalité avec la métropole a dû être gagnée de haute lutte par les travailleurs et les masses pauvres. Il a fallu près d’un demi-siècle de luttes, de grèves, souvent sanglantes, de revendications, pour que les travailleurs et la population obtiennent l’égalité sociale... ou presque, entre la métropole et ses quatre vieilles colonies. Et bien des séquelles tenaces du colonialisme y subsistent encore aujourd’hui. Dans ce long combat, la grève des fonctionnaires pour l’obtention de la prime dite de vie chère, jusque-là accordée aux seuls fonctionnaires métropolitains et donc perçue comme une discrimination de nature coloniale, fut l’une des plus grandes luttes de ces soixante dernières années dans ces territoires. Les raisons de la colère Dans ce que l’on appelait désormais départements d’outre-mer, les fonctionnaires recrutés localement ne bénéficiaient pas des indemnités que percevaient leurs collègues venus de France. À l’époque, l’État français versait des primes et indemnités importantes aux fonctionnaires français qui se rendaient dans les colonies d’Afrique ou des Antilles. La discrimination était manifeste entre ces fonctionnaires venus de France et les fonctionnaires locaux africains ou antillais. Mais elle apparaissait encore plus forte dans les colonies qui étaient devenues sur le papier départements français. Pour les gouvernements d’alors, à commencer par le gouvernement « socialiste » Ramadier en 1947, une « parité des salaires (…) aurait eu des répercussions néfastes sur les salaires locaux du secteur privé ». Ils protégeaient donc de fait les profits du patronat en se refusant à augmenter les salaires de ces travailleurs du secteur public. Parmi ces derniers, seuls les « métropolitains » percevaient une indemnité d’éloignement de 40 %, une indemnité de recrutement de 25 % et une indemnité d’installation équivalant à six mois de salaire. Quant aux personnels contractuels ou auxiliaires locaux, ils percevaient une rémunération inférieure à celle de leurs collègues travaillant en France. À La Réunion, ces injustices provoquèrent une première grève du 18 au 25 mai 1948. Cette grève fut suivie par la quasi-totalité des fonctionnaires de La Réunion. Le journal réunionnais Démocratie releva alors que « dans tous les services, le pourcentage des grévistes varie de 80 à 95 % ». L’Agence France Presse signala dans une dépêche : « La grève revêt à La Réunion un caractère tout spécial et a l’appui de l’opinion. » Mais le gouvernement ne prit cependant aucune décision en faveur des grévistes. Une autre grève de 33 jours, tout aussi bien suivie, fut déclenchée dans les quatre prétendus départements d’outre-mer en 1950. Elle contraignit le gouvernement à faire des concessions. Une loi accordant une majoration de traitement de 25 % aux fonctionnaires fut votée. Le salaire des instituteurs des DOM fut relevé pour faire face au coût de la vie, mais la loi sur les 25 % d’augmentation ne fut pas suivie d’effet. Le principe du droit au congé administratif fut admis, mais les inégalités n’avaient toujours pas disparu. Pire, elles se creusèrent. Le journal Témoignages du Parti communiste réunionnais relate la période en ces termes : « Dans les mois qui suivent, le gouvernement se lance dans une escalade qui, d’échelon en échelon, creuse un peu plus le fossé qui séparait les fonctionnaires recrutés en métropole des fonctionnaires recrutés dans les DOM. Les fonctionnaires du cadre local, au premier rang desquels les instituteurs, dénoncent cette « fiction d’assimilation » et s’organisent en optant pour une démarche et stratégie inédites avec comme débouché la grève de 1953. » Le « cadre local », voilà un statut au rabais que l’on retrouve dans toute la période coloniale en Afrique, à La Réunion et aux Antilles-Guyane. Il ressemblait, principalement en Afrique noire, au statut d’« évolués », pour peu que certains Africains aient été scolarisés, sachent lire et écrire le français et soient aptes à occuper certains postes administratifs subalternes sous l’autorité des chefs blancs. Aimé Césaire fait une juste description du « cadre local » : « La notion de “cadre local” est injuste, humiliante et discriminatoire : si plus favorisé, plus instruit, l’Antillais ou le Réunionnais échappe à la servitude de la glèbe, il deviendra petit fonctionnaire et injustement repoussé des cadres généraux auxquels ses diplômes français devraient lui donner accès, refoulé dans les cadres dits “locaux”. Humilié et désarmé, il végétera, soumis à toutes les brimades d’une administration impitoyable. (…) La notion de “cadre local” est une survivance contre laquelle doivent s’élever tous ceux qui, comme nous, sont partisans de la doctrine : à diplôme égal ou à travail égal, salaire égal. » (Assemblée nationale constituante, 26 février 1946) Le rapport explosif En février 1951, un rapport émis par des chefs de service de la Martinique, alors tous blancs et métropolitains, commandant à des subordonnés et à une population noire, indienne ou métissée, souleva la colère des fonctionnaires locaux comme de la population. Dans le but d’obtenir une majoration de leur traitement, ces chefs se plaignaient au gouvernement en ces termes : « Il existe peu de locaux habitables par des Européens... Ce pays est très en retard au point de vue évolution économique et sociale. Les réalisations médico-sociales sont celles du siècle dernier... Au point de vue habitat, le métropolitain, astreint à subir ce climat tropical, ne peut, par ses conditions de vie antérieures, ses difficultés d’adaptation, supporter de vivre lui et sa famille dans la case, habitat normal de la grande masse de la population... Si l’Européen veut garder son autorité indispensable au bon accomplissement de sa tâche, il doit veiller particulièrement à son vestiaire, d’où frais supplémentaires. » Le gouvernement répondit donc à la requête des fonctionnaires d’outre-mer en aggravant encore les inégalités. L’indemnité d’installation du fonctionnaire métropolitain fut étendue à son conjoint pour une durée identique de neuf mois. Ces indemnités étaient renouvelées tous les deux ans et ce, durant quatre séjours successifs. Le caractère raciste du rapport et la réponse du gouvernement furent l’élément déclencheur de la grève de 1953. Les revendications étaient les suivantes : augmentation du salaire de 65 %, application du même régime de congé à tous les fonctionnaires, quelle que soit leur origine, extension aux DOM des allocations familiales servies en métropole, extension de l’indemnité d’installation à tout fonctionnaire muté à plus de 3 000 km de son département d’origine, ou son abrogation, uniformisation du régime des congés administratifs. Victoire de la mobilisation et portée de cette grève La grève dura du 15 mai au 16 juillet 1953 conjointement dans les quatre départements français d’outre-mer avec le soutien de la population. La quasi-totalité des travailleurs de la fonction publique avait cessé le travail. Nombre de travailleurs du privé, et notamment les travailleurs de la canne, firent aussi grève en solidarité avec ceux de la fonction publique. Grâce à cette longue lutte, les fonctionnaires obtinrent une majoration de traitement dite « prime de vie chère » qui fut portée à 30 % puis 40 % en Guadeloupe, Martinique et Guyane et 53 % à La Réunion. L’indemnité d’installation fut abrogée. L’indemnité d’éloignement fut étendue à tout fonctionnaire muté à plus de 3 000 km, et non renouvelable. Cette grève fut donc victorieuse en tous points. Mais en même temps elle devint aussi pratiquement l’acte de naissance de la « départementalisation ». Les députés comme Aimé Césaire, Léopold Bissol, Raymond Vergès, Rosan Girard et Gaston Monnerville (ce dernier était député de la Guyane) avaient certes préparé et voté la loi de départementalisation le 19 mars 1946. Certes, ils allaient dans le sens de la grande majorité des travailleurs et de la population. Mais alors que ces députés, eux, l’avaient fait en faisant allégeance au pouvoir colonial, ce sont les travailleurs de ces départements qui ont su créer le rapport de force nécessaire à la transformation progressive de leurs conditions de vie et de travail, sur le terrain, par leurs luttes. D’une part, cette longue grève victorieuse signifiait à elle seule que la départementalisation n’avait pas abouti à l’égalité des droits entre les travailleurs de la métropole et ceux des DOM. Et d’autre part, elle signifiait que cette égalité était possible en se battant, et que l’État français n’était pas insensible au rapport de force social suscité par les luttes des travailleurs dans ses DOM. C’est en prenant cette grève comme exemple que les travailleurs des DOM déclenchèrent régulièrement des grèves et autres mobilisations pour obtenir cette égalité de traitement social et économique avec les travailleurs de l’Hexagone. Et ce, jusqu’à nos jours. C’est en ce sens que la grève de 1953 demeure un exemple pour tous les travailleurs de l’outre-mer sous possession française encore actuellement. De plus, on peut aussi se poser la question de savoir dans quelle mesure cette grève des fonctionnaires des DOM a eu une répercussion directe sur celle des fonctionnaires de la métropole. Il est difficile de l’affirmer comme il est difficile de ne pas le faire quand on sait que les luttes sont contagieuses et vu la concomitance des deux grèves. En effet, en pleine période des congés, une grève générale des fonctionnaires de la métropole fut déclenchée du 4 au 25 août 1953 en France métropolitaine. Les fonctionnaires de l’Hexagone protestaient contre les décrets-lois du gouvernement Laniel imposant un recul de deux ans de l’âge de la retraite et bloquant les salaires. Le gouvernement fit des concessions mineures et le travail reprit, en grande partie sous la pression des directions syndicales. La politique et le rôle des fédérations communistes des DOM dans le contexte d’après-guerre Les partis communistes martiniquais, guadeloupéen et réunionnais étaient à l’époque fédérations du Parti communiste français. Celle de Guadeloupe fut créée en 1945, celle de Martinique en 1936 sous le nom de « région communiste » succédant au groupe communiste Jean-Jaurès fondé en 1919 par quelques militants communistes. À La Réunion, le CRADS (Comité républicain d’action démocratique et sociale) fut fondé après la Deuxième Guerre mondiale par Raymond Vergès, également fondateur du journal Témoignages qui devint le journal du Parti communiste réunionnais – Raymond Vergès était père de l’avocat Jacques, récemment décédé, et de Paul Vergès, figure emblématique du Parti communiste réunionnais. Le CRADS protesta énergiquement contre les discriminations qui frappaient la population et en particulier les fonctionnaires. Il parlait de ces inégalités de traitement qui « sabotent le projet assimilationniste ». Et c’est ce CRADS qui devint en 1947 fédération réunionnaise du Parti communiste français. Cette fédération, appela quelques semaines après sa fondation à manifester pour « La Réunion, département français ». Bien des militants des fédérations communistes se sont impliqués dans cette grève de 1953, comme du reste dans toutes les luttes ouvrières d’après-guerre. Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, ces militants communistes ont su épouser le mécontentement et la volonté de lutte des travailleurs en se mettant souvent à leur tête. Beaucoup d’entre eux ont payé de leur personne, furent mis à l’index par l’administration coloniale, subirent la répression coloniale dans leur vie personnelle et professionnelle. Pour ce qui est de la grève des fonctionnaires de 1953, une nouvelle génération de jeunes instituteurs communistes joua un rôle non négligeable. La politique des fédérations communistes de Martinique, de Guadeloupe et de La Réunion fut marquée pendant les décennies d’après-guerre par la revendication « d’égalité des droits entre les travailleurs d’outre-mer et ceux de la métropole ». En Guyane, il n’y eut pas d’organisation communiste. Mais des militants syndicalistes déclenchèrent la grève de 1950 et de 1953 en liaison avec les militants communistes des trois autres DOM. Tout comme en France métropolitaine, les communistes avaient dans les années d’après-guerre une très forte influence sur les travailleurs. Ils constituaient alors une force politique de premier plan. En France, ils poursuivirent à la fois leur rôle d’organisateurs de la classe ouvrière, mais en même temps un rôle de pompiers des grandes luttes qui se déroulaient. Depuis déjà bien des années, ces partis obéissaient à la politique stalinienne imposée par la bureaucratie soviétique. Moscou les appelait non plus à organiser la classe ouvrière en vue de la révolution prolétarienne mondiale, comme l’avaient fait les révolutionnaires bolcheviks avec Lénine et Trotsky, à partir de la révolution russe de 1917 et dans les premières années qui ont suivi. La direction soviétique les appelait maintenant surtout à défendre les intérêts nationaux de l’URSS quitte à trahir les luttes des travailleurs, au profit de la bourgeoisie française, lorsque ces luttes n’allaient pas dans leur sens. Maurice Thorez, secrétaire général du Parti communiste français (PCF), n’avait pas hésité à déclarer qu’il « fallait retrousser ses manches pour travailler et revendiquer ensuite » ou encore que « la grève c’est l’arme des trusts ». De fait, le PCF se comportait comme un véritable auxiliaire de la bourgeoisie à la recherche d’une « paix sociale » lui permettant de reconstituer un appareil d’État stable et durable après la guerre. Dans les colonies, et singulièrement dans les territoires devenus départements français, les Partis communistes avec les dirigeants et députés très populaires et influents comme Raymond Vergés et Léon de Lépervanche à La Réunion, Aimé Césaire et Léopold Bissol à la Martinique, Rosan Girard à la Guadeloupe, soutinrent la grève de 1953. Cette grève accrut la popularité des PC, pas seulement chez les instituteurs et les enseignants mais aussi chez les travailleurs manuels, et en particulier les ouvriers agricoles de la canne à sucre. Il faut dire que les années d’après-guerre furent marquées par des luttes ouvrières incessantes et une répression coloniale impitoyable. La liste est longue et nous ne citerons que deux cas : la répression du Carbet en Martinique, le 4 mars 1948 et celle du Moule en Guadeloupe, le 14 février 1952. Au Carbet, les gendarmes réprimèrent la grève des travailleurs du sucre à coups de fusil, tuant trois travailleurs. Au Moule, ils déclenchèrent le feu contre la population pendant la grève générale des travailleurs de la canne, faisant quatre morts et plusieurs blessés. En 1953, dans le contexte de toutes ces luttes et de la répression, puis de la grève des fonctionnaires et de bien d’autres après, les dirigeants communistes furent vus par la population pauvre et les travailleurs comme ceux qui les sortirent de la grande pauvreté. C’est ce que retient en tout cas la mémoire collective ouvrière et populaire encore de nos jours. Mais fondamentalement, la politique des fédérations communistes des DOM était la même que celle de leur direction métropolitaine stalinienne. Les fédérations ont gagné des positions, se sont implantées, ont gagné la confiance des masses, ont obtenu des avancées sociales et des postes électoraux. Mais leurs pratiques clientélistes ont joué à fond pour mieux maintenir les travailleurs dans une sorte de statu quo politique et social acceptable par le pouvoir colonial et les possédants locaux qui n’hésitaient pourtant pas à faire tirer régulièrement sur les travailleurs en lutte. Des attaques régulières contre la prime de vie chère des fonctionnaires Régulièrement depuis environ une trentaine d’années, plusieurs gouvernements ont tenté de s’attaquer à la prime de vie chère, à ces 40 % ou 53 % de prime, ce qu’ils considèrent aujourd’hui comme un avantage exorbitant des fonctionnaires des DOM. Mais ils ont toujours reculé face à la mobilisation générale qui se profilait contre de telles décisions. Ils s’en sont pris alors peu à peu au statut de fonctionnaire lui-même. Les CDD ou CDI nouvellement embauchés, par exemple à La Poste ou à France Télécom (aujourd’hui Orange), ne sont plus agents de droit public et fonctionnaires mais agents de droit privé. Ils ne perçoivent donc plus les primes. C’est le cas aussi dans de nombreuses administrations. Il est à prévoir que, sans réaction des travailleurs du public, le démantèlement des services publics, les privatisations mettront de plus en plus à mal la prime de vie chère. Dernièrement, sous prétexte de lutter contre la vie chère dans les DOM, le directeur de la Banque de France, Christian Noyer, a déclaré qu’il « faut mettre fin progressivement à la surrémunération des fonctionnaires ». Dans son sillage, Willy Angèle, qui était en juin encore le patron du Medef-Guadeloupe, dit en gros la même chose. Ces déclarations intervenaient quelque temps après celles du président de la Fédération des entreprises d’outre-mer (la FEDOM), Jean-Pierre Philibert. Selon ce dernier, ces « surrémunérations », qu’il estime à un milliard d’euros, devraient être récupérées par l’État et reversées dans un tronc commun pour venir en aide aux entreprises. Car, pour lui, ces primes de vie chère sont « une source d’injustices ». Pour ce monsieur, la justice serait que les patrons mettent la main sur cette nouvelle manne ! En clair, ces attaques contre la prime de vie chère des fonctionnaires ne seraient (ou n’étaient ?) qu’un tour de passe-passe pour détourner progressivement ces fonds des poches des fonctionnaires vers celles des patrons. Mais s’il s’agit d’une injustice, pourquoi alors ne pas relever tous les salaires de 40 % ou de 53 % ? Contrairement à toute une propagande insidieuse, voire xénophobe, tendant à faire croire que la prime de vie chère est un privilège et que les DOM feraient dépenser bien trop d’argent à la France, les 40 % ou les 53 % ne sont pas du tout un privilège. D’abord, avec 25 % de chômage en moyenne dans les DOM contre environ 10 % en métropole, le chômage pèse bien plus sur l’ensemble des salaires. Les primes de vie chère permettent à certaines familles d’outre-mer d’aider enfants ou proches au chômage. Ensuite, d’une manière générale, le salaire de base est plus bas en moyenne qu’en France métropolitaine. Il y a dans les DOM une majorité de smicards. Et les prix sont plus élevés qu’en France métropolitaine. C’est bien aussi contre la vie chère qu’en janvier, février et mars 2009 les travailleurs et la population des quatre DOM se sont mobilisés massivement. Les nationalistes et la prime de vie chère Ce point de vue qui consiste à vouloir détourner la prime de vie chère de la poche des travailleurs ressemble beaucoup à celui des indépendantistes antillais. Ces derniers ont déjà proposé que les fonctionnaires se défassent de leur prime de vie chère et la placent au sein d’une banque « guadeloupéenne » ou « martiniquaise » pour favoriser l’économie locale. Sous quel contrôle ? Cela ils se gardent bien de le dire. D’autres nationalistes veulent la suppression pure et simple de la prime car, selon eux, les travailleurs du public vivent au-dessus de leurs moyens réels et de la population, et un État indépendant ne pourrait verser ni les salaires actuels ni les primes. Évidemment, les intérêts des travailleurs sont le cadet des soucis des nationalistes. Faisant de la pauvreté une vertu nationaliste, ils ont déjà sans doute en tête le schéma d’un nouvel État national pauvre qu’ils dirigeraient, en réprimant au besoin la population pour lui faire accepter les sacrifices. Ils nient totalement le fait que ces petits avantages ont été acquis de haute lutte et que les travailleurs ont déjà donné et sué sang et eau depuis la fin de l’esclavage. La position des organisations nationalistes sur cette question est l’expression du fait que, même si certaines d’entre elles ont une influence parmi les travailleurs, même s’il leur arrive de s’appuyer sur des luttes ouvrières, voire d’en être à l’initiative, elles représentent une politique pour la bourgeoisie locale et pour l’éventuel État indépendant qu’elles aspirent à diriger. Pour le moment, la bourgeoisie locale ne s’oriente nullement vers cette perspective. Du coup d’ailleurs, ceux des dirigeants nationalistes qui, grâce à une certaine influence électorale, sont devenus des notables, mettent un bémol à la revendication de l’indépendance. Du coup, la position des indépendantistes sur la question de la prime de vie chère sert à la bourgeoisie tout court, c’est-à-dire essentiellement à la bourgeoisie française, et amène de l’eau au moulin des efforts de l’État français qui visent à faire des économies au détriment des salariés en métropole comme dans les DOM pour consacrer plus d’argent à la bourgeoisie. La position des communistes révolutionnaires Nous nous opposons à toute suppression de ce que les travailleurs ont gagné, quasiment toujours par la lutte. Nous sommes donc fermement opposés à la suppression de la prime de vie chère des fonctionnaires. Ce qui est injuste, ce n’est pas qu’ils la perçoivent, mais que l’ensemble des travailleurs et du public et du privé ne la touchent pas, et pas seulement dans les départements d’outre-mer mais aussi en métropole. De plus, cette prime comme les autres devrait être intégrée au salaire et donc être comptée pour le calcul des pensions de retraite. Les gouvernements admettent que la vie est bien trop chère dans les DOM. Serait-elle alors miraculeusement moins chère pour ceux qui prennent leur retraite ? À La Réunion, du 5 au 17 mars 1997, les fonctionnaires et des étudiants menèrent une grève ponctuée par de nombreuses manifestations pour s’opposer au projet du gouvernement de supprimer la prime de vie chère et l’index de correction dont bénéficient les fonctionnaires et assimilés. En 2009, les travailleurs des quatre DOM et une partie de la population se sont mobilisés contre la vie chère : cette « pwofitasyon » qui devait être répercutée sur un relèvement des salaires les plus bas, de 200 euros. Malgré cela, les gouvernements successifs sont revenus progressivement sur plusieurs acquis des travailleurs du secteur public. Après l’augmentation du nombre d’annuités pour l’obtention de la retraite, il est maintenant question pour son calcul de prendre en compte les dix meilleures années, au lieu des six derniers mois de salaire. Comme on a pu le constater au cours des dernières décennies, tout recul dans le public est suivi d’un recul dans le privé, et inversement. Les travailleurs du secteur privé n’ont donc aucun intérêt, bien au contraire, à ce que les salaires des travailleurs de la fonction publique soient amputés. Quant à la prime dite de vie chère, le blocage des salaires et l’augmentation des prix font le nécessaire pour la rogner progressivement, ainsi que les suppressions drastiques de postes de fonctionnaires. L’un des problèmes cruciaux qui se posent aux travailleurs aujourd’hui, c’est la baisse de leur pouvoir d’achat, de leurs revenus et de leur niveau de vie, dans tous les secteurs. C’est une grève générale de tous les travailleurs qu’il faudrait aujourd’hui dans les DOM et en métropole, pour un relèvement général et substantiel de tous les salaires, pour une véritable échelle mobile des salaires, c’est-à-dire indexer tous les salaires sur le coût de la vie avec effet rétroactif. L’exemple que nous ont donné les fonctionnaires des années 1950 est qu’en se battant fort et jusqu’au bout, on peut obtenir gain de cause.
