MAYOTTE DANS LA TOURMENTE

par | Déc 23, 2024 | Actualités 2024, Éditoriaux 2024

Le samedi 14 décembre 2024, l’ile de Mayotte a été traversée par un ouragan de catégorie 4 selon l’échelle de Saffir-Simpson c’est à dire des vents de 209 à 251 km/h laissant ruine et désolation sur son passage. Notre propos ici est de vous présenter le département et collectivité unique de Mayotte.

Mayotte est une ile de l’archipel des Comores dans l’Océan Indien, à l’entrée du canal du Mozambique, située à 295 km au Nord-Ouest de Madagascar et à 67 km au sud-est d’Anjouan, ile la plus proche appartenant à l’Etat indépendant des Comores. Le département de Mayotte est composé de 3 îles habitées couvertes d’une végétation tropicale et d’une trentaine d’ilots immergés à marée haute.
La superficie de l’ensemble est de 374 km2, le tiers de la superficie de la Martinique, à savoir 363 km2 pour la Grande terre, 11 km2 pour la petite terre et 2 km2 pour le troisième ilot tout au Nord, habité par quelques pêcheurs.

Les activités économiques sont concentrées sur la Grande terre mais l’aéroport international est situé sur la Petite terre distante de 2 km, accessible par barge. La population de Mayotte, très majoritairement de confession musulmane, est évaluée au 1er janvier 2024 à 321 000 habitants. La densité est de 850 habitants au km2. La croissance annuelle de de la population est de 4%. La moyenne d’âge est de 23 ans. Il s’agit d’une population particulièrement jeune.

L’archipel des Comores est constitué de 4 grandes iles dont Mayotte longtemps sous protectorat français. En décembre 1975, la France reconnaît l’indépendance des Comores mais par référendum, Mayotte demande son maintien dans la République française. L’ile de Mayotte est toujours revendiquée par l’Etat des Comores. Depuis le 31 mars 2011, Mayotte est un département français d’outre-mer (le 101ème) défini par l’article 73 de la Constitution. Collectivité territoriale unique (à la fois département et région), Mayotte est aussi une Région Ultrapériphérique (RUP) de l’Union Européenne, ce qui lui permet de bénéficier de fonds européens pour son développement socio-économique et environnemental. Mamoudzou au Nord-Est de l’ile est le chef-lieu du département,

Le climat en zone tropicale humide se compose d’une saison sèche et d’une saison humide. La situation de Mayotte dans l’hémisphère Sud implique une inversion saisonnière qui fait qu’elle entre en ce moment en saison de pluie. L’ouragan Chido qui a traversé l’ile marque en décembre le début de cette saison alors que nous quittons en Martinique la période des cyclones.

L’économie mahoraise se caractérise par la prépondérance du secteur public. Les administrations publiques de Mayotte sont ainsi à l’origine de la moitié de la valeur ajoutée créée sur l’île. L’agriculture génère officiellement 2% des emplois mais avec un fort taux d’emplois non-déclarés. La production agricole est principalement destinée à l’autoconsommation. On dénombre plus de 15000 très petites exploitations sur le modèle traditionnel du jardin mahorais pour des cultures vivrières, ignames, patates douces, manioc, dachine, fruits à pain, des cultures maraichères et des fruits, banane, noix de coco. Mayotte produit également un peu de miel. Mayotte a longtemps été dénommée l’ile aux parfums notamment pour sa production de vanille qui tend à disparaître

L’élevage à Mayotte est peu développé. La production de bovins, d’ovins et de caprins assure 8% des besoins et 10% des produits laitiers qu’elle consomme et seulement 0,8% pour la volaille. Cependant Mayotte est quasi autosuffisante pour la production locale et la consommation d’œufs.
L’absence d’abattoir et de laiterie complique les possibilités d’un meilleur développement et d’une meilleure commercialisation.
La pêche industrielle hauturière est assurée par des bateaux français et espagnols et ne profite pas à la population. La production n’est pas directement commercialisée à Mayotte. La pêche artisanale locale est assurée par des pêcheurs en barque et en pirogue. Ils rapportent principalement des bonites, des poulpes, des dorades. Les ilots immergés sont l’habitat de nombreuses espèces qui peuvent être capturées par nasses. L’aquaculture a connu ses heures de gloire jusqu’en 2011 et a décliné à la suite de la suppression des subventions de l’État et du Département. La pêche assurait jusqu’à 77% de la consommation.

