Les travailleurs de Martinique face au risque cyclonique

par | Juil 13, 2024 | Actualités 2024

De juillet à novembre, les pays de la Caraïbes subissent la traversée de vents violents avec des conséquences désastreuses pour leur économie et la vie de leurs populations. En Martinique les employés et les ouvriers en particulier se retrouvent avec des heures perdues lors des alertes préfectorales, du fait d’arrêt de travail pour intempéries et les dégâts des vents et des pluies les  contraignent parfois  au chômage

 

Qu’est-ce qu’un cyclone ? Comment situer la progression de ces phénomènes sur une carte géographique ? Quelles sont les conséquences sur les relations de travail ?

 

On parle de cyclone pour des phénomènes météorologiques constitués de vents tourbillonnants autour d’un noyau central appelé œil du cyclone. Un cyclone se forme quand la température élevée de l’eau entraîne une forte évaporation et la formation de nuages. Un cyclone a un diamètre de 500 à 1000 km et une durée de vie de 9 jours en moyenne. Il existe plusieurs catégories de cyclones, les dépressions tropicales dont les vents ne dépassent pas 61 km/h, les tempêtes tropicales avec des vents de 62 à 119km/h, les ouragans comprenant des vents de 120 jusqu’à 300km/h selon 5 catégories. Il s’agit de la vitesse des vents tourbillonnants dans le sens contraire des aiguilles d’une montre pour ce qui concerne l’hémisphère Nord. Le cyclone lui-même se déplace assez lentement, 20 à 30 km/h.  Ils sont issus généralement d’une onde tropicale, pluie orageuse avec peu de vent.

 

Les bulletins météorologiques diffusés à l’approche du phénomène permettent de suivre sa progression. Pour repérer un point sur la surface du globe terrestre, on se sert des lignes imaginaires que sont les parallèles et les méridiens, la longitude et la latitude. Ainsi la Martinique est située à 14 degrés, 39 minutes de latitude Nord par rapport à l’équateur et 61 degrés, 54 secondes de longitude Ouest par rapport au méridien de Greenwich situé en Angleterre. Le système GPS des téléphones portables permet de se situer facilement. Lorsqu’on obtient la position d’un cyclone par les bulletins météorologiques, on peut évaluer sa distance par rapport à la Martinique en reportant les données sur une planisphère (carte plane du globe terrestre) sachant que quand on est proche de l’équateur la distance entre 2 degrés est de 100km. Généralement, tant qu’un cyclone est au Sud-Ouest de la Martinique, Sainte Lucie et plus au Sud, il risque de nous intéresser puisqu’il se déplace le plus souvent vers le Nord-Ouest. Au-dessus 15° de latitude Nord nous ne sommes plus concernés.

 

Il convient de faire ici un bref historique des cyclones en Martinique depuis l’année où on leur a accordé un nom.  Depuis 1950, c’est l’Organisation mondiale de la météorologie (OMM) qui choisit les noms des cyclones à partir d’une liste alphabétique préétablie. Ils sont alternativement masculins et féminins et d’origine anglaise, espagnole et française. Lorsqu’un cyclone est particulièrement dévastateur et meurtrier, son nom est retiré de la liste et remplacé par un nouveau. Tous les 6 ans, on reprend la liste ancienne. Dog est le premier cyclone nommé ayant intéressé la Martinique en 1951. Les autres phénomènes les plus violents historiquement connus sont Edith 25 septembre 1963, Beulah 7 et 8 septembre 1967, Dorothy 21 août 1970, David 29 août 1979, Allen 5 août 1980, Marilyn 11 et 12 septembre 1995, Dean 17 août 2007, Mathew 29 septembre 2016. Le réchauffement climatique fait planer un risque d’augmentation de la fréquence et de l’intensité de ces phénomènes. Béryl le 27 juin 2024 en est une illustration. Les prévisions météorologiques annoncent 23 phénomènes nommés dont 12 ouragans pour 2024.

 

Pluies orageuses, vent violent, inondations produisent des dégâts sur les infrastructures, les plantations, les chantiers. A l’approche des phénomènes, la préfecture, responsable de la sécurité, déclenche des alertes graduelles adoptant un code couleur selon le niveau de dangerosité, vigilance vert, jaune, orange, rouge, violet et gris. Le gris marque la fin de l’alerte. Il convient de décoder chacune de ces couleurs et de suivre les conduites à tenir pour se préserver du pire.

 

Les fermetures des différents services publics dès la vigilance orange, perturbent la vie sociale et économique du pays. La plupart des salariés sont appelés à rester chez eux ou sont réquisitionnés. Les dégâts, principalement dans l’agriculture entrainent des périodes de chômage assez longues. La nécessité de réparer ou de reconstruire rapidement change les règles habituelles du droit du travail.

 

Selon le code du travail, article L3121-50, les heures doivent être récupérées en raison d’une interruption collective du travail résultant nécessairement d’intempéries ou de cas de force. Ainsi, lorsque la préfecture oblige les salariés à rester chez eux, Ils ne sont pas payés ou sinon ils doivent les heures à l’entreprise sauf convention collective plus favorable. Les conventions collectives en usage en Martinique n’ont pas abouti au paiement des heures perdues. C’est un combat à mener. Dans le BTP, une caisse intempérie abondée par les employeurs devrait exister. Elle existe ailleurs mais pas chez-nous. L’agriculture et le commerce sont dans la même situation. E n général, la question se règle par des jours de congés remis par les salariés. Ce système est particulièrement injuste car les salariés ne sont pas responsables de cette absence d’activité et leurs employeurs sont dédommagés pour leurs pertes par leurs assurances et parfois par des subventions publiques.

 

La mise en place des heures de récupération, à défaut de prendre sur ses congés, se fait sur décision de l’employeur après avis de l’inspecteur du travail. Elle doit avoir lieu dans les 12 mois qui suivent l’événement. Les heures de récupération ne peuvent augmenter la durée du travail de plus d’une heure par jour ni de plus de 8 heures par semaine. Les heures reportées ne sont pas des heures supplémentaires.

 

Les salariés de certaines professions peuvent être réquisitionnés pendant et après l’événement : La police, les secours, les personnels de santé, les agents d’EDF, le service des eaux. Ils doivent veiller à assurer tant qu’ils le peuvent la relève de leurs collègues.

 

La durée quotidienne du travail est fixée à 10 heures maximum, pouvant aller jusqu’à 12 heures avec autorisation de l’inspecteur du travail, dans des circonstances particulières. La durée hebdomadaire peut aller jusqu’à 48 heures. Il s’agit, bien entendu d’heures supplémentaires au-delà de 35 heures. En toutes circonstances, le salarié doit bénéficier d’au moins 11 heures entre le moment où il quitte l’entreprise et il reprend le travail. Un repos hebdomadaire minimal de 24 heures consécutives auquel s’ajoute les 11 heures quotidiennes doit être maintenu. L’objectif est de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la pose d’un repos suffisant.  Le dépassement de durée maximale de travail prive le salarié d’un tel repos et lui cause, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu’il est porté  ainsi atteinte à sa sécurité et à sa santé. Ceci a été confirmé par la Cour de cassation.

 

En conséquence, la réparation des dégâts d’un cyclone doit faire appel au renforcement des équipes y travaillant par l’embauche de nouveaux salariés plutôt que d’user ceux qui ont eu à subir un tel événement, d’autant qu’ils sont déjà confrontés chez eux aux mêmes difficultés de remise en état.