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Sonjé: Il y a 145 ans, en mars 1871, la Commune de Paris, inventait la première forme concrète de pouvoir ouvrier (Lu dans Lutte Ouvrière)
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« Le petit bourgeois social-démocrate a été récemment saisi d'une terreur salutaire en entendant prononcer le mot de dictature du prolétariat. Eh bien, messieurs, voulez-vous savoir de quoi cette dictature a l'air ? Regardez la Commune de Paris. C'était la dictature du prolétariat. » (F. Engels) « La Commune de Paris fut l'antithèse directe de l'Empire », écrivait Marx dès 1871 dans son livre La Guerre civile en France, texte dans lequel non seulement il rend hommage aux Communards « montés à l'assaut du ciel » mais dans lequel il analyse cette première révolution prolétarienne qui avait tenu le pouvoir pendant deux mois à Paris. Et, en dirigeant révolutionnaire qu'il était, il en tire toutes les conclusions politiques utiles aux combats futurs de la classe ouvrière. Depuis 1852, la France était dominée par le second Empire de Napoléon III. Cet État dictatorial, corrompu jusqu'à la moelle, composé d'affairistes, d'arrivistes, d'escrocs, avait vu le jour parce que la bourgeoisie, terrorisée par l'insurrection ouvrière de juin 1848, s'était jetée dans les bras du premier aventurier galonné qui s'était présenté : Napoléon III. Le second Empire, tout en ôtant la direction politique directe de la société à la bourgeoisie, continua à servir avec zèle ses intérêts économiques et à développer son industrie, entraînant par là même le développement du prolétariat et la renaissance du mouvement ouvrier. En 1864, à Londres, des militants ouvriers de différents pays européens avaient fondé la Première Internationale - première association internationale de l'histoire du mouvement ouvrier. Dans la France des années 1860, l'organisation des travailleurs, les luttes, les grèves connurent un véritable renouveau. En 1870, face à la contestation grandissante, Napoléon III lança le pays dans une guerre contre la Prusse. L'incapacité, la gabegie et la corruption du pouvoir impérial menèrent à la défaite en quelques semaines. Les classes populaires parisiennes accueillirent l'annonce de la défaite et la capture de Napoléon III par les Prussiens en descendant dans la rue et en proclamant la République, le 4 septembre 1870. Les républicains bourgeois, dont l'opposition à l'Empire avait été bien timorée jusque-là, prirent la direction de cette nouvelle république. Au nom de la nécessité de la « défense nationale » - contre les Prussiens qui continuaient la guerre - ils formèrent un gouvernement dirigé par Adolphe Thiers. Mais loin de vouloir combattre l'invasion, cette république de la bourgeoisie n'eut qu'un objectif, dès sa naissance : désarmer les masses populaires qu'elle craignait plus que tout. L'insurrection ouvrière de 1848 n'avait guère plus de vingt ans et était dans toutes les mémoires. Et Paris concentrait alors des dizaines de milliers d'ouvriers du bâtiment et des travaux publics, de diverses industries en plein essor, toute une foule de petits artisans. Marx expliquait ainsi : « Cependant comment défendre Paris sans armer sa classe ouvrière, l'organiser en une force effective et instruire ses rangs par la guerre elle-même ? Mais Paris armé, c'était la révolution armée. Une victoire de Paris sur l'agresseur prussien aurait été une victoire de l'ouvrier français sur le capitaliste français et ses parasites d'État. Dans ce conflit entre le devoir national et l'intérêt de classe, le gouvernement de la défense nationale n'hésita pas un instant : il se changea en un gouvernement de la Défection nationale ». Malgré l'attitude du gouvernement, durant les mois de guerre et de siège qui suivirent septembre 1870, les couches populaires parisiennes apprirent à agir collectivement, à s'organiser et à mesurer leurs forces. Des comités de vigilance furent formés dès septembre. La résistance face au siège prussien à partir d'octobre 1870, qui entraîna une famine dans la ville, attisa la flamme de la révolte. La Garde nationale, jusque-là milice armée de la petite bourgeoisie, à laquelle ne participaient que ceux qui pouvaient payer, fut ouverte aux hommes du peuple. Cette force populaire armée qui, malgré les vicissitudes de la famine et du siège, avait su imposer le respect aux armées prussiennes, devint l'âme de la révolte. Son Comité central élu gagna la confiance d'une grande partie des couches populaires parisiennes, ce qui en fit une sorte de direction politique. La bourgeoisie ne pouvait pas accepter que les classes populaires non seulement s'arment, mais s'organisent et choisissent leur propre commandement. L'affrontement entre la république bourgeoise et la classe ouvrière était de plus en plus à l'ordre du jour. À plusieurs reprises, le prolétariat, révolté par les lâchetés et les mensonges du gouvernement, le menaça. Le 28 janvier 1871, la signature par le gouvernement de Thiers de l'armistice avec Bismarck accrut la colère populaire et accéléra le processus révolutionnaire. Il devenait indispensable et urgent pour le gouvernement de Thiers de désarmer Paris. Et quand le 18 mars les troupes de Thiers voulurent arracher ses canons au peuple parisien - canons qui avaient été en grande partie payés par des souscriptions populaires, malgré les affres de la famine - la révolte éclata. La troupe se rangea dans le camp des Parisiens révoltés, et fusilla sur-le-champ les généraux qui leur avaient ordonné de tirer sur la foule, composée en grande partie de femmes. Le pouvoir politique, ainsi que tout ce que la ville comptait de riches, les bourgeois et leur clique, fuirent vers Versailles. Paris se retrouva aux mains des ouvriers et le pouvoir incomba à ceux que les masses populaires parisiennes considéraient comme leurs représentants : le Comité central de la Garde nationale. Le 26 mars suivant eurent lieu les élections de la Commune de Paris, qui devint le centre du pouvoir de la ville, sous le contrôle actif du prolétariat. Avec la Commune de Paris, un nouveau type de pouvoir avait surgi de la lutte de classes elle-même. Le prolétariat faisait l'expérience, comme l'écrivit Marx, que « la classe ouvrière ne peut se contenter de prendre telle quelle la machine de l'État et de la faire fonctionner pour son propre compte ». C'était la première, la plus grande et la plus importante des leçons de la Commune. Ce n'est pas le fait d'avoir élu une municipalité qui constituait, en soi, en acte révolutionnaire. C'était le fait que le prolétariat armé imposait son influence, sa domination de classe sur la société, et transformait, par là même, le pouvoir. La Commune de Paris n'était pas un organe parlementaire, bavard mais impuissant comme la bourgeoisie en avait déjà tant produit dans son histoire. C'était un corps agissant, exécutif et législatif à la fois, permettant ainsi le contrôle actif, direct de la population. Les décisions étaient prises et appliquées directement par les exploités eux-mêmes. Pour une fois ce n'était pas les riches ou leurs commis qui imposaient leurs choix mais les gens du peuple. La Garde nationale, regroupant la population armée, était déjà dans les faits l'antithèse de l'armée permanente ; la Commune alla plus loin en décrétant l'abolition de cette dernière. « Qui a du fer, a du pain ! », avait déjà compris Blanqui, quelque vingt ans plus tôt. En abolissant l'armée permanente et en forgeant un nouvel État appuyé non sur une force de répression spéciale mais sur la population en armes, la Commune renouait avec le cours de l'histoire révolutionnaire du prolétariat. Tous les fonctionnaires de la Commune, désormais élus par la population, devenaient responsables devant elle et révocables à tout moment. Leurs rémunérations étaient égales aux salaires ouvriers. Ainsi les classes populaires prenaient le contrôle de la vie politique. La justice était rendue gratuitement. Et enfin, la Commune s'attaqua au poids spirituel de l'Église et proclama, bien avant les lois radicales de 1905, la séparation de l'Église et de l'État. Durant ses soixante-douze jours d'existence, les mesures prises par la Commune furent déterminées par les intérêts des couches populaires. « Le peuple, disait la révolutionnaire Louise Michel, n'obtient que ce qu'il prend. » Le gouvernement que s'étaient donné les Parisiens, contrôlé par les travailleurs en armes, fit des choix et vota des textes qui exprimèrent son caractère de classe. Les locataires furent défendus contre les propriétaires et les loyers impossibles à payer, suite à ces mois de guerre, furent reportés. Les logements vacants furent réquisitionnés pour les sans-abri. Les amendes qui grevaient les salaires ouvriers furent interdites, tout comme le travail de nuit des boulangers. Enfin, le 16 avril, la Commune décida de collectiviser les ateliers et magasins abandonnés par leurs propriétaires pour les faire fonctionner au bénéfice de la collectivité, sous la forme de coopératives gérées directement par les travailleurs. Pendant la Commune, la nécessité de survivre, pour les classes populaires, avait donné naissance aux premiers balbutiements de la collectivisation des moyens de production. Comme l'a écrit Trotsky au sujet d'une autre période, « la révolution est avant tout l'irruption violente des masses dans le domaine où se règlent leurs propres destinées ». Comme dans toutes les périodes révolutionnaires, la conscience des travailleurs évoluait à toute vitesse, et les idées, les initiatives les plus révolutionnaires venaient des tréfonds de la population elle-même. Les aspirations socialistes s'exprimaient de toutes parts, comme dans cette déclaration d'une assemblée de femmes : « Pour nous autres, la plaie sociale qu'il faut d'abord