L’industrie est peu développée. Elle occupe 5% de l’effectif salarié global. On relève moins de 500 entreprises enregistrées au Registre de commerce et des sociétés de la Chambre de commerce et d’industrie de Mayotte. L’artisanat représente la majeure partie des entreprises. La chambre des métiers et de l’artisanat y recense près de 3000 entreprises artisanales immatriculées. Les métiers du bâtiment représentent près le la moitié des artisans inscrits et 35% pour les métiers de services. La transformation agro- alimentaire représente 5% de l’activité.

La production d’énergie électrique est assurée par EDM (Electricité de Mayotte) à partir de 2 centrales thermiques au fuel et 74 centrales photovoltaïques couvrant environ 13% des besoins.

Le tissu commercial de Mayotte est très dense, et représente 26,1 % de la richesse crée sur l’île, et10,6 % des effectifs salariés déclarés. On observe trois types de structures : les petits magasins, appelés Doukas, installés au cœur des villages et assurant un service de détail et de proximité ; les Grandes et moyennes surfaces, installées principalement dans l’agglomération urbaine de Mamoudzou ; et les magasins spécialisés, détenus par des groupes familiaux.

L’attrait touristique de Mayotte reste limité à 50 000 visiteurs par an qui logent pour leur grande majorité chez l’habitant et qui proviennent en majorité de France. L’ile dispose de 9 hôtels, 6 résidences de tourisme et 44 gites et chambres d’hôtes. Elle dispose d’un aéroport, qui accueille la plupart des touristes. Les croisiéristes ne représentent quant à eux que 1,5 % du total, en raison de l’absence d’infrastructures d’accueil et des coûts élevés d’escale pour les navires.

Mayotte dispose d’un port en eaux profondes, le port de Longoni, avec deux quais dont le principal peut accueillir des bateaux jusqu’à 215 mètres de long. La plupart des marchandises entrent à Mayotte par le fret maritime. Le port peut recevoir jusqu’à 100 000 conteneurs mais il n’en reçoit réellement que 60 000. Il existe aussi sur le port une activité pétro-gazière assurée par Total et de matériaux de construction en particulier pour les ciments Lafarge. Le fret aérien est très réduit.

Il existe un transport maritime départemental entre Petite et Grande terre, iles distantes de 2 km pour 15 minutes de traversée pour les personnes, les bagages et les véhicules. Deux fois par semaine, la Société Générale de Transport maritime relie l’ile d’Anjouan aux Comores à Mayotte. Les bateaux de croisière accostent rarement (6 en 2016 pour 1 819 passagers au port de Dzaoudzi), ayant connu un fort déclin à partir de 2006 (38 paquebots et 8400 passagers).

Mayotte ne dispose pas de sociétés de transport terrestre mais un service de taxis collectifs existe sur l’île et est régulé par arrêté préfectoral (nombre de licences et tarifs). Le Département assure un service de transport scolaire délégué à des sociétés privées depuis 2015.

Le marché téléphonique de Mayotte est principalement porté par la téléphonie mobile. En 2012, 77 % des individus de 12 ans et plus y disposaient d’au moins un téléphone à titre personnel. L’activité est dominée par la Société mahoraise du radiotéléphone, une filiale du groupe SFR. À l’inverse de la téléphonie mobile, la téléphonie fixe est peu développée à Mayotte : moins de 10 % des ménages en sont équipés contre 72 % en moyenne dans les autres DOM. Le marché, historiquement dominé par Orange a tendance à se réduire.