fermer, c'est celle des patrons, qui exploitent l'ouvrier et s'enrichissent de ses sueurs. Plus de patrons qui considèrent l'ouvrier comme une machine de produit ! Que les travailleurs s'associent entre eux, qu'ils mettent leur labeur en commun et ils seront heureux. Un autre vice de la société actuelle, ce sont les riches qui ne font que bien boire et bien s'amuser, sans prendre aucune peine. Il faut les extirper, ainsi que les prêtres et les religieuses. Nous ne serons plus heureuses que lorsque nous n'aurons plus ni patrons, ni riches, ni prêtres. » Ou dans cette proclamation du 23 avril 1871, du syndicat des mécaniciens et métallurgistes : « Considérant, qu'avec la Commune, expression de la révolution du 18 mars, l'égalité ne doit pas être un vain mot, et que la lutte si vaillamment soutenue que nous nous voulons continuer jusqu'à l'extinction du dernier des cléricaux royalistes, a pour but notre émancipation économique, que ce résultat ne peut être obtenu que par l'association des travailleurs qui, seule, doit transformer notre condition de salariés en associés. Déclarons donner à nos délégués les instructions générales suivantes : supprimer l'exploitation de l'homme par l'homme, dernière forme de l'esclavage ; organiser le travail par associations solidaires à capital collectif et inaliénable. » Portée par l'enthousiasme révolutionnaire des masses, leurs initiatives et leurs aspirations, la Commune se trouva à la pointe des idées de progrès. L'obscurantisme religieux fut combattu, les couvents fermés et les atrocités commises en leur sein dénoncées publiquement. Des débats eurent lieu pour inventer une nouvelle forme d'enseignement gratuit, populaire et laïc. La Commune affirma sa volonté de développer une formation professionnelle pour les filles, et d'ailleurs les femmes prirent une place active dans la révolution. La Commune officialisa l'union libre, conférant à la famille constituée hors mariage (concubins, enfants naturels) sa première reconnaissance légale. Enfin, la Commune bannit la prostitution considérée comme une forme de « l'exploitation commerciale de créatures humaines par d'autres créatures humaines ». Des idées de crèches pour garder les enfants, de cantines publiques virent le jour. La Commune rouvrit bibliothèques, musées et théâtres, et offrit pour la première fois aux classes populaires la possibilité d'assister à des concerts. Les étrangers furent reconnus par la Commune comme membres de la grande famille ouvrière internationale. Quoi de plus révélateur que le fait que la Commune eût donné le commandement suprême de son armée à un sous-officier polonais ? La Commune de Paris périt en mai 1871 sous les coups des troupes de Thiers alliées à celles de Bismarck. « L'internationale des classes possédantes » était entrée en action pour broyer cette première tentative d'émancipation ouvrière. La répression fit entre 20 000 et 40 000 morts. Les massacres de Communards, dont les cadavres jonchaient les rues, ne cessèrent que face au danger d'une épidémie de choléra. La violence de la répression fut à la hauteur de la peur que la bourgeoisie venait de connaître. Cette révolution de la classe ouvrière parisienne, même écrasée, montrait la voie des révolutions futures. Lénine écrivit à propos de la Commune : « Marx ne se contenta (...) pas d'admirer l'héroïsme des Communards (...). Dans le mouvement révolutionnaire des masses, bien que celui-ci n'eût pas atteint son but, il voyait une expérience historique d'une portée immense, un certain pas en avant de la révolution prolétarienne universelle, un pas réel bien plus important que des centaines de programmes et de raisonnements. Analyser cette expérience, y puiser des leçons de tactique, s'en servir pour passer au crible sa théorie : telle est la tâche que Marx se fixa. » Depuis 1848, Marx et Engels affirmaient que, pour son émancipation, le prolétariat devait se transformer en classe dominante et prendre le pouvoir politique. Mais cela restait une perspective révolutionnaire et non une réalité tangible. Certes, Marx et Engels avaient tiré les conclusions politiques des révolutions passées, en particulier celle de 1848 : « Toute tentative de révolution en France devra consister à briser la machine bureaucratique et militaire. » Mais c'est la Commune de Paris qui montra pour la première fois comment la classe ouvrière pouvait briser l'appareil d'État bourgeois et forger son propre État au service de son émancipation. Par la suite, bien des militants socialistes se revendiquant du marxisme abandonnèrent ces idées sur l'État. Lénine, au contraire, en pleine effervescence révolutionnaire, en 1917, reprit ce drapeau dans son livre L'État et la révolution. Il poursuivait l'analyse de Marx et reprenait l'exemple de la Commune : « Ainsi, la Commune semblait avoir remplacé la machine d'État brisée en instituant une démocratie "simplement" plus complète : suppression de l'armée permanente, électivité et révocabilité de tous les fonctionnaires sans exception. Or, en réalité, ce "simplement" représente une œuvre gigantesque : le remplacement d'institutions par d'autres foncièrement différentes. C'est là justement un cas de "transformation de la quantité en qualité" : réalisée de cette façon, aussi pleinement et aussi méthodiquement qu'il est possible de le concevoir, la démocratie, de bourgeoise, devient prolétarienne ; d'État (= pouvoir spécial destiné à mater une classe déterminée), elle se transforme en quelque chose qui n'est plus, à proprement parler, un État. » La Commune de Paris a nourri l'expérience du mouvement ouvrier international durant des décennies. C'est pour cela que son histoire constituait la base de la formation de tous les révolutionnaires du XXe siècle. Si les révolutionnaires, en particulier les bolcheviks, étudièrent soigneusement cette première forme d'État ouvrier de l'histoire, ils tirèrent aussi toutes les leçons politiques de l'expérience de la Commune. Dans un texte de 1908 par exemple, Les Enseignements de la Commune, Lénine analysait ce qu'il nommait les erreurs de la Commune. D'une part, il expliquait que le fait de ne pas avoir exproprié la Banque de France revenait à s'arrêter à mi-chemin dans le combat social et économique contre les capitalistes et avait de fait favorisé la bourgeoisie. D'autre part, il mettait en garde le prolétariat contre les illusions romantiques et tirait toutes les conclusions de la violence de la répression versaillaise. « La deuxième faute fut la trop grande magnanimité du prolétariat. Au lieu d'exterminer ses ennemis, il chercha à exercer une influence morale sur eux, il négligea l'importance des actions purement militaires dans la guerre civile et, au lieu de couronner sa victoire à Paris par une offensive résolue sur Versailles, il temporisa et donna au gouvernement de Versailles le temps de rassembler les forces ténébreuses et de préparer la semaine sanglante de mai. » Mais, ajoutait-il, « malgré toutes ses fautes, la Commune est le modèle le plus grandiose du plus grandiose mouvement prolétarien du XIXe siècle ». Lénine raisonnait en révolutionnaire et cherchait dans l'expérience du prolétariat, dans son histoire, des leçons pour vaincre demain. Ces analyses aidèrent les bolcheviks, en 1917, à prendre le pouvoir avec toute la résolution qui avait manqué aux Communards. La connaissance des événements de la Commune, des combats entre elle et les troupes versaillaises, servit pour mener la guerre civile en Russie jusqu'à la victoire. La Commune, au moment de son 140e anniversaire, fait aujourd'hui l'objet de commémorations convenues, y compris du maire social-démocrate de la Ville de Paris. Les faux amis des travailleurs, ceux d'hier et ceux d'aujourd'hui, peuvent louer la Commune parce qu'elle n'a pas vaincu, et qu'ils peuvent verser des larmes hypocrites sur les morts, les martyrs. Ces gens-là n'aiment les ouvriers que vaincus : ce sont les mêmes qui haïssent les prolétaires russes de 1917 qui, armés des leçons de la Commune, ont vaincu la bourgeoisie et ne se sont pas laissés massacrer. Les espoirs des Communards, leurs rêves, comme leurs erreurs et leurs échecs, tout cela constitue l'héritage des communistes révolutionnaires, un héritage dont nous devons être fiers, que nous devons apprendre, comprendre et transmettre pour poursuivre le combat contre l'ordre capitaliste. Chaque jeune qui rejoint le camp de la classe ouvrière et les rangs des révolutionnaires doit garder à l'esprit la vaillance des Louise Michel, des Léo Frankel, des Eugène Varlin d'une part, mais surtout des milliers d'ouvriers anonymes qui ont combattu sur les barricades pour l'émancipation de leur classe. Comme il doit connaître et comprendre la haine de la bourgeoisie envers la Commune. Sans cette connaissance, nous ne pourrons jamais vaincre. Alors le plus grand hommage à rendre aux Communards, aux combattants connus et inconnus, c'est d'apprendre de leurs luttes, d'apprendre de leurs actes et de leurs erreurs, et de continuer leur combat. Nous reproduisons ci-dessous un texte écrit en 1911 pour le quarantième anniversaire de la Commune par Lénine, pour qui toutes les leçons de la Commune auront été indispensables au moment de la révolution russe de 1917. ---- Lénine - À la mémoire de la Commune, 1911 Quarante ans se sont écoulés depuis la proclamation de la Commune de Paris. Selon la coutume, le prolétariat français a honoré par des meetings et des manifestations la mémoire des militants de la révolution du 18 mars 1871 ; à la fin de mai, il ira de nouveau déposer des couronnes sur la tombe des Communards fusillés, victimes de l'horrible « semaine sanglante » de mai et jurer une fois de plus de combattre sans relâche jusqu'au triomphe complet de leurs idées, jusqu'à la victoire totale de la cause qu'ils lui ont léguée. Pourquoi le prolétariat, non seulement français, mais du monde entier, honore-t-il dans les hommes de la Commune de Paris ses précurseurs ? Et quel est l'héritage de la Commune ? La Commune naquit spontanément ; personne ne l'avait consciemment et méthodiquement préparée. Une guerre malheureuse avec l'Allemagne ; les souffrances du siège ; le chômage du prolétariat et la ruine de la petite bourgeoisie ; l'indignation des masses contre les classes supérieures et les autorités qui avaient fait preuve d'une incapacité totale ; une fermentation confuse au sein de la classe ouvrière qui était mécontente de sa situation et aspirait à une autre organisation sociale ; la composition réactionnaire de l'Assemblée nationale qui faisait craindre pour la République, tous ces facteurs, et beaucoup d'autres, poussèrent la population de Paris à la révolution du 18 mars qui remit inopinément le pouvoir entre les mains de la Garde nationale, entre les mains de la classe ouvrière et de la petite bourgeoisie qui s'était rangée à son côté. Ce fut un événement sans précédent dans l'histoire. Jusqu'alors, le pouvoir se trouvait ordinairement entre les mains des grands propriétaires fonciers et des capitalistes, c'est-à-dire d'hommes de confiance à eux, constituant ce qu'on appelle le gouvernement. Mais après la révolution du 18 mars, lorsque le gouvernement de M. Thiers s'enfuit de Paris avec ses troupes, sa police et ses fonctionnaires, le peuple devint le maître de la situation et le pouvoir passa au prolétariat. Mais dans la société actuelle, le prolétariat, économiquement asservi par le capital, ne peut dominer politiquement s'il ne brise les chaînes qui le rivent au capital. Et voilà pourquoi le mouvement de la Commune devait inévitablement revêtir une couleur socialiste, c'est-à-dire chercher à renverser la domination de la bourgeoisie, la domination du capital, et à détruire les assises mêmes du régime social actuel. Au début, ce mouvement fut extrêmement mêlé et confus. Y adhéraient des patriotes qui espéraient que la Commune reprendrait la guerre contre les Allemands et la mènerait à bonne fin. Il était soutenu par les petits commerçants menacés de ruine si le paiement des traites et des loyers n'était pas suspendu (ce que le gouvernement leur avait refusé, mais que la Commune leur accorda). Enfin, au début, il bénéficia même en partie de la sympathie des républicains bourgeois qui craignaient que l'Assemblée nationale réactionnaire (les « ruraux », les hobereaux sauvages) ne restaurât la monarchie. Mais dans ce mouvement, le rôle principal fut naturellement joué par les ouvriers (surtout par les artisans parisiens) parmi lesquels une active propagande socialiste avait été menée durant les dernières années du second Empire et dont beaucoup appartenaient même à l'Internationale. Les ouvriers seuls restèrent fidèles jusqu'au bout à la Commune. Les républicains bourgeois et les petits bourgeois s'en détachèrent bientôt : les uns effrayés par le caractère prolétarien, socialiste et révolutionnaire du mouvement ; les autres lorsqu'ils le virent condamné à une défaite certaine. Seuls les prolétaires français soutinrent sans crainte et sans lassitude leur gouvernement ; seuls ils combattirent et moururent pour lui, c'est-à-dire pour l'émancipation de la classe ouvrière, pour un meilleur avenir de tous les travailleurs. Abandonnée par ses alliés de la veille et dépourvue de tout appui, la Commune devait inéluctablement essuyer une défaite. Toute la bourgeoisie de la France, tous les grands propriétaires fonciers, toute la Bourse, tous les fabricants, tous les voleurs grands et petits, tous les exploiteurs se liguèrent contre elle. Cette coalition bourgeoise soutenue par Bismarck (qui libéra 100 000 prisonniers français pour réduire Paris) réussit à dresser les paysans ignorants et la petite bourgeoisie provinciale contre le prolétariat parisien et à enfermer la moitié de Paris dans un cercle de fer (l'autre moitié étant investie par l'armée allemande). Dans certaines grandes villes de France (Marseille, Lyon, Saint-Etienne, Dijon et ailleurs), les ouvriers tentèrent également de s'emparer du pouvoir, de proclamer la Commune et d'aller secourir Paris, mais ces tentatives échouèrent rapidement. Et Paris, qui leva le premier le drapeau de l'insurrection prolétarienne, se trouva réduit à ses seules forces et voué à une perte certaine. Pour qu'une révolution sociale puisse triompher, deux conditions au moins sont nécessaires : des forces productives hautement développées et un prolétariat bien préparé. Mais en 1871 ces deux conditions faisaient défaut. Le capitalisme français était encore peu développé et la France était surtout un pays de petite bourgeoisie (artisans, paysans, boutiquiers, etc.). Par ailleurs, il n'existait pas de parti ouvrier ; la classe ouvrière n'avait ni préparation ni long entraînement et dans sa masse, elle n'avait même pas une idée très claire de ses tâches et des moyens de les réaliser. Il n'y avait ni sérieuse organisation politique du prolétariat, ni syndicats ou associations coopératives de masse... Mais ce qui manqua surtout à la Commune, c'est le temps, la possibilité de s'orienter et d'aborder la réalisation de son programme. Elle n'avait pas encore eu le temps de se mettre à l'œuvre que le gouvernement de Versailles, soutenu par toute la bourgeoisie, engageait les hostilités contre Paris. La Commune dut, avant tout, songer à se défendre. Et jusqu'à la fin, survenue entre les 21 et 28 mai, elle n'eut pas le temps de penser sérieusement à autre chose. Au demeurant, malgré des conditions aussi défavorables, malgré la brièveté de son existence, la Commune réussit à prendre quelques mesures qui caractérisent suffisamment son véritable sens et ses buts. La Commune remplaça l'armée permanente, instrument aveugle des classes dominantes, par l'armement général du peuple ; elle proclama la séparation de l'Église et de l'État, supprima le budget des Cultes (c'est-à-dire l'entretien des curés par l'État), donna à l'instruction publique un caractère tout à fait laïque et par là même porta un coup sérieux aux gendarmes en soutane. Dans le domaine purement social, elle n'eut pas le temps de faire beaucoup de choses, mais le peu qu'elle fit montre avec suffisamment de clarté son caractère de gouvernement ouvrier, populaire : le travail de nuit dans les boulangeries fut interdit ; le système des amendes, ce vol légalisé des ouvriers, fut aboli ; enfin, la Commune rendit le fameux décret en vertu duquel toutes les fabriques, usines et ateliers abandonnés ou immobilisés par leurs propriétaires étaient remis aux associations ouvrières qui reprendraient la production. Et comme pour souligner son caractère de gouvernement authentiquement démocratique et prolétarien, la Commune décida que le traitement de tous les fonctionnaires de l'administration et du gouvernement ne devait pas dépasser le salaire normal d'un ouvrier et en aucun cas s'élever au-dessus de 6 000 francs par an. Toutes ces mesures montraient assez clairement que la Commune s'avérait un danger mortel pour le vieux monde fondé sur l'asservissement et l'exploitation. Aussi la société bourgeoise ne put-elle dormir tranquille tant que le drapeau rouge du prolétariat flotta sur l'Hôtel de Ville de Paris. Et lorsque, enfin, les forces gouvernementales organisées réussirent à l'emporter sur les forces mal organisées de la révolution, les généraux bonapartistes, battus par les Allemands et courageux contre leurs compatriotes vaincus firent un carnage comme jamais Paris n'en avait vu. Près de 30 000 Parisiens furent massacrés par la soldatesque déchaînée, près de 45 000 furent arrêtés dont beaucoup devaient être exécutés par la suite ; des milliers furent envoyés au bagne ou déportés. Au total, Paris perdit environ 100 000 de ses fils et parmi eux les meilleurs ouvriers de toutes les professions. La bourgeoisie était contente. « Maintenant, c'en est fait du socialisme, et pour longtemps ! », disait son chef, le nabot sanguinaire Thiers, après le bain de sang qu'avec ses généraux il venait d'offrir au prolétariat parisien. Mais ces corbeaux bourgeois croassaient à tort. À peine six ans après l'écrasement de la Commune, alors que nombre de ses combattants croupissaient encore au bagne ou languissaient en exil, le mouvement ouvrier renaissait déjà en France. La nouvelle génération socialiste, enrichie par l'expérience de ses aînés et nullement découragée par leur défaite, releva le drapeau tombé des mains des combattants de la Commune et le porta en avant avec assurance et intrépidité aux cris de « Vive la révolution sociale ! Vive la Commune ! ». Et quelques années plus tard, le nouveau parti ouvrier et l'agitation qu'il avait déclenchée dans le pays obligeaient les classes dominantes à remettre en liberté les Communards restés aux mains du gouvernement. Le souvenir des combattants de la Commune n'est pas seulement vénéré par les ouvriers français, il l'est par le prolétariat du monde entier. Car la Commune lutta non point pour quelque objectif local ou étroitement national, mais pour l'affranchissement de toute l'humanité laborieuse, de tous les humiliés, de tous les offensés. Combattante d'avant-garde de la révolution sociale, la Commune s'acquit des sympathies partout où le prolétariat souffre et lutte. Le tableau de sa vie et de sa mort, l'image du gouvernement ouvrier qui prit et garda pendant plus de deux mois la capitale du monde, le spectacle de la lutte héroïque du prolétariat et de ses souffrances après la défaite, tout cela a enflammé l'esprit de millions d'ouvriers, fait renaître leurs espoirs et gagné leur sympathie au socialisme. Le grondement des canons de Paris a tiré de leur profond sommeil les couches les plus arriérées du prolétariat et donné partout une impulsion nouvelle à la propagande révolutionnaire socialiste. C'est pourquoi l'œuvre de la Commune n'est pas morte ; elle vit jusqu'à présent en chacun de nous. La cause de la Commune est celle de la révolution sociale, celle de l'émancipation politique et économique totale des travailleurs, celle du prolétariat mondial. Et en ce sens, elle est immortelle. Vladimir Lénine