L’internet haut débit ou très haut débit est aussi très faiblement développé sur le territoire de Mayotte, avec 20 000 abonnements soit 7,9 % de la population. Le taux de couverture reste très faible par rapport aux autres départements d’Outre-mer (entre 18,8 % en Guyane et 34,1 % en Martinique). Six opérateurs se partagent le marché alimenté par le câble sous-marin LION 2 : Orange (en tête du marché), Only, SFR, STOI, Mediaserv et iDOM.

Avec 91 % de ménages équipés d’un téléviseur, la télévision est quant à elle presque aussi présente qu’en France (98 %). Toutefois, 61 % des postes sont encore des postes cathodiques classiques.

La production et la distribution de l’eau potable sur l’ile de Mayotte sont assurées par un syndicat unique, le Syndicat Mixte d’Eau et d’Assainissement de Mayotte (SMEAM). Le SMEAM a confié l’exploitation à la Société Mahoraise des Eaux (SMAE) par un contrat de concession ou délégation de service public. À Mayotte, l’eau utilisée pour la consommation humaine provient de ressources profondes exploitées par des forages et des ressources superficielles comme les rivières qui subissent des périodes d’étiage compensées par les retenues collinaires et le dessalement de l’eau de mer. Les prises d’eau superficielle essentiellement situées dans la partie nord de l’ile représentent 76 % de la ressource d’eau potable et 24 % proviennent de la ressource souterraine des forages.

Comment comprendre une telle dévastation causée par cet ouragan et quels pourraient être les conséquences ?

C’est d’abord l’énergie développée par cet ouragan de force 4 sur une échelle qui en comporte 5. Le phénomène a atteint l’ile de Mayotte de plein fouet avec un œil passant en son centre. Les Antilles ont été frappés historiquement par des phénomènes identiques mais à l’inverse de la population de Mayotte qui n’a pas vu un tel phénomène depuis plus de 80 ans, la récurrence de tels évènements fait que les Antillais gardent en mémoire le risque cyclonique et s’y préparent notamment en ce qui concerne le bâtiment. Le respect des normes para cycloniques rend possible une meilleure préparation. On peut se demander pourquoi les toitures de bâtiments publics ont-ils pu s’envoler alors que les murs ont résisté.

L’habitat informel est très développé à Mayotte. L’ile connaît le plus grand bidonville de France avec plus de 20 000 habitant dénombrés, vivant dans des cases en tôle. A kawéni, dans la périphérie du chef-lieu vivent de nombreux étrangers en situation irrégulière venus des Comores. Ils ont construit des cases de tôle ne pouvant résister aux puissantes rafales de Chido. Tout le quartier est détruit. La reconstruction est en cours pour s’assurer d’un toit pour dormir. Notons que quand ce ne sont pas les éléments naturels qui détruisent, c’est l’administration de l’ile qui le fait avec ses bulldozers.

Aujourd’hui Chido laisse une population démunie, l’eau qui était déjà rare en période normale devient presqu’inexistante en période de crise. Il en va de même pour l’électricité. La production agricole saccagée augmente la dépendance de la population à l’importation. Les conditions sanitaires deviennent déplorables et font craindre des épidémies de choléra, dengue, et peut-être le retour de la typhoïde alors que l’hôpital est lui-même atteint et rencontrerait des difficultés à prodiguer les soins relatifs à un plan blanc.

La reprise d’une vie presque normale mettra du temps. Seule une aide internationale massive devrait permettre la survie de la population de Mayotte

En conclusion
on peut dire que la population de Mayotte paie le prix de la politique de sous investissement, l’indifférence de tous les gouvernements français au sort des plus démunis.
La majorité de la population vivant dans des constructions fragiles ; manque d’eau potable et d’alimentation électrique pour beaucoup ; hôpitaux, écoles en nombre notoirement insuffisant.
Voilà le bilan méprisable de 181 années de présence de la république bourgeoise française dans cette petite île de l’Océan indien.