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SONJE : Le 24 mars 1961. La fusillade du Lamentin : trois tués, une vingtaine de blessés. |
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La grève a commencé fin février. Les ouvriers de la canne ont cessé le travail à l’appel de l’Union départementale des syndicats CGT. C’est le début de la campagne sucrière et ils revendiquent une augmentation de salaire. Les patrons ont refusé et pour les obliger à travailler, sont allés jusqu’à faire pression sur les boutiques des habitations pour qu’elles cessent de faire crédit à ces travailleurs très démunis et déjà très endettés. Dans la tradition de la grève marchante, les ouvriers se déplacent d’habitation en habitation pour débaucher ceux qui n’ont toujours pas rejoint le mouvement. Ils parcourent ainsi les régions de Trinité, du Robert, du François. A la Manzo, le 21 mars, cinquante gendarmes avec trois automitrailleuses ont encerclés une centaine d’entre d’eux et en ont interpellé une quarantaine, pour assurer, disent-ils, « la liberté du travail ». Le 24 mars, deux grévistes sont arrêtés, il s’agit de KITIE Boniface et de MAJESTE Théodore. Sitôt informés, plus de trois cent travailleurs se rassemblent dans la cour de la cantine du bourg du Lamentin pour exiger leur libération. Plusieurs personnalités dont Victor LAMON, secrétaire général de l’Union Départementale CGT et Georges GRATIANT, maire communiste du Lamentin interviennent auprès des autorités pour obtenir la libération des ouvriers. Dans l’après-midi, une jeep traverse en trombe le bourg pour se diriger ensuite vers la rue Hardy de Saint Omer. A son bord, Roger AUBERY, un des plus riches békés de la Martinique, ce dernier nargue la foule des travailleurs en pleine réunion. La colère des ouvriers va vite déborder le cadre de la cour de la cantine communale et la jeep d’Aubéry sera rapidement renversée ; on y découvrira des armes cachés sous le siège avant du véhicule. AUBERY, paniqué, trouve refuge dans une maison voisine ce à quoi il doit la vie sauf, car les manifestants de plus en plus nombreux empêchaient sa sortie de la maison du particulier mécontents d’une part qu’il s’agissait d’Aubéry, l’un de leurs exploiteurs en chef mais aussi rongé par l’impatience de voir libérer leurs camarades retenus au commissariat, pour lesquels Georges GRATIANT avait obtenue du procureur de la république qu’ils soient remis en liberté ! C’est alors que ordre est donné aux gendarmes de tirer sur la foule. LAURENCINE Alexandre et VALIDE Edouard sont tués dont un d’une balle dans le dos .Deux jeunes ouvriers agricoles de vingt-et-un et vingt-six ans. Tous deux travaillaient sur l’habitation Roches Carrés. MARIE-CALIXTE Suzanne, elle, est abattue alors qu’elle sort de l’église; elle était couturière et avait vingt-quatre ans…… Par la suite ont appris que ce soir de couvre-feu, les forces de police avaient fait une vingtaine de victimes. Finalement, les deux ouvriers arrêtés, KITIE Boniface et MAJESTE Théodore ont été libérés en fin de journée, c’est ainsi que le climat de souffre laissa place au calme qui est revenu progressivement dans le bourg du Lamentin. Le lendemain, au cimetière du bourg une foule considérable se rassemble pour les obsèques de LAURENCINE Alexandre et VALIDE Edouard et MARIE-CALIXTE Suzanne. Devant les trois cercueils, Georges GRATIANT, maire du Lamentin, prononce un long discours dont la poésie restitue la peine, l’indignation et la colère de tous. Il dira ainsi : «Qui veut du pain aura du plomb ». Le ministre des armées poursuivra son auteur pour injure et diffamation à l’égard de l’armée. (voir rubrique « sonjé » : SUR TROIS TOMBES) De son côté, le préfet invoque la légitime défense des gendarmes pour justifier la répression sanglante. Pour lui, les responsables des morts et des blessés sont « une poignée d’agitateurs », des « syndicats minoritaires ». Embarrassé qu’il est à ne pouvoir rétablir l’ordre. Mais il est dans le rôle que l’Etat lui demande d’assurer; alors il promet aux travailleurs agricoles une augmentation de 4% des salaires auxquelles s’ajouteraient de vagues « satisfactions substantielles ». Pourtant la grève se poursuit, soutenue par les actions de solidarité, manifestations et débrayages, des autres catégories de travailleurs. Elle se terminera au mois d’avril. Lors des négociations, les grévistes, soutenus par l’Union départementale des syndicats CGT, obtiendront 8% d’augmentation de salaire. Le courage et la ténacité ont payé. Pour les patrons, l’important en ce début d’avril, c’est la récolte de la canne. Il faut donc que les ouvriers agricoles reprennent le travail, même au prix de l’augmentation de salaire qui leur a été refusée. Mais ni patrons, ni salariés n’oublieront qu’ils ont vécu pendant quelques semaines de « grève marchante » un face à face direct, égalitaire, hors des habitations; les règles qui régissent la vie et le travail sur l’habitation assurent habituellement la toute-puissance des patrons et l’exploitation des travailleurs. Pendant ces quelques jours, elles n’ont plus eu cours. Et ce n’est pas la provocation d’AUBERY qui a permis de lui restituer son pouvoir de patron; au contraire, elle a montré que ce pouvoir a besoin de la répression d’Etat pour se maintenir face à la détermination des travailleurs en lutte.
05-03-2016 |
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Décembre 1959, la violence coloniale en action. |
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Le 20 décembre 1959, à 20 heures, sur la Savane à Fort-de-France, un incident de circulation entre un automobiliste français, blanc, et un cyclomotoriste martiniquais, noir, provoqua un attroupement. De l'hôtel de l'Europe (maintenant hôtel Lafayette), un CRS en civil passa un coup de téléphone et arriva une patrouille de ses collègues. Les CRS - tous blancs - intervinrent contre la foule mais celle-ci ne recula pas. Les CRS reçurent des renforts puis se retirèrent finalement en tirant des coups de feu en l'air. Le lendemain, lundi 21, l'atmosphère était lourde à Fort-de-France. Le soir, des groupes venus en grande partie des quartiers populaires affrontèrent gendarmes et policiers. Ces derniers tirèrent. Il y eut des blessés et deux morts : Edmond Eloi dit Rosile (20 ans), rue Villaret-Joyeuse derrière l'Olympia, et Christian Marajo (15 ans), rue Ernest Renan, aujourd'hui rue Moreau de Jones. Les manifestants édifièrent des barrages de rue et attaquèrent des bâtiments symboles du pouvoir colonial et policier. Deux commissariats de police furent dévastés, des perceptions aussi. Le mardi 22, le jeune Julien Betzi (19 ans), fut tué place Stalingrad, actuellement place François Mitterrand. L’administration coloniale envoya sa soldatesque pour faire cesser l’émeute. Surpris, les partis politiques, les syndicats, les organisations maçonniques et religieuses, toutes les forces structurées de la Martinique appellent au calme, à partir du mardi 22. Lors d'une session extraordinaire (jeudi 24 décembre), le Conseil Général unanime réclame : -le retrait immédiat des CRS et des éléments racistes indésirables, -une série de mesures socio-économiques, comme la réduction des impôts, la création d'une caisse de secours pour les chômeurs, l'extension de la Sécurité Sociale, l'application intégrale des prestations et allocations familiales. -une évolution statutaire « en vue d'obtenir une plus grande participation à la gestion des affaires martiniquaises », etc…. A ces revendications, l'état colonial répond par: -une ordonnance scélérate du 15 octobre 1960 qui permet au préfet de muter en France tout fonctionnaire « dont le comportement est de nature à troubler l'ordre public ». -l’implantation de gendarmeries sur les axes routiers les plus importants. -le plan Némo avec son SMA (Service Militaire Adapté -1960) qui, sous couvert de formation professionnelle, éloigne les soldats martiniquais (en Décembre 59, ils ont sympathisé avec les manifestants). -l'exil de milliers de jeunes par le BUMIDOM (Bureau des Migrations des Départements d'Outre-Mer -1963). La révolte de la jeunesse et d'une fraction de la population s'expliquait par l'extrême pauvreté qui régnait alors dans l'île. Le manque d'eau, d'électricité dans les maisons, le manque d'hygiène, de soins, étaient criants. Les maladies tropicales étaient légion. La situation était alors comparable à celle de bien des pays d'Afrique. Les rapports entre la métropole coloniale et l'île étaient toujours empreints d'un grand mépris. Le racisme et les discriminations raciales à l'égard de la population noire imprégnaient tout le tissu social et pourrissaient les relations humaines. Il faut noter qu'aujourd'hui, en grande partie grâce aux luttes des travailleurs, la situation a beaucoup changé en mieux même si des séquelles coloniales demeurent encore. "Décembre 59" demeure néanmoins dans la mémoire collective comme un sursaut de la population et des jeunesses noires contre l'oppression coloniale, et une révolte qu'elle paya de trois morts et de nombreux blessés. |
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Sonjé 1870 : « LE SUD REBELLE. Epopée » de Henri CORBIN |
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Henri CORBIN est un de nos plus grands poètes. Il est né en Guadeloupe, il y a 84 ans. Orphelin très tôt, il a vécu en Martinique où il a enseigné mais aussi au Venezuela et à Saint-Domingue. Il est mort le 11 avril 2015 en Martinique . Il était Imprégné de culture caribéenne et latino-américaine – il a publié surtout au Venezuela. Il était peu connu chez nous. Pourtant, en 1987, « LE SUD REBELLE » a obtenu le premier Prix Frantz Fanon attribué ensemble par la Bibliothèque municipale de Rivière Pilote et le Cercle Frantz Fanon. Et en 2005, Henri CORBIN a reçu le Prix Carbet de la Caraïbe pour l’ensemble de son œuvre. Une œuvre diverse, pénétrée de la douceur et du bonheur de vivre comme de la brutalité de mourir au combat pour la liberté. « LE SUD REBELLE » est un long poème qui nous raconte l’Insurrection du Sud. A ses héros oubliés, méconnus, méprisés, le poète restitue leur grandeur, leur courage, leur dignité et dévoile au fil des mots, des vers, un des chemins de liberté de notre peuple. Par-delà la connaissance historique , sa poésie fait vibrer en nous les émotions, les sentiments, les colères, les déchirements et les joies de ces femmes et de ces hommes et nous permet aujourd’hui de les retrouver dans leur chair, de reconnaître comme nos sœurs et nos frères , eux qui ont combattu, souvent jusqu’à la mort, ceux qui les exploitaient et leur déniaient la liberté . Tant que nous lisons, récitons, chantons leurs œuvres, les poètes ne meurent pas. C’est aujourd’hui à nous, militants pour la libération des travailleurs martiniquais, de garder vivant Henri CORBIN, poète de solidarité et de combat. Voici donc trois extraits pour donner le désir d’en lire davantage. 1° … «de ceux-là notre chant chantera l’aventure ». « Ceux que nous avons longtemps ignorés pour s’être confondus avec la pierre et l’ombre. Ceux dont les noms dangereusement stellaires furent engloutis, noyés à dessein, comme formes honteuses, brasiers perfides, marrons sans foi ni loi. Ceux qui, comme phares indomptables, refusèrent l’injustice la misère, la honte de la couleur méprisée, La loi moribonde, l’impérial bâillon. Ceux qui, solennels comme une marche d’étoiles ouvrirent de leurs mains le feuillages de la terre, gagnant pas à pas sur le cercle nocturne : de ceux-là notre chant chantera l’aventure.(….) Ceux qui tranchèrent du fil de leurs machettes, exposés à l’inégalité des balles meurtrières. ceux qui rirent comme l’arbre vert, pleurèrent, creusés par la même larme. ceux qui perdirent sous une lune inquiétante le va-et-vient de la vie le va-et-vient de l ’amour : De ceux-là surtout notre chant chantera l’aventure . (…) 2° « des chefs se dressèrent, généraux de fortune » Tout d’abord Louis Telgard, de la trempe des grands capitaines, fit sonner la voix sourde du tambour, souffler nuitamment dans la conque rebelle. C’est lui qui alluma la torche des jours sombres, rassemblant sur leurs montures les cavaliers rapides égaillés aux quatre coins de l’espace. Voici Eugène Lacaille, patriarche d’âge mais preste et vert, instigateur du partage des terres grand sorcier, passe-muraille. Sous leur conduite à tous deux des milliers d’insurgés offrent leurs vies, convergent se confondent comme des affluents grêles se perdant dans un fleuve unique et fort.(…) Parmi les insurgés convergent aussi les femmes, des femmes admirables accompagnant l’espoir. C’est la lumineuse Lumina Sophie, dite Belle Surprise, couturière de dix-huit ans. C’est Rosalie Soleil splendide uniquement par le vocable de son nom, mais immergée dans un enfer insensée .(…) C’est toutes celles qui n’avaient ni visages amis, ni mains secourables, ni miroirs entourés de ciselures. C’est la mère, c’est la fille, c’est la petite fille, c’est la fiancée parée d’ibiscus, de roses, que l’on a vu hier encore avec le sourire et qui aujourd’hui brandit, le coutelas, la lance, le bambou. 3° Et la finale…. Et sur cette défaite, S’achève mon chant Avec ses grandes ailes de pluie Avec ses grandes ailes de tristesse Mon chant rauque, hirsute et dur Où la force se conjugue et les cercles se ferment, mon chant au mille et mille souffles de chemin, baisers de galets d’étoiles et de glèbe forte mon chant qui rétablit En marge de l’orage Une note forte Une note juste. Ajoutez-y ce que vous voudrez toutes les langues assassines de feu entortillés, tous les mensonges qui furent des bourgeois la pâture, toutes les injustes sentences redonnant à la fortune troublée une rumeur de lumière, un regain de sûreté. tolérez l’encre des plumes fausses, leurs morsures sales leur calligraphie rugueuse leur trompe l’œil car on a beau cacher les effets, rapetisser les mobiles, n’importe, le Sud Rebelle agrippé à ses vagues illumine de son ampleur notre présent de peuple qui s’obstine . » Extraits de « Le Sud rebelle . Epopée » de Henri CORBIN , Ed. La CEIBA, Caracas 1990, 138 pages . MC Permal
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Du 22 au 30 septembre 1870 . Huit jours pour vivre debout et mourir vaincus . Huit jours pour semer la terreur et s'incliner . Huit jours pour la victoire et la défaite …Le trente septembre, les troupes coloniales viennent à bout des révoltés : massacres, emprisonnement, déportation, exécutions...Les autorités coloniales n'ont pas lésiné sur les moyens de répression. Non ,la révolte de 1870 n'est pas une parenthèse malheureuse dans notre histoire que l'histoire officielle enseignée ignore. Depuis les origines de notre histoire chacune de nos luttes – victorieuse ou non - a participé au processus par lequel notre société s' organise et a crée son propre développement historique. Non il n'est pas inutile d'y penser, d'essayer de comprendre, de se remémorer l'INSURRECTION DU SUD. C'est de notre devoir de militant martiniquais anti-capitaliste et anti-colonialiste d'apprendre de renouer le fil interrompu de notre véritable histoire , en révéler le sens en cherchant à savoir de qui nous sommes les héritiers . Quelle lueur donne à nos luttes d'aujourd'hui cette étincelle tragique ?
L'INSURECTION DU SUD : lutte contre le racisme, lutte des classes, lutte pour le contrôle de la société martiniquaise . Ces trois niveaux sont étroitement imbriqués dans le combat global contre l'exploitation et pour la libération .
La lutte contre le racisme, c'est d'abord celle du LUBIN c'est-à-dire un action individuelle. Le 18 février 1870, ce jeune homme noir refuse le passage et le salut à deux hommes blancs ; l'un d'eux le jette à bas de son cheval et lui inflige une volée de coups de cravache « pour lui apprendre à respecter les blancs ».Sa plainte est classée sans suite. Plus tard, il prend sa revanche et administre le même traitement à son agresseur . Il est condamné au bagne pour crime... Depuis 1848, il n'y a plus ni maître, ni esclave aux Antilles françaises . Tous, noirs et blancs sont libres et égaux en droit . Pourtant, nous avons là deux hommes libres .Aucun lien de subordination entre eux. Responsables l'un et l'autre d'actions violentes l'un envers l'autre . L'un échappe à tout jugement, l'autre est lourdement condamné . L'homme blanc a exigé la reconnaissance de la suprématie blanche . Les autorités coloniales et le système judiciaire se sont mis à son service . L'autre, l'homme noir, se défend et par là même remet en cause la domination blanche .Il rend manifeste sa liberté . Il exige reconnaissance de sa dignité d'être humain . Il répond à l'arrogance du blanc par l'arrogance du noir ; Sa vengeance le place d'emblée sur le terrain de l'égalité . Il se fait justice lui-même puisque le système judiciaire colonial lui refuse la justice . Il témoigne ainsi pour toutes les femmes noires,pour tous les hommes noirs de la légitimité de sa liberté d'homme noir.
La lutte des classes s'actualise quand cette résistance individuelle trouve un écho parmi ceux qui s'identifient à Lubin ; ils sont le peuple des bourgs et des campagnes . Hommes et femmes noirs, ouvriers agricoles, d'usines, petits paysans, petits artisans,ils connaissent quotidiennement le racisme, l'exploitation, l'humiliation et la misère . Mais ils vont plus loin que Lubin . Leur résistance se radicalise dans une flambée de violence et d'espoir, grande fête radicale féroce et libératrice . Ils quittent leur lieu de travail , envahissent les bourgs, incendient, dévastent ou les habitations . Ils répandent la terreur parmi les possédants .Ils remettent en question la domination de la grande bourgeoisie blanche et «de couleur» ,propriétaires de habitations, des usines et qui sont leurs patrons.
Enfin, leur combat a le sens d'une lutte pour le contrôle de la société . Pendant moins de six jours, les insurgés contrôlent tout le sud du pays, ils en sont les maîtres de fait . De quels projets étaient-ils porteurs ? Ils n'ont fait aucun compte-rendu de réunion et encore moins de programme politique . Mais par leurs actes, en contestant l'ordre établi, ils ont inscrit leur révolte dans une vision nouvelle de l'avenir . Vision dont nous pouvons avoir un très petit aperçu à travers deux faits : 1) l'occupation de l'habitation où il y eu un commencement d' organisation collective de la terre et de la production . Le temps a manqué. 2)Leurs leaders, LACAILLE et TELGA ,auraient proclamé la République Martiniquaise . L'exemple de HAÏTI n'est pas loin et la prise du pouvoir sur le pays aurait été dans la logique d'une victoire.
Les insurgés avaient un drapeau – trois couleurs : noir, rouge,vert. Ce fut un signe de ralliement dès le début de l'insurrection et il continue de l'être aujourd'hui ; ses couleurs ont flotté en tête de nos manifs en février 2009 . Il est émouvant de penser qu'elles relient nos aspirations de Martiniquaises et de Martiniquais du XXIème siècle à la grande insurrection vaincue de 1870 .
Races, classes,nation : l'INSURRECTION DU SUD a posé la problématique qui lie ces trois idées . Il nous appartient à nous anti-colonialistes et anti-capitalistes d'aujourd'hui de la résoudre .
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SUR TROIS TOMBES (Georges GRATIANT)
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|  | Discours prononcé par Georges GRATIANT, maire du Lamentin, aux obsèques de : - Suzanne Eulalie MARIE-CALIXTE, 24 ans, couturière, quartier "Floride" ; - Marcelin Alexandre LAURENCINE, 21 ans, ouvrier agricole à "Roches Carrées" ; - Edouard VALIDE, 26 ans, ouvrier agricole à "Roches Carrées", tués au Lamentin, le vendredi 24 mars 1961, par les forces de répression. Au nom de l'ordre et de la force publique, au nom de l'autorité qui nous régente, au nom de la loi et au nom de la France, une poignée d'assassins en armes vient de creuser trois tombes, d'un coup, dans notre sol Lamentinois. Crime plein de lâcheté et plein d'horreur ! Crime policier, crime raciste, crime politique ; policier, certes, parce que pas une main civile n'a commis, en cette nuit du vendredi 24 mars 1961, le moindre geste meurtrier ; crime raciste, certes, même quand les valets de notre sang, de notre race, au service à la fois de la force et de l'argent, trahissent leur sang, trahissent leur race, pour se faire vils et dociles assassins ; crime politique, certes, parce qu’il fut organisé pour et par les forces d'oppression capitalistes et colonialistes et qu’il s’est commis au grand détriment de familles ouvrières des plus humbles mais des plus dignes. Vingt et un blessés et trois cadavres, voici le bilan de cette nuit tragique, de ces minutes de rage policière. Nous mesurons alors tout le poids du mépris des meurtriers en uniformes et nous savons aujourd'hui, encore mieux qu'hier, le peu de poids que pèsent dans la balance de l'Etat français, les vies humaines, lorsque ces vies-là sont celles des nègres de chez nous. Le plus féroce des meurtriers, fût-il fusil au poing, mitraillette au côté, chasse de la voix le chien qui, devant sa porte approche, pour l'avertir des sévices qu'il encourt. Ici, les assassins officiels - sans crier gare - couchent sur le sol, en deux salves sanglantes, des hommes, des femmes, qui ont commis la faute de ne pas être contents d'avoir été si longtemps trompés, abusés, exploités. Qui veut du pain aura du plomb Au nom de la loi, au nom de la force, au nom de la France, An nom de la force de la loi qui vient de France ; Pour nous le pain n'est qu'un droit, Pour eux le plomb c'est un devoir, Et dans l'histoire des peuples noirs, Toujours a tort qui veut du pain Et a raison qui donne du plomb. Ainsi vont les choses pour nous, les noirs. De mal en pis elles vont les choses. Pour que les cris des peuples noirs, Ceux de l'Afrique, ceux du Congo, Ceux de Cayenne et ceux d'ici, Ne puissent s'unir en une seule voix dont les échos feront un jour éclater l'avenir en gros morceaux de joie, de tendresse et d'amour, feront s'évaporer la haine, la domination et la servilité, Feront pleuvoir du bonheur pour les pauvres. Pour que les échos de cette immense voix des travailleurs de toutes les races, unis, égaux en droit, ne puisse résonner à l'unisson, on l'étrangle, on enferme et l'on tue. Dans les lambeaux de quel drapeau vont se cacher, pour palpiter, les principes humains de la morale Française ? Sous les plis de quelle bannière va se tapir la charité chrétienne ? Répondez, citoyens, camarades, répondez, vous que le plomb tient aux entrailles et qui raillez à l'hôpital. Répondez-vous que les balles assassines ont couché dans le silence. Répondez vous trois qui avez passé vos brèves années dans le culte du travail et de Dieu. Répondez-moi, Suzanne MARIE-CALIXTE, belle et forte camarade, toi qui pendant tes 24 années passées sur terre, as cultivé l'amour de ta mère et de ta grand-mère, l'amour des tiens, l'amour de Dieu, de tes prochains. Dis-moi quelle dernière prière tu venais d'adresser à ton Seigneur dans son église que tu quittais à peine, quand les gendarmes firent entrer la mort par un grand trou dans ton aisselle, à coups de mitrailleuse. Et si ton Dieu t'accueille au ciel, tu lui diras comment les choses se sont passées. Tu lui diras qu'Alexandre LAURENCINE, ici présent avait seulement vingt et un ans, Qu'il s'est couché sur le pavé et que c'est là, face contre terre qu'il fut tiré et qu'il fut tué, déjà couché, prêt au tombeau ; tu lui diras que son papa s'était baissé pour l'embrasser et qu'à la main il fut blessé ; tu lui diras, jeune fille, qu'Edouard VALIDE garçon tranquille de vingt six ans, donnait le dos aux assaillants, et qu'à la nuque il fut atteint et que sa tête, de part en part, fut traversée ; tu lui diras que les Français forment ici une gestapo qui assassine dans le dos, au nom de la loi, au nom de la force, au nom de l'ordre, au nom de la France, au nom de l'ordre qui vient de France, Vous trois, amis, dont la police et la gendarmerie ont cru utile et agréable d'ouvrir les tombes à coups de fusils, Vous trois dont les mains étaient vides comme vos poches et votre ventre, Vous trois dont la tête était pleine de tracasseries et de soucis, de manque d'argent et de malheur, Vous trois dont le coeur était plein d'espoir et d'amour, Sachez que votre sang a fécondé le sol de votre ville pour que lèvent des milliers de bras qui sauront un jour honorer votre martyre, dans la paix, dans la raison et dans la liberté. Vos noms rejoignent glorieusement ceux du François de 1900, ceux du Carbet de 48. Et tous ceux qui, pour les mêmes raisons sont les victimes du plus fort et de la trahison. Au nom de l'Edilité de votre ville, au nom de tout un peuple de travailleurs, je m'incline avec piété devant vos trois cercueils et je salue affectueusement vos familles dans la douleur. Puisse votre avenir illuminer nos luttes à venir, qui seront dures, certes - ici, vos bières nous l'indiquent à suffire - mais qui seront nos luttes, assurément, victorieuses. Car, nous sommes tous avec vous trois par votre sang, par notre honneur, liés, pour la raison contre la trahison, dans le courage contre la lâcheté, dans l'amour contre la haine, pour la liberté contre la servilité, pour la fraternité des peuples contre le racisme, pour la paix et le bonheur universels, contre l'égoïsme cruel de quelques-uns. FIERS ET CHERS CAMARADES, ADIEU !
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Le Décret d'abolition de l'esclavage |
|  | Officiellement, la république française à toujours considérée la date du 27 avril 1848, comme étant celle à retenir du jour où, Victor Schœlcher, l’un des principaux abolitionnistes français, signa le décret qui mettra fin aux horreurs de la traite négrière
Victor Schœlcher était le fils d'un fabricant de faïence, d'idées républicaines, qui avait voyagé aux Amériques. Revenu, révolté par la condition des esclaves et l'inhumanité des colons, il en vint, quant à lui, à militer pour l'émancipation immédiate et définitive.
Dès 1831, Victor Schœlcher en tête de l’action des abolitionnistes, affirme que les esclaves sont des hommes donc sont libres de droit. Il propose une libération progressive évitant les vengeances ethniques et permettant aux esclaves d'acquérir l'autonomie économique et intellectuelle. Puis en 1838, participant au concours littéraire organisé par la Société de morale chrétienne, il préconise une libération immédiate sans période transitoire. À la suite de son voyage aux Antilles, en 1840-1841, il dédicace aux planteurs son ouvrage Colonies françaises, abolition immédiate de l'esclavage et propose d'interdire le sucre de canne pour le remplacer par le sucre de betterave.
Le mouvement abolitionniste s'illustre notamment en 1842, ensuite en avril 1847, lors de la campagne de pétitions, de la Société de morale chrétienne qui recueille 11 000 signatures. Et c’est en février 1848, à la chute du roi Louis-Philippe que Schœlcher se fait nommé par François Arago, ministre de la Marine et des Colonies, au poste de Sous-secrétaire d'État chargé des Colonies et des Mesures Relatives à l'Esclavage.
Désigné également Président de la Commission d'Abolition de l'Esclavage, Schœlcher, prendra le décret 4 mars au nom du gouvernement provisoire de la République, qui considère que nulle terre française ne peut plus porter d’esclaves.
Et c’est dès lors, que la Commission préparera l’acte d’émancipation immédiate dans toutes les colonies de la République.
Cette décision, fut un pas considérable vers l’émancipation, pour éradiquer l’odieuse situation des esclaves considérés comme des biens meubles par le Code noir 1685 par l’effroyable monsieur Colbert.
Cependant, il a fallu bien des révoltes d'esclaves dans les colonies, et ce dès le début du XVIe siècle. L’histoire de notre région nous enseigne que la résistance des esclaves s'exprimait souvent par des suicides, des auto-mutilations, ou encore des empoisonnements dans la famille des maîtres, mais surtout par la fuite, ce qu'on appelait le « marronnage ». Les esclaves fugitifs, les « nègres marrons », se réfugiaient dans les montagnes ou les forêts, et furent parfois à même de former des regroupements clandestins, les « quilombos », comme au Surinam hollandais, à Cuba et surtout au Brésil. La république de Palmarès, dans le Nord-Est du Brésil, rassembla jusqu'à 20 ou 25 000 « marrons » et réussit, entourée de ses fortifications, à résister pendant un siècle contre les expéditions portugaises et hollandaises.
En Martinique, lorsque l'espoir d'une abolition à venir se propagea, en avril 1848, le travail se ralentit partout sur les habitations et dans les maisons de maitre, des incidents se multiplièrent, des refus d'obéissance, des manifestations. Des meneurs étaient poursuivis. Et c’est le 22 mai lors de l'arrestation de l'esclave Romain de l'habitation Duchamp que tout se déclencha. C’est cet évènement qui mit le feu aux poudres (il avait refusé de cesser de battre du tambour dans la nuit). Une foule de ses compagnons s'assembla pour le faire libérer. La situation tourna alors à l'insurrection. Les esclaves investirent la ville de Saint-Pierre, dans la nuit du 22 au 23. La maison d'un colon opposé à l'abolition fut incendiée, et les 33 personnes qui s'y étaient réfugiées y laissèrent leur peau. C’est alors que Pierre-Marie Pory-Papy, maire adjoint mulâtre de Saint-Pierre et chargé de la police, fait relâcher le prisonnier Romain. Le conseil municipal inquiet devant les évènements, vote en faveur de Pory-Papy et de l'abolition de l'esclavage.
Le 23 mai 1848, confronté au soulèvement général des esclaves, le Gouverneur Claude Rostoland décrète l'abolition de l'esclavage en Martinique Oui, on a du mal, dans bien des situations d'aujourd'hui, à démêler ce qui sépare la forme d'exploitation moderne, le salariat, ou comme disait Marx, l'esclavage salarié, de l'esclavage. Il reste qu’en 2022, la classe ouvrière est la classe sociale qui peut abolir les privilèges de notre époque si elle utilise son arme de classe : la grève et son organisation dans les lieux où se produisent toutes les richesses de la société. le 29-04-2022
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